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Qui êtes-vous monsieur Molière?

Création Marie Soulié

Vivre en sociéte- séquence 5°

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Création Marie Soulié

Vous allez assister à quelques répétitions des plus célèbres pièces de Molière. Observez bien les relations entre les personnages.

Le Médecin malgré lui

Le Bourgeois Gentilhomme

Le Malade imaginaire

Lees Fourberies de Scapin

L'Avare

Les Précieuse Ridicules

DomJuan

L'école des Femmes

Le Tartuffe

Cahier d'activités

MADAME JOURDAIN
Mon mari vient ; prenez vite votre temps pour lui demander Lucile en mariage.

CLÉONTE
Ah ! Madame, que cette parole m'est douce, et qu'elle flatte mes désirs !Pouvais-je recevoir un ordre plus charmant ?Une faveur plus précieuse ?


SCÈNE XII. Monsieur Jourdain, Madame Jourdain, Cléonte, Lucile, Covielle, Nicole.

CLÉONTE
Elle me touche assez pour m'en charger moi-même ; et, sans autre détour, je vous dirai que l'honneur d'être votre gendre est une faveur glorieuse que je vous prie de m'accorder.

MONSIEUR JOURDAIN
Avant que de vous rendre réponse, Monsieur, je vous prie de me dire si vous êtes gentilhomme.

CLÉONTE
Monsieur, la plupart des gens sur cette question n'hésitent pas beaucoup.On tranche le mot aisément.Ce nom ne fait aucun scrupule à prendre, et l'usage aujourd'hui semble en autoriser le vol.Pour moi, je vous l'avoue, j'ai les sentiments sur cette matière un peu plus délicats :je trouve que toute imposture est indigne d'un honnête homme, et qu'il y a de la lâcheté à déguiser ce que le Ciel nous a fait naître,à se parer aux yeux du monde d'un titre dérobé, à se vouloir donner pour ce qu'on n'est pas.Je suis né de parents, sans doute, qui ont tenu des charges honorables.Je me suis acquis dans les armes l'honneur de six ans de services, et je me trouve assez de bien pour tenir dans le monde un rang assez passable.Mais, avec tout cela, je ne veux point me donner un nom où d'autres en ma place croiraient pouvoir prétendre,et je vous dirai franchement que je ne suis point gentilhomme.

MONSIEUR JOURDAIN
Touchez là, Monsieur : ma fille n'est pas pour vous.

CLÉONTE
Comment ?

MONSIEUR JOURDAIN
Vous n'êtes point gentilhomme, vous n'aurez pas ma fille.

MADAME JOURDAIN
Que voulez-vous donc dire avec votre gentilhomme ?Est-ce que nous sommes, nous autres, de la côte de Saint-Louis ?

MONSIEUR JOURDAIN
Taisez-vous, ma femme : je vous vois venir.

MADAME JOURDAIN
Descendons-nous tous deux que de bonne bourgeoisie ?

MONSIEUR JOURDAIN
Voilà pas le coup de langue ?

MADAME JOURDAIN
Et votre père n'était-il pas marchand aussi bien que le mien ?

MONSIEUR JOURDAIN
Peste soit de la femme !Elle n'y a jamais manqué.Si votre père a été marchand, tant pis pour lui ; mais pour le mien, ce sont des malavisés qui disent cela. Tout ce que j'ai à vous dire,moi, c'est que je veux avoir un gendre gentilhomme.

MADAME JOURDAIN
Il faut à votre fille un mari qui lui soit propre, et il vaut mieux pour elle un honnête homme riche et bien fait,qu'un gentilhomme gueux et mal bâti.

NICOLE
Cela est vrai. Nous avons le fils du gentilhomme de notre village, qui est le plus grand malitorne et le plus sot dadais que j'aie jamais vu.

MONSIEUR JOURDAIN
Taisez-vous, impertinente.Vous vous fourrez toujours dans la conversation.J'ai du bien assez pour ma fille, je n'ai besoin que d'honneur, et je la veux faire marquise.


Argan veut contraider sa fille Angélique à épouser un certain monsieur Diafoirus.



ANGÉLIQUE.— Cléante, neveu de Monsieur Purgon?

ARGAN.— Quel Cléante? Nous parlons de celui pour qui l'on t'a demandée en mariage.

ANGÉLIQUE.— Hé, oui.

ARGAN.— Hé bien, c'est le neveu de Monsieur Purgon, qui est le fils de son beau-frère le médecin, Monsieur Diafoirus; et ce fils s'appelle Thomas Diafoirus, et non pas Cléante; et nous avons conclu ce mariage-là ce matin, Monsieur Purgon, Monsieur Fleurant et moi, et demain ce gendre prétendu doit m'être amené par son père. Qu'est-ce? Vous voilà toute ébaubie?

ANGÉLIQUE.— C'est, mon père, que je connais que vous avez parlé d'une personne, et que j'ai entendu une autre.

TOINETTE.— Quoi, Monsieur, vous auriez fait ce dessein burlesque? Et avec tout le bien que vous avez, vous voudriez marier votre fille avec un médecin?

ARGAN.— Oui. De quoi te mêles-tu, coquine, impudente que tu es?

TOINETTE.— Mon Dieu tout doux, vous allez d'abord aux invectives. Est-ce que nous ne pouvons pas raisonner ensemble sans nous emporter? Là, parlons de sang-froid. Quelle est votre raison, s'il vous plaît, pour un tel mariage?

ARGAN.— Ma raison est, que me voyant infirme, et malade comme je suis, je veux me faire un gendre, et des alliés médecins, afin de m'appuyer de bons secours contre ma maladie, d'avoir

ans ma famille les sources des remèdes qui me sont nécessaires, et d'être à même22 des consultations, et des ordonnances.

TOINETTE.— Hé bien, voilà dire une raison, et il y a plaisir à se répondre doucement les uns aux autres. Mais, Monsieur, mettez la main à la conscience. Est-ce que vous êtes malade?

ARGAN.— Comment, coquine, si je suis malade? si je suis malade, impudente?

TOINETTE.— Hé bien oui, Monsieur, vous êtes malade, n'ayons point de querelle là-dessus. Oui, vous êtes fort malade, j'en demeure d'accord, et plus malade que vous ne pensez; voilà qui est fait. Mais votre fille doit épouser un mari pour elle; et n'étant point malade, il n'est pas nécessaire de lui donner un médecin.

ARGAN.— C'est pour moi que je lui donne ce médecin; et une fille de bon naturel doit être ravie d'épouser ce qui est utile à la santé de son père.

TOINETTE.— Ma foi, Monsieur, voulez-vous qu'en amie je vous donne un conseil?

ARGAN.— Quel est-il ce conseil?

TOINETTE.— De ne point songer à ce mariage-là.

ARGAN.— Hé la raison?

TOINETTE.— La raison, c'est que votre fille n'y consentira point.

ARGAN.— Elle n'y consentira point?

TOINETTE.— Non.

ARGAN.— Ma fille?

TOINETTE.— Votre fille. Elle vous dira qu'elle n'a que faire de Monsieur Diafoirus, ni de son fils Thomas Diafoirus, ni de tous les Diafoirus du monde.

ARGAN.— J'en ai affaire, moi, outre que le parti est plus avantageux qu'on ne pense; Monsieur Diafoirus n'a que ce fils-là pour tout héritier; et de plus Monsieur Purgon, qui n'a ni femme, ni enfants, lui donne tout son bien, en faveur de ce mariage; et Monsieur Purgon est un homme qui a huit mille bonnes livres de rente.

TOINETTE.— Il faut qu'il ait tué bien des gens, pour s'être fait si riche.

ARGAN.— Huit mille livres de rente sont quelque chose, sans compter le bien du père.

TOINETTE.— Monsieur, tout cela est bel et bon; mais j'en reviens toujours là. Je vous conseille entre nous de lui choisir un autre mari, et elle n'est point faite pour être Madame Diafoirus.

ARGAN.— Et je veux, moi, que cela soit.

Orgon est un bourgeois fortuné et charitable qui recueille Tartuffe, un soi-disant homme d’Église qu’il admire. Mais ce séducteur invétéré (Tartuffe a pour habitude de séduire, c'est une manière d'être) n’est qu’un imposteur qui n’en veut qu’à la fortune de son hôte, lequel se laisse piteusement tromper et abuser.

SCÈNE III. Elmire, Tartuffe.

TARTUFFE
Que le Ciel à jamais par sa toute bonté Et de l'âme et du corps vous donne la santé, Et bénisse vos jours autant que le désire Le plus humble de ceux que son amour inspire.

ELMIRE
Je suis fort obligée à ce souhait pieux.Mais prenons une chaise, afin d'être un peu mieux.


(Silence)

TARTUFFE
Comment de votre mal vous sentez-vous remise ?

ELMIRE
Fort bien ; et cette fièvre a bientôt quitté prise.


(Silence)

TARTUFFE
Mes prières n'ont pas le mérite qu'il faut Pour avoir attiré cette grâce d'en haut ;Mais je n'ai fait au Ciel nulle dévote instance Qui n'ait eu pour objet votre convalescence.

ELMIRE
Votre zèle pour moi s'est trop inquiété.

TARTUFFE
On ne peut trop chérir votre chère santé, Et pour la rétablir j'aurais donné la mienne.

ELMIRE
C'est pousser bien avant la charité chrétienne, Et je vous dois beaucoup pour toutes ces bontés.

TARTUFFE
Je fais bien moins pour vous que vous ne méritez.

ELMIRE
J'ai voulu vous parler en secret d'une affaire, Et suis bien aise ici qu'aucun ne nous éclaire.

TARTUFFE
J'en suis ravi de même, et sans doute il m'est doux, Madame, de me voir seul à seul avec vous : C'est une occasion qu'au Ciel j'ai demandée,Sans que jusqu'à cette heure il me l'ait accordée.

ELMIRE
Pour moi, ce que je veux, c'est un mot d'entretien, Où tout votre coeur s'ouvre, et ne me cache rien.

TARTUFFE
Et je ne veux aussi pour grâce singulière Que montrer à vos yeux mon âme toute entière,Et vous faire serment que les bruits que j'ai faits Des visites qu'ici reçoivent vos attraits Ne sont pas envers vous l'effet d'aucune haine,Mais plutôt d'un transport de zèle qui m'entraîne, Et d'un pur mouvement....

ELMIRE
Je le prends bien aussi, Et crois que mon salut vous donne ce souci.

TARTUFFE
Oui, Madame, sans doute, et ma ferveur est telle....

ELMIRE
Ouf ! vous me serrez trop.

TARTUFFE
C'est par excès de zèle.De vous faire autre mal je n'eus jamais dessein, Et j'aurais bien plutôt....

ELMIRE
Que fait là votre main ?

TARTUFFE
Je tâte votre habit : l'étoffe en est moelleuse.

ELMIRE
Ah ! de grâce, laissez, je suis fort chatouilleuse.


CLÉANTE
Je suis bien aise de vous trouver seule, ma sœur ; et je brûlais de vous parler, pour m'ouvrir à vous d'un secret.


(Silence)

ÉLISE
Me voilà prête à vous ouïr, mon frère. Qu'avez-vous à me dire ?


(Silence)

CLÉANTE
Bien des choses, ma sœur, enveloppées dans un mot : j'aime.

ÉLISE
Vous aimez ?

CLÉANTE
Oui, j'aime. Mais avant que d'aller plus loin, je sais que je dépends d'un père, et que le nom de fils me soumet à ses volontés ; que nous ne devons point engager notre foi sans le consentement de ceux dont nous tenons le jour ; que le Ciel les a fait les maîtres de nos vœux, et qu'il nous est enjoint de n'en disposer que par leur conduite ; que n'étant prévenus d'aucune folle ardeur, ils sont en état de se tromper bien moins que nous, et de voir beaucoup mieux ce qui nous est propre ; qu'il en faut plutôt croire les lumières de leur prudence que l'aveuglement de notre passion ; et que l'emportement de la jeunesse nous entraîne le plus souvent dans des précipices fâcheux.Je vous dis tout cela, ma sœur, afin que vous ne vous donniez pas la peine de me le dire ; car enfin mon amour ne veut rien écouter, et je vous prie de ne me point faire de remontrances.

ÉLISE
Vous êtes-vous engagé, mon frère, avec celle que vous aimez ?

CLÉANTE
Non, mais j'y suis résolu ; et je vous conjure encore une fois de ne me point apporter de raisons pour m'en dissuader.

ÉLISE
Suis-je, mon frère, une si étrange personne ?

CLÉANTE
Non, ma sœur ; mais vous n'aimez pas : vous ignorez la douce violence qu'un tendre amour fait sur nos cœurs, et j'appréhende votre sagesse.

ÉLISE
Hélas ! Mon frère, ne parlons point de ma sagesse.Il n'est personne qui n'en manque, du moins une fois en sa vie !Et si je vous ouvre mon cœur, peut-être serai-je à vos yeux bien moins sage que vous.(Silence)

CLÉANTE
Plût au Ciel que votre âme, comme la mienne...(Silence)

ÉLISE
Finissons auparavant votre affaire, et me dites qui est celle que vous aimez.


(Silence)

Pour jouer un mauvais tour à Géronte dont il cherche à se venger, Scapin prétend que son fils Léandre a été capturé par des Turcs qui lui demandent une rançon en échange de sa libération. Si Géronte veut revoir son fils, il doit donner cinq cents écus aux ravisseurs.

GÉRONTE, SCAPIN.

SCAPIN, feignant de ne pas voir Géronte : Ô Ciel ! Ô disgrâce (1) imprévue ! Ô misérable père ! Pauvre Géronte, que feras-tu ?

GÉRONTE, à part : Que dit-il là de moi, avec ce visage affligé (2)?

SCAPIN, même jeu : N'y a-t-il personne qui puisse me dire où est le seigneur Géronte ?

GÉRONTE : Qu'y a-t-il, Scapin ?

SCAPIN, courant sur le théâtre, sans vouloir entendre ni voir Géronte : Où pourrai-je le rencontrer, pour lui dire cette infortune (3) ?

GÉRONTE, courant après Scapin : Qu'est-ce que c'est donc?

SCAPIN, même jeu : En vain (4) je cours de tous côtés pour le pouvoir trouver.

GÉRONTE : Me voici.

SCAPIN, même jeu : Il faut qu'il soit caché en quelque endroit qu'on ne puisse point deviner.

GÉRONTE, arrêtant Scapin : Holà ! es-tu aveugle, que tu ne me vois pas ?

SCAPIN : Ah! Monsieur, il n'y a pas moyen de vous rencontrer.

GÉRONTE : Il y a une heure que je suis devant toi. Qu'est-ce que c'est donc qu'il y a ?

SCAPIN : Monsieur.

GÉRONTE : Quoi ?

SCAPIN : Monsieur, votre fils.

GÉRONTE : Hé bien! mon fils.

SCAPIN : Est tombé dans une disgrâce la plus étrange du monde.

GÉRONTE : Et quelle ?

SCAPIN : Je l'ai trouvé tantôt tout triste, de je ne sais quoi que vous lui avez dit, où vous m'avez mêlé assez mal à propos ; et, cherchant à divertir (5) cette tristesse, nous nous sommes allés promener sur le port. Là, entre autres plusieurs choses, nous avons arrêté nos yeux sur une galère turque assez bien équipée. Un jeune Turc de bonne mine nous a invités d'y entrer, et nous a présenté la main. Nous y avons passé ; il nous a fait mille civilités (6), nous a donné la collation (7), où nous avons mangé des fruits les plus excellents qui se puissent voir, et bu du vin que nous avons trouvé le meilleur du monde.

GÉRONTE : Qu'y a-t-il de si affligeant (8) en tout cela ?

SCAPIN : Attendez, Monsieur, nous y voici. Pendant que nous mangions, il a fait mettre la galère en mer, et, se voyant éloigné du port, il m'a fait mettre dans un esquif (9), et m'envoie vous dire que si vous ne lui envoyez par moi tout à l'heure (10) cinq cents écus, il va vous emmener votre fils en Alger.

GÉRONTE : Comment, diantre ! cinq cents écus ?

SCAPIN : Oui, Monsieur ; et de plus, il ne m'a donné pour cela que deux heures.

GÉRONTE : Ah le pendard (11) de Turc, m'assassiner de la façon !

SCAPIN : C'est à vous, Monsieur, d'aviser promptement aux moyens de sauver des fers (12) un fils que vous aimez avec tant de tendresse.

GÉRONTE : Que diable allait-il faire dans cette galère ?

SCAPIN : Il ne songeait pas à ce qui est arrivé.

GÉRONTE : Va-t'en, Scapin, va-t'en vite dire à ce Turc que je vais envoyer la justice après lui.

SCAPIN : La justice en pleine mer ! Vous moquez-vous des gens ?

GÉRONTE : Que diable allait-il faire dans cette galère ?

SCAPIN : Une méchante destinée conduit quelquefois les personnes.

GÉRONTE : Il faut, Scapin, il faut que tu fasses ici l'action d'un serviteur fidèle.

SCAPIN : Quoi, Monsieur ?

GÉRONTE : Que tu ailles dire à ce Turc qu'il me renvoie mon fils, et que tu te mettes à sa place jusqu'à ce que j'aie amassé la somme qu'il demande.

SCAPIN : Eh ! Monsieur, songez-vous à ce que vous dites ? et vous figurez-vous que ce Turc ait si peu de sens, que d'aller recevoir un misérable comme moi à la place de votre fils ?

GÉRONTE : Que diable allait-il faire dans cette galère ?

SCAPIN : Il ne devinait pas ce malheur. Songez, Monsieur, qu'il ne m'a donné que deux heures.

GÉRONTE : Tu dis qu'il demande...

SCAPIN : Cinq cents écus.

GÉRONTE : Cinq cents écus ! N'a-t-il point de conscience ?

Les moqueries à l’égard des Turcs s’expliquent par le mauvais effet qu’avait produit l’ambassadeur turc à la cour du roi.

SCAPIN : Vraiment oui, de la conscience à un Turc.

GÉRONTE : Sait-il bien ce que c'est que cinq cents écus ?

SCAPIN : Oui, Monsieur, il sait que c'est mille cinq cents livres.

GÉRONTE : Croit-il, le traître, que mille cinq cents livres se trouvent dans le pas d'un cheval (13) ?

SCAPIN : Ce sont des gens qui n'entendent point de raison.

GÉRONTE : Mais que diable allait-il faire dans cette galère ?

SCAPIN : Il est vrai. Mais quoi ? on ne prévoyait pas les choses. De grâce, Monsieur, dépêchez.

GÉRONTE : Tiens, voilà la clef de mon armoire.

SCAPIN : Bon.

GÉRONTE : Tu l'ouvriras.

SCAPIN : Fort bien.

GÉRONTE : Tu trouveras une grosse clef du côté gauche, qui est celle de mon grenier.

SCAPIN : Oui.

GÉRONTE : Tu iras prendre toutes les hardes (14) qui sont dans cette grande manne (15), et tu les vendras aux fripiers (16), pour aller racheter mon fils.

SCAPIN, en lui rendant la clef : Eh ! Monsieur, rêvez-vous ? Je n'aurais pas cent francs de tout ce que vous dites ; et de plus, vous savez le peu de temps qu'on m'a donné.

GÉRONTE : Mais que diable allait-il faire à cette galère ?

SCAPIN : Oh ! que de paroles perdues ! Laissez là cette galère, et songez que le temps presse, et que vous courez risque de perdre votre fils. Hélas ! mon pauvre maître, peut-être que je ne te verrai de ma vie, et qu'à l'heure que je parle, on t'emmène esclave en Alger. Mais le Ciel me sera témoin que j'ai fait pour toi tout ce que j'ai pu ; et que si tu manques à être racheté, il n'en faut accuser que le peu d'amitié (17) d'un père.

GÉRONTE : Attends, Scapin, je m'en vais quérir (18) cette somme.

SCAPIN : Dépêchez donc vite, Monsieur, je tremble que l'heure ne sonne.

GÉRONTE : N'est-ce pas quatre cents écus que tu dis ?

SCAPIN : Non : cinq cents écus.

GÉRONTE : Cinq cents écus ?

SCAPIN : Oui.

GÉRONTE : Que diable allait-il faire à cette galère ?

SCAPIN : Vous avez raison, mais hâtez-vous.

GÉRONTE : N'y avait-il point d'autre promenade ?

SCAPIN : Cela est vrai. Mais faites promptement (19).

GÉRONTE : Ah ! maudite galère !

SCAPIN, à part : Cette galère lui tient au cœur.

GÉRONTE : Tiens, Scapin, je ne me souvenais pas que je viens justement de recevoir cette somme en or, et je ne croyais pas qu'elle dût m'être si tôt ravie (20). (Il lui présente sa bourse, qu'il ne laisse pourtant pas aller ; et, dans ses transports, il fait aller son bras de côté et d'autre, et Scapin le sien pour avoir la bourse) Tiens. Va-t'en racheter mon fils.

SCAPIN, tendant la main : Oui, Monsieur.

GÉRONTE, retenant la bourse qu’il fait semblant de vouloir donner à Scapin : Mais dis à ce Turc que c'est un scélérat.

SCAPIN, tendant toujours la main : Oui.

GÉRONTE, même jeu : Un infâme.

SCAPIN : Oui.

GÉRONTE, même jeu : Un homme sans foi, un voleur.

SCAPIN : Laissez-moi faire.

GÉRONTE, même jeu : Qu'il me tire cinq cents écus contre toute sorte de droit.

SCAPIN : Oui.

GÉRONTE, même jeu : Que je ne les lui donne ni à la mort, ni à la vie.

SCAPIN : Fort bien.

GÉRONTE : Et que si jamais je l'attrape, je saurai me venger de lui.

SCAPIN : Oui.

GÉRONTE, remet la bourse dans sa poche, et s'en va : Va, va vite requérir (21) mon fils.

SCAPIN, allant après lui : Holà ! Monsieur.

GÉRONTE : Quoi ?

SCAPIN : Où est donc cet argent ?

GÉRONTE : Ne te l'ai-je pas donné ?

SCAPIN : Non vraiment, vous l'avez remis dans votre poche.

GÉRONTE : Ah ! c'est la douleur qui me trouble l'esprit.

SCAPIN : Je le vois bien.

GÉRONTE : Que diable allait-il faire dans cette galère ? Ah ! maudite galère ! traître de Turc à tous les diables !

SCAPIN : Il ne peut digérer les cinq cents écus que je lui arrache ; mais il n'est pas quitte envers moi, et je veux qu'il me paye en une autre monnaie l'imposture qu'il m'a faite auprès de son fils.

Les Fourberies de Scapin, Acte II, scène 7

Dorante, grand manipulateur flatte Monsieur Jourdain afin de lui soutirer de l’argent.
Dorante : Comment, Monsieur Jourdain ? Vous voilà le plus propre du monde !
M. Jourdain : vous voyez.
Dorante : Vous avez tout à fait bon air avec cet habit et nous n'avons point de jeunes gens à la cour qui soient mieux faits que vous.
M. Jourdain : Hay, hay.
Mme Jourdain : (à part) Il le gratte par où il se démange.
Dans cet extrait , ils utilisent un comique de mots, qui fait rire, mais aussi réfléchir. La phrase de Mme Jourdain à la fin de l'extrait est amusante, mais ça aide aussi à voir comment les intentions de Dorante sont faciles à interpréter. Flattant M. Jourdain car il veut encore lui emprunt de l'argent, Dorante veut obtenir ce qu'il veut. Et puisque tout le monde sait que M. Jourdain est un homme facile , il est clair qu'il parviendra à ses intentions. Le mélange de tons entre Dorante et Mme Jourdain montre aussi que M. Jourdain et naïf, tous s'en rendent compte sauf lui. Poussant la flatterie, Dorante ment à son « ami » en lui disant qu'il a un bel habit alors qu’il est horrible. Cette réaction de M. Jourdain l'éloigne malheureusement, lui aussi ,de l'honnête homme :
Mme Jourdain : (bas, à M. Jourdain) Il vous sucera jusqu'au dernier sou.

Un bourgeois, Monsieur Jourdain entend acquérir les manières des gens de qualité, celles d’un gentilhomme. À cet effet, il commande un nouvel habit, se lance dans l'apprentissage des armes, de la danse, de la musique et de la philosophie.

Maître de philosophie, Monsieur Jourdain

[...]

Maître de philosophie : Que voulez-vous donc que je vous apprenne ?

Monsieur Jourdain : Apprenez-moi l’orthographe.

Maître de philosophie : Très volontiers.

Monsieur Jourdain : Après vous m’apprendrez l’almanach, pour savoir quand il y a de la lune et quand il n’y en a point.

Maître de philosophie : Soit. Pour bien suivre votre pensée et traiter cette matière en philosophe, il faut commencer selon l’ordre des choses, par une exacte connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les prononcer toutes. Et là-dessus j’ai à vous dire que les lettres sont divisées en voyelles, ainsi dites voyelles parce qu’elles expriment les voix ; et en consonnes, ainsi appelées consonnes parce qu’elles sonnent avec les voyelles, et ne font que marquer les diverses articulations des voix. Il y a cinq voyelles ou voix : A, E, I, O, U.

Monsieur Jourdain : J’entends (1) tout cela.

Maître de philosophie : La voix A se forme en ouvrant fort la bouche : A.

Monsieur Jourdain : A, A. Oui.

Maître de philosophie : La voix E se forme en rapprochant la mâchoire d’en bas de celle d’en haut : A, E.

Monsieur Jourdain : A, E, A, E. Ma foi ! oui. Ah ! que cela est beau !

Maître de philosophie : Et la voix I en rapprochant encore davantage les mâchoires l’une de l’autre, et écartant les deux coins de la bouche vers les oreilles : A, E, I.

Monsieur Jourdain : A, E, I, I, I, I. Cela est vrai. Vive la science !

Dom Juan est un très grand séducteur




SCÈNE IV - DOM JUAN, SGANARELLE, CHARLOTE, MATHURINE.




SGANARELLE, apercevant Mathurine. Ah, Ah !

MATHURINE, à Dom Juan. Monsieur, que faites-vous donc là avec Charlotte ? Est-ce que vous lui parlez d’amour aussi ?

DOM JUAN, à Mathurine. Non, au contraire, c’est elle qui me témoignait une envie d’être ma femme, et je lui répondais que j’étais engagé à vous.

CHARLOTTE. Qu’est-ce que c’est donc que vous veut Mathurine ?

DOM JUAN, bas à Charlotte. Elle est jalouse de me voir vous parler, et voudrait bien que je l’épousasse ; mais je lui dis que c’est vous que je veux.

MATHURINE. Quoi ? Charlotte…

DOM JUAN, bas à Mathurine. Tout ce que vous lui direz sera inutile ; elle s’est mis cela dans la tête.

CHARLOTTE. Quement donc ! Mathurine…

DOM JUAN, bas à Charlotte. C’est en vain que vous lui parlerez ; vous ne lui ôterez point cette fantaisie.

MATHURINE. Est-ce que…?

DOM JUAN, bas à Mathurine. Il n’y a pas moyen de lui faire entendre raison.

CHARLOTTE. Je voudrais…

DOM JUAN, bas à Charlotte. Elle est obstinée come tous les diables.

MATHURINE. Vramant…

DOM JUAN, bas à Mathurine. Ne lui dites rien c’est une folle.

CHARLOTTE. Je pense…

DOM JUAN, bas à Charlotte. Laissez-la là, c’est une extravagante.

MATHURINE. Non, non : il faut que je lui parle.

CHARLOTTE. Je veux voir un peu ses raisons.

MATHURINE. Quoi ?

DOM JUAN, bas à Mathurine. Je gage qu’elle va vous dire que je lui ai promis de l’épouser.

CHARLOTTE. Je…

DOM JUAN, bas à Charlotte. Gageons qu’elle vous soutiendra que je lui ai donné parole de la prendre pour femme.

MATHURINE. Holà ! Charlotte, ça n’est pas bien de courir sur le marché des autres.

CHARLOTTE. Ce n’est pas honnête, Mathurine, d’être jalouse que monsieur me parle.

MATHURINE. C’est moi que monsieur a vue la première.

CHARLOTTE. S’il vous a vue la première, il m’a vue la seconde et m’a promis de m’épouser.

DOM JUAN, bas à Mathurine. Eh bien ! que vous ai-je dit ?

MATHURINE. Je vous baise les mains, c’est moi, et non pas vous, qu’il a promis d’épouser.

DOM JUAN, bas à Charlotte. N’ai-je pas deviné ?

CHARLOTTE. A d’autres, je vous prie : c’est moi, vous dis-je.

MATHURINE. Vous vous moquez des gens ; c’est moi, encore un coup.

CHARLOTTE. Le v’la qui est pour le dire, si je n’ai pas raison.

MATHURINE. Le v’la qui est pour me démentir, si je ne dis pas vrai.

CHARLOTTE. Est-ce, monsieur, que vous lui avez promis de l’épouser.

DOM JUAN, bas à Charlotte. Vous vous raillez de moi.

MATHURINE. Est-il vrai, monsieur, que vous lui avez donné parole d’être son mari ?

DOM JUAN, bas à Mathurine. Pouvez-vous avoir cette pensée ?

CHARLOTTE. Vous voyez qu’al le soutient.

DOM JUAN, bas à Charlotte. Laissez-la faire.

MATHURINE. Vous êtes témoin comme al l’assure.

DOM JUAN, bas à Mathurine. Laissez-la dire.

CHARLOTTE. Non, non il faut savoir la vérité.

MATHURINE. Il est question de juger ça.

CHARLOTTE. Oui, Mathurine, je veux que monsieur vous montre votre bec jaune.

MATHURINE. Oui, Charlotte, je veux que monsieur vous rende un peu camuse.

CHARLOTTE. Monsieur, vuidez la querelle, s’il vous plaît.

MATHURINE. Mettez-nous d’accord, monsieur.

CHARLOTTE, à Mathurine. Vous allez voir.

MATHURINE, à Charlotte. Vous allez voir vous-même.

CHARLOTTE, à Dom Juan. Dites.

MATHURINE, à Dom Juan. Parlez.

DOM JUAN, embarrassé, leur dit à toutes deux. Que voulez-vous que je dise ? Vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes. Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu’il soit nécessaire que je m’explique davantage ? Pourquoi m’obliger là-dessus à des redites ? Celle à qui j’ai promis effectivement n’a-t-elle pas en elle-même de quoi se moquer des discours de l’autre, et doit-elle se mettre en peine, pourvu que j’accomplisse ma promesse ? Tous les discours n’avancent point les choses ; il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. Aussi n’est-ce rien que par là que je vous veux mettre d’accord, et l’on verra, quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur. (Bas à Mathurine.) Laissez-lui croire ce qu’elle voudra. (Bas, à Charlotte.) Laissez-la se flatter dans son imagination. (Bas à Mathurine.) Je vous adore. (Bas, à Charlotte.) Je suis tout à vous. (Bas à Mathurine.) Tous les visages sont laids auprès du vôtre. (Bas, à Charlotte.) On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue. J’ai un petit ordre à donner ; je viens vous trouver dans un quart d’heure.

CHARLOTTE, à Mathurine. Je suis celle qu’il aime, au moins.

MATHURINE. C’est moi qu’il épousera.

SGANARELLE. Ah ! pauvres filles que vous êtes, j’ai pitié de votre innocence, et je ne puis souffrir de vous voir courir à votre malheur. Croyez-moi l’une et l’autre : ne vous amusez point à tous les contes qu’on vous fait, et demeurez dans votre village.

DOM JUAN, revenant. Je voudrais bien savoir pourquoi Sganarelle ne me suis pas.

SGANARELLE. Mon maître est un fourbe ; il n’a dessein que de vous abuser, et en a bien abusé d’autres ; c’est l’épouseur du genre humain, et… (Il aperçoit Dom Juan.) Cela est faux ; et quiconque vous dira cela, vous lui devez dire qu’il en a menti. Mon maître n’est point l’épouseur du genre humain, il n’est point fourbe, il n’a pas dessein de vous tromper, et n’en a point abusé d’autres. Ah ! tenez, le voilà ; demandez le plutôt à lui-même.

DOM JUAN. Oui

SGANARELLE. Monsieur ? comme le monde est plein de médisants, je vais au devant des choses ; et je leur disais que, si quelqu’un leur venait dire du mal de vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne manquassent pas de lui dire qu’il aurait menti.

DOM JUAN. Sganarelle.

SGANARELLE. Oui, monsieur est homme d’honneur, je le garantis tel.

DOM JUAN. Hon !

SGANARELLE. Ce sont des impertinents.



Nicole et Covielle sont les domestiques de Lucile et Cléonte mais ils sont aussi amoureux l'un de l'autre.

Scène X

Cléonte, Lucile, Covielle, Nicole
NICOLE
Pour moi, j'en ai été toute scandalisée.
LUCILE
Ce ne peut être, Nicole, que ce que je te dis. Mais le voilà.
CLÉONTE
Je ne veux pas seulement lui parler.
COVIELLE
Je veux vous imiter.
LUCILE
Qu'est-ce donc, Cléonte ? qu'avez-vous ?
NICOLE
Qu'as-tu donc, Covielle ?
LUCILE
Quel chagrin vous possède ?
NICOLE
Quelle mauvaise humeur te tient ?
LUCILE
Êtes-vous muet, Cléonte ?
NICOLE
As-tu perdu la parole, Covielle ?
CLÉONTE
Que voilà qui est scélérat !
COVIELLE
Que cela est Judas !
LUCILE
Je vois bien que la rencontre de tantôt a troublé votre esprit.
CLÉONTE
Ah ! ah ! on voit ce qu'on a fait.
NICOLE
Notre accueil de ce matin t'a fait prendre la chèvre.
COVIELLE
On a deviné l'enclouure(24).
LUCILE
N'est-il pas vrai, Cléonte, que c'est là le sujet de votre dépit ?
CLÉONTE
Oui, perfide, ce l'est, puisqu'il faut parler ; et j'ai à vous dire que vous ne triompherez pas comme vous pensez de votre infidélité, que je veux être le premier à rompre avec vous, et que vous n'aurez pas l'avantage de me chasser. J'aurai de la peine, sans doute, à vaincre l'amour que j'ai pour vous, cela me causera des chagrins, je souffrirai un temps ; mais j'en viendrai à bout, et je me percerai plutôt le cœur que d'avoir la foiblesse de retourner à vous.
COVIELLE
Queussi, queumi.
LUCILE
Voilà bien du bruit pour un rien. Je veux vous dire, Cléonte, le sujet qui m'a fait ce matin éviter votre abord.
CLÉONTE
Non, je ne veux rien écouter.
NICOLE
Je te veux apprendre la cause qui nous a fait passer si vite.
COVIELLE
Je ne veux rien entendre.
LUCILE
Sachez que ce matin…
CLÉONTE
Non, vous dis-je.
NICOLE
Apprends que…
COVIELLE
Non, traîtresse.
LUCILE
Écoutez.
CLÉONTE
Point d'affaire.
NICOLE
Laisse-moi dire.
COVIELLE
Je suis sourd.
LUCILE
Cléonte.
CLÉONTE
Non.
NICOLE
Covielle.
COVIELLE
Point.
LUCILE
Arrêtez.
CLÉONTE
Chansons.
NICOLE
Entends-moi.
COVIELLE
Bagatelles.
LUCILE
Un moment.
CLÉONTE
Point du tout.
NICOLE
Un peu de patience.
COVIELLE
Tarare.
LUCILE
Deux paroles.
CLÉONTE
Non, c'en est fait.
NICOLE
Un mot.
COVIELLE
Plus de commerce.
LUCILE
Hé bien ! puisque vous ne voulez pas m'écouter, demeurez dans votre pensée, et faites ce qu'il vous plaira.
NICOLE
Puisque tu fais comme cela, prends-le tout comme tu voudras.
CLÉONTE
Sachons donc le sujet d'un si bel accueil.
LUCILE
Il ne me plaît plus de le dire.
COVIELLE
Apprends-nous un peu cette histoire.
NICOLE
Je ne veux plus, moi, te l'apprendre.
CLÉONTE
Dites-moi…
LUCILE
Non, je ne veux rien dire.
COVIELLE
Conte-moi…
NICOLE
Non, je ne conte rien.
CLÉONTE
De grâce.
LUCILE
Non, vous dis-je.
COVIELLE
Par charité.
NICOLE
Point d'affaire.
CLÉONTE
Je vous en prie.
LUCILE
Laissez-moi.
COVIELLE
Je t'en conjure.
NICOLE
Ote-toi de là.
CLÉONTE
Lucile.
LUCILE
Non.
COVIELLE
Nicole.
NICOLE
Point.
CLÉONTE
Au nom des Dieux !
LUCILE
Je ne veux pas.
COVIELLE
Parle-moi.
NICOLE
Point du tout.
CLÉONTE
Éclaircissez mes doutes.
LUCILE
Non, je n'en ferai rien.
COVIELLE
Guéris-moi l'esprit.
NICOLE
Non, il ne me plaît pas.
CLÉONTE
Hé bien ! puisque vous vous souciez si peu de me tirer de peine, et de vous justifier du traitement indigne que vous avez fait à ma flamme, vous me voyez, ingrate, pour la dernière fois, et je vais loin de vous mourir de douleur et d'amour.
COVIELLE
Et moi, je vais suivre ses pas.
LUCILE
Cléonte.
NICOLE
Covielle.
CLÉONTE
Eh ?
COVIELLE
Plaît-il ?
LUCILE
Où allez-vous ?
CLÉONTE
Où je vous ai dit.
COVIELLE
Nous allons mourir.
LUCILE
Vous allez mourir, Cléonte ?
CLÉONTE
Oui, cruelle, puisque vous le voulez.
LUCILE
Moi, je veux que vous mouriez ?
CLÉONTE
Oui, vous le voulez.
LUCILE
Qui vous le dit ?
CLÉONTE
N'est-ce pas le vouloir, que de ne vouloir pas éclaircir mes soupçons !
LUCILE
Est-ce ma faute ? et si vous aviez voulu m'écouter, ne vous aurois-je pas dit que l'aventure dont vous vous plaignez a été causée ce matin par la présence d'une vieille tante, qui veut à toute force que la seule approche d'un homme déshonore une fille, qui perpétuellement nous sermonne sur ce chapitre, et nous figure tous les hommes comme des diables qu'il faut fuir.
NICOLE
Voilà le secret de l'affaire.
CLÉONTE
Ne me trompez-vous point, Lucile ?
COVIELLE
Ne m'en donnes-tu point à garder ?
LUCILE
Il n'est rien de plus vrai.
NICOLE
C'est la chose comme elle est.
COVIELLE
Nous rendrons-nous à cela !
CLÉONTE
Ah ! Lucile, qu'avec un mot de votre bouche vous savez apaiser de choses dans mon cœur ! et que facilement on se laisse persuader aux personnes qu'on aime !
COVIELLE
Qu'on est aisément amadoué par ces diantres d'animaux-là !