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Transcript

La complainte du progrès
(Boris Vian - 1956)

Biographie de Boris Vian

Boris Vian, né le 10 mars 1920 à Ville-d'Avray (Hauts-de-Seine)

et mort le 23 juin 1959 à Paris .
1Il est un écrivain, un poète, un parolier, un chanteur, un critique musical, musicien de jazz (trompettiste) et directeur artistique français.
Il a aussi eu des activités de scénariste, de traducteur (anglais américain), de conférencier, d'acteur et de peintre.

Célèbre pour ses romans :

L'écume des jours

Célèbre pour l'écriture de chansons

Contexte historique

Quand Boris Vian écrit ce texte en 1956, nous sommes dans la période des « Trente glorieuses » (1946-1975), marquée par une croissance économique soutenue et ininterrompue, ainsi que par une amélioration générale des conditions de vie. Il faut rappeler que 5 ans plus tôt les français n'avaient accès à la nourriture qu'avec des tickets de rationnement (ils ont été supprimés en 1951).

La consommation des ménages français est ainsi multipliée par 2,7


Le chômage reste inférieur à 2%. Cette hausse du niveau de vie s’accompagne d’une augmentation

du niveau d’équipement.


Lorsque Boris Vian écrit la chanson, en 1956, 14% seulement des logements des Français disposent

d'une douche ou d'une baignoire, 1% d'entre eux possèdent un téléviseur... En 1957, seuls 6.7% des

foyers étaient équipés en automobiles contre 65.3 % en 1976. Ils étaient seulement 17.4% à

posséder un réfrigérateur contre 90.8% en 1976. Le téléphone est plus long à s’imposer : seuls 28%

des ménages en sont équipés en 1970 . En 1958, un Français sur dix possède une machine à laver,

pour sept sur dix en 1974. On voit donc se développer une véritable société de consommation.

L'accès à la consommation devient une des préoccupations majeures des Français. Cette évolution

est, permise, entre autres, par le développement du crédit. De nouveaux objets au design alléchant

garnissent les intérieurs : rasoir, transistor, sèche-cheveux, lampadaire, cocotte-minute, mixeur,

téléphone...

Analyse

Cette chanson est une critique de la société de consommation du début des années 50. Elle joue sur 2 registres : registre lyrique de la chanson d'amour et registre grotesque.

La complainte du progrès, Boris VIAN, 1956

I La chanson d'amour complainte :

Au moyen âge la complainte désigne une chanson qui raconte les malheurs d'un personnage. Ici , c'est le récit d'un amour malheureux. On rencontre le champ lexical des sentiments ; " faire sa cour, parlait d'amour, ardeur, son cœur, cher ange m'embrasser" mais seulement dans les premiers vers, au début de la relation amoureuse. Ce vocabulaire disparaît totalement ensuite dans les 2ème et 3ème couplets où le vocabulaire et le ton employés par le chansonnier deviennent agressifs et familiers " querelle, lugubre, rentre chez ta mère, on la fiche dehors" pour illustrer la dégradation des relations amoureuses jusqu'à la rupture.

Les 2 premiers couplets sont construits sur l'opposition "autrefois" et "maintenant".

La 3ème strophe marque la rupture brutale " on la fiche dehors" et le changement de partenaire " la visite d'un tendre petite" . Cela montre que la consommation touche aussi les relations amoureuses et qu'il n'y a plus de sentiments sincères. C'est donc une satire de la société de consommation et de l'amour moderne fondé sur la recherche du plaisir égoïste et immédiat. Le don d'appareils ménagers a remplacé le don des sentiments. Les relations ne sont plus sincères mais intéréssées. L'argent et les biens matériels sont des gages d'amour.


Analyse

La complainte du progrès, Boris VIAN, 1956

II La chanson burlesque. complainte :


Au XVIIIe siècle, c'est une chanson populaire triviale (grossière) contenant un récit grotesque (ridicule, caricaturé) sur un événement tragique. L’événement tragique dans cette chanson est le chagrin d'amour traité de manière bouffonne. Le grotesque tient à la composition des refrains, longue énumération de noms d'objets hétéroclites, extravagants et absurdes de la société de consommation. - des mots valises : mot imaginaire formé de 2 mots atome-mixeur >atomixeur. - des mots composés : canon à patates... - le mélange des registres de langue : chauffe-savates, ratatine-ordures... Cette énumération devient de plus en plus mécanique et accentuée par la répétition de la mélodie et le rythme des vers (alternance de 5 syllabes/ 6 syllabes) U/ne /cui/si/nière,/ a/vec un /fou/r en /verre/ 5 -5 Des /tas /de /cou/verts// et /des /pel/les à /gâ/teau!/ 5-6 les allitérations en [t,p,b] marquent le rythme.

L'anaphore "un" du refrain 1 et remplacée par l'anaphore "mon" (8X) au refrain 2 : la volonté de posséder semble devenir de plus en plus obsessionnelle et frénétique. Les énumérations d'objets débordent sur le couplet suivant et deviennent très violentes. Les expressions "chauffe-savates, canon à patates, éventre-tomate, écorche-poulet" renvoient au champ lexical de la guerre et même de la torture. L'amour dans la société de consommation est donc associé à la violence et à la souffrance. C'est une satire.

Les derniers vers :"Alors on cède. Car il faut qu'on s'entraide" sont ironiques et montrent l'hypocrisie de ces relations. La répétition des derniers vers forme une ritournelle ironique et humoristique.

Liens avec d'autres oeuvres

Chanson "Les choses "de Jean Jacques Goldman

Film "Mon Oncle" de Jacques TATI

Affiche "Supermarket Lady" de Duane Hanson