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Élaboré par: Communauté Solidaire et Participative en Intervention (CSPI-TRACES);Rédigé par: Martine Fourcand, sociologue, artiste-peintre, consultante;Mis en ligne par: Delphine Mas, coordonnatrice des communications (TCRI).

Guide pratique en intervention auprès des femmes ayant un parcours migratoire

Crédits Avant-propos Présentation du guide Chapitre I: Intervenir auprès des femmes immigrantes et en recherche de refuge A- Les grandes étapes de la démarche 1. Établir les conditions de la communication et de l’intervention 2. Recevoir la bénéficiaire: outils essentiels et pratiques d’accueil3. Définir et mettre en œuvre une stratégie d’intervention4. Référer la bénéficiaire dans un contexte de carence des ressources5. Accompagner la bénéficiaire B. Intervenir auprès d’une femme victime de trauma, de violences ou en situation de crise 1. Identifier les situations de victimisation et les risques de revictimisation2. Intervenir auprès d’une femme victime de traumas3. Intervenir auprès d’une femme victime de violence 4. Intervenir auprès d’une femme en situation de criseChapitre II: Être intervenante, construire et avancer A- Prendre soin de soi pour pouvoir prendre soin des autres 1. Prendre soin de soi physiquement, mentalement et spirituellement2. Prendre actionB- Améliorer son cadre et ses conditions de travail 1. Évaluer son cadre et ses conditions de travail2. Améliorer son cadre et ses conditions de travailC- Renforcer ses propres capacités 1. Formations initiales, complémentaires et continues2. Innover3. Améliorer l’efficacité et l’efficience de nos interventions: la force de l’équipe4. Nous renforcer collectivement et amplifier notre voixConclusion

Sommaire

Copyright TCRICe guide pratique de l’intervenante a été réalisé par la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), avec un financement du ministère. La reproduction totale ou partielle de ce document est autorisée, à la condition que la source soit mentionnée.Pour citer ce document, mentionnez : TCRI (2023) guide pratique de l’intervenante auprès des femmes ayant un parcours d’immigration au Québec. Pour de plus amples renseignements, contactez:Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)518, rue Beaubien Est Montréal (Québec) H2S 1S5Téléphone: 514 272-6060 Courriel: info@tcri.qc.ca

Financé par

Conception du format, rédaction et visuelMartine Fourcand, sociologue, artiste-peintre, consultante

Élaboration du contenuBénigne Kangaj, intervenante sociale Chantal Cloutier, Intervenante sociale Josianne Campeau, Intervenante sociale Khady Mwaku, intervenante sociale Maria Diaz, Intervenante sociale Marie-Évangeline Pouyer-Crosthwait, inf. B.Sc. Maud Morel, intervenante sociale Olga Lucia Ruiz Martinez, travailleuse sociale Sara Todd, travailleuse sociale Relecture et correctionEstelle GravelÉlodie CombesFrançois Loza-RodriguezBilkis VissandjeeMarie-Christine R. GravelNora HocianatCoordinationSaadatou Abdoulkarim, coordinatrice du projet TRACES

Remerciements à toutes les personnes ayant contribué à la réalisation du présent guide.

Crédits

*Nous utiliserons l’acronyme FPM pour « femmes avec un parcours migratoire sans discrimination de statut de résidence ».

Ce guide est un outil destiné à toutes les intervenantes auprès des FPM*, avec une attention particulière pour les femmes ayant subi des violences et des traumas. Il vise à faciliter le travail des intervenantes, quelle que soit leur formation, spécialisation et le type d’organisme auquel elles sont attachées, travail qui se réalise en contexte transculturel, souvent dans des conditions rendues difficiles par le manque de temps, de ressources, et une carence chronique de services adaptés rendant le référencement difficile. Les recommandations qui figurent dans ce guide sont donc amenées dans une approche de dialogue et visent à favoriser la mutualisation des bonnes pratiques. Notez qu’il contient des éléments interactifs qui vous réfèrent à des ressources externes pour vous aider dans votre approche en intervention.

Présentation du guide

Les FPM sont à risque d'être exposées à un ensemble de violences genrées tout au cours de leur trajectoire pré-péri et post migratoire. La revue de littérature effectuée par TRACES souligne l’absence de documentation relative à l’impact de ces violences sur les processus d’intégration en terre d’accueil, et sur les moyens à mettre en œuvre pour leur assurer un accompagnement et des services adaptés à leurs besoins. Pourtant, les recherches sur les traumas et les conséquences de la violence sur les fonctions neuropsychologiques démontrent leur impact très concret sur la santé et les capacités d’adaptation des personnes qui en sont affectées. Dans ces conditions, et confrontées aux obstacles structurels de leur établissement au Québec, les FPM sont à risque d’une revictimisation en terre d’accueil. La violence fondée sur le sexe prend de nombreuses formes (physique, économique, sexuelle, psychologique, maltraitance émotionnelle, etc.). Elle s’appuie sur les normes de genre et une dynamique du pouvoir exercée à l’encontre d’une personne en raison de son genre, de son expression de genre, de son identité de genre ou de son genre perçu. Les violences genrées ne se limitent pas à des actes posés dans le cadre de relations interindividuelles, elles sont les conséquences de rapports sociaux inégalitaires systémiques et intersectionnels (genre/race/classe etc.). Ces violences sont d’un potentiel traumatique et portent un risque de revictimisation qui peut affecter gravement certaines femmes dans leur processus d’insertion au Québec. Dans le cadre du projet, une étude exploratoire a été réalisée afin de documenter le vécu des FPM pour identifier les expériences de traumas liés aux violences genrées en contexte d’immigration, d’identifier les obstacles et les leviers pour un meilleur accompagnement ainsi que les facteurs de résilience. L'étude a également documenté les pratiques, les besoins et les défis des différents acteurs en matière de services adaptés, dans la perspective de combler les manques. Des entrevues ont aussi été réalisées avec des intervenantes et des FPM. Cette démarche a permis de poser les bases du travail de co-construction et d'adaptation avec des intervenantes. Les résultats préliminaires ont été présentés lors de focus groups auprès des intervenantes et des FPM pour validation. Cette démarche a permis de poser les bases du travail de co-construction et d’adaptation des outils et pratiques d'intervention.

  • Acquis et forces des intervenantes: savoirs expérientiels, savoirs personnels, savoirs théoriques (savoir, savoir faire, savoir-être);
  • Défis et réalités de l'intervention: poids de la charge de travail, complexité des demandes et des besoins, défis des rapports de pouvoir, sentiment d’impuissance;
  • Besoins pour l’intervention: espace et temps, évaluation de l’intervention, formation spécifique en santé mentale et en trauma etc., connaissance clinique, connaissance des réalités des FPM;
  • Violences-trauma: dévoilement, formes de violences, insuffisance de ressource clinique, non prise en compte des besoins intersectionnels, outils spécifiques, effets de la pandémie sur l'intervention et sur les FPM;
  • Outils et pratiques: accueil, évaluation, écoute, stratégies, observation, communication, techniques, ressources disponibles, adaptation, coopération, sensibilisation, autoformation, accompagnement personnalisé;
  • Recommandations et pistes de solutions: réseau, plateforme de partage, formations, appropriation des acquis, espace pour les femmes, liens, échange avec les femmes;

Thématiques abordées dans le guide

Pour accéder à l’étude exploratoire du projet TRACES, cliquez-ici.

Avant-propos

La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) est un regroupement de plus de 150 organismes voués à la défense des droits et au soutien des personnes immigrantes et en recherche de refuge dans leur parcours d’immigration, d’établissement et d’intégration au Québec. Suite aux constats de l’insuffisance de documentation et de prise en charge du potentiel de traumatismes résultant des facteurs de stress multiples qui affectent les femmes dans ce parcours migratoire, la TCRI a obtenu un financement du ministère Femmes et Égalité des genres Canada, dans le cadre de l’« Appel à projet – La violence fondée sur le sexe: Pratiques prometteuses pour aider les personnes survivantes et leur famille » lancé en 2019. Le projet TRACES: « La violence fondée sur le sexe (VFS) vécue en contexte pré et péri-migratoire: les impacts sur le parcours et l'adaptation des femmes immigrées et réfugiées installées au Québec » a été mis en œuvre de 2019 à 2023.TRACES signifie: Trajectoire de Refuge et d’ACcueil des femmes ayant un parcours d'immigration au Québec, En Solidarité. Ce projet vise une amélioration de l’accès et de l’adaptation de l’intervention et des services aux réalités des femmes avec un parcours migratoire sans discrimination de statut de résidence (FPM) en tenant compte du fait que chaque statut définit des réalités spécifiques. Cette amélioration doit se baser sur une meilleure connaissance des impacts des violences genrées qui affectent les femmes, des risques de revictimisation et de trauma dans leur parcours pré, péri et post migratoire. Les approches théoriques qui guident notre travail sont les approches critiques orientées vers la transformation sociale, la réalisation de valeurs et pratiques de justice sociale, notamment l’approche féministe matérialiste et intersectionnelle, l'approche des droits humains et l'approche interculturelle tenant compte des rapports de pouvoir. Nous privilégions une approche multidimensionnelle, multidisciplinaire, systémique, participative et coopérative inspirée de la recherche-action. Les activités de TRACES sont des lieux de mobilisation, de développement de contenu, de validation, de suivi et d’évaluation des modèles de pratiques qui sont testés, adaptés et bonifiés. Dans cette perspective participative, TRACES a mis en place un dispositif de travail coopératif avec les intervenantes et intervenants sous forme de communauté intersectorielle et solidaire de co-construction et d’adaptation des outils et pratiques. Les réponses aux besoins identifiés par l'étude exploratoire se sont appuyées sur les savoirs et expertises terrain développés au sein des organismes communautaires pour adapter des outils et pratiques d’intervention adaptés aux réalités et besoins des FPM. Le présent guide est le produit de cette démarche. TRACES vise également le renforcement du tissu organisationnel à travers la constitution d’un réseau-TRACES destiné à pérenniser les acquis du projet en créant un lien durable entre les professionnel.le.s en première ligne de l'accueil et des services aux FPM. Pour vous informer sur les activités de TRACES et les opportunités de coopération, nous vous invitons à cliquer ici.

La communauté des intervenantes qui a travaillé sur ce guide compte une douzaine de membres. À date, elle est composée de: Bénigne Kangaj, Chantal Cloutier, Josianne Campeau, Khady Mwaku, Maria Diaz, Marie-Évangeline Pouyer-Crosthwait, Maud Morel, Olga Lucia Ruiz Martinez, Sara Todd.

La communauté des intervenantes est une réponse du projet-TRACES, au besoin de créer du lien entre elles en proposant un espace d'échange et de réflexion (depuis le contexte de la pandemie COVID-19), et de valoriser les savoirs terrain qu'elles déploient au quotidien pour réaliser leur travail.Cet espace d'échange a permis la tenue de rencontres bimensuelles, de mai 2022 à juin 2023, pour échanger et réfléchir sur les pratiques à développer afin de répondre aux besoins identifiés par l'étude exploratoire. Le contenu rassemblé a été mis sous forme du présent guide pratique et évolutif, dont l'objectif est d'accompagner le quotidien de l'intervenante. Le contenu du guide rassemblé, la communauté de coconstruction a poursuivi ses activités sous forme de communauté solidaire et participative en intervention auprès des FPM (CSPI-TRACES). Dans ce cadre coopératif inspiré de l'approche du co-développement, les membres partagent des connaissances, des pratiques, se soutiennent mutuellement et contribuent de diverses manières à l'amélioration des services aux FPM.

Communauté solidaire et participative en intervention auprès des FPM (CSPI-TRACES)

Pour mieux cerner ces enjeux, une formation vous est offerte gratuitement par Femmes Autochtones du Québec Inc. Cliquez-ici pour accéder à leur site web.

Reconnaissance des enjeux coloniaux affectant les femmes Autochtones et des Premières Nations

« Le rapport final de l’Enquête nationale révèle que les violations persistantes et délibérées des droits de la personne et des droits des Autochtones, et les abus qui en découlent sont à l’origine des taux effarants de violence envers les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones. Le rapport en deux volumes appelle à des changements en profondeur sur les plans juridique et social afin de mettre un terme à la tragédie qui a dévasté les communautés autochtones partout au pays. Le rapport de l’Enquête nationale renferme les vérités propres de plus de 2 380 membres de famille, survivantes de la violence, experts et Gardiens du savoir, présentées durant une période de plus de deux ans dans le cadre d’audiences publiques et de processus de consignation de la vérité tenus d’un bout à l’autre du pays. Il contient 231 appels à la justice distincts s’adressant aux gouvernements, aux institutions, aux fournisseurs de services sociaux, à l’industrie, et à l’ensemble des Canadiens et Canadiennes. Comme l’indique le rapport final, les témoignages des membres de famille et des survivantes de la violence ont fait état d’un contexte marqué par les traumatismes multigénérationnels et intergénérationnels et par la marginalisation sous forme de pauvreté, de logement précaire ou d’itinérance et d’obstacles à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé et au soutien culturel. Les experts et les Gardiens du savoir ont parlé des politiques coloniales et patriarcales qui ont éloigné les femmes de leur rôle traditionnel dans les communautés et au sein de la gouvernance et diminué leur statut social, les rendant ainsi vulnérables à la violence ».

En solidarité avec les femmes Autochtones et des Premières Nations, nous vous invitons à lire: « Réclamer notre pouvoir et notre place: le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ».

  • « La colonialité du genre », Maria Lugones;
  • « Avec ou sans race », Colette Guillaumin.
  • « Une guerre pour les femmes afghanes? », Christine Delphy.

Cliquez-ici pour accéder à nos recommandations de lecture:

Pour comprendre le background des FPM dans le parcours pré-péri et post migratoire, il est nécessaire de prendre la mesure de certaines conditions globales qui participent à la production des migrations internationales, comme l'exemple des guerres coloniales et impérialistes: « L’action des puissances occidentales dans le monde non occidental s’appuie sur des opinions publiques dont la vision de ce monde n’a guère changé en profondeur depuis la fin de la colonisation. La croyance en la supériorité de l’Occident est intacte. Ce racisme plus ou moins affirmé s’allie aujourd’hui à une compassion de type paternaliste; leur combinaison produit une idéologie potentiellement très dangereuse pour les non-Occidentaux et plus largement pour les peuples et les groupes dominés (...) Les mots ont changé: mais il n’est pas difficile de reconnaître sous le nouveau vocable du « devoir d’ingérence » la vieille mission civilisatrice, toujours aussi meurtrière, car elle incorpore le paradoxe du missionnaire: « On sauvera leurs âmes (leur liberté) même s’il faut les tuer pour cela. » » Delphy, C. (2002).

Reconnaissance des enjeux structurels intersectionnels relatifs aux rapports sociaux de pouvoir

Les femmes occupent globalement une place de minoritaire social du fait des rapports inégalitaires de genre, imbriqués à d'autres rapports de pouvoir selon les contextes et leur position sociale intersectionnelle. Cet état de fait les met en situation de subir des violences mulidimentionnelles. Au Québec, les femmes ayant une expérience d'immigration, principalement parmi celles qui viennent du Sud global sont affectées par l'intersection genre/race/classe etc. En effet, les conditions dans lesquelles elles arrivent et s'installent (politiques et programmes d'immigration, lois discriminatoires, précarisation etc.) les vulnérabilisent dans les contextes historiques et contemporains encore marqués par le colonialisme et le néololonialisme, y compris leur impact sur les inégalités de genre.

  • https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2005-2-page-51.htm

Sources:

  • https://www.erudit.org/fr/revues/rf/2015-v28-n2-rf02280/1034173ar/

Intersectionnalité

L'intersectionnalité est une grille d'analyse critique des rapports sociaux de pouvoirs qui affectent les personnes selon leur position spécifique (individuelle et collective) historiquement construite dans une société. Cette approche a été développée par les feministes noires des États-Unis, à partir de l'analyse des expériences d'oppression subies par les Noir.e.s depuis l'instauration du système esclavagiste. Cette perspective d'analyse se retrouve aussi chez plusieurs groupes opprimés et met en évidence les impacts simultanés de plusieurs rapports de pouvoirs, sans que le terme intersectionnalité soit nommé. Une approche intersectionnelle consiste à tenir compte de cette réalité pour proposer des solutions adaptées et agir dans le sens d'une plus de justice sociale.

Les femmes ayant un parcours d'immigration au Québec et partout ailleurs font souvent face à des violences multidimensionnelles et multiformes (violences genrées, violences raciales, violences sociales etc.) qui découlent des rapports sociaux de pouvoir à l'intersection desquelles elles sont placées. Le projet TRACES vise à favoriser un accompagnement des FPM qui renforce leurs stratégies de vie face à ces types de violences dans leur installation au Québec. Son approche s’inscrit dans la voie tracée par la TCRI depuis plus de 40 ans, celle de la défense des droits des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut à une citoyenneté pleine et entière au sein de la société québécoise.

Être une femme ayant un parcours migratoire

Mieux considérer les réalités des femmes ayant un parcours migratoire pour soutenir leur capacité d’agir

A - Les grandes étapes de la démarche

Les FPM ont connu une grande diversité d’expériences. Jeunes ou âgées, de diverses origines ethniques, sociales, culturelles, linguistiques, de diverses orientations sexuelles, elles peuvent avoir vécu et vivre encore des traumas, des violences et subir les effets de différents types de discrimination systémique (homophobie, racisme, sexisme, agisme, à l’état de santé, au handicap, notamment). Parfois, elles ou des membres de leur maisonnée vivent des problèmes de santé physique et mentale. Certaines femmes rencontrent des difficultés d’accès aux biens et services les plus essentiels, et la faim est une de leurs réalités vécues. Elles assument des responsabilités et subissent parfois des pressions familiales. Quand elles sont victimes de violence conjugale, elles sont confrontées à l’insécurité existentielle créée par les limites fixées pour la durée de l’hébergement en maisons pour femmes victimes de violence alors que leur autonomisation est rendue plus difficile par les barrières linguistiques, le manque de services d’interprétariat et les longs délais pour l’obtention d’un statut migratoire leur permettant de travailler. Quand il leur est permis de travailler, certaines sont confrontées à la précarité d’emploi et connaissent des conditions de travail médiocres ou mauvaises qu’elles peuvent difficilement contester. Leur recherche d’autonomie est contrainte par leur non-maîtrise des langues officielles et les difficultés d’accès à des programmes de francisation adaptés à leurs besoins et contraintes, à leur position systémique. Leurs limites linguistiques les isolent, isolement aggravé par la pandémie du COVID 19 qui a un impact durable sur leur santé mentale.

Chapitre I: Intervenir auprès des femmes ayant un parcours migratoire

Le mémoire de la TCRI et les publications du Sherpa permettent de mieux comprendre les enjeux relatifs à la loi 96 et ses impacts sur les personnes allophones qui s'installent au Québec.

En arrivant au Québec, les personnes en immigration n'ont pas vraiment connaissance des enjeux de langue relatifs à l'histoire de domination des anglais sur les français datant de la période coloniale. En fait, elles font préalablement des efforts enthousiastes pour apprendre les langues officielles avant leur arrivée, pour pouvoir communiquer avec les populations locales et les services étatiques, et se soumettent aux exigences des tests linguistiques pendant leurs démarches migratoires. C'est donc un choc linguistique important pour les personnes allophones de découvrir ces enjeux, dès leurs premiers pas au Québec, du fait de la posture offensive de la défense du français pour la survie de la culture québécoise. La question de l'immigration et de l'intégration se retrouve prise en "sandwich" dans l'interaction entre les majorités anglophone et francophone au pays, affectant les conditions d'accueil en immigration.L'accès à la communication devient difficile, compliquant les autres urgences à résoudre par les personnes ayant un parcours d'immigration à leur arrivée sur le territoire (source de revenu, logement, éducation, soins, connaissance de la société etc). Dans ces conditions, les enjeux spécifiques du parcours des FPM, y compris les violences genrées, se retrouvent aggravées, dans un contexte proclamant pourtant la démocratie, les droits humains et l'égalité de genre. Le travail d'intervention devient plus ardu, les ressources linguistiques au sein des organismes et les services d'interprétariat étant insuffisantes.C'est dans un tel contexte que le projet de loi 96 est mise en œuvre, renforçant les barrières existantes. Ainsi, les personnes en immigration qui arrivent aux Québec ne bénéficient que de 6 mois de sursis au delà desquels le français est la seule langue que les services étatiques utiliserons pour communiquer avec elles. Bien que des ressources d'apprentissage en ligne soient proposées, c'est une charge supplémentaire qui se rajoutent aux FPM dans cette période d'installation et d'adaptation. De plus, l'exigence du français est accrue dans les critères de sélection, ce qui renforce la discrimination des catégories de personnes qui peuvent avoir la possibilité de s'installer au Québec.

Les contraintes au niveau de la communication pour les FPM allophones

Chez un certain nombre de femmes, la précarité de leur statut migratoire et de leurs conditions de vie crée une insécurité quant à leur présent, leur avenir et ceux de leurs familles. Cette précarité et la peur qu’elle génère accroissent leur vulnérabilité aux agressions dans leur famille, au travail, dans leurs relations avec les institutions. La précarité de statut est un obstacle à leur intégration, au dépassement des traumas subis et à la guérison, et accroît les risques qu’elles soient exposées à de nouveaux traumas aggravant les précédents.Nos conditions d’intervention sont souvent difficiles, caractérisées par les carences de ressources et de services (interprétariat, disponibilité des places et durée limitée des séjours en maison d’hébergement, etc.), et le manque de temps pour un accompagnement adéquat (durée et nombre de rencontres) alors que les situations rencontrées et les démarches d’accompagnement sont complexes. À cela s’ajoutent des barrières linguistiques qui font souvent obstacle à la communication, à la compréhension et au développement de relations de confiance souvent déjà rendues difficiles à cause du vécu des bénéficiaires. Nos interventions se réalisent le plus souvent dans un contexte transculturel où l’intervenant.e et la bénéficiaire ne sont pas issu.e.s de la même culture. Le fait que nous sommes intervenant.e.s, travaillons dans une institution québécoise, intervenons pour favoriser l’intégration des FPM à la société d'accueil, sommes dépositaires d’un savoir nécessaire à cette intégration, crée un rapport asymétrique, potentiellement inégal. Que nous en soyons conscient.e.s ou non, notre fonction nous place dans une position qui peut être perçue comme dominante. Dans cette interaction, nous tendons à représenter, aux yeux de la personne que nous accompagnons, la société, la norme, le pouvoir. La responsabilité nous revient d’assurer que le rapport soit égalitaire. Nous vous proposons en annexe quelques documents qui vous permettront d’approfondir ces questions essentielles.

Dans son analyse de la situation des femmes racisées subissant de la violence conjugales aux USA, Crenshaw insiste sur la nécessité de prendre en compte leurs réalités spécifiques pour proposer des actions et intervention adéquates: « Les femmes de couleur ne vivent pas toujours le racisme sur le même mode que les hommes de couleur, ni le sexisme sur des modes comparables à ceux que dénoncent les femmes blanches, les conceptions dominantes de l’antiracisme et du féminisme restent forcément limitées, y compris au regard de leurs propres exigences. Au niveau le plus élémentaire, race, genre et classe sont tous en cause... Ces systèmes convergents structurent les expériences des femmes de couleur battues sur des modes qui réclament des stratégies d’intervention tenant compte de leurs intersections. Si de telles stratégies s’appuient uniquement sur les expériences de femmes n’ayant pas la même origine de classe ou de race, elles n’auront qu’une efficacité limitée pour celles dont l’existence est balisée par un parcours d’obstacles différent. La politique des refuges pour femmes battues, par exemple, s’inspire souvent d’une vision qui situe la subordination des femmes dans les effets psychologiques de la domination masculine, et néglige ce faisant les facteurs socioéconomiques en grande partie responsables de l’aliénation des femmes de couleur. »Les FPM à la croisée des rapports de pouvoir race/genre/classe/statut de résidence, etc, ont besoin de services adaptés tenant compte des impacts des rapports de pouvoir qui les affectent, et dont les manisfestations se déclinent à travers les difficiles conditions de vie dans lesquelles sont prises leurs familes et communautés (discrimination en emploi, au logement, en santé etc.)

L'approche intersectionnelle: développer des actions adaptées aux réalités intersectionnelles

Créer des conditions satisfaisantes de communication et d'intervention implique une préparation: un travail sur soi, la maîtrise d’informations stratégiques et leur mise à jour, la préparation des outils de collecte d’information et de planification, la mise en œuvre des démarches visant à lever les barrières linguistiques.

Être mentalement disponible

Une condition pour une intervention réussie est d’être mentalement disponible, ouverte à accueillir la personne dans toutes ses dimensions humaines, avec respect, sans idées préconçues liées à sa culture d’origine, en reconnaissant son unicité, son bagage d’expériences et sa force. Valoriser les acquis des femmes que nous accompagnons nourrit leur confiance dans leurs capacités et amplifie leurs perspectives. Même quand le temps manque du fait des conditions de travail actuelles, gardons toujours à l’esprit de préserver l’humanité dans nos rapports avec les FPM, nourrissons la confiance et l’espoir. Une bonne maîtrise des informations stratégiques pour nos interventions et leur mise à jour régulière permettent de tirer le meilleur parti des ressources disponibles et du temps dont nous disposons. Nos outils de collecte des informations et de planification doivent également être prêts. Enfin, les démarches visant à lever les barrières linguistiques doivent être effectuées en amont (interprètes professionnels ou bénévoles, en présence, en ligne ou par téléphone).

1. Établir les conditions de la communication et de l’intervention

Le rapport intervenante - personne accompagnée: asymétrie et égalité

Ce rapport est asymétrique dans un contexte professionnel de relation d'aide, mais il peut être plus équilibré grâce à une bonne compréhension de l’expérience humaine que nous vivons en tant qu’intervenant.e.s. En tant que personnes, nous bénéficions d’un bagage d’expériences qui nous permet de nous rapprocher de la réalité vécue par les personnes que nous accompagnons. Nous avons parfois fait l’expérience de la migration et du parcours d’intégration dans la société d’accueil, parfois vécu la discrimination, la violence conjugale, parfois subi les effets de la domination de classe. Toutes nos expériences vécues d’exclusion, de violence, de domination peuvent être mises au service d’une meilleure compréhension de l’humaine que nous accompagnons, et d’un rapport équilibré dans la relation d’aide. Il importe cependant de garder en mémoire que chaque parcours de vie est singulier et que chacune lutte avec les outils dont elle dispose.

Les travaux de Michèle Vaatz-Laaroussi offrent également des ressources appréciables dans ce domaine.

Lever les barrières culturelles

Un des effets persistants de la colonisation est la non prise en compte, le non-respect de la diversité culturelle et la dévalorisation de la culture de « l’autre ». Une connaissance de ces enjeux nous permet de développer avec constance notre approche des autres cultures, des valeurs positives dont elles sont porteuses, et de s’affranchir de la perspective selon laquelle notre culture est supérieure aux autres cultures, ou de la perspective que notre culture vaut moins que la culture dominante selon notre provenance. La dévalorisation d’une culture conduit parfois à faire un amalgame entre cette culture et des comportements répréhensibles, dont la violence que peuvent exercer certaines personnes qui en sont issues. Quel que soit notre groupe d'appartenance, une approche qui n’use pas d’amalgames, qui n’établit pas d’équivalence entre une culture spécifique, des comportements répréhensibles, la violence, nous permet d’aborder avec les femmes que nous accompagnons la question de la violence qu’elles vivent dans leur couple sans les dévaloriser ni les aliéner de leur culture et des dimensions positives de celle-ci. Adopter une approche critique et reflexive nous permettra de nous libérer de nos propres biais et préjugés, et d’accorder à la parole de chaque femme, quelles que soient ses origines, la valeur et le crédit qu’elle mérite de recevoir.

Nous outiller pour bien prendre en compte les dimensions culturelles importantes pour nos interventions

Nous devons également nous outiller pour bien identifier les dimensions culturelles à prendre en compte afin d’offrir aux personnes un soutien culturellement sécurisant et adéquat. Un outil utile est la théorie des soins transculturels et l’évaluation des besoins selon le modèle Sunrise de Madeleine Leininger. Les approches féministes intersectionnelles, transculturelles, de sécurisation culturelle et décoloniales doivent également être étudiées (voir en annexes sur le site web de la TCRI). La TCRI a également développer une gamme de formation et des outils de sensibilisation sur l'approche interculturelle.

Ce lien fournit de l'information sur les services communautaires, publics et parapublics.

Pratiques d’accueil: attention, posture, écoute active

Lors de l’intervention, notre attention doit être portée vers la bénéficiaire. Une bonne préparation préalable et la maîtrise de nos outils d’intervention (grilles de collectes et de traitement des informations, etc.) et de notre environnement (couper la sonnerie de notre téléphone, nous assurer que nous ne serons pas dérangées, etc.) nous permettront de porter toute votre attention sur la bénéficiaire, de l’écouter et d’accueillir sa parole. Cette préparation inclut la lecture des dernières notes au dossier et du plan d’intervention, le cas échéant. Notre posture est également importante. Il est recommandé de nous tenir à une distance appropriée, face à la bénéficiaire, penchée vers elle, et de la regarder dans les yeux, dans une attitude d’ouverture (FOPYD: en Face, ouverture, penché vers l'avant, regarde dans les yeux, distance adéquate). Une écoute active, pratiquée avec empathie et professionnalisme, nous permettra de créer une dynamique d’échanges sans jugement avec la bénéficiaire, par l’écoute, la clarification de ce que nous pensons comprendre, l’investigation ou l’approfondissement de dimensions qui nous paraissent importantes, et la reformulation. L’écoute active nous permet de prendre en compte le langage corporel de notre interlocutrice, et de vérifier nos intuitions quand certains sujets transparaissent, mais restent implicites. Sur l’écoute active, vous pouvez consulter ce lien.

2. Recevoir la bénéficiaire: pratiques d’accueil et outils

Il est essentiel de connaître les ressources et outils existants en interprétariat et traduction, de développer le réflexe d’y avoir recours et de s'exercer à les utiliser. Informons-nous sur les services d’interprètes accessibles rapidement. Consultons les banques d’interprètes sur le site web de la TCRI et des organismes régionaux offrant les services d’interprètes. Assurons-nous que ces interprètes connaissent et respectent les principes déontologiques de leur profession (notamment les règles de confidentialité) et sont formées à travailler dans des situations impliquant des dimensions de violence. Avec l’accord de la FPM, il est aussi possible d’utiliser les services d’une amie ou connaissance qui maîtrise les deux langues officielles en nous assurant que cette personne ne constituera pas un frein à la libre expression de la bénéficiaire. Si l’interprétariat est assuré par son conjoint, un autre membre de sa famille, dont les enfants, la FPM ne pourra certainement pas parler de violence conjugale. Les langues parlées par de petites communautés représentent un défi en ce qui a trait à la confidentialité. Il existe aussi des outils de traduction numérique, notamment Say hi (traducteur parlant) pour IOS et Android, plus adapté à nos interventions et Google translate. Et gardons en mémoire que l’apprentissage de la langue de la société d’accueil est une condition à l’intégration.

Lever les barrières linguistiques

Information

La maîtrise de l’ensemble des informations nécessaires à nos interventions est cruciale. Si nous ne maîtrisons pas ces informations stratégiques, nous risquons de ralentir les démarches en cours ou de mal les orienter. Il est possible que nous ne disposions pas d’une information. Si c’est le cas, informons la bénéficiaire que nous devons vérifier une information, et revenons-lui avec les informations exactes lors de la prochaine rencontre. L’important est de nous assurer de la validité de l’information que nous communiquons à la bénéficiaire.

Outils

Les outils diffèrent, selon les organismes et leurs missions spécifiques. Vous trouverez en annexe un document qui décrit les processus suivis et les outils utilisés par différents organismes. Les outils portent sur l’accueil et l’évaluation sociale, les stratégies et plans d’intervention, le référencement, le suivi et l’évaluation. Ils facilitent la collecte initiale des informations nécessaires pour définir une stratégie et un plan d’intervention, et leur mise à jour périodique. Les notes d’évolution sont en effet indispensables. Vous pourrez évaluer lesquelles sont les plus adéquates à votre travail, puis les utiliser telles quelles ou les adapter. Vous trouverez également dans la bibliographie des outils utiles pour informer la bénéficiaire de ses droits (notamment son droit au consentement libre et éclairé pour les interventions, pour l’échange d’informations et l’accès à son dossier). Notez que certains outils d’intervention auprès des femmes victimes de violences ne peuvent être partagés. Afin d’y avoir accès, rapprochez-vous des ressources spécialisées.

Les principes de l’écoute active

L’écoute active, un: « Processus dynamique et interactif exempt de jugement »

  • Aide de dernier recours (service Québec);
  • Logement/meubles/aide alimentaire/vêtements (T.S./Intervenants du PASI/Intervenants communautaires);
  • Régularisation du statut et permis de travail (AAI, consultant en immigration, avocats en immigration);
  • PFSI/RAMQ/liste d’attente MD/IPS (Intervenantes ICI-Santé, Inf. clin., TS.).

Enfin, la stratégie d’intervention doit intégrer la nécessité d’informer la bénéficiaire de ses droits et l’appuyer dans ses démarches dans le sens du respect de ces droits.

Elle doit également intégrer la nécessité de remplir tous les documents reliés à l’immigration pour commencer sa nouvelle vie:

  • Le statut migratoire et son impact potentiel ou effectif sur l’intégration;
  • Le parcours migratoire et ses effets sur les relations familiales en terre d’accueil;
  • La complexité de ce parcours;
  • Les violences fondées sur le sexe dans ce parcours;
  • La vie familiale, les liens et responsabilités ici (notamment garde et soins aux enfants) et dans le pays de départ (liens, maintien des contacts, solidarités, soutien financier, attentes de la famille, etc.);
  • Les conditions de l’accueil selon les catégories d’immigration;
  • Le choc culturel;
  • Les barrières: économiques, linguistiques et au niveau du marché de l’emploi;
  • Les niveaux de précarisation et de vulnérabilisation et leurs incidences sur les traumas existants.
  • La sécurité;
  • Le logement;
  • La nourriture;
  • L’accès à une source de revenus, le travail;
  • L’accès à des services de garde pour les enfants, etc.

La stratégie d’intervention doit prendre en compte tous les besoins élémentaires de la bénéficiaire et de ses enfants, le cas échéant:

Définir une stratégie d’intervention implique de tenir compte de tous les éléments de l’évaluation initiale de la situation de la bénéficiaire, de sa position systémique et des contraintes intersectionnelles qu’elle vit:

3. Définir et mettre en œuvre une stratégie et un plan d’intervention

La stratégie d’intervention est mise en œuvre par une équipe de travail interdisciplinaire et intersectorielle. L’amorce de la prise en charge est souvent ardue, car au début du processus, les besoins sont multiples, relevant de différents secteurs d’intervention, et certains sont urgents. De plus, il est possible que nous n’obtenions pas dès la première rencontre toutes les informations importantes, mais que ces informations nous soient communiquées par la bénéficiaire au fil des rencontres. Une bénéficiaire peut être réticente à livrer des informations sensibles, notamment à dire qu’elle a subi ou subi encore des persécutions politiques ou sociales, de la violence conjugale, des pressions familiales, qu’elle ou des membres de son foyer vivent des problèmes de santé mentale. Ces sujets sensibles peuvent être abordés à un autre moment, quand la cliente sera prête à le faire, au fur et à mesure que le lien de confiance se développe, en respectant son rythme et ses limites. Dans tous les cas, la stratégie d’intervention devra être évaluée et révisée à différentes étapes, afin de tenir compte des avancées et des nouvelles informations obtenues à chaque rencontre. Outre une évaluation continue, il est souhaitable de mettre en œuvre une évaluation de mi et de fin de parcours, qui mesure le niveau d’atteinte des objectifs et le chemin qui reste à parcourir. Il importe à chaque étape de connaître les perceptions et le niveau de satisfaction des personnes qui reçoivent les services, y compris au niveau de l’accueil, de la qualité d’écoute et des services reçus à l’arrivée. Parallèlement, il importe de développer, en tant qu’intervenante, une pratique réflexive co-constructive (réfléchir sur ses actions à partir d’une position ou d’une attitude critique envers sa propre pratique). Les évaluations sont aussi le moment pour mesurer l’adéquation de notre prise en compte des contraintes intersectionnelles des bénéficiaires dans la définition et la mise en œuvre de la stratégie d’intervention (activités offertes sur des horaires flexibles, prise en compte des besoins en services de garde, etc.). Enfin, la valorisation des informations d’évaluation est souhaitable, notamment celles portant sur les besoins et services disponibles. Il est possible de les systématiser, de les utiliser pour préciser le portrait de la population desservie. Ces informations peuvent constituer des leviers importants pour la négociation pour la mise en place de changements dans nos organismes. En effet, en faisant remonter ces informations vers les gestionnaires, nous contribuons au développement de la vision, des programmes et projets de notre organisme, ainsi qu’à la révision de l’organisation interne du travail si nécessaire. Tout au long de la démarche, il convient d’appliquer les mêmes principes d’accueil et d’écoute active, de chercher le plus possible à ouvrir des espaces participatifs entre bénéficiaires et intervenant.e.s, et de rester attentives aux rétroactions des bénéficiaires. Quand cela est nécessaire, il ne faut pas hésiter à négocier avec notre organisme pour obtenir plus de temps (nombre de rencontres, durée totale de l’intervention) en faisant valoir l’importance d’une intervention réussie dans l’évaluation de la qualité du travail de l’organisme et du niveau d’atteinte de ses résultats. Si les pratiques de travail en équipe interdisciplinaire et intersectorielle ne sont pas établies dans notre organisme, nous pouvons également solliciter la coopération des autres intervenant.e.s de notre organisme sur des dossiers particulièrement exigeants. L’innovation peut être fructueuse pour une bonne évolution de nos interventions. Elle peut consister dans l’organisation d’espaces de rencontres et d’activités avec d’autres bénéficiaires ou personnes ayant vécu des expériences similaires à celles que vit la bénéficiaire, et qui sont en mesure de bien la comprendre. Ces rencontres permettent de rompre l’isolement, l’échange d’informations utiles et favorisent les actions d’entraide.

La décision de référer une bénéficiaire à un autre organisme se prend quand le besoin présent ne peut être pris en compte par notre propre organisme, ou peut être mieux pris en compte par d’autres professionnels. Nous devons avoir une connaissance approfondie et actualisée des ressources disponibles (professionnel.le.s, services, organismes et leur personnel), des voies d’accès à ces ressources, des services gouvernementaux (Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS), MIFI, Emploi-Québec, etc.) et disposer d’un bottin ou de fiches de références des organismes et ressources professionnelles spécialisées selon leur champ d’intervention. L’idéal est de procéder à une cartographie de la région, des municipalités et communautés que nous desservons, identifiant les ressources spécialisées disponibles dans nos zones d’intervention. Dans le cadre du référencement, il est important d’anticiper les problèmes d’accès et les barrières systémiques que peuvent rencontrer les femmes pour obtenir les services qui leur sont nécessaires et de développer des réponses en amont. Ceci est d’autant plus important que certains services, notamment en psychothérapie, sont très difficiles à obtenir. Un exemple d’outil existant est le répertoire de ressources multisectorielles de SOS violence conjugale bas-St-Laurent. La création de réseaux intra et intersectoriels est utile. La participation aux tables de concertation de notre région et de notre ville est importante pour nous garder informées des collaborations possibles, notamment avec la police municipale, le milieu de l’enseignement (éducation des adultes, cégep, universités), le secteur de la santé, les maisons d’hébergement pour les femmes victimes de violence et les ressources pour sans-abris. Il est utile de connaître des pharmacies et pharmacien.ne.s, écoles et centres de formation, friperies, épiceries, organismes pourvoyeuses d’aide alimentaire, et d’organiser des tournées communautaires susceptibles de favoriser l’autonomie des bénéficiaires et le développement de relations visant l’intégration au marché du travail. Il est également intéressant de tisser des alliances avec des représentant.e.s du secteur privé pouvant donner accès à une gratuité de services ou des services à coûts réduits pour la clientèle que nous desservons. Il est bon de connaître les centres de bien-être (yoga, psychologues, etc.). Disposer d’un portfolio de présentation de notre service afin que nos interlocuteurs soient informés de notre mission est un avantage. Enfin, autant que possible, il est recommandable d’établir des liens et un dialogue avec des personnes de référence de manière à offrir aux bénéficiaires un référencement personnalisé, c’est-à-dire les adresser à une personne précise.

4. Référer la bénéficiaire dans un contexte de carence des ressources

La transparence est une façon de considérer la femme avec laquelle nous intervenons comme un être à part entière et un engagement à l’effet de lui donner toutes les clés pour sa reprise de pouvoir et sa reconstruction. C’est une façon de reconnaître qu’elle est l’experte de sa propre vie. Ceci nous amène à faire également preuve de transparence auprès des partenaires et de la mettre au centre de tout partenariat. Si nous lui cachons des choses, nous nuisons à son processus de reprise de pouvoir, à sa capacité d’agir sur sa situation et à faire des choix éclairés. La transparence favorise une intervention juste et équitable, permet de travailler sur l’ensemble des défis que la femme rencontre et de faire alliance avec elle, l’alliance étant la clé qui ouvre à son monde intérieur et ses potentiels. Considérer la femme comme une égale implique de tout partager avec elle et de ne pas mentir, de ne pas camoufler ou mettre de côté un constat, une information, mais plutôt de remettre en question et de valider nos impressions directement auprès d’elle. Nous nous devons de faire confiance en sa capacité à gérer l’information reçue. Le tout doit bien évidemment se faire dans une atmosphère de bienveillance. L’authenticité, la vérité, un agenda ouvert, les vraies choses dites avec bienveillance dans un esprit de partage et de discussion suscitent confiance et crédibilité et nourrissent le processus de reprise de pouvoir de la femme sur sa vie, son autonomie et sa capacité de prendre des décisions par et pour elle-même.

La transparence

L’accompagnement de la bénéficiaire dans les démarches qu’elle entreprend permet de développer un lien avec elle. Il est important de prendre le temps d’écouter et d’échanger. Ce temps est nécessaire au développement de la confiance. Parfois, quand il existe des préoccupations liées à sa sécurité, ou qu’il n’est pas possible pour la bénéficiaire de se déplacer, il est possible d’aller parfois vers elle, en vous rencontrant dans d’autres lieux que notre bureau, des lieux qu’elle fréquente et dans lesquels elle se sent bien. Il est parfois indispensable de nous déplacer avec la bénéficiaire lorsque plusieurs barrières l'empêchent d’obtenir les services nécessaires à son autonomisation. Il ne s’agit pas de nous substituer à son implication dans l’avancée de ses démarches (faire pour), mais bien de lui apporter un accompagnement nécessaire (faire avec). Cet accompagnement en personne est d’autant important que le référencement est porteur de stress dans un contexte traumatique. Il importe également de favoriser le renforcement de la confiance de la bénéficiaire dans ses capacités à entamer des démarches dans des endroits inconnus et à se bâtir son propre cadre de référence culturel dans son nouvel environnement.

5. Accompagner la bénéficiaire

Actuellement, au Québec, la prise en charge d’une référence en santé mentale se fait difficilement. Il n’existe que peu ou pas de ressources cliniques pour les femmes que nous accompagnons dans le système de santé universel dont nous disposons et les services d’interprétariat ne sont pas immédiatement disponibles. Là où des ressources existent, dans le secteur privé, les listes d’attente sont très longues ou le coût des services est prohibitif. Il ne nous reste que peu de choix. D’où l’importance d’effectuer nos recherches en amont, avant d’avoir besoin de ces ressources professionnelles et de trouver des professionnels prêts à travailler en partenariat et pro bono. Les ressources à identifier sont les suivantes: hôpitaux, fondations d’hôpitaux, psychiatres, psychologues, infirmières praticiennes spécialisées en santé mentale, psychothérapeutes, ressources de soutien psychologique, lignes d’écoute.

Référer en santé mentale

Nous vous suggérons la lecture suivante: « Nature des liens entre les types de violence », Institut national de santé publique du Québec.

« L’exposition à plusieurs épisodes violents dans l’enfance et l’adolescence a aussi été étudiée à travers la notion des « expériences adverses de l’enfance ». Ces expériences comprennent différents événements ou caractéristiques de la vie d’un enfant susceptibles d’influencer négativement son développement et sa santé à l’âge adulte. Le questionnaire de l’étude initiale sur les expériences adverses de l’enfance – « Adverse Childhood Experiences (ACE) Study » – inclut les mauvais traitements (violence psychologique, physique et sexuelle), la négligence physique ou émotionnelle, l’exposition à la violence conjugale entre les parents et le dysfonctionnement familial (consommation abusive de substances dans la famille, perte d’un parent biologique, emprisonnement, problèmes de santé mentale ou suicide). Plusieurs études ont démontré un lien entre les différentes expériences adverses de l’enfance, ainsi qu’un lien entre ces dernières et les conséquences à long terme sur la santé et le bien-être des personnes ».

Expériences adverses de l’enfance

La victimisation consiste à faire d’une personne une victime en lui faisant subir de la négligence, de la violence physique, psychologique, sexuelle, des abus et des traitements dégradants. Un seul acte suffit pour qu’une personne soit considérée comme victime. Notons que seule la femme ayant vécu ces événements est en mesure de se désigner comme victime. Soulignons également que le terme « survivante » peut être également utilisé, et favorise un lexique plus autonomisant. On parle de victimisation multiple lorsque la personne a subi plusieurs de ces actes. La victimisation multiple désigne plusieurs types et formes de violence, plusieurs auteurs et milieux, plusieurs périodes de la vie, ainsi qu’une situation de chronicité.La revictimisation désigne une situation où une personne qui a subi de la victimisation dans l’enfance ou l’adolescence (physique, sexuelle, psychologique, négligence) la subit une nouvelle fois à l’âge adulte ou qui l’a subie à l’âge adulte et la subit de nouveau à un âge avancé.Le terme de cooccurrence de la violence est utilisé pour désigner la situation où une personne a subi deux formes de violences (physique et psychologique, par exemple) ou deux types de violences (négligence et agression sexuelle, par exemple) au cours d’une période donnée. Le terme polyvictimisation est utilisé pour désigner la situation où une personne subit plusieurs types de victimisation, dans un ou plusieurs milieux, sans prise en compte de l’âge et de la période d’exposition.

1. Identifier les situations de victimisation et les risques de revictimisation

B. Intervenir auprès d’une femme victime de trauma, de violences ou en situation de crise

Le traumatisme est une expérience humaine, une souffrance causée par une situation de stress extrême due à une menace extrême à notre vie personnelle ou à la vie d’une personne avec laquelle nous sommes. En effet, être témoin de trauma constitue une expérience de rupture de notre perception du monde. Les pires menaces sont celles qui viennent des autres êtres humains. Une peur extrême, qui est un ressenti interne, a les mêmes effets qu’une situation de stress extrême. Le stress est une expérience globale qui est caractérisée par le manque de contrôle, l’imprévisibilité, la nouveauté, la menace à notre personne et à notre personnalité. Quand ces quatre conditions sont remplies, on peut parler d’un stress extrêmement puissant. Nous n’avons pas la même sensibilité à ces différentes caractéristiques du stress. Notre ressenti dépendra de nos expériences passées. Aussi, le manque de soutien social est une condition aggravante du stress. La répétition d’expériences traumatiques peut rendre sensible au trauma ou induire une chronicité du trauma.Il existe différents types de trauma, qui peuvent d’ailleurs s’imbriquer les uns aux autres.

Qu’est-ce qu’un traumatisme ?

2. Intervenir auprès d’une femme victime de traumas

Les facteurs de risque les plus reconnus pour plusieurs types et formes de violence sont les inégalités entre les hommes et les femmes, la pauvreté, l’isolement social, et la consommation d’alcool et d’autres substances. Les violences subies dans le passé, dans l’enfance et l’adolescence (dont l’exposition à la violence conjugale) ou à l’âge adulte sont également des facteurs de risque. Les conditions de vie objectives et la précarité de statut des personnes en attente du statut de réfugiés les placent d’emblée dans une zone à risque.

Reconnaître les facteurs de risque

Les situations de stress extrême, qu’elles soient générées par des régimes dictatoriaux ou par la violence conjugale, n’engendrent pas seulement des traumas. Un sentiment de honte peut prendre place, la honte de n’avoir pas su se défendre ou se protéger, la honte de n’avoir pas su protéger les autres. À une personne confrontée à ce sentiment, il faut rappeler que cette soumission lui a permis de rester en vie, et qu’il est nécessaire d’en avoir conscience. La souffrance elle-même est une source de stress. Elle nous mobilise, oriente notre pensée vers ce qui nous menace et nous avons une vision en tunnel. Nous ne pensons plus à ceux et celles qui nous ont aidé.e.s dans la vie, nous ne pensons plus à ce que nous avons vécu d’autre que la souffrance.

Stress extrême, souffrance et sentiment de honte

Elle s’inscrit dans une volonté de durée d’un pouvoir. Elle procède notamment en coupant les liens entre les personnes et entre les groupes de la société. Elle isole les personnes, morcelle la société pour assoir un pouvoir absolu, et l’impunité est la garantie d’être une fois pour toutes au-dessus des lois. Parfois, les responsables de la violence forcent des victimes à commettre des actes de violence. Pensons aux enfants-soldats ou aux adolescentes qui, dans une situation de menace extrême, ont dû tuer quelqu’un pour rester en vie, subissant ainsi une double violence, un double trauma. La violence organisée prend aussi parfois la forme de propagande. Par exemple, alarmer une partie d’une population de manière constante et répétée constitue un acte de violence politique organisée.

La violence organisée

Le trauma de type II caractérise la situation d’une personne qui a vécu la menace dans le cadre d’une relation interpersonnelle (famille, conjoint, équipe de sport, etc.). Les deux parties en cause sont en relation interpersonnelle significative. Les traumas de type 2 engendrent souvent la honte, la culpabilité, la douleur émotionnelle.

Le trauma de type I renvoie à la situation d’une personne qui a été touchée personnellement par une situation traumatique collective, par exemple un événement météorologique où il n’y a pas d’intention de destruction. En revanche, dans la violence organisée, des personnes sont touchées parce qu’elles font partie d’un groupe. Par exemple, elles sont journalistes ou font partie de la communauté LGBT.

Quand les deux types de trauma sont présents, les deux violences s’appuient l’une sur l’autre. Les symptômes sont les mêmes, mais au trauma de type 1 vient s’ajouter la honte, la culpabilité, la douleur émotionnelle liées au trauma de type 2.

Les différents types de traumas

La tentation du blâme

Face à l’expérience traumatique d’une personne, notre première réaction est de tenter de lui trouver un sens, une explication qui nous protège nous-mêmes. Souvent, nous pratiquons une interprétation par le blâme de l’événement traumatique : « c’est la faute de quelqu’un ». C’est une interprétation très « utile », car ainsi, nous ne nous sentons ni responsables ni menacés. Quand on blâme la victime, on identifie des caractéristiques qui peuvent expliquer qu’elle ait été victime, pour nous assurer que nous ne pouvons pas, nous, être touchées. En tant qu’intervenantes, nous ne sont pas exemptes de céder à la tentation de l’interprétation du trauma par le blâme. Nous ne devons pas nous culpabiliser de reconnaître cette tentation, car il s’agit d’une réaction normale. Il s’agit de prendre conscience qu’il s’agit d’une réaction de défense.

Le dévoilement des expériences de violences et traumas est un dévoilement de souffrances vécues. C’est un moment éprouvant pour une bénéficiaire, et l’expression de cette souffrance peut trouver chez nous un écho potentiellement déstabilisant. Face à une bénéficiaire qui fait le récit de ses traumas et des violences subies, comme personne et intervenante, nous pouvons nous retrouver en état de choc. Prendre contact avec la violence vécue par une personne cause un stress. Une intervenante qui se sent incapable, impuissante se sent menacée. La réaction première est la vision en tunnel. Nous perdons le sens du moment présent et de la globalité, focalisons sur le trauma, ou un symptôme de la souffrance de la bénéficiaire, et perdons de vue qu’elle est une personne. Il est important de reprendre contact avec la personne. Si elle peut nous raconter, c’est qu’elle a beaucoup de ressources internes, et la capacité de faire confiance. Il s’agit de donner de la valeur à toutes ses ressources.Nous pouvons devenir fascinées par un récit de menace, et demeurer accrochées à ce récit. Un apprentissage à faire est de nous rendre compte que nous sommes en état de choc. Il faut alors retourner à la personne globale après l’avoir écoutée, nous remettre en conscience qu’elle est plus complète que cette expérience qu’elle a vécue et au fait que nous sommes là, toutes deux, vivantes, en sécurité dans notre bureau. Souligner la confiance placée en nous par la bénéficiaire qui nous livre sa parole est extrêmement important. Ainsi, il est important de donner toute sa valeur à chaque avancée, chaque progrès. Après le récit, la personne peut paraître fatiguée. C’est peut-être le soulagement d’avoir pu parler qui fait chuter le stress. Alors, prenez une pause, offrez-lui un café ou un chocolat pour qu’elle puisse retourner à son corps, à son corps qui se réconforte.

Recevoir les récits de violences et de traumas subis par nos bénéficiaires

  • Hypervigilance;
  • Activation neuro-végétative;
  • Souvenirs troués (par exemple, perte de connaissance);
  • Dissociation (la personne montre des signes quelle est ailleurs, et non plus ici et maintenant, avec vous. Un tel état suit parfois un contact avec un souvenir traumatique;
  • Pensées suicidaires. Des pensées suicidaires fréquentes révèlent souvent un état de chronicité. Il est important dobtenir un support médical et de tisser un filet de sécurité autour de la personne. La massothérapie peut aussi être utile.

Une personne victime de trauma peut montrer différents symptômes, et quand tous les symptômes que peut engendrer un trauma sont présents chez une personne, on parle d’un syndrome traumatique:

Reconnaître les symptômes de trauma

La prise en compte des problématiques historiques, culturelles et du genre.

Le choix et l’autonomisation (empowerment);

La collaboration et la mutualité;

Le soutien des pairs;

La confiance et la transparence;

La sécurité des lieux;

Les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont généralement pas favorables aux interventions auprès des femmes victimes de trauma. Un des principaux obstacles est le manque de temps imparti pour accompagner chaque bénéficiaire. Différents types de thérapies et de méthodes d’intervention ont fait la preuve de leur efficacité pour les traumas psychologiques, notamment: DBT, EMDR, CBT (Parts work, desensitization). Cependant, leur accessibilité pose problème. Nous devons donc avancer avec les moyens à notre disposition. Il est important de revenir sur la notion de l’équipe que forment la bénéficiaire et les intervenantes qui l’accompagnent. Quand cela est possible, et que les pairs ne sont pas partis du problème auquel est confrontée la bénéficiaire, il est aussi possible de faire appel à eux pour contribuer à sécuriser la bénéficiaire. Enfin, il importe de ne jamais oublier que la bénéficiaire a et garde en tout temps le pouvoir de décider pour elle-même.Six (6) principes pour nous guider:

Accompagner une personne en souffrance

Les thérapies narratives

À cause des traumas, il est possible que la mémoire de la personne que vous accompagnez soit un peu moins flexible, ouverte. Si vous lui demandez d’utiliser sa mémoire, d’explorer son bagage d’expérience, et qu’elle ne trouve pas, vous pouvez lui suggérer de continuer à chercher et de vous dire quand elle aura trouvé. Plus de sécurité amène un accès plus grand à la mémoire. L’accompagnement que vous lui offrez est source de sécurité pendant qu’elle cherche. « Le cœur, quand il a confiance, trouve ».

Traumas et mémoire

  • À bien comprendre le stress qu’elle ressent. Se sent-elle en manque de contrôle? Fait-elle face à une situation nouvelle? Perçoit-elle la situation comme imprévisible? Se sent-elle menacée dans son identité?
  • À enrichir sa vision, à trouver des ressources internes, des souvenirs de bien-être et de joie. Il s’agit de stimuler sa vitalité en l’aidant à se reconnecter à ses expériences positives, au lieu de rester connectée avec la menace. La vie est aussi faite d’expériences positives, dont il faut réactiver le souvenir. Notre cerveau est organisé pour nous faire survivre, pour trouver des solutions et diminuer le stress;
  • À réduire le stress de l’anticipation. L’anticipation joue un rôle dans l’intensification du stress. Nous subissons alors la situation et l’anticipation de la situation stressante. Il faut viser à remplacer l’alarme par l’attention et plutôt élaborer des scénarios de protection pour le futur. Il faut s’appuyer sur les forces des femmes, les compétences qu’elles ont développées à travers leur parcours migratoire et leur capacité à trouver la sécurité. Réduire le stress d’anticipation doit être un objectif;
  • À libérer les énergies accumulées par le stress et qui n’ont pu être dépensées. Quand toute cette énergie générée par le stress est dépensée, la réaction de stress s’arrête généralement.

Il est important de nous assurer que la bénéficiaire est en totale sécurité dans le lieu où nous l’accueillons, et de le lui souligner. Une bonne manière d’accompagner une personne qui est en souffrance, sous l’effet du stress et des traumas, et à rétablir un sentiment de confiance est de l’aider:

Recevoir les récits de violences et de traumas subis par nos bénéficiaires

Lors des audiences pour l’obtention du statut de réfugié, la demandeuse doit témoigner. Pour témoigner, elle doit réactiver sa mémoire des traumas qu’elle a vécus. D’où l’importance de prendre en compte la situation de sécurité actuelle de la personne. Quand on raconte, souvent on ressent ce qu’on raconte. Ainsi, le détachement est une technique efficace pour raconter sans trop souffrir.

Trauma, mémoire et audiences pour l’obtention du statut de réfugié

Les moments de transition sont ceux où on change de lieu, de saison, de travail. C’est aussi le moment où quelqu’un quitte sa maison pour aller chercher de l’aide. En se faisant, elle vient de changer de rôle. Il faut tenir compte du stress de transition lors de nos interventions. Référer la personne à un autre organisme laisse entrevoir, pour elle, la perspective d’une autre transition. Si la personne démontre un stress face à cette perspective de devoir aller vers un autre organisme, c’est qu’elle a besoin d’un coup de main dans la référence et l’accompagnement. Il est important de répéter que nous avons la volonté d’aider, et d’introduire la notion de travail d’équipe. On peut dire par exemple : « Allez voir telle personne, dites-lui que c’est moi qui vous envoie ». « Je vous aide à vous aider, vous m’aiderez à vous aider ». Si c’est difficile, envisagez d’accompagner la personne la première fois. Si la bénéficiaire montre des signes de dépression, il est très important de prêter une grande attention à son état. Sans verser dans la surmédicalisation, il importe d’être consciente que la bénéficiaire a besoin d’aide (support, aide médicale, médication et/ou écoute professionnelle en santé mentale). Si une médication est nécessaire, le rapport avec le pharmacien ou la pharmacienne est important pour d’éventuels ajustements des médicaments étant donné que les rendez-vous avec les médecins sont difficiles à obtenir. Les pharmaciens font partie du filet de sécurité. Il existe aussi des lignes d’écoute. En tant qu’intervenantes, nous pouvons la référer, intensifier notre suivi et notre écoute, la mettre en relation avec des groupes communautaires et ressources de quartier qui offrent des activités diverses, notamment de loisirs, intéressantes pour établir des liens avec d autres personnes. Les bibliothèques sont également des lieux intéressants.

Le stress de transition et le référencement

En immigrant, nous ne découvrons pas seulement un nouveau pays. Nous découvrons aussi des choses sur nous-mêmes par rapport à notre pays d’origine. Nous prenons conscience qu’il y avait là-bas des choses très importantes pour nous et dont nous n’avions même pas conscience. Une clé d’écoute importante est de pouvoir explorer avec notre bénéficiaire ce qui lui manque de son pays d’origine, et de l’explorer comme quelque chose de normal, ce qui ne veut pas dire quelque chose de facile. Il est bien de l’aider à identifier ce qui était bon et important pour elle, de se référer à des expériences positives. L’immigration implique de faire des deuils, c’est-à-dire de composer avec des pertes qui risquent d’être définitives. Elle implique fréquemment de faire des deuils professionnels. Comment faire sens avec la perte? Comment faire face à la frustration, la peine, la colère? Il est important d’aider la bénéficiaire à trouver des continuités de sens dans sa vie. Par exemple, elle peut ne pas pouvoir être médecin au Québec, mais pouvoir travailler dans le secteur de la santé et ainsi retrouver dans sa nouvelle activité professionnelle un peu de son choix initial de se mettre au service de la santé des personnes. Les continuités sont source de confiance pour le présent et le futur. Elles permettent de poser la continuité de soi-même, et d’avoir la perspective d’enrichir notre vie de nouvelles continuités.

Immigration, changement, stress d’adaptation et recherche d’une continuité de sens

Outils d’évaluation des risques de violence, d’homicide et d’homicide conjugal

La violence conjugale connaît plusieurs formes, qui se combinent: psychologique, verbale, physique, sexuelle, économique. Souvent psychologique et verbale au début, elle tend à se répéter et à s’intensifier avec le temps.

Violence conjugale

Le processus migratoire comporte des risques de subir des violences et certains parcours migratoires sont plus dangereux, et portent parfois des risques de criminalisation. En sol québécois, se défendre des violences subies, de quelque nature qu’elles soient, reste difficile quand on a un statut migratoire précaire. Cette précarité, souvent de longue durée, renforce la vulnérabilité des bénéficiaires, d’autant qu’elles sont confrontées tout le long, à cause de cette précarité, à des barrières systémiques (accès au logement, formation, emploi, etc.). La période entre l’arrivée et l’obtention d’un statut migratoire est donc pour les femmes, une période à haut risque de subir des violences, d’être impuissantes à se défendre et d’être revictimisées. L’obtention d’un statut migratoire crée une nouvelle situation, cependant le traumatisme produit par des victimisations à répétition prendra du temps à s estomper. En tant qu’intervenantes, nous n’avons pas le pouvoir d’écourter cette période de précarité. Nous pouvons cependant aider les bénéficiaires à faire face aux difficultés qui en découlent.

Violences liées au processus migratoire et à la précarité du statut migratoire

La violence prend de multiples formes. Elle peut avoir été vécue tant en contexte prémigratoire que migratoire. Elle ne se résume pas à la violence conjugale, mais est multiforme. Elle peut se baser sur le genre, les origines ethniques, les appartenances religieuses, l’orientation sexuelle, le statut d’immigration notamment (voir pamphlet SOS Violence) et prendre place dans différents contextes.Quand plusieurs formes de violences sont présentes, elles se co-organisent. Les violences vécues en période prémigratoire se conjugueront avec celles vécues après l’arrivée au Québec (sexisme, discrimination, racisme, exploitation au travail, etc.) et auront un impact sur l’installation des femmes au Québec. Les violences patriarcales prennent différentes formes selon les contextes. Un enjeu important est d’identifier et de dépasser les biais qui peuvent nous conduire à hiérarchiser, à relativiser ou à lire de manière stéréotypée les différentes formes de violence que peuvent avoir subies les femmes. Chaque situation est unique. Les femmes ayant subi et subissant toute forme de violences basées sur le genre peuvent être affectées sur plusieurs plans (santé physique, mentale, émotionnelle, spirituelle) et dans leurs relations (intimes, familiales, sociales). Les réponses doivent être adaptées aux besoins exprimés et identifiés et aussi tenir compte de la complexité de la situation.

3. Intervenir auprès d’une femme victime de violence

La gestion des attentes face au système juridique

  • Les accompagner dans leur affirmation en tant que sujets. Miser sur leur agentivité et les accompagner dans le déploiement de leurs stratégies de vie;
  • Les encourager à construire et renforcer leurs réseaux sociaux;
  • Valoriser leurs compétences et forces y compris celles acquises dans le parcours migratoire selon une approche d'accompagnement et d’information, plutôt que d’éducation;
  • Les outiller sur le contexte sociopolitique du Québec et les encourager à exercer une lecture nuancée de la société;
  • Accompagner leur prise de consciences des enjeux liés à leur participation sociale et à leurs sentiments d'appartenance.

Accompagner les femmes victimes de violences

Le poids des normes sociales peut être un lourd fardeau. Nous travaillons avec des personnes qui parfois se trouvent minorées, soumises à des injonctions de se conformer à des normes souvent nouvelles pour elles, et dévalorisées de ne pas y être, par avance, conformes. Les normes de la société d’accueil, quoique patriarcales elles aussi, viennent parfois à être en contradiction avec celles des pays de départ auxquelles elles étaient sommées de se conformer précédemment. Le racisme et la discrimination sont des violences qui génèrent des traumas et ont un impact sur l’intégration des femmes au Québec. Elles renforcent leur sentiment d’insécurité et leur font douter de la possibilité pour elles de trouver une place, de se reconstruire une vie ici. Ces expériences sont stigmatisantes, marginalisantes et ont des effets psychiques indéniables, parfois traumatisants, qui viennent s’articuler aux questions de classe et de statut social. Le potentiel de revictimisation des femmes doit être lu à partir de cette intersectionnalité.

Violence sociale et politique: normes sociales, racisme, discrimination

Dans cette catégorie se regroupent le coût du processus migratoire et l’endettement qui en découle, exploitation au travail (contrats et conditions de travail abusifs, harcèlement, agressions, exploitation et abus par les employeurs, etc.), etc.

Violence économique

Ressources en cas de crise

Faire appel à des personnes en qui la bénéficiaire à déjà confiance peut aider. Cliquez sur le bouton de droite pour voir les autres ressources qui s’offrent à vous.

Ressources en cas de crise et de crise suicidaire

La priorité est de s’assurer de la sécurité de la bénéficiaire chez elle, dans son quartier, dans votre bureau. Si elle est avec vous, il importe de lui procurer le calme, le temps et la présence nécessaires pour qu’elle puisse baisser son niveau de stress et convoquer ses ressources intérieures. Évaluez son état et assurez-vous qu’elle ne présente pas de risque suicidaire. Puis, faites appel aux ressources appropriées. Si la personne est en crise suicidaire et incapable de se calmer ou de s’occuper d’elle-même, composez le 911. Il est possible de l’accompagner à l’hôpital avec le premier répondant.

Intervenir auprès d’une femme en état de crise

Qu’est-ce qu’un état de crise?

La publication du Centre de Prevention du suicide de Montréal expose les signes de détresse verbaux, comportementaux, psychologique et biologiques auxquels nous devons rester attentifs.

Identifier les signes de détresse

4. Intervenir auprès d’une femme en situation de crise ou suicidaire

Ce livre peut être utile: « Trauma Stewardship - An everyday Guide to Caring for Self While Caring for Others » par Laura van Dernoot Lipsky.

1. Prendre soin de soi physiquement, mentalement et spirituellement

A- Prendre soin de soi pour pouvoir prendre soin des autres

Être intervenante auprès des FPM est souvent un défi. La charge de travail est importante et les ressources manquent, au point de créer parfois un fossé entre théories d’intervention et pratiques. Les réalités de travail des intervenant.e.s. sont diverses, mais se ressemblent sur beaucoup de plans. Les difficultés rencontrées sont pour une bonne part la conséquence des conditions qui sont faites aux FPM. Aussi, l’amélioration de nos conditions de travail est en partie tributaire de l’amélioration des conditions qui leur sont faites, au niveau de leur statut, des contraintes qui y sont liées.Pour progresser dans nos pratiques, pour exercer notre capacité de nous redécouvrir et de nous réinventer, il importe de bien nous connaître, de connaître nos forces et faiblesses, nos capacités de dépassement et nos limites. Exerçons sans crainte notre sens de l’autocritique, nos remises en question. Ainsi, nous pourrons nous donner les moyens appropriés pour nous renforcer. Cette démarche est nécessaire, car notre rôle est crucial. C’est nous qui arbitrons entre les besoins que nous percevons en tant qu intervenant.e.s et les besoins ressentis par les bénéficiaires. Renforçons de manière constante nos moyens d’action. Nous travaillons généralement dans des conditions rendues difficiles par la dureté des situations rencontrées, la complexité des tâches à accomplir et la carence de ressources adéquates et suffisantes. Ces situations auxquelles nous faisons face quotidiennement peuvent affecter notre état d’esprit et même notre santé mentale, d’autant plus que le temps nous manque pour effectuer notre travail comme nous le souhaitons, faire des introspections et prendre le recul nécessaire à nous préserver. Être en interaction quotidienne avec des personnes qui ont subi des traumas n’est pas chose facile et peut éventuellement faire remonter à notre mémoire notre propre passé traumatique. Pour bien intervenir, aider les bénéficiaires et nous aider nous-mêmes, il importe de parvenir à une meilleure connaissance de soi dans le stress, de centrer notre travail dans l’ici et le maintenant, et de nous focaliser sur le temps qu’on a, et pas sur le temps qu’on n’a pas. Notre action se situe dans le présent et dans le faisable. Qu’est-ce qui peut aider à aller mieux ici, maintenant, aujourd’hui, cette semaine? Il ne faut pas non plus oublier que l’intervention est un travail d’équipe. La bénéficiaire et nous, combinons nos forces et nos expériences. La bénéficiaire décide pour elle. Nous, décidons pour nous. Nous ne sommes pas le sauveur de l’autre. « Les chemins de guérison appartiennent à la personne », mais nous pouvons nous efforcer à entretenir l’espoir, cet espoir dont nous, humains, avons besoin au quotidien. Nous sommes fortes de nos acquis, de nos savoirs expérientiels. Parfois, certains de nos vécus s’apparentent à ceux des femmes que nous accompagnons. Nous pouvons puiser dans ces connaissances à leur bénéfice. Nous pouvons aussi nous ressourcer à nos/leurs succès. Nous devons nous renforcer, nous solidifier, faire le ménage dans notre esprit, prendre soin de nous physiquement, mentalement et spirituellement pour diminuer les impacts de notre travail sur nos personnes. Il s’agit d’être bien dans sa vie, bien dans sa tête.

Chapitre II - Être intervenante, construire et avancer

Aménager notre travail

Quand cela est possible, exprimons nos ressentis dans le cadre de notre travail. Informons nos collègues et gestionnaires et demandons l’aide de notre institution, notamment un accompagnement professionnel et des aménagements de tâches. Trouvons les moyens de réduire notre exposition aux situations trop douloureuses pendant quelques semaines. Demandons à nos collègues d’assurer pendant ce temps les interventions qui nous sont les plus pénibles en regard des difficultés que nous rencontrons. Demandons une aide professionnelle, et si nécessaire, demandons un congé et respectons un temps de recul et de repos.

Mettre des limites et prendre du recul

Pour établir nos limites et nous protéger en tant qu’intervenant.e dans des situations chargées émotionnellement, il est utile d’ajuster nos attentes envers nous-mêmes, de prendre le temps du recul et de l’introspection, et de nous exercer à faire la distinction entre ce qui est urgent et ce qui est important pour mieux gérer notre temps et notre énergie.

Il est bon de tenter d’identifier les causes de ces périodes de fragilité, ce qui nous affecte le plus, afin de les corriger. Parfois, des actions toutes simples peuvent aider à ressentir moins de stress et dépasser un moment difficile. Qu’est-ce qui nous fait du bien? La respiration abdominale? Un animal de compagnie? Chanter? Nous occuper de plantes? L’humour aussi est important. Nous ne devons cependant pas attendre de comprendre pleinement les raisons de nos malaises, ou nous contenter d’atténuer un peu notre malaise avant de prendre des actions plus consistantes.

2. Prendre action

Les signaux d’alerte: reconnaître qu’on est dans une période de fragilité

Toutes, nous connaissons des périodes de fragilité liées à des situations personnelles, et/ou professionnelles. Comment les reconnaître? Sentiment de mal-être persistant, de découragement, d’impuissance, de dévalorisation, pensées intrusives, déprime, dépression, anxiété, irritabilité, grande émotivité, démotivation au travail, difficultés de concentration, comportements d’évitement ou de fuite, retards fréquents sans motifs sont des indices que nous traversons une zone de turbulences, une période de fragilité. Pour l’intervenante, quand le travail devient lourd, malaisant, c’est le moment de s’occuper de soi, de parler à des collègues, à des personnes proches, de prendre action.

Évaluer nos conditions de travail : quelques éléments

Pour établir nos limites et nous protéger en tant qu’intervenant.e dans des situations chargées émotionnellement, il est utile d’ajuster nos attentes envers nous-mêmes, de prendre le temps du recul et de l’introspection, et de nous exercer à faire la distinction entre ce qui est urgent et ce qui est important pour mieux gérer notre temps et notre énergie.OutillageDisposons-nous de tous les outils nécessaires pour faire face aux enjeux et défis des interventions telles qu’elles ont cours dans notre organisme? Avons-nous accès à une formation continue et adaptée?Pratiques organisationnellesLa communication est-elle bonne dans chaque service et entre les services? Notre organisme exerce-t-il des pratiques d’évaluation? Notre organisme travaille-t-il en réseau avec d’autres organismes?

1. Évaluer son cadre et ses conditions de travail

B- Améliorer son cadre et ses conditions de travail

Les conditions de travail et salaires des intervenantes sont diverses, selon l’organisme. Elles peuvent avoir un statut d’occasionnelle ou de permanente. Certaines intervenantes occupent une seule fonction alors que d’autres ont différentes responsabilités. Mais le travail d’intervenante implique toujours de gérer plusieurs dossiers simultanément. L’horaire est parfois fixe et parfois aménageable et autogéré, ce qui facilite la conciliation travail-famille. Les heures travaillées varient entre 28 et 35 heures, mais les heures supplémentaires sont fréquentes et il est parfois nécessaire de travailler le soir pour accommoder les bénéficiaires. Dans certains organismes, les heures supplémentaires ne sont pas rémunérées, mais compensées par des « reprises de temps ». Certaines intervenantes sont syndiquées, d’autres pas. Elles bénéficient généralement d’assurances collectives et d’un régime de retraite. Les intervenantes en Maison d’hébergement pour femmes victimes de violences travaillent généralement à temps plein de jour, de soir et de nuit. D’autres intervenantes travaillent à temps partiel (jour, soir et nuit) ou sur appel. Certaines Maisons pratiquent une gestion participative ou l’autogestion. Des organismes fonctionnent avec une équipe multidisciplinaire et une approche holistique. En ce qui a trait au cadre physique de travail, le manque d’espace oblige parfois à partager bureaux et tables de travail avec des collègues. Les espaces de travail sont généralement bien tenus, et certains organismes disposent d’une salle de sport dans le lieu de travail. Il existe généralement une grande solidarité et convivialité entre employé.e.s.

Une organisation des services qui accompagne la santé des intervenant.e.s

Les organismes doivent disposer d’une boîte à outils pertinente et à jour.

2. Améliorer notre cadre et nos conditions de travail

Il importe de bien cerner la logique d’intervention de notre organisme afin de proposer des améliorations adéquates à notre cadre et à nos conditions de travail. L’objectif est de disposer de bonnes conditions de travail, notamment d’une organisation du travail adéquate et d’un cadre de travail sécuritaire et stimulant.

Espaces d’expressionLes femmes de notre organisme disposent-elles d’espace d’expression? Existe-t-il des comités visant à faciliter notre travail? Sont-ils fonctionnels? Pouvons-nous parler et ce, en confiance, à nos gestionnaires des difficultés que nous rencontrons?Cadre physiqueNotre cadre physique de travail est-il adéquat? Agréable? Avons-nous déjà craint pour notre sécurité? Nous sentons-nous en sécurité en tout temps?Charge de travail et temps alloué pour chaque interventionNotre charge de travail est-elle raisonnable? Le temps alloué pour chaque intervention est adéquat? Nos gestionnaires ont-ils/elles une juste appréciation du niveau de difficulté de notre travail et de l’ampleur de notre charge de travail? Considérons-nous que leurs attentes et exigences sont justes et raisonnables? Avons-nous déjà craint d’être victimes de burn-out ou de dépression dus à notre travail?Dispositifs de support et d’accompagnementAvons-nous accès à du support psychologique? Nous sentons-nous suffisamment soutenues par nos collègues, nos gestionnaires? Pouvons-nous compter sur leur aide et leur support quand nous sommes confrontées à des situations difficiles? Avons-nous la possibilité d’aménager nos tâches pendant des périodes où nous vivons des difficultés?Salaire et avantages sociauxNotre salaire et nos avantages sociaux sont-ils adéquats?

Renforcer l’appui que nous apporte notre institution

Obtenir plus de moyens

Il est bon de parler de nos résultats à nos superviseur.e.s pour leur donner confiance dans les résultats et les outiller pour se battre et pour obtenir plus de moyens, de mettre en valeur tout ce qui a pu être réalisé grâce aux interventions et aussi les catastrophes qui ont pu être évitées. Il est bon de développer nos arguments pour obtenir des rencontres supplémentaires avec une bénéficiaire si nécessaire.Si notre cadre physique de travail nous apparaît inadéquat, peu agréable et non sécuritaire, il importe de porter le problème constaté à l’attention des gestionnaires, en formulant des propositions concrètes d’amélioration. Les problèmes liés à la sécurité doivent être soulevés sans délai. Le réseautage et la collaboration avec les intervenant.e.s d’autres organismes est important, pour rompre notre isolement, initier des pratiques d’entraide, partager nos connaissances et conjuguer nos forces. Les réseaux sociaux sont utiles pour regrouper et stimuler les échanges. Il faut viser la création ou la réorganisation de liens intersectoriels pertinents durables. Une telle dynamique peut aboutir à la fédération des intervenant.e.s, un outil clé pour amplifier nos voix et obtenir réponse à nos besoins. Prenons des initiatives pour nous interconnecter, nous rencontrer, échanger, nous soutenir et nous renforcer mutuellement. Instaurons un système de partage d’outils entre collègues et organismes, organisons des activités, des interventions de groupes ou un Forum (Espace réseau femmes), ou encore initions un mentorat pair aidant entre femmes.

Si notre charge de travail est trop importante et que le temps alloué à chaque intervention est souvent insuffisant, il se peut que nos gestionnaires n’aient pas une juste appréciation de l’ampleur et des difficultés de notre travail. Ne laissons pas le burn-out ou la dépression s’approcher de trop près. Il est urgent de développer des moyens pour rapprocher nos gestionnaires du travail de première ligne. Il est souhaitable que tous les membres de l’institution mettent le travail d’intervention au centre de leurs préoccupations, et soient conscientisés aux enjeux et défis du travail d’intervention, responsabilisés et mobilisés. Pour être un support à votre travail, il est nécessaire qu'ils disposent d’une connaissance à jour des dispositions légales et réglementaires relatives à l’immigration et au refuge, qu’ils soient conscientisés au sujet des problèmes de violences genrées, aux traumas pré et péri migratoires, aux difficultés de vie et de survie des bénéficiaires et être prêts à contribuer au développement de réponses adéquates, notamment en adaptant l’organisation du travail. Une formation sur l’histoire des peuples autochtones est également nécessaire.

Une bonne communication à tous les niveaux de l’organisme constitue une condition gagnante. Un soin particulier doit être apporté aux évaluations et à la passation des acquis, afin d’inscrire la richesse des expériences dans la durée, de les institutionnaliser. Nous pouvons contribuer à créer des espaces d’échanges avec nos collègues intervenant.e.s, et entre intervenant.e.s, travailleuses d’autres services, gestionnaires et direction. De tels espaces permettent de renforcer la communication et la collaboration entre tous les membres de l’institution, de renforcer une vision et une compréhension communes de la mission de l’institution et des moyens nécessaires à la réalisation. Ils permettent de rapprocher toute l’équipe - intervenant.e.s et non intervenant.e.s - des réalités de l’intervention, de les responsabiliser à l’égard des finalités de l’institution, et d’étendre leur apport au travail des intervenant.e.s. Ainsi, tous seront plus concernés par nos difficultés, et plus immédiatement gratifiés par nos succès.

Les qualités et habiletés demandées

  • Expérience de vie, bienveillance envers soi-même et les autres;
  • Savoir-être, savoir séparer son travail de sa vie personnelle;
  • Bonnes valeurs (empathie/entraide/solidarité/honnêteté);
  • Sensibilité à la réalité des femmes (violence basée sur le genre), conscience des enjeux et impacts des violences sur elles, désir d’aider sans prendre en charge, en leur redonnant le pouvoir;
  • Pensée critique, capacité d’analyse, d’écoute, de jugement, d’introspection et d’auto-analyse;
  • Capacité de travailler en équipe et de faire confiance aux compétences des collègues;
  • Capacité à créer des ponts et des liens avec d’autres organismes;
  • Être sensibilité à la façon dont la culture est présente dans nos interventions;
  • Amour de son travail, autonomie, capacité de trouver les informations pertinentes et de respecter les règles de confidentialité.

1. Formations initiales, complémentaires et formation continue

Devenir une intervenante requiert des qualités personnelles, une formation de base et des formations complémentaires.

Intervenir auprès des FPM implique une somme de compétences. Quel que soit notre parcours académique (collégial, universitaire) ou professionnel, le renforcement et la tenue à jour de nos compétences sont un processus continu qui requiert un investissement quotidien, du temps et un engagement. Nos institutions doivent être conscientisées à cette nécessité de formation et d’autoformation continues et nous accorder le temps et les ressources nécessaires. Notre travail nous place à l’entrecroisement de multiples histoires collectives et individuelles. Pour saisir les enjeux de pouvoirs complexes qui produisent les réalités auxquelles nous nous trouvons confrontées à travers les vies et le cheminement des bénéficiaires que nous accompagnons, nous ne pouvons faire l’économie d’une relecture critique des systèmes et structures qui dominent notre monde aujourd’hui. Nos capacités réflexives et analytiques sont à entretenir de manière constante. Notre engagement pour plus de justice sociale est un moteur de cette démarche de mise à nue des oppressions. Notre conscience des préjugés de genre, de race, de classe, d’orientations sexuelles, et notre capacité de les dépasser, notre vigilance à l’endroit des biais implicites, peut se nourrir des approches pertinentes, les expériences et acquis du féminisme et du milieu communautaire au Québec.

C. Renforcer ses propres capacités et sa confiance en soi

  • L’histoire des migrations internationales et les inégalités dans la mobilité internationale;
  • Les enjeux migratoires actuels (aspects sociohistoriques: motifs et conditions de départ et d’insertion), les parcours migratoires;
  • Les politiques migratoires;
  • Les enjeux relatifs aux femmes dans le cadre des migrations internationales et les réalités des femmes immigrantes et réfugiées;
  • Les patriarcats au Nord et au Sud;
  • Le patriarcat au Nord;
  • Les violences genrées;
  • Le genre et l'identité de genre;
  • La stigmatisation des orientations sexuelles autres que celles dominantes.

Le renforcement de nos compétences analytiques et conceptuelles implique de garder à jour nos connaissances sur:

Formations complémentaires

Notons que certaines professions impliquent une obligation réglementée de formation continue.

Les formations initiales qui vous habilitent à devenir intervenante

  • Technique en travail social (CEGEP);
  • Baccalauréat en travail social, criminologie, psychologie, éducation spécialisée, sexologie, sciences infirmières, santé mentale et soins psychiatriques (Université);
  • Maîtrise en service social, criminologie, psychologie, éducation spécialisée, sexologie, sciences infirmières, santé mentale et soins psychiatriques (Université);
  • T.S, Infirmière clinicienne, Psycho éducatrice, Conseiller/conseillère en orientation, T.E.S., Psychothérapeutes, Intervenante psychosociale.
  • L’histoire des migrations internationales et les inégalités dans la mobilité internationale;
  • Les enjeux migratoires actuels (aspects sociohistoriques: motifs et conditions de départ et d’insertion), les parcours migratoires;
  • Les politiques migratoires
  • Les enjeux relatifs aux femmes dans le cadre des migrations internationales et les réalités des femmes immigrantes et réfugiées;
  • Les patriarcats au Nord et au Sud;
  • Le patriarcat au Nord;
  • Les violences genrées;
  • Le genre et lidentité de genre;
  • La stigmatisation des orientations sexuelles autres que celles dominantes.

Le renforcement de nos compétences analytiques et conceptuelles implique de garder à jour nos connaissances sur:

Formations complémentaires

Notons que certaines professions impliquent une obligation réglementée de formation continue.

Les formations initiales qui vous habilitent à devenir intervenante

  • Technique en travail social (CEGEP);
  • Baccalauréat en travail social, criminologie, psychologie, éducation spécialisée, sexologie, sciences infirmières, santé mentale et soins psychiatriques (Université);
  • Maîtrise en service social, criminologie, psychologie, éducation spécialisée, sexologie, sciences infirmières, santé mentale et soins psychiatriques (Université);
  • T.S, Infirmière clinicienne, Psycho éducatrice, Conseiller/conseillère en orientation, T.E.S., Psychothérapeutes, Intervenante psychosociale.
  • Le cadre légal et réglementaire de l’immigration, les lois et processus d’immigration;
  • Les démarches nécessaires à l’obtention d’un statut migratoire (barrières, délais, obstacles systémiques et leurs impacts);
  • Le contexte dans lequel nous intervenons (acteurs institutionnels et organisationnels);
  • Les informations de fond (politiques, socioculturelles, personnelles) au sujet des femmes auprès desquelles nous intervenons;
  • Les réalités vécues par les femmes immigrantes et en recherche de refuge;
  • Le fonctionnement de l’indemnisation des victimes d actes criminels (IVAC);
  • Le fonctionnement de la ligne d’aide financière d’urgence (LAFU);
  • La communication non violente.

Afin de mener à bien nos interventions de manière optimale, il est nécessaire que nous ayons des connaissances à jour aux niveaux suivants:

  • L’approche féministe intersectionnelle;
  • L’approche féministe interculturelle, l’approche interculturelle adaptée, la communication interculturelle, la sécurisation culturelle;
  • L’approche anti-oppressive décoloniale;
  • La théorie et les pratiques de soins transculturels;
  • La santé mentale et le trauma;
  • Intervention féministe;
  • Intervention en violence conjugale;
  • Dépistage de la violence faite aux femmes;
  • Dépistage des agressions sexuelles;
  • Prévention des féminicides et infanticides;
  • Aspects légaux et judiciaires de la violence conjugale;
  • Intervention de crises (suicidaires/homicidaires);
  • Prévention du suicide;
  • Traumas;
  • Méthodes de thérapie narrative;
  • Coaching pour la promotion de la santé et la prévention de la maladie (I.N.C.A.);
  • Yoga (YT-200) - Enseignement du yoga sensible au trauma.

Elle implique également de tenir à jour nos connaissances théoriques, cliniques et pratiques des approches et problématiques suivantes:

Autoformation et formation continues des intervenant.e.s

Formations à l’externe de vos organismes

Différentes formations touchant à notre domaine d’intervention sont disponibles. La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) offre des formations suivant différents axes : légal, psychosocial, interculturel, emploi, gestion. Des formations en ligne d’accès libre existent également, ainsi que des Podcasts (voir le répertoire de ressources en annexe).

Formation à l’interne de vos organismes

Dans l’éventualité qu’il n’y ait pas de formation disponible au sein de votre organisme, il est possible d’évaluer sommairement les besoins de votre équipe de travail et de demander à vos gestionnaires que des formations soient dispensées à l’interne.

L’autoformation

Pour rester motivée, il est bon d’inscrire à son calendrier son horaire d’autoformation (time blocking). Il peut être stimulant de s’associer à des collègues dans la mise en œuvre de l’ensemble ou d une partie de notre plan d autoformation. Imprimez les outils disponibles afin de les intégrer plus rapidement. Il est souhaitable d’obtenir de vos gestionnaires du temps réservé à l’autoformation.

Élaborer un plan de formation

Un plan de formation est un document qui résume de manière organisée, sous forme de calendrier, vos objectifs, les activités de formation que vous souhaitez réaliser ainsi que les ressources en formation qui seront mobilisées. Ce plan indiquera les composantes qui feront l’objet d’une autoformation, d’une formation à l’interne et à l’externe de votre organisme.

Les questions de réflexion à se poser

La première étape consiste dans une évaluation permettant l’identification de nos besoins et priorités de formation. La seconde étape consiste à effectuer l’inventaire des ressources en formation qui nous sont disponibles. Cet inventaire nous permettra d’identifier lesquels de nos besoins peuvent être remplis par une autoformation (ou une co-formation) et ceux qui impliquent de participer à des formations, à l’interne et à l’externe de notre organisme. Ces informations permettront d’élaborer un plan comportant trois volets, d’autoformation, de formation à l’interne et à l’externe de notre organisme. D’autres voies peuvent également être pratiquées, par exemple la participation à des communautés de pratique réflexive guidée, à des groupes ou à des échanges organisés visant le renforcement des connaissances au sein d’une communauté. Renforcer nos compétences implique une décision personnelle, une prise d’initiative et une planification.

Intégrer de nouvelles approches

Il s’agit, sur la base d’une large compréhension du monde contemporain, de l’immigration et de la recherche de refuge dans notre monde d’aujourd hui, de développer des pratiques, outils et modes de partage qui, dans la mesure du possible, prennent en compte aux niveaux macro et micro, tous les rapports de pouvoir, de domination et d’exploitation, les inégalités, les minorations, marginalisations, abus, qui prennent leurs assises dans le colonialisme, le néocolonialisme, l’exploitation économique, le sexisme, le classisme, le racisme, et l’entrecroisement/ la co-organisation de toutes ces dimensions.

Intégrer de nouvelles préoccupations

Comme intervenante, nous devons rester alertes, ouvertes à toutes les réalités humaines. Il ne faut pas présupposer ni présumer, sur le sujet des orientations sexuelles tout particulièrement.

2. Innover: développer de nouvelles pratiques, de nouveaux outils et modes de partage

Dans cette perspective, le savoir-être est essentiel. Ce savoir fonde notre attitude, notre comportement. Il est la source de la patience qui nous dicte d’avancer au rythme de la femme que nous accompagnons, avec l’ouverture qui permet que se développent une (re)connaissance mutuelle et des liens, et nous permet de développer des réponses adaptées quand bien même nous rencontrons parfois des comportements inattendus (arrogance, impatience, impolitesse, etc.). C’est le savoir-être qui nous aide à nous adapter et à reconnaître et exprimer nos limites.

  • La reconnaissance de la bénéficiaire comme sujet/ actrice peu importe à quel point elle a été ou reste dépossédée de ce statut de sujet;
  • La reconnaissance de l’expérience des bénéficiaires comme valide;
  • La compréhension et l’acceptation du fait que l’expression des bénéficiaires a été longtemps censurée sur beaucoup de sujets (orientation sexuelle, violences conjugales et familiales, etc.) et qu’elle peut être et demeurer difficile;
  • La connaissance des dimensions culturelles à prendre en compte afin d’offrir aux personnes un soutien culturellement congruent.

Soulignons que l’objectif que nous poursuivons est de nous outiller le mieux possible afin de conduire des interventions fondées sur les principes suivants:

Créer des jumelages entre des familles dans la population

Nous rapprocher des bénéficiaires, adapter et réorganiser les services au sein de notre organisme. Créer de nouveaux cadres et lieux de rencontre: espaces d’échanges informels avec les femmes, cafés rencontres dans un centre commercial, visites des lieux qu’elles fréquentent (centres de francisation, épiceries communautaires, magasins de leur culture d'appartenance, etc.), à partir d’une approche et d’une pratique féministe et de l’action communautaire autonome et toute autre pratique pertinente (Points de service «Pop-Up» anonymes en épicerie, service de check-in, ligne téléphonique identifiable par les clientes seulement, cartes d’affaires non identifiables, mobilité de l’intervenante qui se déplace au besoin pour préserver l’accès anonyme aux services).

Instaurer une communauté de co-développement. Cette communauté peut être synchrone ou synchrone, virtuelle ou en personne. Une telle initiative demande une implication soutenue pour le développement et l’animation de la communauté.

Quelques moyens pour renforcer la cohésion et la solidarité dans nos organismes

Instaurer une pratique réflexive individuelle (introspective) et en équipe, un accompagnement (coaching) dans la mise en œuvre des activités et un feedback clinique.

Développer de nouveaux modes de partage

Créer des cercles de discussion (Healing circles)

Développer de nouvelles pratiques

Documenter nos pratiques: tenir un journal personnel de nos interventions, documenter nos réalités et celles des bénéficiaires, obtenir l’accès aux témoignages des femmes.

Formaliser tout en préservant toute la richesse de l’informel

  • Systématiser les leçons tirées de l’expérience;
  • Inclure les femmes dans les formations et discussions autour des problèmes;
  • Mettre en œuvre des interventions de groupe, des groupes d’intégration et des groupes de soutien;
  • Réaliser l’état des lieux des réseaux formels et informels existants pour les adapter le mieux possible aux besoins de l’intervention auprès des FPM;
  • Généralement, construire ou renforcer des ponts, créer des occasions de dialogue et de coopération, mettre en œuvre des pratiques de partage respectueuses de la propriété intellectuelle;
  • Innover, insuffler de la créativité dans nos interventions. Intégrer de nouvelles approches et préoccupations, développer de nouvelles pratiques, de nouveaux outils et modes de partage.

Les pratiques suivantes sont porteuses dans cette perspective:

3. Améliorer l’efficacité et l’efficience de nos interventions

  • Utiliser une approche interdisciplinaire/intersectorielle incluant les femmes comme expertes de leurs propres expériences dans le cadre de discussions entre professionnels;
  • Inviter des bénéficiaires à participer aux formations destinées initialement aux intervenant.e.s;
  • Pratiquer l’approche humaniste-caring (sciences infirmières);
  • Nous fédérer: prenons l’initiative de nous interconnecter, de nous rencontrer pour échanger, nous soutenir et nous renforcer mutuellement, d’organiser des activités, des interventions de groupes ou un Forum (Espace réseau femmes), d’instaurer un système de partage d’outils, d’initier un mentorat pair aidant entre femmes, d’ouvrir des espaces d’échanges larges (Colloques, etc.);
  • Développer de nouveaux outils, telle la cartographie des services (mappage).
  • Le statut migratoire: la régulation pour tous et toutes pour prévenir les violences;
  • Le renforcement des droits des personnes immigrantes;
  • La simplification des processus d’immigration, la réduction des délais et coûts qui y sont liés;
  • Des violences systémiques et plusieurs autres types de violences sont fortement liés au statut migratoire;
  • L’absence et la précarité de statut migratoire doivent être reconnues comme des facteurs d’inégalité sociale, des facteurs au cœur des violences. La régularisation pour toutes et tous est un levier important de prévention des violences;
  • L’accès universel aux ressources et services et leur adaptation aux besoins intersectionnels;Linguistiques (interprétariat, traduction, cours de langue);
  • Des ressources en santé physique.

Le plaidoyer peut constituer un levier puissant pour faire évoluer positivement la condition des FPM, et du même coup nos conditions d’intervention. Nous soulignons ici quelques dimensions qui nous paraissent importantes:

Quelques dimensions prioritaires pour le plaidoyer

Bénévolat

Pour contribuer à régler sur le long terme les problèmes que nous rencontrons de notre travail d’accompagnement, nous impliquer dans une démarche de conscientisation, de sensibilisation et de plaidoyer est crucial.

4. Nous renforcer collectivement et amplifier notre voix: plaidoyer et mobilisation

  • Sur l’expérience des femmes immigrantes en recherche de refuge;
  • Sur l’expérience des femmes immigrantes vivant de la violence basée sur le genre dans un contexte d’immigration;
  • Sur les effets de la pandémie du COVID et des mesures sanitaires sur leur santé mentale.
  • Pour un accès universel à la justice;
  • Des ressources suffisantes en hébergement et en accompagnement.
  • Ressources en santé mentale de bases (psychologues, neuropsychologues, psychoéducateurs, psychothérapeutes);
  • Ressources en santé mentale de spécialisées en trauma (EMDR, TCD);
  • Ressources en santé adaptées à la condition des FPM (MD famille, psychiatres, IPSPL, IPSSM);
  • Soutien psychosocial.
  • Ressources spécialisées (gastro-entérologie, nutrition, troubles gastro-intestinaux, médecine interne, troubles immunitaires, dépendances, neurologie traumas crâniens post-violence physique);
  • Périnatalité (la vague de demandeuses d’asile implique un débordement à PRAIDA qui rend nécessaire une aide dans l’immédiat).

Études, recherches, données

Violence conjugale

Des ressources en santé mentale

Des ressources en santé physique

Pour aller plus loin, consultez les annexes ci-jointes.

Merci d’avoir pris le temps de lire ce guide. Pour être utile de manière durable, ce guide est évolutif et ouvert à vos observations et suggestions, qui serons utilisées pour le garder à jour. Cliquez-ici pour accéder au formulaire qui a été crée à cet effet.

  • La reconnaissance de la bénéficiaire comme sujet/ actrice, peu importe combien elle a été ou reste dépossédée de ce statut;
  • La reconnaissance de l’expérience des bénéficiaires comme valide;
  • La compréhension et l’acceptation du fait que l’expression des bénéficiaires a été longtemps censurée sur beaucoup de sujets (orientation sexuelle, violences conjugales et familiales, etc.) et qu’elle peut demeurer difficile.

Les principes les plus fermes sur lesquels appuyer notre travail d’intervenante sont les suivants:

En conclusion

  • Recensement des outils d’évaluation des risques de violence conjugale utilisés au Canada - Ministère de la justice du Canada: https://www.justice1.gc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/vf-fv/rr09_7/p4.html
  • Évaluation du risque d’homicide conjugal - Université Laval: https://www.raiv.ulaval.ca/sites/raiv.ulaval.ca/files/publications/fichiers/fiche_synthese_13_finale_web.pdf
  • Évaluation du risque d’homicide conjugal - TCVCM - Outils de référence: https://www.tcvcm.ca/page/outils-de-reference
  • Grille d’évaluation de risque homicidaire (nécessite une autorisation d’accès): https://drive.google.com/file/d/1gZZOCV_hpQIFlT-KEl586w6my87MFIF6/view?usp=drive_link

Outils d’évaluation des risques de violence, d’homicide et d’homicide conjugal

Les thérapies narratives

« La formation sur les méthodes de thérapie narrative est quelque chose que j’ai beaucoup apprécié parce qu’elle permettait d’améliorer nos façons d’intervenir, à travers nos propres réactions, nos questions, notre façon de penser les dimensions cliniques de nos interventions. La personne est face à un problème. On peut établir une relation avec quelqu’un qui a vécu de la violence. Mais si on n’est pas habitué à être confronté à ce problème, et qu’on voit la personne comme le problème, là, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas ».

« Le travail d’intervention est complexe et difficile. La prise en charge, la gestion et le suivi du dossier d’une femme vivant de la violence basée sur le genre (VBG) en contexte d’immigration, de pluri culturalité et de barrière linguistique requièrent plus de temps que les cas où ces éléments ne sont pas présents. Il est important que les organismes au sein desquels nous travaillons, notamment leurs gestionnaires, le comprennent. Il est important qu’ils soient à l’écoute des réalités du terrain, engagés auprès de leurs équipes et saisissent la problématique globale et des besoins qui en découlent pour nos interventions, tant au plan de la formation, du soutien clinique et des liens intersectoriels pour le référencement. Il est nécessaire que les organismes s’engagent à outiller et à soutenir leurs équipes. Les intervenantes ne doivent pas être laissées à elles-mêmes. Nous avons besoin de l’appui de nos organismes ».

Renforcer l’appui que nous apporte notre institution

  • Le reflet consiste à identifier et nommer l’émotion véhiculée dans l’histoire personnelle qui a été racontée. Le reflet n’est possible qu’à la suite d’une écoute silencieuse et respectueuse, réalisée avec le cœur autant qu’avec les oreilles.
  • La reformulation est le miroir de la situation décrite, exprimée dans les mots de la personne qui écoute.
Les principes de l’écoute active, selon Carl Rogers

« L’écoute active est une technique de communication mise au point par le psychologue américain Carl Rogers, elle est basée sur les principes suivants:• Respecter l’interlocuteur, l’écouter sans le juger, quelle que soit la situation – c’est la base de cette démarche humaniste. Cela implique aussi de savoir respecter le silence, comprendre que le silence est rempli d’émotions qui s’expriment et est nécessaire avant de laisser place aux mots. • Ressentir de l’empathie, être capable de se mettre à la place de l’autre, de comprendre son monde intérieur, sans toutefois porter toute sa douleur sur ses propres épaules. • Parler au cœur plus qu’à la raison, exprimer des contenus émotionnels plutôt que les contenus intellectuels. • La non-directivité, c’est-à-dire s’abstenir de donner tout conseil, car on a confiance que l’autre est capable de trouver ses propres ressources au fond de lui, une fois qu’il est dans les conditions émotionnelles propices pour se faire confiance et se prendre en main. Concrètement, elle s’articule en deux étapes, appelées reflet-reformulation. La combinaison de reflet et de reformulation permet à la personne écoutée de reconnaître ses émotions ressenties et de se sentir comprise. L’écoute active vise ainsi à permettre à la personne écoutée de prendre un recul, de se “grounder” et de prendre conscience de ses capacités. Elle lui permet de gagner en confiance et de trouver les ressources internes pour avancer dans son cheminement personnel.« Quand j’ai été écouté et entendu, je deviens capable de percevoir d’un œil nouveau mon monde intérieur et d’aller de l’avant. Il est étonnant de constater que des sentiments qui étaient parfaitement effrayants deviennent supportables dès que quelqu’un nous écoute. Il est stupéfiant de voir que des problèmes qui paraissent impossibles à résoudre deviennent solubles lorsque quelqu’un nous entend. » — Carl Rogers, psychologue humaniste, créateur de l’écoute active.

Source: https://www.cpsquebec.ca/

  • Prendre la mesure de la détresse de la bénéficiaire;
  • Effectuer les gestes nécessaires à sa sécurité et à notre sécurité;
  • Éviter d’initier des contacts physiques;
  • Lui donner le temps de se poser, de revenir à elle-même;
  • Selon le moment où se manifeste son état de crise, chercher à comprendre ce qui, dans les événements de sa vie, ou l’environnement de votre bureau, ou encore la nature des échanges qui avaient cours, a pu contribuer à favoriser cet état; évaluer la situation, son évolution immédiate et prendre des décisions (de référencement urgent, de référencement courant, de suivi).

Intervenir auprès d’une femme en état de crise

La violence conjugale peut se manifester de diverses façons:

• Violence psychologique: dévaloriser, humilier, menacer, frapper dans les murs, maltraiter un animal, isoler une personne de ses proches;• Violence verbale: hurler, insulter;• Violence physique: bousculer, frapper, séquestrer;• Violence sexuelle: imposer un acte sans consentement, commentaire dénigrant sur le plan sexuel;• Violence économique: contrôler l’argent, voler, utiliser l’argent pour forcer à rester dans la relation; • Violence spirituelle: interdire ou imposer des croyances;• Cyberviolence: utiliser les technologies (ex.: géolocalisation, réseaux sociaux, textos) pour surveiller, contrôler, harceler, mettre de la pression;• Harcèlement criminel: se comporter de manière à susciter des craintes pour la sécurité de la victime ou de son entourage.

https://www.cisss-bsl.gouv.qc.ca/soins-services/en-cas-d-urgence/violence-conjugale

Comment se manifeste la violence conjugale?

Source: https://santemontreal.qc.ca/population/services/besoin-daide-ou-situation-de-crise-centres-de-crise/

« On parle de crise psychosociale lorsque la crise est reliée à une situation de vie imprévue jugée menaçante, qui déstabilise une personne et met en péril ses conditions d'existence (par exemple: divorce, perte d'emploi, violence conjugale, deuil, problèmes financiers, etc.). On parle de crise psychiatrique lorsque l'état psychologique d'une personne change de façon soudaine et intense, créant un déséquilibre psychologique important et une incapacité à composer avec la situation et à fonctionner normalement (par exemple: crise de panique, psychose, délires, etc.). »

Qu'est ce qu'une crise?

  • S’informer auprès de la Maison Bleue, des églises de votre région et des organismes communautaires des opportunités de bénévolat;
  • Créer un partenariat avec l’école de votre quartier afin de mettre en œuvre des sessions de sensibilisation à la violence conjugale auprès des nouveaux arrivants dans les classes de francisation;
  • Rester informés de l’évolution des dossiers importants concernant l’immigration et le refuge;
  • Participer aux webinaires et sessions d’information et d’échanges concernant les femmes immigrantes vivant des situations de violence.

Si vous connaissez des personnes intéressées à s’engager auprès ou pour la cause des femmes immigrantes et en recherche de refuge, il est possible de leur suggérer certaines démarches, notamment :

Bénévolat

La démarche de réflexion sur soi-même que Ricardo propose dans cette vidéo fait partie des trois axes de l’approche interculturelle en intervention. Pour connaître les autres fondements et axes de l’approche, regardez la capsule sur le cadre de référence et celle sur l’approche interculturelle sur la chaine Youtube de la TCRI.

  • Un lac-à-l’épaule annuel;
  • Une supervision clinique semestrielle;
  • Des journées de ressourcement bimestrielles pour l’accompagnement personnel des intervenantes;
  • La constitution d’un comité composé de quelques intervenantes qui veille à la santé psychique de l’équipe;
  • Le recrutement d’une intervenante externe pour l’accompagnement des intervenantes en cas de besoin (approche participative d’évaluation/autoévaluation intervenante-coordonatrice);
  • En période de fragilité, l’aménagement des tâches de l’intervenant.e et une flexibilité renforcée (par exemple, lui offrir de choisir les comités auxquels elle veut participer).

Dans les organismes, une organisation des services qui accompagne la santé de l’équipe d’intervention et qui couvre du micro au macro est nécessaire. Elle peut prendre par exemple la forme suivante:

Une organisation des services qui accompagne la santé des intervenant.e.s

Mémoire de la TCRI

Pour accéder au mémoire de la TCRI, rendez vous ici: https://tcri.qc.ca/wp-content/uploads/2023/08/Memoire-TCRI-niveaux-dimmigration-2024-2027-VF-14.8.23.pdf

Loi 96 sur la langue française: impacts sur l’accès aux services publics et l’inclusion des personnes réfugiées et immigrantes

Pour accéder aux ressources du SHERPA, rendez-vous ici: https://sherpa-recherche.com/realisations/publications/avis-pl96/

Cartographies des marges: intersectionnalité, politique de lidentité et violences contre les femmes de couleur

Crenshaw, K. (2005).Cahiers du genre, 39, 51-82.https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2005-2-page-51.htm?ref=doi

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Annexes

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  • Créer un mini caucus: intégrer dans l’horaire de travail un mini caucus hebdomadaire ou bi-hebdomadaire. Ce temps d’arrêt permet à quelques intervenantes de se rencontrer et de faire le point sur un dossier, sur le climat de travail, la santé mentale de chacune, etc.
  • Proposer l’instauration d’une rencontre périodique regroupant tous les membres de l’institution, et qui portera exclusivement sur le travail d’intervention.

Quelques moyens pour renforcer la cohésion et la solidarité dans nos organismes

La TCRI, c’est plus de 40 ans d’actions au service des personnes réfugiées et immigrantes. Retrouvez-nous sur nos réseaux sociaux ou écrivez-nous à info@tcri.qc.ca.

Quelles ressources en cas de crise?

Au-delà de créer un espace de confiance entre vous et la personne bénéficiaire, il existe des ressources extérieures à qui vous pourriez faire appel en cas de besoin.

« La formalisation est importante, car elle facilite l’instauration d’une pratique dans les habitudes d’une organisation et donc sa durabilité. Cependant, elle ne doit pas nous faire perdre la richesse que porte la dynamique informelle. Il faut par exemple institutionnaliser la pratique d introspection par la mise en place de protocoles, car c’est l’existence de protocoles qui lui donne une existence institutionnelle. Mais nous devons préserver l’aspect humaniste de cette expérience d’introspection ».

Formaliser tout en préservant toute la richesse de l’informel

L’écoute active, un : « Processus dynamique et interactif exempt de jugement.» (Fortinash et Holoday Worret, 2016)
  • « Il convient de bien écouter la bénéficiaire afin de tenter de déterminer la signification sous-jacente de ce qu’elle dit. Dans un second temps, nous validerons notre compréhension en lui restituant ce que nous avons saisi de ce qu’elle énonce. Il convient également d’être attentive au langage corporel de la bénéficiaire.Notre attention doit être continue. Pour prévenir la fatigue attentionnelle et éviter de trahir notre état émotionnel pendant une rencontre, prenons des pauses quand cela est nécessaire. Elles seront également utiles à la bénéficiaire, lui permettant de reprendre son souffle et de réorganiser sa pensée si elle en a le besoin.
  • Il est nécessaire de prendre la personne là où elle est dans le moment présent. Notre expérience peut nous conduire à percevoir des besoins réels non encore reconnus par la bénéficiaire. Il importe de ne pas anticiper sur l’expression de ses besoins et priorités, sans pour cela invalider notre propre perception. Il s’agit de distinguer les besoins que nous percevons des besoins ressentis par la bénéficiaire.
  • Les bénéficiaires ont leurs propres visions, leurs propres ressentis. Une bénéficiaire peut ne pas vouloir parler de ses traumas ou de la violence conjugale qu’elle subit. Elle peut avoir laissé ses enfants dans son pays d’origine et considérer que cette séparation est la pire des violences, tout comme les longs délais d’attente et le processus bureaucratique qui prolonge cette séparation. Une autre bénéficiaire peut ne pas trop souffrir des barrières à l’accès aux services, mais souffrir du climat, ou du racisme vécu en milieu de travail.
  • Ce principe du respect des besoins ressentis par la bénéficiaire n’interdit pas de vérifier si la bénéficiaire a des préoccupations, des ressentis, qu’elle n’exprime pas. En utilisant l’approche de la communication non violente, il est utile de nommer des problèmes déjà vécus par autres personnes («… il arrive parfois que certaines personnes vivent/pensent/ressentent…»), pour ouvrir l’espace d’expression.
  • Le langage corporel est également important. Il est recommandé de nous tenir à une distance appropriée, face à la bénéficiaire, penchée vers elle, et de la regarder dans les yeux, dans une attitude d’ouverture (FOPYD). »

« Au Québec, le fonctionnement des tribunaux et de l’administration est tributaire de la culture patriarcale. Dans beaucoup de nos dossiers, nous constatons que le système de justice, usant d’une vision stéréotypée persistante des rapports entre les hommes et les femmes et refusant de prendre en compte les impacts sociaux spécifiques de cette violence sur les femmes, manque à son devoir de traiter les femmes immigrantes victimes de violence de façon égalitaire. Les conditions d’existence des femmes sont rarement prises en compte (statut d’immigration, parcours migratoire, situation financière, etc.). Il existe également une tendance à pathologiser leur comportement. Les principaux acteurs et actrices du milieu judiciaire (avocats, policiers et juges) ne sont absolument pas outillés afin de saisir l’impact de ces stéréotypes sur leurs prises de décisions. Tout cela contribue à faire perdurer les traitements inéquitables subis par les femmes. Sans généraliser, nous pouvons dire que les femmes immigrantes ont des attentes différentes. Elles peuvent penser que l’égalité est concrète au Québec et s’attendre à un traitement égalitaire, non discriminatoire en tant que femmes et en tant qu’immigrantes lorsqu'elles quittent un conjoint violent. Elles peuvent penser que leur situation va être prise en compte. En tant qu’intervenantes, nous nous devons d’évaluer les attentes des femmes que nous accompagnons et d’être réalistes pour les aider à gérer ces attentes face au système judiciaire. Ce sont des interventions compliquées, car la violence conjugale peut ne pas être reconnue par le système de justice et les services étatiques tels la DPJ. Dans certaines situations, une femme peut même être accusée d’utiliser la dénonciation de la violence qu’elle subit pour se venger de son conjoint dans le cadre d’un conflit de couple. Quand une femme parle de la violence faite aux enfants, il peut lui être reproché de faire de l’aliénation parentale et dans certains cas, elle subira des conséquences non négligeables au niveau de la garde des enfants. Le système dans son ensemble ne reconnaît pas le contrôle coercitif des hommes sur les femmes et les enfants qui est à la base de la violence familiale. Au lieu de protéger les femmes et les reconnaître dans leurs droits, le système judiciaire peut les victimiser une fois de plus, en exerçant une violence institutionnelle. Pour favoriser une reprise de pouvoir des femmessur elles-mêmes, il peut être avisé de les encourager à faire ces démarches en justice pour elles-mêmes, sans nécessairement attendre de résultats. C’est une façon d’accompagner une femme vers une réussite et non vers un autre échec. »

La gestion des attentes face au système de justice

Rendez-vous ici:https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2002-1-page-98.htm

« Une guerre pour les femmes afghanes? », Christine Delphy

« La guerre menée par les États-Unis depuis septembre 2001 contre l’Afghanistan a été justifiée auprès des opinions publiques par plusieurs objectifs, dont la « libération des femmes afghanes. ». La libération peut-elle être imposée de l’extérieur par une agression contre les personnes mêmes qu’on prétend libérer ? »

Rendez-vous ici:https://www.cairn.info/revue-le-genre-humain-1984-2-page-215.htm

« Avec ou sans race », Colette Guillaumin

« Quels sont les éléments nouveaux dans le racisme aujourd'hui? Et pourquoi se poser cette question? Car il faut bien se la poser, le racisme nest pas ce phénomène social spontané, transparent, identique à lui-même à travers tous les temps, tous les pays, tous les peuples ou groupes. »

Rendez-vous ici: https://journals.openedition.org/cedref/1196

« La colonialité du genre », Maria Lugones

La colonialité du genre est un concept forgé par la philosophe féministe argentine Maria Lugones (2007, 2010), inspiré par celui de colonialité du pouvoir (Aníbal Quijano, 2000), pour interroger l'universalisme et l'eurocentrisme du système de genre occidental.

  • Est-ce que j’ai des difficultés à exercer mon autocritique? Pourquoi?
  • Quelles sont mes forces? Mes faiblesses? Où se situent mes limites?
  • Comment mon expérience personnelle, mes appartenances, mes identifications influencent mon travail?
  • Est-ce que j’ai des craintes par rapport à “la diversité” ? Lesquelles? Est-ce que j’ai des préjugés à l’endroit de certaines cultures? De certaines orientations sexuelles?
  • Suis-je inclusive?
  • Suis-je consciente de mes privilèges?
  • Suis-je consciente des oppressions subies par les femmes que j’accompagne?
  • Est-ce que je me sens incompétente sur certains aspects? Si oui, lesquels?

Les questions de réflexion à se poser...