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Petite présentation sur la dernière partie du franquisme (1959-1975)

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"Desarrollismo" et agonie de la dictature franquiste (1959-1975)

“Le remaniement ministériel de 1957, avec l'arrivée des “technocrates” de l'Opus Dei, ouvre une nouvelle période de la dictature franquiste. (…) à défaut d'être légitime le régime aura désormais la prétention d'être légal. L'État franquiste évolue ainsi vers une administration plus efficace et rationnelle. Plusieurs lois sont proclamées pour y parvenir, transformant l'appareil de l'État en une machine administrative efficace et réduisant l'intervention de celui-ci dans le domaine économique. C'est dans ce dernier domaine que se produisent les transformations les plus spectaculaires.”

Suite au succès de la campagne "Spain is different" (1962), cette affiche du Mouvement Chrétien pour la Paix -publiée en 1974- rappelle la situation politique de la dictature, une fois l'Espagne devient le principal destin touristique de l'Europe occidentale.

En 1966, une nouvelle loi remplace celle de 1938, la loi Fraga (du nom du ministre de l’Information, Fraga Iribarne). La censure préalable est remplacée par une censure « volontaire », c’est-à-dire que c’est à l’écrivain, à l’éditeur ou au directeur de publication de prendre la responsabilité de ne publier que des textes en conformité avec les critères moraux, politiques et religieux qui restent en vigueur. Cela va entraîner chez certains une autocensure encore plus sévère que la censure officielle mais d’autres vont tenter de défier cette loi, au risque de subir des amendes ou des saisies et suspensions en ce qui concerne les journaux. Le premier ministre d'un gouvernement franquiste est Fraga, en décembre 1965, en train de présenter la nouvelle loi de presse, sur la couverture du magazine La Codorniz.

L'accident nucléaire de Palomares, survenu le 17 janvier 1966, est la conséquence d'une collision entre un Boeing B-52G et un autre avion de l’US Air Force, au cours d'un ravitaillement en vol. L'accident se produit à 9450 mètres d'altitude au-dessus de la Méditerranée, au large des côtes espagnoles, à proximité du village de Palomares (province d'Alméria). Lors de cet accident, les deux avions sont détruits, faisant sept morts parmi leurs équipages. Sur les quatre bombes H que transportaient le bombardier, deux sont détruites lors de leur impact au sol —sans explosion nucléaire mais avec dispersion de matière radioactive— sur la côte, près de Palomares, une dont le parachute de secours s'est déployé est récupérée intacte. Une autre, tombée en mer, ne sera récupérée qu'après d'intenses recherches près de trois mois plus tard. Une partie de la côte d’Almería est aujourd'hui toujours inconstructible, car contaminée. Pour tenter de sauver la saison touristique, les autorités organisent une vaste campagne de communication: sous l'œil d'une vingtaine de caméras du monde entier et d'une nuée de photographes, l’ambassadeur américain Duke invite plusieurs ministres espagnols dont Manuel Fraga à se baigner en mer, pour prouver qu’il n’y a aucun danger radioactif. Mais, prudemment, ils ont choisi une plage située à 15 kilomètres du lieu d’impact des bombes.

En 1963, Picasso dédie un dessin aux mobilisations des miniers des Asturies, protagonistes en 1962 de "la huelgona", début des protestations répandues par d'autres zones industrielles espagnoles. Dans la base des revendications il y avait la demande d'améliorer les salaires. Une nouvelle génération de cadres politiques et syndicaux s'adhére, après le "printemps des Asturies", à la lutte antifranquiste. Des intellectuels charismatiques comme Ramón Menéndez Pidal ont signé en faveur des miniers des Asturies. Et Jorge Semprún écrivait: «Avant-garde s'appelle Asturies. Et tout le monde le comprend».

L'écrivain Dionisio Ridruejo, qui réfléchit sur l'exécution du dirigeant communiste Julián Grimau, était à vingt ans un des disciples de José Antonio Primo de Rivera, et il fut un temps chef de la propagande de la Phalange. En 1942 des frictions l'opposent au régime, il est démis de son poste et s'engage dans la Division bleue. Après les troubles estudiantins de 1958 il est arrêté huit jours pour propagande subversive. Ridruejo passe ensuite à l'opposition ouverte et travaille à la formation d'un parti "social d'action démocratique". Arrêté en 1957, remis en liberté provisoire, il participe en 1962 à la réunion du Congrès européen à Munich, et choisit de s'exiler en France lorsqu'il apprend les mesures d'assignation à résidence prises contre les principaux congressistes espagnols. Cet article sur le journal Le Monde sert à critiquer la dictature, d'après fusiller le 20 avril 1963 à Madrid Julián Grimau, dirigeant du Parti communiste d'Espagne, ancien fonctionnaire du gouvernement républicain.

Le Tribunal spécial pour la répression de la maçonnerie et du communisme était un tribunal basé sur la “loi de Répression de la Maçonnerie et du Communisme”, du premier mars 1940. Cette loi et ce tribunal restent en vigueur jusqu’en 1963 qui voit la création du Tribunal de l’ordre public. La mission du TOP était la répression des comportements considérés comme délits politiques, qui étaient compétence de la juridiction militaire jusqu’en 1963. Les délits politiques les plus graves, comme ceux de terrorisme, restaient sous la juridiction militaire. Ce tribunal était supprimé en 1977, au moment de la transition démocratique. Le TOP a jugé presque 10.000 accusés, dont 74% condamnés. On arrivait à être jugé là d’après les dénonces de la BPS (“Brigada Politico-Social”), qui pratiquait des arrestations. On surveillait également les manifestations et les grèves.

1968. Ce chiffre évoque une période d’agitation sociale dans plusieurs régions du monde : Printemps de Prague en Tchécoslovaquie, étouffé par l’Union soviétique; Mai 68 en France; révolte étudiante au Mexique écrasée dans le sang à Tlatelolco; mouvement des droits civiques ponctué d’émeutes raciales aux États-Unis, etc. Un peu partout, les étudiants sont à l’avant-scène à l’occasion de ces événements. D’ailleurs, un jeune étudiant d’économie à l’Université de Barcelone, Lluís Llach, termine la composition et l’écriture d’une chanson qui allait être élevée en hymne de contestation sociale dans une Catalogne soumise à la dictature franquiste depuis près de trente ans. Cette chanson, intitulée L’estaca (Le pieu1), raconte une conversation entre un jeune homme – Llach – et un grand-père nommé Siset, inspiré d’une connaissance de l’auteur. Les deux personnages discutent de la façon de faire tomber un pieu, métaphore de l’oppression sous diverses formes. Les paroles de la chanson, en particulier le refrain, sont en quelque sorte un appel à tous pour faire tomber le régime du général Francisco Franco, ce pieu auquel le peuple est enchaîné : Si estirem tots ella caurà [Si nous tirons tous il tombera].

L'organisation terroriste ETA, née en 1959, lutte au début contre la dictature franquiste -avec une idéologie de gauche radicale- et, après le premier assassinat pratiqué en 1968, fait un grand coup en 1973, avec l'attentat contre l'amiral Carrero Blanco. En 1977, mise en place la loi d'amnistie, ETA politico-militaire abandonne les armes et s'intégre dans la vie politique, pendant qu'ETA militaire continue la lutte armée et l'année de 1980 devient la plus sanglante de l'histoire récente. Les années 1980 voient aussi la naissance du GAL, groupe terroriste qui combat l'ETA; en 1987 a lieu le plus gros attentat attribué à l'organisation básque. Le rejet populaire après l'assassinat du conseiller Miguel Ángel Blanco (1997) et le soutien de l'organisation à la "kale borroka" provoquent un isolement progressif d'ETA, qui proclame plusieurs cessez-le-feu avant l'abandon définitif de la lutte armée en 2018.

Les forces de l’opposition- toutes sauf le PSOE, conscient que toute l’opération tourne autour du PCE en tant que seule force politique d’opposition pleinement organisée- s’unissent le 30 juin 1974, afin de renverser la dictature dans la Junta Democrática de España (JDE), premier effort commun en faveur de la démocratie. Le Programme de la JDE rédigé par Santiago Carrillo, noyau dur de ce bloc d’opposition antifranquiste, s’articule sur douze points qui résument et proposent une alternative démocratique au pouvoir dictatorial de Franco: 1) La formation d’un gouvernement démocratique provisoire afin d’octroyer à tous les Espagnols une pleine citoyenneté moyennant la reconnaissance de leurs libertés, de leurs droits et devoirs démocratiques; 2) L’amnistie politique absolue pour des faits de nature politique et/ou syndicale; 3) La légalisation de tous les partis politiques sans exclusions; 4) La liberté syndicale; 5) La reconnaissance et l’octroi immédiat des droits de grève, de réunion, d’association et manifestation; 6) La liberté de presse; 7) L’indépendance judiciaire; 8) La séparation État/Eglise; 9) La reconnaissance des personnalités historiques et propres des peuples catalan, basque et galicien et de la personnalité politique des communautés régionales; 10) L’organisation d’élections politiques au suffrage universel, direct et secret pour le choix de la forme définitive de gouvernement de l’État espagnol; 11) La neutralité politique des Forces Armées; 12) La pleine intégration de l’Espagne au sein de la CEE. Le point fort de la JDE est sans aucun doute celui de fournir au peuple espagnol, après 35 años de paz (tel était le nom de la campagne propagandiste du régime organisée pour célébrer la paix du travail et le boom économique des années 60), une alternative au pouvoir absolu de Franco qui garantisse l’instauration définitive d’un système démocratique; son point faible est qu’elle n’arrive pas à se transformer en élément agglutinant de toute l’opposition car les sociaux-démocrates, les démocrates-chrétiens et surtout les socialistes refusent d’y adhérer.

Le Procès 1001/72, du Tribunal d’Ordre Public (TOP), institution spécialisée dans la répression des délits politiques durant la phase finale du franquisme, eut lieu en Espagne, en 1973. Il se solda par la condamnation de toute la direction du syndicat Commissions Ouvrières. Un an auparavant, le 24 juin 1972, la direction des CC.OO., syndicat illégal et principal opposant à la dictature dans le milieu ouvrier, fut arrêtée au couvent de Los Oblatos de Pozuelo de Alarcón (Madrid), où elle s’était réunie.

Salvador Puig i Antich (1948-1974), était un anarchiste catalan, membre actif du MIL (Mouvement Ibérique de Libération), au début des années 1970. Il participe à des actions armées en 1972-1973 avec ce groupe. Le 25 septembre 1973, il est arrêté, jugé et condamné par un tribunal militaire pour le meurtre à Barcelone d’un membre de la garde civile. Son exécution, le 2 mars 1974, à la prison Model de Barcelone, est la dernière effectuée en Espagne (et dans le monde) par strangulation (“garrote vil”), à l’aide d’un garrot. En 2006, le film “Salvador”, réalisé par Manuel Huerga, relate la vie de Salvador Puig i Antich depuis sa période d’activité au sein du MIL jusqu’à son exécution.

Le Sahara occidental devient une colonie espagnole dès la fin du XIXe siècle. C'est un territoire désertique de deux cents soixante-six mille kilomètres carrés, peuplé par des tribus nomades, qui a des frontières communes avec le Maroc, l'Algérie et la Mauritanie. Il a toujours été revendiqué par le Maroc. Le 16 octobre 1975, la Cour internationale de justice de La Haye reconnaît les liens juridiques d'allégeance du Sahara occidental avec le Maroc et la Mauritanie. Le roi Hassan II du Maroc décide alors de passer à l'action et demande au peuple marocain de "marcher comme un seul homme" vers les provinces du Sud pour les libérer. Cet appel déclenche une immense ferveur populaire et c'est plus de cinq cents mille Marocains qui affluent à Tarfaya près de la frontière du Sahara occidental. Un système de tirage au sort désignera alors trois cents cinquante mille civils pour organiser une Marche verte pacifique et franchir la frontière des territoires occupés. Les volontaires brandissent le drapeau marocain et le Coran pour marquer leur revendication territoriale. L'événement marque les esprits, on parle d'un coup de génie politique de la part du roi Hassan II. L'Espagne signe les accords de Madrid et le territoire est partagé entre le Maroc et la Mauritanie. Le retrait des troupes espagnoles a lieu entre 1975 et 1976. Mais la même année, le Front Polisario, qui lutte pour l'indépendance du Sahara, proclame la République arabe sahraoui démocratique (RASD), avec le soutien de l'Algérie. C'est le début de la longue guerre du Sahara occidental.

Sur le principal axe routier reliant la grande ville du nord du Sahara occidental, El-Ayoun, à Dakhla, à plus de cinq cents kilomètres au sud, on ne compte plus les camions qui transportent poulpes et poissons blancs. La région totalise mille deux cents kilomètres de côte, et ses eaux sont parmi les plus poissonneuses du monde. Selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) du Maroc, le secteur de la pêche représente soixante-quatorze mille emplois, auxquels il faut ajouter une importante activité non déclarée. Pesant à elle seule 17 % du produit intérieur brut (PIB) de ce territoire, 31 % des emplois locaux et 78 % des captures marocaines, la pêche des «provinces du Sud » — comme on appelle officiellement au Maroc le Sahara occidental — génère une richesse immense. Le Royaume se l’est appropriée en 1975, en même temps qu’il annexait ce territoire considéré comme « non autonome » depuis le vote de la résolution 2072 à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1965.