L'éclatante victoire de Sarrebrück
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Transcript
Par Marlène ICHER
Mode d'emploi "tout simple": dans le développement de la LL "promenez votre souris" sur le texte, quand une main apparait cliquez et vous aurez des explications! Cela vous permet de réfléchir avant d'avoir des réponses... Attention toute LL reste personnelle et d'autres interprétations seraient possibles!
Lecture linéaire 3 "L'Eclatante Victoire de Sarrebrück"
La bataille de Sarrebrück est une bataille entre la France, alors dirigée par Napoléon III, et l'Allemagne qui a eu lieu le 2 août 1870 au cours de la guerre franco-prussienne de 1870. La bataille de Sarrebruck fut gagnée par la France.
Ce témoignage historique correspond-il au titre donné par Rimbaud?
« Dès la fin de juillet l’inaction de l’armée commençait à inquiéter et à irriter les esprits en France. On sentait instinctivement tout ce qu’il y avait de fâcheux et de grave dans cette perte de temps. Pour donner une satisfaction à l’opinion publique, l’Empereur jugea nécessaire de faire une démonstration. Le 2 août, il donna l’ordre d’attaquer Sarrebruck, où le général Frossard ne rencontra que trois bataillons et trois escadrons des uhlans qui refusèrent le combat et se replièrent avec la précision et le sang-froid de troupes rompues à toutes les circonstances de la guerre. »— Léo Armagnac, Quinze Jours de campagne, chap. II
Même question: cela correspond-il selon vous au titre donné par Rimbaud?
Gustave Boulanger, Sarrebruck après la bataille, le 5 août 1870
L’Éclatante victoire de SarrebrückRemportée aux cris de Vive l’Empereur !(Gravure belge brillamment coloriée, se vend à Charleroi, 35 centimes.)Au milieu, l’Empereur, dans une apothéoseBleue et jaune, s’en va, raide, sur son dadaFlamboyant ; très heureux, ? car il voit tout en rose,Féroce comme Zeus et doux comme un papa ;En bas, les bons Pioupious qui faisaient la siestePrès des tambours dorés et des rouges canons,Se lèvent gentiment. Pitou remet sa veste,Et, tourné vers le Chef, s’étourdit de grands nomsÀ droite, Dumanet, appuyé sur la crosseDe son chassepot sent frémir sa nuque en brosse,Et : « Vive l’Empereur !! » – Son voisin reste coi…Un schako surgit, comme un soleil noir… – Au centre,Boquillon, rouge et bleu, très naïf, sur son ventreSe dresse, et, – présentant ses derrières « De quoi ?… »Octobre 1870.
Intro : le titre de ce poème est profondément ironique, en effet, lorsqu’il écrit ce poème Rimbaud, âgé de 16 ans est en fugue, et on sait qu’il a assisté aux horreurs de la guerre franco-prussienne. Ce poème est donc une attaque ironique et anti-conformiste contre la guerre menée par Napoléon III : cette bataille fut loin d’être une « victoire éclatante » et moins d’un mois plus tard aura lieu la défaite de Sedan qui mènera à la chute du Second Empire. Pourtant cette « petite victoire » sera utilisée par Napoléon III à des fins de propagande et ce sonnet se veut une description ironique des images d’Epinal publiées à son propos. Pbmatique : Comment ce sonnet antimilitariste exprime-t-il l’ironie de Rimbaud envers la guerre et la propagande bonapartiste ?
L’Éclatante victoire de SarrebrückRemportée aux cris de Vive l’Empereur !(Gravure belge brillamment coloriée, se vend à Charleroi, 35 centimes.)Au milieu, l’Empereur, dans une apothéoseBleue et jaune, s’en va, raide, sur son dadaFlamboyant ; très heureux, car il voit tout en rose,Féroce comme Zeus et doux comme un papa ;En bas, les bons Pioupious qui faisaient la siestePrès des tambours dorés et des rouges canons,Se lèvent gentiment. Pitou remet sa veste,Et, tourné vers le Chef, s’étourdit de grands nomsÀ droite, Dumanet, appuyé sur la crosseDe son chassepot sent frémir sa nuque en brosse,Et : « Vive l’Empereur !! » – Son voisin reste coi…Un schako surgit, comme un soleil noir… – Au centre,Boquillon, rouge et bleu, très naïf, sur son ventreSe dresse, et, – présentant ses derrières « De quoi ?… »Octobre 1870.
Les mouvements suivent la description organisée (grâce aux connecteurs spatiaux) de cette gravure :- 1er quatrain = NIII au centre- 2ème quatrain et 1er tercet = une armée inactive et ridicule - 2ème tercet = ultime provocation ironique
Titre grandiloquent déjà commenté dans l'intro: antimilitarisme ironique de Rimbaud
Cette précision entre ( ) permet au lecteur de comprendre qu'il va s'agir d'un sonnet descriptif mais comporte aussi déjà de l'ironie avec l'adv + "brillament" et la mention du prix peu élevé --> son but de propagande est tourné en dérision. On pourrait aussi lire cette précision comme une publicité publiée dans le journal. Enfin rappelons que Rimbaud est précisément en fugue à Charleroi, on entend donc avec lui le cri des crieurs de journaux.
Le 1er sous-titre peut parodier les appels des crieurs de journaux grâce aux points d'exclamation
L’Éclatante victoire de Sarrebrück Remportée aux cris de Vive l’Empereur ! (Gravure belge brillamment coloriée, se vend à Charleroi, 35 centimes.)
Le //isme antithétique finit de ridiculiser NIII: on passe d'une comparaison épique et mythologique à une seconde qui déconstruit toute grandeur, ce que confirme la rime ridicule et enfantine: NIII = un papa sur un dada!
Optimisme hors de propos la prop coord de cause justifie cette joie par une expression toute faite qui ridiculise l'Empereur + effet comique de la rime avec "apothéose" + nouvelle couleur (rappelle le sous-titre): surenchère
l'attaque est désormais ouverte avec le nom donné à la monture qui relève du langage enfantin.
pas une attitude héroïque + adj ridicule
Suite de l'impression élogieuse: majuscule + terme hyperbolique mais déjà excessif donc antiphrase ironique
connecteur spatial: place symboliquement importante, annonce le "semblant" d'éloge
Renvoie à la couleur de l'uniforme de la garde personnelle de NIII mais annonce déjà la surenchère de couleurs de la gravure et la discordance est confirmée par le rejet des deux adj
Rejet qui confirme l'oxymore ironique entre le nom ridicule et l'adj élogieux et hyperbolique
Mouvement 1: la description ridicule de NIII Au milieu, l’Empereur, dans une apothéose Bleue et jaune, s’en va, raide, sur son dada Flamboyant ; très heureux, car il voit tout en rose, Féroce comme Zeus et doux comme un papa ;
"pioupiou" = nom donné autrefois à un simple soldat: naïveté + "bons" et "gentiments" = personnages dénués de méchanceté ce qui s'oppose au contexte guerrier
2ème mouvement: la description d'une armée inactive et ridicule En bas, les bons Pioupious qui faisaient la sieste Près des tambours dorés et des rouges canons, Se lèvent gentiment.
Surenchère de couleur + symbolique ("dorés" = volonté d'apparât de NIII / "rouge" = sang? + antéposition ridicule de ladj))
Opposé d'une image épique et guerrière + diérèse sur "sieste" qui allonge cette dernière
Connecteur spatial (organisation de la description)
Description d'un réveil lent et tranquille avec le présent et l'action banale + "veste" et non "uniforme" (poursuite du décalage avec un registre épique attendu)
Figure fictive populaire: inspirée par un contre-révolutionnaire (sous-entend que l'armée n'est pas composé que de sujets fidèles à l'Empereur d'où le manque d'entrain! + figure du soldat naïf
Attitude d'admiration excessive Euphorie d'être en présence de NIII qu'il compare aux "grands noms" de l'histoire... + comique de la voix pronominale: il "s'étourdit" tout seul! Ou hypocrisie étant donné le choix du nom du personnage?
Organisation du tableau: on le voit de dos
Terme qui remplace le titre d' "Empereur": désacralise NIII + majuscule ironique
Pitou remet sa veste, Et, tourné vers le Chef, s’étourdit de grands noms
Position nonchalante - illustre la passivité - (enjambement = vers "bancal" tout comme le perso a besoin d'un appui)
(cheveux en brosse = coupe militaire) image ironique et ridicule (rappelle "avoir la chair de poule") = vive émotion qui prépare le cri d'enthousiasme marqué par le DD et les ! Ce cri rappelle le sous-titre et est encore + ridicule
Personnage imaginaire - paysan soldat - naïf
indice spatial
Absence de réaction soulignée par le tiret et les points de suspension qui matérialisent le silence qui prend presque un caractère comique
À droite, Dumanet, appuyé sur la crosse De son chassepot sent frémir sa nuque en brosse, Et : « Vive l’Empereur !! » – Son voisin reste coi…
Incise qui rappelle la couleur de l'uniforme de l'armée napoléonienne - ironie (précision peu utile pour un lecteur contemporain de Rimbaud mais qui permet la surenchère de couleur)
Oxymore ironique qui attire l'attention sur ce personnage qui n'occupe même pas un vers!!! D'autant plus ironique si c'est le fils de NIII! + couleur qui peut renvoyer à la vision négative qu'a Rimbaud de l'Empire.
1ère lecture = surprise / incompréhension 2ème lecture = correspondance avec le 1er DD "l'empereur de quoi?" = position anti NIII de Rimbaud - sous-entendu "l'empereur de rien"
Idem: perso connu de l'époque, la précision est donc inutile mais a pour rôle de renforcer la satire de l'armée napoléonienne
= son postérieur! attitude irrévérencieuse - il présente son derrière à l'Empereur!!! Est-ce un soldat si naïf ou un soldat qui s'oppose à l'Empereur?
Enjambement qui imite le mouvement ridicule
Verbe d'action dynamique (enfin) mais l'action ne vient pas des soldats (souligne en creux leur passivité)
indice spatial - vient concurrencer NIII qui était au milieu! d'autant plus ironique vu ce que va faire le personnage qui occupe la chute (et donc la dernière impression pour le lecteur)
Métonymie (une partie pour le tout) = officier "résumé" à sa coiffure d'apparat bonapartiste (Certains pensent que c'est le fils de NIII - souvent décrit comme disparaissant sous son chapeau d'où l'image ridicule - qui découvrait le champ de bataille, mais l'article indéfini laisse planer le doute.)
Position incongrue et ridicule (suite de la satire de l'armée napoléonienne)
Conj de coord + , + - = retarde l' "hommage"! ironie
Un schako surgit, comme un soleil noir… – Au centre, Boquillon, rouge et bleu, très naïf, sur son ventre Se dresse, et, – présentant ses derrières « De quoi ?… »
Personnage de soldat naïf et vulgaire très connu de l'époque
Conclusion: Cette description d'une image de propagande napoléonienne est donc saturée d'ironie, Rimbaud attaque ainsi les ambitions militaires d'un NIII sur le déclin et affiche sans détour son irrévérence pour l'armée et la guerre. Cette thématique est présente dans de nombreux poèmes des Cahiers de Douai, par exemple dans le sonnet "Le Mal" dans lequel il s'attaque ouvertement aux rois et même à Dieu qu'il accuse de "rire" pendant que les soldats meurent. Parfois sa dénonciation de la guerre se fait plus lyrique par exemple avec "le dormeur du val" . Sa volonté de s'émanciper des codes de la société (patriotisme, respect des dirigeants et de la religion) s'affiche donc dans ces poèmes de jeunesse.
Ah zut y a du sang!!!
parfait pour une sieste...
les pieds dans les glaïeuls...
la nature... une rivière...
Le dormeur du Val C’est un trou de verdure où chante une rivièreAccrochant follement aux herbes des haillonsD’argent ; où le soleil, de la montagne fière,Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant commeSourirait un enfant malade, il fait un somme :Nature, berce-le chaudement : il a froid.Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrineTranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.