EPISODE 8

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SUSPICIONS

VENDREDI 14 OCTOBRE

7H25

Vernon torse nu et en caleçon , les cheveux en bataille , les yeux encore emplis de sommeil traversa le grand salon en direction de la porte d’entrée où quelqu’un semblait s’acharner sur la sonnette.

- Ca va ! J arrive ! …bougonna-t-il

L ‘horloge murale indiquait 7h25. En ouvrant la porte , sa mère un grand sourire gêné sur les lèvres lui montra un sachet de doonuts qu’elle avait entre les mains.

- Ne dis rien mon chéri , je suis désolée , vraiment désolée. Ce n’est pas dans mes habitudes de débarquer ainsi tu le sais , mais ça concerne Penny !

Vernon se renfrogna.

-Quoi ? Tu me réveilles à cette heure pour me parler de ta copine tarée qui voit des choses bouger ? La même qui m’a valu d’être viré de la police à cause des caméras que j ai installé dans son salon ?

Judith posa une main sur sa poitrine et ouvrit de grands yeux ronds.

- Tu...tu as été viré de la police ?

-..Presque réintégré , c’est une longue histoire !

Il s’effaça pour laisser entrer sa mère qui le regardait tendrement.

- Tu vas penser que ta mère est aussi folle que sa copine mais j’ai planqué toute la nuit dernière non loin de chez Penny.

Il secoua la tête et se dirigea vers le frigo dans lequel il attrape une brique de lait.

- Tu souffres d’insomnies ? Tu n’as rien d’autre à faire la nuit ?

Tu es bête ! répondit elle en riant. Vu que le système de surveillance n’a rien donné et que Penny était toujours aussi angoissée , je lui ai proposé cette solution et….ça a porté ses fruits !

- Vas y Miss Marple , tu as découvert le coupable ? Dis moi , ça m’intéresse.

Le ton était moqueur mais Judith en avait l’habitude avec son fils. Elle sortit son portable et après avoir sélectionné une photo, le lui tendit .

- J ai surpris ce gars enfourcher sa moto qui était garée contre la propriété de Penny à 5h 45 ! Et avant que tu ne rajoutes quelque chose, il n’était pas là par hasard ! Je suis restée éveillée jusqu’à 4h ….Le sommeil a eu raison de moi et ce gars m’a réveillé …

Vernon observait la photo en zoomant sur l’écran.

-On ne va rien pouvoir tirer de ça , la plaque est illisible et des tas de gars doivent avoir ce genre de moto à Claythorne.

Judith marqua un temps d’arrêt et glissa malicieusement.

-Je n’en suis pas si sûre que toi. L’éclairage n’est pas très bon mais regarde à l’arrière droit de la moto, on voit clairement qu’il y a une couleur différente, comme si on avait voulu repeindre ou masquer une grosse éraflure . C’est flagrant.

Vernon hôcha la tête .

-Tu as raison , c’est bien observé. Ne t’emballe pas trop vite , ta photo n’est pas très bonne .

- Ca veut dire que tu ne peux rien faire pour essayer de trouver ce gars ?

- Autant chercher une aiguille dans une botte de foin…. Désolé maman , c’est trop mince pour tenter quoi que ce soit . Et je n’ai pas encore réintégré officiellement mon poste ! dit il en lui rendant son téléphone.

Judith se sentait furieuse contre elle même .

- Si seulement je ne m’étais pas assoupie ! Quelques secondes plus tôt et j’aurai pu prendre plusieurs clichés…

-Vois le bon côté des choses ! Vu que tu m’as tiré d’un profond sommeil, tu peux prendre le petit déjeuner avec ton fils ! Ca fait combien de temps que ce n’était pas arrivé ?

Il lui tendit un donut qu’elle accepta en souriant.

- Une éternité !

La sonnerie du téléphone de Vernon s’éleva dans la pièce .Le prénom « Anthony » apparut sur l’écran. Vernon décrocha en faisant un signe d’excuse à sa mère.

Seacrest Motel

Anthony descendit l’escalier menant à la salle de réception. Une petite assemblée composée de Sam, Tiffany, Mathieu et Vernon (arrivé précipitamment après l’appel d’Anthony ) attendaient des nouvelles de Tanya.

- Rassurez vous elle va bien. Elle est traumatisée par la séquestration mais elle n’a subi aucune violence. Le docteur est encore auprès d’elle. Elle a besoin de repos.

- Je peux monter la voir ? demanda Vernon .

- Non , laissons la tranquille pour l’instant. Dans quelques heures ça ira mieux.

- Je n’ose imaginer ce qui aurait pu lui arriver si on ne l’avait pas trouvée ! s’exclama Tiffany en agitant ses boucles blondes.

Mathieu, le regard inquisiteur s’adressa d’un ton sec au vieux Sam .

-C’est une étrange coïncidence de m’avoir fait nettoyer toutes les caves Mr Cutis sauf précisément celle où Miss Weldon etait séquestrée…

Sam, un rictus de colère déformant sa bouche, rétorqua agressivement.

- Cette cave stocke des cartons avec des effets et des papiers personnels. Je voulais m’en occuper personnellement. Je n’aime pas tes insinuations !

- Je n’insinue rien , je constate simplement ! Il ne doit pas y avoir plusieurs personnes qui ont la clé de cette cave vu qu’elle n’est pas sur le trousseau des doubles !

Sam serra les poings, menaçant.

- Tu la fermes !J’ai rien à me reprocher moi !

-On dit ça…

Le vieil homme se jeta sur Mathieu et lui asséna deux coups de poing au ventre. Vernon et Anthony les séparèrent promptement.

- Vous êtes des malades !Calmez vous ! On est tous sous tension mais ce n’est pas une raison pour se battre !

- Le gamin a raison , dit Vernon en l’aidant à se redresser, quelqu’un doit posséder le double de cette clé . Où sont elles rangées ?

-Dans le boîtier mural derrière le desk , maugréa Sam, les yeux injectés de sang .

A cet instant Tiffany aperçut , par une des fenêtres de la salle, les gyrophares clignotants d’une voiture de police qui déboulait s sur le parking.

- Les flics sont là. Je suppose qu’ils vont nous interroger. J’espère que ça va être rapide car je prends mon service à 11H et je ne peux pas me permettre de perdre mon job !

-T’es plutôt gonflée de dire ça devant moi ! rétorqua durement Mathieu.

Elle détourna la tête pour ne pas affronter son regard perçant mais une chose attira son attention. Une petite forme grossièrement dissimulée dans l’angle de l’un des fauteuils disposés en arc de cercle.

-C’est quoi ? demande-t-il en la voyant extraire un petit objet rond en plastique semblable à ces microphones présents dans les combinés de téléphone .

- Aucune idée ...Il y a des boutons , ça doit servir a quelque chose…

Tout le monde avait les yeux rivés sur eux.

- C’est un modificateur de voix , affirma Vernon en saisissant l’objet entre ses doigts. Un vieux modèle qui ne doit plus être commercialisé. Qu’est ce que ça peut bien faire là ?

- Peut-être un des clients qui serait venu se servir le petit déjeuner …avança Sam.

- Il n’y a qu’à vérifier la liste des résidents actuels. Nous allons les interroger.

Engelman apparut dans l’encadrement de la porte accompagné d’un agent.

-Bonne initiative Riley ! Je considère donc que vous faites partie à nouveau de mes effectifs .

- Le tutoiement n’est plus de rigueur capitaine ? répliqua sournoisement Vernon en faisant allusion à son arrestation.

Agaçé, Engelman balaya d’un geste de la main sa remarque.

- Interrogez les occupants et relevez les noms et numéros de téléphone des absents. Quant à vous messieurs et mademoiselle vous ne sortez pas d’ici avant que l’on ait recueilli vos témoignages. Où est Miss Weldon? Je souhaite m’entretenir avec elle.

- Le docteur a donné l ordre formel qu’elle se repose,répondit Anthony.Elle a prit un somnifère... Vous pourrez l’interroger dans quelques heures.

Engelman toisa le fiançé de Tanya.

- Ca c’est à moi d’en juger ! Je veux vérifier par moi même. Accompagnez moi !

La mort dans l’âme , Anthony montra le chemin au chef de police pendant que Mathieu , Tiffany et Sam répondaient aux questions de l’agent . Vernon , de son côté étudiait le registre des entrées et sorties du motel .

QUARTIER DU PHARE CHEZ LES RUSSELL

Penny finit de boucler une petite valise qu’elle rangea soigneusement dans sa penderie . A cette heure matinale , elle savait qu’Oliver Barnes était déjà à son bureau. Elle lança un appel depuis son portable et au bout de quelques tonalités la voix enjouée d’un homme répondit.

- Maitre Barnes …

- Bonjour c’est Penny Russell . Je vais m’absenter quelques temps et je voulais rapidement vérifier avec vous le dossier en cours..

-Que dire Miss Russell ? Il est on ne peut plus classique. Ce sera une simple formalité de plaider l’affaire. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. Tout cela sera expédié en deux temps trois mouvements.

- Je vous remercie Maître.

Elle raccrocha rassurée . Il ne lui restait plus qu’à acheter un billet pour Boston et tout serait quasiment réglé dans l’ordre des choses qu’elle avait établi .

L’agent Jones écoutait attentivement les propos tenus par Tiffany qui relatait dans les moindres détails comment elle avait sauvé Tanya. Il griffonna quelques notes sur son calepin.

- ...Et c’est quand j ai vu M Curtis s’éloigner que j’en ai profité pour descendre vers l’entrée des caves.

- Et c’était ouvert ?

- La porte d’accès oui. Je suppose que la personne qui séquestrait Miss Weldon a été dérangée ou n’a pas eu le temps de fermer à clé…

- Tenons nous en au fait je vous prie. Poursuivez.

-J’ai pris mon téléphone portable et j’ai allumé la lampe torche ; Ensuite, je me suis dirigée dans le grand couloir à la recherche de l’endroit où j’avais entendu le bruit de l’extérieur ….Ca a été facile car il n’y a que 4 salles souterraines dont une seule avait la porte fermée à clé. J’ai tapé plusieurs fois. Personne ne répondait .En collant l’oreille contre la porte j’ai entendu remuer à l’intérieur comme si quelqu un se traînait. Alors j’ai dis : « Il y a quelqu’un ? Tout va bien ? »

- Miss Weldon vous a donc répondu ? demanda Jones en haussant un sourcil.

-Pas vraiment...Elle était baillonnée mais j’ai entendu des cris étouffés .J’ai compris qu’il s’agissait d’une femme…

- Comment avez vous ouvert la porte puisqu’elle était fermée ?

-J’ai fouillé les autres pièces. Elles étaient clean. Mathieu les avaient nettoyées quelques jours auparavant. J’ai trouvé une barre de fer qui traînait dans l’une d’elles . Ca m’a permit de faire levier pour faire sauter la serrure et un pan de la porte…

- Vous êtes sacrément musclée ! Observa froidement l’agent. Vous étiez seule ?

Tiffany sourit fièrement .

- Oui j’étais seule et j’ai une bonne condition physique! Mais quand vous irez constater l’état de la porte vous verrez qu’il n’y a pas besoin d’être très fort. Le bois est vermoulu et les portes sont en mauvais état

- Et ensuite ?

-J’ai éclairé à l’intérieur et vu cette pauvre Miss Weldon, baîllonnée ,attachée, terrorisée. La suite vous la connaissez ...Je l’ai soutenue et nous sommes venues jusqu’à la réception où Mathieu et Anthony discutaient.

-Quelle a été la réaction de M Vance ? Il a du être choqué ?

- Choqué ? s’interrogea la jeune serveuse en fronçant les sourcils , je ne dirai pas ça . Plutôt surpris….Mais qui ne l’aurait pas été ?

-Je vous remercie Miss Jenkins.

Carter , posté à l’angle d’une rue , observait l’entrée du bâtiment de la société Legge & Maine. « Elle ne va pas tarder à arriver. » se dit-il en se remémorant l’emploi du temps des employés qu’il avait réussi à obtenir en se faisant passer pour un responsable de la société comptable.

Il ajusta son pantalon de jogging et lorsque la silhouette d’une femme ronde apparut il s’élança en courant en essayant de conserver le naturel d’un jogger.

Rebecca Garett s’apprêtait à passer son pass pour ouvrir la porte de l’agence lorsque Carter s’écroula devant elle, simulant une entorse à la cheville.Il se mit à crier de douleur.

Elle se précipita vers lui .

- Monsieur ? Ca va ? Rien de cassé ?

Il se redressa et massa sa cheville.

- Je ne sais pas !…. Ca fait un mal de chien !

- Je vais appeler les urgences…

-Non ,je pense qu’un peu d’eau glacée ou quelques glaçons feront l’affaire. Vous auriez ça dans votre bureau ?

Attendrie par le regard de cocker que lui lançait Carter, l’employée répondit avec un grand sourire.:

-Oui , bien sûr. Venez, je suis la première à ouvrir le cabinet . On va trouver quelque chose pour vous soigner …

Elle l’aida à se redresser et Carter , soutenu par la secrétaire bienveillante , franchit le seuil de l’agence.

Engelman sortit de la chambre de Tanya et referma la porte avec douceur . Anthony qui l’attendait dans le couloir se précipita.

-Vous avez pu lui parler ?

- Non ,elle tient des propos incompréhensibles...Sûrement les calmants qui ont été administrés.

-Je vous l’avais dit .

Pour quelqu’un qui se dit être son petit ami , vous ne semblez pas trop ébranlé par ce qu’elle a subi répondit Engelman le regard noir.

-Qu’en savez vous ? Je ne suis pas quelqu’un qui montre mes émotions. Ca a toujours été comme ça . C’est ma carapace à moi .

Le chef de police interpella Vernon qui gravissait quelques marches en direction d’eux.

- Riley ! Tout est ok en bas ? J’ai interrogé Miss Weldon , il n’y a rien à en tirer pour l’instant , elle est dans les vapes !

- Après ce qu’elle a subi vous vous attendiez à quoi ?… J’ai vérifié les registres et hormis un couple de touristes retraités, personne n’a quitté le motel. Rien à exploiter du côté des locataires , aucun n’a le profil pour un enlèvement .

- Qu’en savez vous ?

- Six locataires sont des rendez vous clandestins qui tremblaient à l’idée d’être cité à la barre d’un tribunal pour expliquer la raison de leur présence au Seacrest. Un couple en voyage de noces , un étudiant et Tiffany Jenkins qui ont chacun une chambre au trimestre….Je poursuis l’énumération ?

- Non , c’est bon…. Engelamn se retourna lentement vers Anthony. M Vance vous avez conscience d’être sur la liste des suspects ?

- Quoi ? Vous êtes sérieux ?Pourquoi je m’en serai pris à ma fiançée ? demanda-t-il en jetant un regard lourd d’incompréhension à Vernon.

- On a trouvé ce modificateur de voix dans la pièce de réception . Le boîtier mural est à portée de mains . Vous aviez les mains libres pour agir en toute impunité !

- C’est ridicule ! On peut en dire autant pour Sam et pour Mathieu qui s’occupent du motel. Sans parler des femmes de ménage !

- Sauf que tous n’ont pas votre passé M Vance ! appuya sournoisement Engelman.

Vernon s’interposa doucement dans la conversation qui s’annonçait houleuse :

-Capitaine vous permettez que je m’entretienne avec Anthony ?

- Ok ! Mais tant que l’enquête n’est pas bouclée, vous ne devez pas quitter le territoire M Vance et rester à la disposition de la police.

Anthony et Vernon le regardèrent descendre l’escalier pour rejoindre son collègue.

- Dis moi qu’il n’est pas sérieux ? Il pense vraiment que j’aurai pu faire ça à Tanya ?

-Il est très sérieux oui.

- Eh bien franchement il ne me connaît pas ! Heureusement que tu es là pour lui prouver le contraire , dit Anthony avec un petit rire forçé.

Un silence s’installa, puis il reprit , inquiet.

-Tu ne penses pas comme lui n’est ce pas ?

-Je ne sais pas quoi penser. Tu m’as caché pas mal de pans de ta vie avant de vivre à Claythorne.

- Tu parles des petites conneries de jeunesse que j’ai faites ? Rien de bien grave…

- Sauf que tu es bien connu des services de polices de Boston, du Minnesota, de l’Alabama. Des rapports faisant état de ton agressivité et de tes débordements. Tu as trempé dans des affaires de drogue également...J’ai rapidement jeté un œil sur ces rapports et le Anthony Vance décrit est à mille lieues de celui que je connais . Qui me dit que tes vieux démons ne t’ont pas repris?

Mal à l’aise , Anthony se frotta la tête et implora son ami du regard .

- Des conneries de jeunesse tout ça je te jure ! D’ailleurs peut on me reprocher quelque chose depuis que je vis ici ? ..Non... Tu peux chercher ! Je me suis rangé Vernon , et ça... c’est la vérité !

-C’est vrai que tu t’es tenu à carreau ..Jusqu’ici.

-Alors donne moi une putain de bonne raison pour m’en prendre à ma fiançée ? Une seule !

-Je ne suis pas dans votre couple , répondit Vernon avec lassitude. A priori Tanya a l’air très amoureuse de toi mais on sait très bien qu’entre ce que les choses paraissent et ce qu’elles sont en réalité il y a parfois un océan !

- Je te jure que j’adore Tanya . J’étais mort de peur pendant son enlèvement et je veux trouver l’enfoiré qui l’a séquestrée ici !

- On va mener l’enquête et si tu n’as rien à te reprocher, crois moi tu seras vite lavé de tous soupçons.

Vernon lui posa une main amicale sur l’épaule.

-Je ferai tout pour en tous cas.