L'arrestation d'Arsène Lupin
blanc_marion
Created on April 18, 2023
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DETECTIVE
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L'arrestation d'Arsène Lupin
L’étrange voyage ! Il avait si bien commencé cependant ! Pour ma part, je n’en fis jamais qui s’annonçât sous de plus heureux auspices. La Provence est un transatlantique rapide,confortable, commandé par le plus affable des hommes. La société la plus choisie s’y trouvait réunie. Des relations se formaient, desdivertissements s’organisaient. Nous avions cette impression exquise d’être séparés du monde,réduits à nous-mêmes comme sur une îleinconnue, obligés par conséquent, de nous rapprocher les uns des autres.Et nous nous rapprochions...
Avez-vous jamais songé à ce qu’il y a d’original et d’imprévu dans ce groupement d’êtres qui, la veille encore, ne se connaissaientpas, et qui, durant quelques jours, entre le ciel infini et la mer immense, vont vivre de la vie laplus intime, ensemble vont défier les colères de l’Océan, l’assaut terrifiant des vagues et le calmesournois de l’eau endormie ? C’est, au fond, vécue en une sorte de raccourci tragique, la vie elle-même, avec ses orages et sesgrandeurs, sa monotonie et sa diversité [...]
Or, le second jour, à cinq cents milles des côtes françaises, par un après-midi orageux, letélégraphe sans fil nous transmettait une dépêche dont voici la teneur :Arsène Lupin à votre bord, première classe,cheveux blonds, blessure avant-bras droit,voyage seul, sous le nom de R...À ce moment précis, un coup de tonnerre violent éclata dans le ciel sombre. Les ondes électriques furent interrompues. Le reste de ladépêche ne nous parvint pas. Du nom sous lequel se cachait Arsène Lupin, on ne sut que l’initiale.
S’il se fût agi de toute autre nouvelle, je ne doute point que le secret en eût été scrupuleusement gardé par les employés du poste télégraphique, ainsi que par le commissaire du bord et par le commandant. Mais il est de ces événements qui semblent forcer la discrétion la plus rigoureuse. Le jour même, sans qu’on pût dire comment la chose avait été ébruitée, nous savions tous que le fameux Arsène Lupin se cachait parmi nous. [...]Qu’on se rende bien compte de ceci : Arsène Lupin allant et venant dans le cadre relativement restreint d’un transatlantique, que dis-je ! dans cepetit coin des premières où l’on se retrouvait à tout instant, dans cette salle à manger, dans ce salon, dans ce fumoir ! Arsène Lupin, c’était peut-être ce monsieur... ou celui-là... mon voisin de table.. mon compagnon de cabine...
– Et cela va durer encore cinq fois vingt quatre heures ! s’écria le lendemain miss Nelly Underdown, mais c’est intolérable ! J’espère bien qu’on va l’arrêter.Et s’adressant à moi : – Voyons, vous, monsieur d’Andrézy, qui êtes déjà au mieux avec le commandant, vous ne savez rien ?J’aurais bien voulu savoir quelque chose pour plaire à miss Nelly ! C’était une de ces magnifiques créatures qui, partout où elles sont,occupent aussitôt la place la plus en vue. Leur beauté autant que leur fortune éblouit. Elles ont une cour, des fervents, des enthousiastes. Élevée à Paris par une mère française, elle rejoignait son père, le richissime Underdown, de Chicago. Une de ses amies, lady Jerland,l’accompagnait.
– Je ne sais rien de précis, mademoiselle, lui répondis-je, mais est-il impossible de conduire nous-mêmes notre enquête, tout aussi bien que le ferait le vieux Ganimard, l’ennemi personnel d’Arsène Lupin ?– Oh ! oh ! vous vous avancez beaucoup ! – En quoi donc ? Le problème est-il si compliqué ? – Très compliqué. – C’est que vous oubliez les éléments que nous avons pour le résoudre. – Quels éléments ? – 1° Lupin se fait appeler monsieur R... – Signalement un peu vague. – 2° Il voyage seul. – Si cette particularité vous suffit ! – 3° Il est blond. – Et alors ? – Alors nous n’avons plus qu’à consulter la liste des passagers et à procéder par élimination.
J’avais cette liste dans ma poche. Je la pris et la parcourus.– Je note d’abord qu’il n’y a que treize personnes que leur initiale désigne à notre attention.– Treize seulement ? – En première classe, oui. Sur ces treize messieurs R..., comme vous pouvez vous en assurer, neuf sont accompagnés de femmes, d’enfants ou de domestiques. Restent quatre personnages isolés : le marquis de Raverdan...– Secrétaire d’ambassade, interrompit miss Nelly, je le connais. – Le major Rawson... – C’est mon oncle, dit quelqu’un. – M. Rivolta... – Présent, s’écria l’un de nous, un Italien dont la figure disparaissait sous une barbe du plusbeau noir.Miss Nelly éclata de rire. – Monsieur n’est pas précisément blond.
– Alors, repris-je, nous sommes obligés de conclure que le coupable est le dernier de la liste. – C’est-à-dire ? – C’est-à-dire M. Rozaine. Quelqu’un connaît-il M. Rozaine ? On se tut. Mais miss Nelly, interpellant le jeune homme taciturne dont l’assiduité près d’elle me tourmentait, lui dit :– Eh bien, monsieur Rozaine, vous ne répondez pas ? On tourna les yeux vers lui. Il était blond. Avouons-le, je sentis comme un petit choc au fond de moi. Et le silence gêné qui pesa sur nous m’indiqua que les autres assistants éprouvaient aussi cette sorte de suffocation.. C’était absurde d’ailleurs, car enfin rien dans les allures de ce monsieur ne permettait qu’on le suspectât.
– Pourquoi je ne réponds pas ? dit-il,mais parce que, vu mon nom, ma qualité de voyageur isolé et la couleur de mes cheveux, j’ai déjà procédé à une enquête analogue et que je suis arrivé au même résultat. Je suis donc d’avisqu’on m’arrête. Il avait un drôle d’air, en prononçant ces paroles. Ses lèvres minces comme deux traits inflexibles s’amincirent encore et pâlirent. Des filets de sang strièrent ses yeux.Certes, il plaisantait. Pourtant sa physionomie, son attitude nous impressionnèrent. Naïvement,miss Nelly demanda :– Mais vous n’avez pas de blessure ? – Il est vrai, dit-il, la blessure manque. D’un geste nerveux il releva sa manchette et découvrit son bras. Mais aussitôt une idée mefrappa. Mes yeux croisèrent ceux de miss Nelly :il avait montré le bras gauche.
Et, ma foi, j’allais en faire nettement la remarque, quand un incident détourna notre attention. Lady Jerland, l’amie de miss Nelly, arrivait en courant.Elle était bouleversée. On s’empressa autour d’elle, et ce n’est qu’après bien des efforts qu’elle réussit à balbutier :– Mes bijoux, mes perles !... on a tout pris !... Non, on n’avait pas tout pris, comme nous le sûmes par la suite ; chose bien plus curieuse : on avait choisi !De l’étoile en diamants, du pendentif en cabochons de rubis, des colliers et des bracelets brisés, on avait enlevé, non point les pierres les plus grosses, mais les plus fines, les plus précieuses, celles, aurait-on dit, qui avaient leplus de valeur en tenant le moins de place.
Et pour exécuter ce travail, il avait fallu,pendant l’heure où lady Jerland prenait le thé, il avait fallu, en plein jour, et dans un couloir fréquenté, fracturer la porte de la cabine, trouver un petit sac dissimulé à dessein au fond d’un carton à chapeau, l’ouvrir et choisir !Il n’y eut qu’un cri parmi nous. Il n’y eut qu’une opinion parmi tous les passagers, lorsque le vol fut connu : c’est Arsène Lupin. Et de fait,c’était bien sa manière compliquée, mystérieuse,inconcevable... et logique cependant, car, s’il était difficile de receler la masse encombrantequ’eût formée l’ensemble des bijoux, combien moindre était l’embarras avec de petites choses indépendantes les unes des autres, perles,émeraudes et saphirs !
Et au dîner, il se passa ceci : à droite et à gauche de Rozaine, les deux places restèrent vides. Et le soir on sut qu’il avait été convoqué par le commandant.Son arrestation, que personne ne mit en doute,causa un véritable soulagement. On respirait enfin. Ce soir-là on joua aux petits jeux. On dansa. Miss Nelly, surtout, montra une gaietéétourdissante qui me fit voir que si les hommages de Rozaine avaient pu lui agréer au début, elle ne s’en souvenait guère. Sa grâce acheva de me conquérir. Vers minuit, à la clarté sereine de la lune, je lui affirmai mon dévouement avec uneémotion qui ne parut pas lui déplaire. Mais le lendemain, à la stupeur générale, on apprit que, les charges relevées contre lui n’étant pas suffisantes, Rozaine était libre.
Une heure plus tard, une circulaire manuscrite passait de main en main parmi les employés du bord, les matelots, les voyageurs de toutes classes : M. Louis Rozaine promettait une somme de dix mille francs à qui démasquerait ArsèneLupin, ou trouverait le possesseur des pierres dérobées.– Et si personne ne me vient en aide contre ce bandit, déclara Rozaine au commandant, moi, je lui ferai son affaire.Rozaine contre Arsène Lupin, ou plutôt, selon le mot qui courut, Arsène Lupin lui-même contre Arsène Lupin, la lutte ne manquait pas d’intérêt !Elle se prolongea durant deux journées. On vit Rozaine errer de droite et de gauche, se mêler au personnel, interroger, fureter. On aperçut son ombre, la nuit, qui rôdait.
– On finira bien par découvrir quelque chose,n’est-ce pas ? me demandait miss Nelly. Tout sorcier qu’il soit, il ne peut faire que des diamants et des perles deviennent invisibles.– Mais si, lui répondis-je, ou alors il faudrait explorer la coiffe de nos chapeaux, la doublure de nos vestes, et tout ce que nous portons sur nous.Et lui montrant mon kodak, un 9 x 12 avec lequel je ne me lassais pas de la photographier dans les attitudes les plus diverses :– Rien que dans un appareil pas plus grand que celui-ci, ne pensez-vous pas qu’il y aurait place pour toutes les pierres précieuses de lady Jerland ? On affecte de prendre des vues et le tour est joué.[...]Et de fait, les investigations ne donnaient aucun résultat, ou du moins, celui qu’elles donnèrent ne correspondait pas à l’effort général : la montre du commandant lui fut volée.
Or, l’avant-dernière nuit, l’officier de quart entendit des gémissements à l’endroit le plus obscur du pont. Il s’approcha. Un homme était étendu, la tête enveloppée dans une écharpe grise très épaisse, les poignets ficelés à l’aide d’une fine cordelette.On le délivra de ses liens. On le releva, des soins lui furent prodigués.Cet homme, c’était Rozaine. C’était Rozaine assailli au cours d’une de ses expéditions, terrassé et dépouillé. Une carte de visite fixée par une épingle à son vêtement portait ces mots :Arsène Lupin accepte avec reconnaissance les dix mille francs de M. Rozaine.En réalité, le portefeuille dérobé contenait vingt billets de mille.
Naturellement, on accusa le malheureux d’avoir simulé cette attaque contre lui-même. Mais, outre qu’il lui eût été impossible de se lier de cette façon, il fut établi que l’écriture de la carte différait absolument de l’écriture de Rozaine, et ressemblait au contraire, à s’yméprendre, à celle d’Arsène Lupin, telle que la reproduisait un ancien journal trouvé à bord.Ainsi donc, Rozaine n’était plus Arsène Lupin. Rozaine était Rozaine, fils d’un négociant de Bordeaux ! Et la présence d’Arsène Lupin s’affirmait une fois de plus, et par quel acte redoutable !Ce fut la terreur. On n’osa plus rester seul dans sa cabine, et pas davantage s’aventurer seul aux endroits trop écartés.
Aussi, le dernier jour parut-il interminable. On vivait dans l’attente anxieuse d’un malheur. Cette fois, ce ne serait plus un vol, ce ne serait plus une simple agression, ce serait le crime, le meurtre.On n’admettait pas qu’Arsène Lupin s’en tînt à ces deux larcins insignifiants. Maître absolu du navire, les autorités réduites à l’impuissance, iln’avait qu’à vouloir, tout lui était permis, il disposait des biens et des existences.Heures délicieuses pour moi, je l’avoue, car elles me valurent la confiance de miss Nelly.Impressionnée par tant d’événements, de nature déjà inquiète, elle chercha spontanément à mes côtés une protection, une sécurité que j’étais heureux de lui offrir.Au fond, je bénissais Arsène Lupin. N’était-ce paslui qui nous rapprochait ?
Et jusqu’au dernier moment, accoudés au bastingage, nous restâmes l’un près de l’autre, tandis que la ligne des côtes américaines voguait au-devant de nous.On avait interrompu les perquisitions. On attendait. Depuis les premières jusqu’à l’entrepont où grouillaient les émigrants, on attendait la minute suprême où s’expliquerait enfin l’insoluble énigme. Qui était Arsène Lupin ? Sous quel nom, sous quel masque se cachait le fameux Arsène Lupin ?Et cette minute suprême arriva. Dussé-je vivre cent ans, je n’en oublierais pas le plus infime détail.– Comme vous êtes pâle, miss Nelly, dis-je à ma compagne qui s’appuyait à mon bras, toute défaillante.– Et vous ! me répondit-elle, ah ! vous êtes si changé !
– Songez donc ! cette minute est passionnante,et je suis heureux de la vivre auprès de vous, miss Nelly. Il me semble que votre souvenirs’attardera quelquefois... Elle n’écoutait pas, haletante et fiévreuse. La passerelle s’abattit. Mais avant que nous eussions la liberté de la franchir, des gens montèrent àbord, des douaniers, des hommes en uniforme,des facteurs.Miss Nelly balbutia : – On s’apercevrait qu’Arsène Lupin s’est échappé pendant la traversée que je n’en serais pas surprise.– Il a peut-être préféré la mort au déshonneur,et plongé dans l’Atlantique plutôt que d’êtrearrêté.
Soudain, je tressaillis, et, comme elle me questionnait, je lui dis : – Vous voyez ce vieux petit homme debout à l’extrémité de la passerelle... – Avec un parapluie et une redingote vert olive ? – C’est Ganimard. – Ganimard ? – Oui, le célèbre policier, celui qui a juré qu’Arsène Lupin serait arrêté de sa propre main.Ah ! je comprends que l’on n’ait pas eu de renseignements de ce côté de l’Océan. Ganimard était là. Il aime bien que personne ne s’occupe de ses petites affaires.– Alors Arsène Lupin est sûr d’être pris ? – Qui sait ? Ganimard ne l’a jamais vu, paraît-il, que grimé et déguisé. À moins qu’il ne connaisse son nom d’emprunt...
Le débarquement commença. Appuyé sur son parapluie, l’air indifférent, Ganimard ne semblait pas prêter attention à la foule qui se pressait entre les deux balustrades. Je notai qu’un officier du bord, posté derrière lui, le renseignait de temps à autre.Le marquis de Raverdan, le major Rawson, l’Italien Rivolta défilèrent, et d’autres, et beaucoup d’autres... Et j’aperçus Rozaine qui s’approchait.Pauvre Rozaine ! Il ne paraissait pas remis de ses mésaventures !– C’est peut-être lui tout de même, me dit miss Nelly... Qu’en pensez-vous ?– Je pense qu’il serait fort intéressant d’avoir sur une même photographie Ganimard et Rozaine. Prenez donc mon appareil, je suis si chargé.Je le lui donnai, mais trop tard pour qu’elle s’en servît.
Rozaine passait. L’officier se pencha à l’oreille de Ganimard, celui-ci haussa légèrement les épaules, et Rozaine passa. Mais alors, mon Dieu, qui était Arsène Lupin ? – Oui, fit-elle à haute voix, qui est-ce ? Il n’y avait plus qu’une vingtaine de personnes. Elle les observait tour à tour avec la crainte confuse qu’il ne fût pas, lui, au nombre de ces vingt personnes. Je lui dis : – Nous ne pouvons attendre plus longtemps. Elle s’avança. Je la suivis. Mais nous n’avions pas fait dix pas que Ganimard nous barra le passage. – Eh bien, quoi ? m’écriai-je. – Un instant, monsieur, qui vous presse ? – J’accompagne mademoiselle.
– Un instant, répéta-t-il d’une voix plus impérieuse.Il me dévisagea profondément, puis il me dit,les yeux dans les yeux :– Arsène Lupin, n’est-ce pas ? Je me mis à rire. – Non, Bernard d’Andrézy, tout simplement. – Bernard d’Andrézy est mort il y a trois ans en Macédoine.– Si Bernard d’Andrézy était mort, je ne serais plus de ce monde. Et ce n’est pas le cas. Voici mes papiers.– Ce sont les siens. Comment les avez-vous,c’est ce que j’aurai le plaisir de vous expliquer.– Mais vous êtes fou ! Arsène Lupin s’est embarqué sous le nom de R. – Oui, encore un truc de vous, une fausse piste sur laquelle vous les avez lancés, là-bas ! Ah ! vous êtes d’une jolie force, mon gaillard. Mais ette fois, la chance a tourné. Voyons, Lupin, montre-toi beau joueur.
J’hésitai une seconde. D’un coup sec il me frappa sur l’avant-bras droit. Je poussai un cri de douleur. Il avait frappé sur la blessure encore mal fermée que signalait le télégramme.Allons, il fallait se résigner. Je me tournai vers miss Nelly. Elle écoutait, livide, chancelante.Son regard rencontra le mien, puis s’abaissa sur le kodak que je lui avais remis. Elle fit un geste brusque, et j’eus l’impression, j’eus la certitude qu’elle comprenait tout à coup. Oui, c’était là, entre les parois étroites de chagrin noir,au creux du petit objet que j’avais eu la précaution de déposer entre ses mains avant que Ganimard ne m’arrêtât, c’était bien là que se trouvaient les vingt mille francs de Rozaine, les perles et les diamants de lady Jerland.
Serais-je trahi par elle ? perdu par elle ? Agirait-elle en ennemie qui ne pardonne pas, ou bien en femme qui se souvient et dont le mépris s’adoucit d’un peu d’indulgence, d’un peu de sympathie involontaire ?Elle passa devant moi. Je la saluai très bas,sans un mot. Mêlée aux autres voyageurs, elle se dirigea vers la passerelle, mon kodak à la main.Sans doute, pensai-je, elle n’ose pas, en public. C’est dans une heure, dans un instant, qu’elle le donnera.Mais arrivée au milieu de la passerelle, par un mouvement de maladresse simulée, elle le laissa tomber dans l’eau, entre le mur du quai et le flanc du navire.Puis je la vis s’éloigner. Sa jolie silhouette se perdit dans la foule, m’apparut de nouveau et disparut. C’était fini,fini pour jamais.Un instant, je restai immobile, triste à la fois etp énétré d’un doux attendrissement, puis je soupirai, au grand étonnement de Ganimard :– Dommage, tout de même, de ne pas être un honnête homme...
Fin