L'insuffisante prise en compte du travail d'écriture dans les contrats
Denis Goulette
Created on October 6, 2022
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Transcript
L'insuffisante prise en compte du travail d'écriture dans les contrats des scénaristes de fiction
Présentation du problème
(c) Denis Goulette
Les deux prestations caractéristiques d'un contrat de scénariste
Un contrat "deux en un"
(c) Denis Goulette
Les contrats des scénaristes regroupent habituellement deux prestations caractéristiques distinctes.
Elle organise les conditions d'écriture et de remise du scénario au producteur, en amont de la production de l'oeuvre.
Elle organise les conditions de cession des droits des scénaristes, et l'obligation d'exploitation du producteur, en aval de la production de l'oeuvre..
Elle relève du code civil.
Article 1710 du code civil« Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties [ici le scénariste] s'engage à faire quelque chose [c’est à dire écrire ou réécrire, et remettre le texte correspondant] pour l'autre [ici le Producteur], moyennant un prix convenu entre elles. »
Article L132-24 du code de la propriété intellectuelle« Le contrat qui lie le producteur aux auteurs d'une œuvre audiovisuelle [ici le louage d'ouvrage] (…) emporte, sauf clause contraire (…) cession au profit du producteur des droits exclusifs d'exploitation de l'œuvre audiovisuelle. »
Elle relève du code de la propriété intellectuelle.
(c) Denis Goulette
Ecriture du scénario
La première se nomme "louage d'ouvrage".
La seconde s'intitule "contrat de production audiovisuelle".
Amont
Exploitation du film
Aval
Travail d'écriture vs Cession de droits
Quelle importance le secteur accorde-t-il à l'encadrement de ces prestations ?
(c) Denis Goulette
Travail d'écriture vs Cession de droits
Etat des accords collectifs applicables aux scénaristes de fiction
(c) Denis Goulette
Amont
Aval
Scénariste
Exploitation de l'oeuvre
scénaristes créateurs de fictions AUDIOVISUELLES en prises de vue réelles & scénaristes d'épisodes de formats courts
Scénaristes de fictions Sonores
scénaristes d'épisodes de fictions AUDIOVISUELLES en prises de vue réelles (hors créateurs et hors formats courts)
scénaristes de fictions de cinéma en prises de vue réelles
scénaristes de fictions de cinéma d'animation
scénaristes de fictions d'animation AUDIOVISUELLE
AUCUN ACCORD
PROTOCOLE DE 2012 SUR LES PRATIQUES CONTRACTUELLES
scénaristes de fictions de cinéma en prises de vue réelles et animation
scénaristes de fictions AUDIOVISUELLES en prises de vue réelles et animation
Scénaristes de fictions Sonores
- Protocole de 2010 définissant les RNPP et le coût d'un film
- ACCORD DE 2016 SUR L'OBLIGATION DE RECHERCHE D'UNE EXPLOITATION SUIVIE
- Accord de 2017 sur la transparence des comptes d'exploitation
- Accord de 2017 sur la transparence des comptes de production
- Accord de 2021 sur les clauses types
- Accord transparence de 2017 sur la transparence des comptes de production et d'exploitation (rnpp-a)
- Accord de 2016 sur l'obligation de recherche d'une exploitation suivie
- Accord de 2021 sur les clauses types
1 ACCORD(4 pages)
8 ACCORDS(118 pages)
AUCUN ACCORD
AUCUN ACCORD
AUCUN ACCORD
AUCUN ACCORD
AUCUN ACCORD
(c) Denis Goulette
Travail d'écriture vs Cession de droits
Survol des deux matrices de contrats les plus utilisées
(c) Denis Goulette
Comparatif des stipulations contractuelles consacrées aux conditions d'écriture des scénaristes, vs celles consacrées aux conditions de cession de leurs droits (en %)
MatriceUSPA
Matrice SACD
Cliquez sur les vidéos pour avoir un aperçu en 5 minutes des deux matrices.
(c) Denis Goulette
Travail d'écriture vs Cession de droits
Confusion des rémunérations verséesau titre de l'écriture avec celles versées au titre de la cession des droits
(c) Denis Goulette
Les honoraires tirés de "la conception ou de la création" d'une oeuvre sont des revenus artistiques parfois dénommés "AGESSA", au même titre que les revenus tirés de la cession des droits d'auteurs, ou encore des revenus tirés de la vente de l'exemplaire d'une oeuvre. (Art. R.382-1-1 du code de la sécurité sociale).
Pourtant les contrats des scénaristes ne prévoient pas de distinction entre les rémunérations tirées de l'écriture (conception et création) et celles liées à la cession des droits. Pour ces contrats, la contrepartie à la rémunération des scénaristes n'est pas leur travail de conception ou de création, mais uniquement la cession de leurs droits d'auteurs, pour laquelle il leur est versée un à-valoir minimum garanti.
Pour les scénaristes de fiction audiovisuelle en prise de vue réelle (hors créateurs et hors formats courts), et uniquement pour ces derniers, un accord professionnel prévoit un minimum de 30% en prime d'inédit. Le vocable utilisé ("inédit") renvoie là aussi à l'idée que ce n'est pas le travail d'écriture qui est rémunéré.
+ info
Exemple avec l'article 4.B de la matrice SACD pour les scénaristes de cinéma"A titre d'à-valoir minimum garanti sur le produit des pourcentages prévus à l’article 4-A ci dessus à la charge du Producteur, celui ci versera à l'Auteur une somme de : ...€ H.T. (………euros hors taxes).(...)Le Producteur se remboursera de ce minimum garanti sur l'ensemble des sommes dont il sera redevable à l'Auteur par le jeu des pourcentages prévus à l’article 4-A ci dessus à l’exclusion des redevances versées à l’Auteur par les organismes de gestion collective.Le Producteur exercera la compensation jusqu'à complet remboursement, étant précisé que si l'ensemble des sommes revenant à l'Auteur-Réalisateur était inférieur au montant du minimum garanti, le Producteur ne pourrait pas exercer de recours contre l'Auteur-Réalisateur pour la différence."
Confusion des rémunérations versées au titre de l'écriture avec celles versées au titre de la cession des droits
(c) Denis Goulette
Conséquences
Des problématiques majoritairement en amont de la production, pendant la phase d'écriture
(c) Denis Goulette
Constat des problématiques des scénaristes
Frise chronologique des études, rapports et initiatives ayant permis ce constat
Etude sur les conditions de travail des scénaristes français de l'animation
Page Facebook "Paroles de scénaristes"
Etude sur l’écriture de longs métrages et de séries français
Rapport de Bruno Racine "L'auteur et l'acte de création"
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2019
2020
(décembre)
2019
2020
(janvier)
(décembre)
(avril)
(c) Denis Goulette
Audit anthropologique de la Guilde française des scénaristes
2018
(décembre)
2020
(décembre)
Rapport Sirinelli-Dormont sur "Le contrat de commande" établi pour le CSPLA
+ info
Etude CNC/SACD sur l’écriture de longs métrages et de séries français - 2019
L'étude des échéanciers des contrats des scénaristes montre la conséquence à la confusion qui existe entre les rémunérations liées au travail d'écriture et celles liées à la cession des droits.
(c) Denis Goulette
Les échéances de travail initiales (synopsis, séquencier) sont sous-valorisées, et de nombreux paiements dépendent de la seule volonté du producteur d'accepter les textes.
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Paroles de scénaristes - 2020
En décembre 2020, quelques scénaristes décident de créer une page facebook destinée à recueillir les témoignages de scénaristes professionnels sur la pratique de leur métier. Elle compte rapidement plus de 8000 abonnés et ses témoignages sont repris par de nombreux médias.
2. Les situations abusives dénoncées portent avant tout sur la phase d'écriture de l’œuvre, et pas sa phase d’exploitation.
1. Il s’agit d’une initiative indépendante des organisations professionnelles ou syndicales existantes.
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(c) Denis Goulette
Audit anthropologique de la Guilde française des scénaristes - 2018
Un audit, réalisé en 2018 par des anthropologues, pour le compte de la Guilde française des scénaristes, a mis en lumière les raisons historiques et culturelles aux problématiques de reconnaissance du travail des scénaristes.
Le résultat du travail des scénaristes est bien valorisé via la reconnaissance de leur qualité d'auteur.
Mais leurs conditions de travail sont souvent dysfonctionnelles car leur savoir-faire n'est pas défini collectivement ni mis en avant : il est invisibilisé, voire parfois usurpé.
Cette inadaptation de la représentation collective du métier de scénariste à sa réalité concrète est entretenue par tout un milieu, et souvent par les scénaristes eux-mêmes.
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(c) Denis Goulette
Rapport Racine - 2020
En janvier 2020, un rapport commandé par le ministre de la Culture à Bruno Racine confirme le constat fait par les anthropologues, et souligne les conséquences concrètes dans la protection juridique des scénaristes.
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(c) Denis Goulette
Extrait 1 Rapport Racine :"Il semblerait que ce déséquilibre trouve son origine non pas seulement dans un état de dépendance économique indéniable de l’artiste-auteur vis-à-vis des acteurs de l’aval mais également dans la nature particulière du lien qui unit l’artiste-auteur à son (…), producteur ou diffuseur. Ce lien est en effet bien souvent empreint d’affects, certains artistes-auteurs allant jusqu’à évoquer une forme d’emprise symbolique, ce qui peut faire obstacle à la négociation de conditions matériellement plus satisfaisantes. Ainsi, comme le relèvent Gisèle Sapiro et Cécile Rabot, « en raison de son importance sur le plan de la reconnaissance symbolique, cette relation enchantée, fondée sur une affinité élective, repose sur la dénégation de la dimension économique de l’échange »". (Page 34)
Extrait 2 Rapport Racine :« Actuellement, le temps consacré à la conception et à la réalisation de l’œuvre ne fait l’objet d’aucun encadrement légal spécial. Si le Code de la propriété intellectuelle envisage expressément une distinction entre la commande d’une œuvre et la cession des droits à l’article L. 111-1, c’est uniquement pour gérer la question de la titularité des droits, il ne prévoit par exemple aucune disposition relative à la rémunération minimum due en contrepartie du temps passé à la conception et à la réalisation de l’œuvre. (…) Or, cette approche théorique est foncièrement critiquable, car elle dévoile un manque de cohérence en droit. En effet, il est couramment admis que l’auteur est la partie faible du contrat de cession (…) Or, si l’auteur a besoin d’être protégé en tant que partie faible au moment de la cession de ses droits, on ne voit pas pourquoi il n’aurait pas besoin d’être protégé en amont en tant que « partie faible ». L’absence d’un cadre juridique spécial en amont revient à admettre que l’auteur est faible seulement à partir de la cession et qu’avant toute exploitation, il n’est pas concerné par un risque de déséquilibre contractuel. » (Page 96)
(c) Denis Goulette
Etude sur les conditions de travail des scénaristes français de l'animation - 2019
« Face à la réalité d’une activité dans laquelle de nombreuses parties prenantes exigent des modifications aux justifications parfois floues et contradictoires, s’enclenchent des processus de dégradation progressive de l’attachement porté aux projets face à la redondance des expériences de déni de reconnaissance de l’expertise narrative des scénaristes. Pris dans un cadre organisationnel de production d’un objet sur lequel le scénariste n’a pas l’autorité finale, beaucoup d’entre eux se voient ainsi empêchés de participer à la controverse légitime sur la qualité et l’orientation du scénario, malgré la position nodale qui est la leur. Ces situations professionnelles d’absence de débat et de critères communs sur la qualité peuvent alors finir par dévitaliser l’action. La nécessité d’apporter une contribution effective à des actes réprouvés peut en effet transformer l’activité en véritable expérience de la compromission de soi, considérée comme pathogène dans la perspective de la psychodynamique du travail ». (Page 22)
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(c) Denis Goulette
Rapport CSPLA - 2020
En juillet 2020, à la demande du ministère de la Culture, le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) confie une mission au professeur Pierre Sirinelli et à Mme Sarah Dormont, maître de conférence.Conformément aux préconisations du rapport Racine, il s'agit d’évaluer l’opportunité de définir un régime juridique propre au « contrat de commande » au sein du Code de la propriété intellectuelle.
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(c) Denis Goulette
Extrait 1 Rapport Sirinelli-Dormont :L'encadrement de la commande aurait pour avantage de « préciser la structure de la rémunération de l’auteur pour valoriser la phase de création », « par la création d’une étanchéité entre la rémunération payée en amont pour la création et celle obtenue au titre de l’exploitation de l’œuvre » (Page 20)
Extrait 2 Rapport Sirinelli-Dormont :« Il est vrai que le système actuel fait apparaître un curieux paradoxe. Le mécanisme des avances mis en place (quand il existe) dans l’édition littéraire a pour conséquence que le paiement d’une partie des fruits de l’exploitation dès la commande de l’œuvre permet – de façon heureuse – d’apporter des subsides à l’auteur durant la phase de création mais pas nécessairement de lui fournir des revenus durant l’exploitation de sa création car le point de recoupement ne serait pas, le plus souvent, atteint. » (Page 20)
(c) Denis Goulette
Ce deuxième extrait, ciblant le secteur de l'édition littéraire, est valable pour les scénaristes de l'audiovisuel et du cinéma, avec les nuances suivantes :
- Dans le secteur de l'audiovisuel, l'absence de revenus durant l'exploitation ne concerne que les ventes réalisées dans des pays dans lesquels la SACD n'a pas d'accord de réciprocité, pour les films non amortis (soit 179 pays, la SACD ayant des accords dans 14 pays dont 8 francophones).
- Dans le secteur du cinéma, les scénaristes sont privés de revenus pendant l'exploitation en salle à cause du système des avances versées, puis privés de revenus pour les ventes réalisées dans ces 179 pays.
Travail d'écriture vs Cession de droits
Liste non exhaustive des problématiques actuelles des scénaristes de fiction
(c) Denis Goulette
Amont
Aval
Travail d'écriture
Exploitation de l'oeuvre
Oeuvre
Louage d'ouvrage
Production audiovisuelle
Obligation de rembourser au producteur les rémunérations versées pour écrire avec les RNPP qui devraient revenir en cas de succès international (cinéma et animation)
Aucun encadrement du temps d'écriture et d'engagement sur les projets
Pas de protection contre le harcèlement moral en atelier d'écriture ou vis à vis des producteurs
Adjonctions et substitutions d'auteurs sans encadrement pour les scénaristes de cinéma, les scénaristes d'animation TV, et les scénaristes de formats courts.
Maltraitance administrative :
- Scandale des retraites AGESSA
- Bugs URSSAF permanents
- Droits sociaux méconnus ou compliqués à obtenir (indemnités maladies, congés parentalité etc.)
.
Absence régulière de contrat dans les premiers temps de l'écriture
Les scénaristes créateurs à l'origine des projets n'ont pas le droit de participer à l'établissement de la version définitive de l'oeuvre avec le réalisateur et le producteur.
Modifications incessantes, souvent contradictoires, parfois contraires à la vision du scénariste, sans rémunération supplémentaire, et sans encadrement des délais.
Inégalité des rémunérations selon les secteurs (animation, cinéma, fiction tv live etc.)
Pas de réel partage de la valeur :
- Mécanisme d'effacement des MG défavorable aux scénaristes d'animation TV
- Pas de mécanisme d'effacement des MG pour les scénaristes de cinéma
- Taux de partage ridiculement bas
(c) Denis Goulette
Merci pour votre attention
Nous réfléchissons à organiser une formation destinée à présenter des solutions concrètes pour améliorer la négociation et la rédaction des contrats des scénaristes, au travers d'une approche psychologique et juridique de la négociation.Si vous êtes intéressé(e) : panserledroitdauteur@gmail.com