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Les documents, illustrations et photographies présentés ici sont exposés avec l’aimable autorisation de Denis Couillard, petit neveu de Marcelle Pardé. Ils sont extraits de son recueil, actuellement en voie d’achèvement : «La vie de Marcelle Pardé – Les Pardé dans le tourbillon des grands évènements historiques». Riche en témoignages et anecdotes sur le parcours de vie de Marcelle Pardé, nous espérons que nous aurons le plaisir de pouvoir le proposer bientôt en lecture aux utilisateurs du CDI. Chacun pourra ainsi faire plus ample connaissance avec cette personnalité remarquable qui dirigea le lycée durant quatre années scolaires, de 1932 à 1935. La direction

Denis Couillard, petit neveu de Marcelle Pardé.

Marcelle Pardé est morte sans sépulture sur les bords glacés d’un lac marécageux du nord de l’Allemagne. Victime de famine, de maladie et d’épuisement au camp de Ravensbrück comme des dizaines de milliers d’autres déportées, on ne sait pas quelles furent ses dernières pensées. Les archives qui nous sont parvenues laissent toutefois croire que c’est avec la conviction d’un devoir accompli et la promesse de ce message d’amour qui la liait à tous les chrétiens, qu’elle rendit l’âme. Peut-être trouva-t-elle aussi un dernier refuge dans le souvenir apaisant de Chaumont-le-Bois, de sa première rencontre avec Mark Watson ou de ce qu’elle appelait ``l’infinie beauté`` des montagnes Rocheuses.

Marcelle PARDÉ (1914 -1945). Directrice du lycée Quinet

Denis Couillard, petit neveu de Marcelle Pardé.

Grande intellectuelle aventurière et idéaliste montrant une autodiscipline toute religieuse, Marcelle Pardé apparait vers la fin de ce texte comme une grande dame qui en impose beaucoup. Et pourtant, elle reste simple, moderne et ouverte, suscitant un respect et un prestige qui lui donne une autorité que ses élèves et collègues semblent accepter avec plaisir et honneur. Son service dans les hôpitaux militaires, le contact d’un frère et d’une sœur fort originaux et sa découverte d’une Amérique du Nord progressiste et d’un Moyen-Orient si différent contribuèrent certainement à forger sa remarquable personnalité.

Denis Couillard, petit neveu de Marcelle Pardé.

Denis Couillard, petit neveu de Marcelle. Montréal, le 1er janvier 2020.

Marcelle Pardé aimait écrire et adorait les grands espaces. Elle aurait sans doute apprécié qu’un Canadien lui érige, 75 ans plus tard, un petit monument de papier. La faire revivre aujourd’hui permet de reprendre conscience que l’égoïsme et l’appât du gain ont sans cesse été battus en brèche par ceux qui, comme elle, se sont nourris à la connaissance, à l’action et au service des autres. Suivre Marcelle Pardé, c’est aussi découvrir l’émancipation des femmes il y a moins de 100 ans, rencontrer l’Amérique, aimer la langue française, franchir les montagnes enneigées du Kurdistan, refuser l’injustice et décider comme individu de tout sacrifier pour que sa famille et ses compatriotes puissent vivre dans un pays libre.

"Chaumont est au centre géographique de la Haute-Marne dont elle est la préfecture. Ancienne résidence des comtes de Champagne, la ville fondée au Xe siècle prend de l’ampleur sous Philipe le Bel puis encore au XVIe siècle. D’abord défendue par un château, des fortifications apparaissent autour de la ville au XIIIe siècle et seront modernisées au XVIe siècle. De 1815 à 1862, Chaumont connait un essor économique important notamment avec la ganterie, la bonneterie, la draperie etc. Des canaux sont alors créés, des chemins de fer construits et un grand viaduc édifié. Les fortifications de la ville qui nuisaient à son expansion sont démolies en partie vers 1849. Mais Chaumont est proche de la frontière allemande et elle sera occupée en 1814 par les troupes alliées puis encore en 1871 par les prussiens."

Chaumont-le-bois

La maison de Chaumont-le-Bois. Peinture d’Isabelle Pardé, sœur de Marcelle (Collection Denis Couillard).

"Chaumont-le-Bois passa à la famille Pardé à la fin de XIXe siècle suite à la suite du mariage de la fille d’Auguste, Berthe Petit, avec Edmond Leboeuf Préfet de la Haute-Vienne et par le mariage le 27 avril 1890 de la fille aînée de ces derniers, Jeanne Leboeuf, avec Léon Pardé, un Garde Général fraichement diplômé de l’École des Eaux et Forêts."

17 L'École normale supérieure de jeunes filles à Sèvres est créée en application de la loi sur l'enseignement secondaire des filles, complétée par la loi du 29 juillet 1881 instituant ``l'École normale de professeurs-femmes``. Marcelle Pardé appartient à la 31e promotion littéraire de Sèvres. Elle entra à cette école en 1911. En tant qu’École Normale Supérieure, l’École de Sèvres jouissait à cette époque d’un grand prestige.

"À l’aube de la conflagration mondiale en juillet 1914, la fille aînée de Léon, Marcelle (née en 189116), sortait de l'École Normale Supérieure de Sèvres (17). Elle se retrouva rapidement dans le tourbillon de la guerre et se mit au service des hôpitaux militaires dans l'École de Sèvres même puis en Bretagne. Son père étant alors posté à Versailles, elle continue ses études à la Sorbonne jusqu’en 1916. Agrégée des lettres à l’Université de Paris en 1917, elle est nommée chargée de cours au lycée de garçons à Chaumont où elle remplace des Professeurs partis au front et où elle retrouve sa grand-mère Berthe.Marcelle prend une formation d’infirmière et elle passe ses temps libres à l'hôpital militaire local. L’installation du QG américain à Chaumont lui vaut de nombreux élèves du YMCA, la mettant pour la première fois en contact avec des américains (18)."

Marcelle infirmière vers 1917-1918 (Source : Florence Pardé)

18 La Young Men's Christian Association ou YMCA était une association caritative chrétienne qui fournissait des activités de repos et de divertissement aux soldats du Commonwealth et des États-Unis et, le cas échéant, à leur famille

Les études

Mark S. Watson, alors Capitaine, après 18 mois de guerre, hiver 1918-1919Source: John Conroy, Beekmantown, NY

"Le Colonel Nolan désire organiser avec l’aide de Watson la publication du Stars & Stripes sur le théâtre de guerre européen. Francophile et voulant améliorer sa maîtrise de la langue française, il choisit aussi à partir d’avril 1918 de rester avec la famille Pardé à Chaumont-le-Bois. Il convainc son nouvel adjoint de faire de même. Le "Château" de la propriété est bien placé, à moins de 400 m du GQG23. Vers le 1er avril 1918, Mark Watson qui est devenu Capitaine, entre pour la première fois avec son Colonel à Chaumont-le-Bois pour visiter les lieux et faire la connaissance de la famille qui y habite. Une lettre qu’il écrit à sa mère le 3 avril 1918 nous permet aujourd’hui de suivre Watson dans cette découverte."

"À son arrivée et jusqu’au mois d’octobre, il est affecté au quartier maître. Sous la recommandation du Lieutenant-Colonel Robert McCormick qui l’a connu avant la guerre comme journaliste au Chicago Tribune, il est transféré en novembre au G-2-D (Renseignements militaires, Service de Presse et de la Censure) comme adjoint au Chef de la Direction du Renseignement de Pershing, le Colonel Dennis Nolan."

"Appelé au mois d’août 1917 à se joindre au Quartier Général Américain, le Lieutenant d’Artillerie Mark Skinner Watson19, 30 ans, arrive directement à Chaumont en partant du Camp Grant en Illinois. Journaliste, correspondant et Directeur de Publicité habitant Chicago, il s’est laissé tenter par le tout nouveau programme de formation des officiers de réserve, le « ROTC » Né à Plattsburgh dans l’Étatde New-York, Mark S. Watson est d’une vieille famille américaine, ses ancêtres ayant débarqué enAmérique vers 1629 et participé à la révolution américaine de 1775-1783."

Mark S Watson

Isabelle et Marcelle fêtent la victoire en costume alsaciens en novembre 1918. C'est l'époque du passage de Watson à Chaumont-le-Bois Photo famille claude pardé

"Peu de temps avant son départ, Mark Watson fait clairement comprendre à Marcelle qu’une relation avec lui qui part retrouver sa vie civile en Amérique n’est pas envisageable. Marcelle a du mal à accepter ce retour brusque à une vie "normale" et le départ de ce qui lui semble alors être l’amour de sa vie. Fervente catholique, Marcelle est consciente de l’aspect déraisonnable de ses espoirs de conquête de Watson mais se décide à fuir ce qui semble devenir une vie morose de solitude pour prendre un poste d’enseignante en littérature française au prestigieux collège de Bryn Mawr en Pennsylvanie près de Philadelphie. L’Amérique qu’elle a découverte auprès de ses élèves, de Watson et de Nolan l’attire et elle profite d’un programme d’échange du gouvernement français qui permet alors à des enseignants français de mérite d’obtenir des postes dans des collèges américains."

Marcelle en toges de Professeur à Bryn Mawr, possiblement en 1920Source: Denis Couillard

"…Si je m’ennuie, si la vie me semble vide, désespérément vide, ce n’est pas la faute de l’Amérique qui m’a bien reçue, c’est la faute de la guerre. Elle avait pris nos vies jusqu’au fond; elles les avaient agrandies, magnifiées en les mêlant à la vie même de la patrie, elle nous avait fait frissonner au vent de tous les mystères et ouvert tout grand les portes de l’héroïsme et de la mort… et nous avons vécu avec toute notre âme prête à tout souffrir, tout donner…Et voici que les lumières s’éteignent, les portes sont renfermées, nous nous retrouvons dans un petit monde humble, borné, aux prises avec des petits soucis…vie mondaine, vie intellectuelle, vie superficielle, vie égoïste… Nous sommes en cage et nous avons la nostalgie de la vie profonde et du plein ciel…L’an passé, à l’hôpital, du pus, du sang, des cris, des êtres jeunes brisés qui se mourraient entre nos mains. Cette année un grand jardin lumineux, de belles filles saines, heureuses de vivre, tout épanouies de jeunesse et de bonheur…et jamais dans cette paix heureuse je ne retrouverai la plénitude de joie que j’aiconnue dans cette salle d’hôpital…et ce monde choisi, harmonieux et clair, je regrette le vaste monde brutal et laid où j’ai appris à aimer et à souffrir."

"Marcelle arrive à Bryn Mawr à l’automne 1919 et semble y avoir enseigné dès son arrivée. Elle devient la première Sévrienne et la première Agrégée à intégrer le Collège. C’est la Professeur Eunice Morgan Schenck, récipiendaire d’un des premiers doctorats de Bryn Mawr en 1913 et Directrice du Département de français qui accueille Marcelle. Les deux femmes resteront des amies fidèles tout au long de leur vie. Partie à l’origine pour un contrat de deux ans, Marcelle a du mal à s’adapter au rythme de vie en temps de paix et s’ennuie rapidement de sa famille. L’espoir s’amenuisant de voir Watson lui donner le signe qu’elle attend, son journal personnel exprime à cette époque une grande nostalgie."

Les voyages : L’Amérique du nord (1919-1929)

"Marcelle poursuivra sept années d’un enseignement jugé "hautement stimulant’’. Profitant pleinement du vent de liberté qu’elle trouve en Amérique, elle pratique l’équitation (également une passion de Mark Watson) avec son cheval "Alert" et s’achète une automobile qui lui permettra de parcourir les États-Unis dans tous les sens. Elle profite en effet de ces années à Bryn Mawr et de sa voiture pour rendre visite à tous les soldats et officiers qu’elle a connu à Chaumont durant la dernière guerre. Avec les sports équestres et tous ces voyages, Marcelle trouve ainsi sans doute un équilibre avec son travail intellectuel."

"De retour au pays, Marcelle devient enseignante au lycée de Nancy où elle ne restera que quelques mois. Habituée depuis dix ans à une grande liberté et probablement toujours nostalgique de la grande aventure de ’14-’18, elle ressent le besoin d’être ``en action``. Elle demande et obtient en 1930 l’une des toutes dernières bourses ``Autour du Monde`` du grand philanthrope Albert Kahn pour mener une enquête sur l'état des écoles françaises au Moyen-Orient. À cette époque en effet, la langue française est encore largement populaire auprès des élites du Moyen-Orient, en particulier au Liban, en Égypte et en Perse. On trouve donc des lycées français et même des universités françaises en dehors de la France et de ses colonies. Cette mission qui débute en janvier 1931 durera 7 mois et la conduira en Espagne, en Égypte, en Palestine, en Syrie, en Iraq, en Perse et en Turquie."

Jérusalem dans les années 30 - Source: Flickr

Le moyen orient

La ford grise (Haissa au volant), Louis Dillemann et Marcelle Pardé en Perse, 26 avril-13 mai 1931Source: Rosy Dilleman-chaumet, France. Photo probablement prise par Marc Rouvillois

"Généreux et bien intentionnés, les Américains le sont sans nul doute; s’il ne s’agissait pas de combattre négligence et misère, d’apprendre aux gens la propreté, aux jeunes gens l’initiative, et la belle discipline des sports, joyeuse et saine, il n’y aurait qu’à les admirer, mais leur ambition va beaucoup plus loin. Comme ils sont, par optimisme aveugle, et inaptitude psychologique, aussi intransigeants dans leurs principes qu’ils sont souples en affaires, ils sèment l’ivraie avec le bon grain, sans même s’en apercevoir, risquant de hâter la décomposition de ce monde oriental qu’ils rêvent de reconstruire, en lui faisant brûler les étapes, en éveillant en lui des besoins qui ne peuvent qu’augmenter son malaise…Pour l’Américain le temps n’est rien, il est tout en Orient; le progrès n’a de sens que lorsqu’il se fait spontanément et tranquillement, par le dedans, et chaque espèce doit évoluer selon sa nature et non contrairement à celle-ci si elle veut éviter de se fausser…Or, ces simples vérité d’expérience, il les dédaigne, pour lui-même autant que pour autrui, confiant de sa merveilleuse réussite et passionné d’expériences neuves…tant pis pour ceux qui paieront les frais! Nous, nous avons encore le prestige d’une vieille culture, que des esprits affinés savent apprécier, mais on nous relègue volontiers dans le passé; ce sont les Américains qui se donnent pour les représentant autorisés de la civilisation moderne, et il est naturel que les regards de tous ces gens, qu’hypnotise la puissance matérielle, se tournent vers eux pour leur en demander les secrets…Tout en reconnaissant leurs droits et le grand mérite de l’oeuvre accomplie, il est difficile de ne pas s’inquiéter pour l’avenir?"

"Tout au long de son périple, Marcelle note et commente les instituts d’enseignement français, l’éducation des jeunes filles, les grands chantiers archéologiques, les influences et initiatives britanniques, italiennes, allemandes et surtout américaines. Ces Américains, qu’elle connait fort bien, bénéficient de budgets généreux et font le plus souvent oeuvres de missionnaires. Marcelle observe rapidement qu’ils ont une vision par trop simpliste du monde riche et complexe qu’elle perçoit au Moyen-Orient. Près de 90 ans plus tard, le regard incisif qu’elle leur prête lors de son voyage est criant d’actualité :

Rapport de mission et retour en Europe

"Elle passe deux semaines de repos et de convalescence à Istanbul avant de prendre avec regret le train du retour le 3 juillet 1931 : "…mélancolie d’abandonner ma chambre irréprochablement claire et la vue que j’ai tant aimé sur le jardin doré d’Anthémis141 , sur le Bosphore, où des bateaux sont à l’ancre dans le bleu, sur les coteaux souriants où les villas sont claires dans la verdure et les dessins doux des montagnes, tout au fond, harmonieux paysage dont j’ai tant joui au cours de ces 15 jours, fête de beauté, des eaux, du ciel, des gros platanes qui abritent les fontaines, des sveltes minarets montant d’un jet vers le ciel, et des faïences aux riches tons bleus profonds, verts transparents et frais qui ruissellent aux murs des mosquées…Istamboul! Toute la vie moderne n’a pu gâter la magie et je pars à regret."

"Le Moyen-Orient semble donc vouloir rattraper son retard sur l’occident et un vent de modernisation souffle dans la plupart des villes que Marcelle traverse en 1931. Les quartiers anciens disparaissent au dépend de villes modernes à l’Européenne, on occidentalise le vêtement, on développe les chemins de fer, la voiture et les liaisons aériennes. Au Caire, Jérusalem, Tel-Aviv, Beyrouth, Damas, Bagdad et Téhéran, les femmes s’émancipent et ne vivent plus forcément renfermées chez elles. Mais en même temps, Marcelle note dans son rapport de voyage que cette modernisation semble se faire trop vite et toujours "à la cravache". Autour des jeunes filles qui tentent de s’éduquer, c’est "le vide absolu…on ne peut compter en rien sur la collaboration des familles". L’Iraq, la Turquie et la Perse se mettent aujourd’hui à l’école de l’étranger mais "un seul sentiment apparaît universel et clair, c’est la critique de toute domination étrangère et le désir de s’en débarrasser…". Ces populations prennent conscience du "contraste entre la puissance du passé et la faiblesse présente, et du mouvement accéléré du monde moderne, ils ont réalisé à la fois l’humiliation et le désavantage de laisser leurs affaires aux mains de maîtres étrangers". Pour Marcelle, tous ces progrès forcés restent incomplets et "extérieurement très en avance sur l’évolution des idées et des moeurs". Devant toutes ces réalisations à l’européennes, "partout on sent la défiance et le mécontentement, des esprits prêts à s’exciter pour un rien."

"Marcelle quitte donc Bagdad en prenant l’avion pour Damas le 16 mai. Un grave accès de paludisme causant une forte et longue fièvre la retient trois semaines à l’Hôpital St-Louis de Alep entre la fin-mai et la mi-juin. Cette dangereuse fièvre terminée, elle revient vers l’Europe en passant par l’Asie Mineure. Elle arrive à Istanbul le 19 juin et profite de ce séjour pour visiter la Mosquée verte de Bursa."

La mosquée verte de Bursa construite en 1419-1424 (photo wikipedia)

"De retour en France après avoir passé près 17 ans dans l’action et dans la découverte, déçu dans ses amours147, Marcelle est en pleine réflexion existentielle et elle broie du noir. Constamment en quête de sens et de perfection, elle a grand besoin d’un nouveau projet auquel se raccrocher148. Elle choisit finalement le poste de directrice du lycée de jeunes filles Edgar-Quinet à Bourg-en-Bresse en 1932. Le témoignage d’une élève de l’époque indique que les jeunes filles du lycée trouvent leur nouvelle directrice très moderne, ce qui n’est pas surprenant étant donné ses 10 ans passés en Amérique, la nature exceptionnelle de sa toute récente mission au Moyen-Orient et l’évidente indépendance que dégage cette femme célibataire149. Les témoignages de Bourg font ainsi état d’une ``femme extraordinaire, très ouverte. Elle avait beaucoup voyagé et conduisait son automobile."

"en tenue de professeur de Bryn Mawr" (probablement entre 1928 et 1935) Photo collection Thierry Pardé

Annuaire administratif de 1934 (Avenue Alsace Lorraine – Archives départementales de l’Ain)

Période Bourg en Bresse

"Le nouveau passeport de Marcelle en 1934 (prolongé jusqu’au 20 mars 1939) contient des visas indiquant plusieurs voyages dans les années qui précèdent la guerre : elle se rend en Yougoslavie (mars puis août 1934), en Autriche (août 1935), en Italie (mars 1938) et en Angleterre (fin août 1938)."

"Au printemps 1941, les lois allemandes incluant celles de la discrimination et de la ségrégation des juifs, s’appliquent avec une rigueur toujours croissante en zone occupée. Grâce au réseau de solidarité qu’elle organise dès 1941 avec la complicité d’Henriette Connes, professeure d’anglais au lycée, Marcelle réussira à sauver plusieurs de ses élèves d’origine juive de la déportation dont la jeune Rita Thalmann qui deviendra après la guerre une historienne connue. Plusieurs sont des filles de réfugiés juifs provenant d'Allemagne cachées depuis 1939 dans l'internat du lycée. Au cours des années 1941 et 1942, Marcelle tentera aussi de trouver les moyens de quitter la France pour Londres où elle pense que sa très bonne connaissance de la langue anglaise et du tempérament anglo-saxon peut être utile à l’établissement et au maintien de la liaison entre les forces alliées et la France. Rongeant son frein, elle propage les nouvelles diffusées par radio de la France libre et distribue avec grande prudence des journaux clandestins. Elle n’a pas accepté la défaite de juin 1940."

Dijon : la guerre, occupation, résistance et déportation

Plaque posée au 3 rues Goerges Clémenceau ou habitait Marcelle Pardé en aout 1944Source Denis Couillard

"Août-septembre 1944 Début août, au moment même où les Alliés sortent de Normandie et foncent vers l’Est, la famille apprend la nouvelle de la disparition de Marcelle. À la grande surprise des Dijonnais, elle a été enlevée avec sa secrétaire par la Gestapo le 3 août201. La veille encore, elle soupait à l’Hôtel du Globe202."

"À partir de juillet 1942, Marcelle et sa secrétaire Simone Plessis cherchent plus spécifiquement à s’affilier aux Forces Françaises Combattantes. D’après Pauline Jones, c’est à partir de mai 1943 que Marcelle parvient à prendre un rôle formel dans la résistance. Lorsque son père meurt peu de temps après sa mère le 14 juillet 1943, la famille réussit à obtenir les laissez-passer nécessaires pour se réunir à haumont-le-Bois. Marcelle qui se déplace habituellement dans son originale voiture verte175 avec ses perruches, son petit chien noir et blanc "Koum" et sa bonne Renée est alors immatriculée comme Lieutenant aux Forces Françaises Combattantes (FFC), agissant en liaison directe avec Londres au sein du réseau Brutus (groupe Vidal). Sous le nom de guerre de "B.M." (B.M. pour Bryn Mawr), Marcelle est Chef du secteur de Bourgogne, dirigeant la collecte de renseignements militaires dans cette région et coordonnant avec d'autres unités résistantes. Marcelle profite de la couverture idéale que lui offre son poste de Directrice d’un lycée, celui-ci étant toujours bouillant d’activités et situé en plein centre des activités allemandes de Dijon à un block et demi de la gare et à deux blocks de l’Hôtel de la Cloche, le quartier général de la Gestapo en ville. Malgré la présence d’un officier allemand logeant au lycée même, Marcelle qui circule dans les locaux à toute heure du jour ou de la nuit n’éveillera jamais les soupçons."

Référence: WIKIPÉDIA 11/06/2021

Biographie

"Peu de temps après son retour de mission en mars 1940, elle cherche à se rendre utile à la France puis après juin à la Résistance. Elle parvient finalement à s'engager dans les Forces Françaises Combattantes en liaison directe avec Londres en juillet 1942. Dès 1943, elle est lieutenant au sein du réseau Brutus, coordonnant la collecte de renseignements militaires et coordonnant avec d'autres unités résistantes. Suite à des arrestations effectuées à Paris en juillet 1944, elle est arrêtée le 3 août 1944 avec sa fidèle secrétaire Simone Plessis, compagnonne résistante de la première heure et déportée avec elle à Ravensbrück le 15 août 19445,6, où Marcelle Pardé meurt d'épuisement, de famine et de maladie en janvier 1945. Les témoignages venant de ces lieux infernaux concordent à donner d'elle une image de grandeur d'âme et de force chrétienne étonnante. Elle fut pendant les quelques mois qui lui restaient à vivre le soutien spirituel du camp, empêchant ses sœurs prisonnières de sombrer dans l'abrutissement bestial complet en leur donnant des causeries diverses et cultivées, empreintes de sérénité qui leur donnaient le goût de renaître7. Sa promotion à la Légion d'honneur du 27 novembre 1946 souligne l'exemple qu'elle donna à Ravensbrück « par son calme courage et son dédain de l'ennemi. "

"Marcelle Pardé sort de l'École Normale Supérieure de Sèvres en 1914, en pleine guerre. Se mettant au service des hôpitaux militaires dans l'École de Sèvres même puis en Bretagne, elle se retrouve finalement près de sa famille à Chaumont où elle est nommée au lycée de garçons. Elle passe alors ses loisirs à agir comme infirmière à l'hôpital militaire local. Le quartier général du corps expéditionnaire américain s'étant installé à Chaumont en 1917, la maison familiale de Chaumont-le-Bois est réquisitionnée en partie pour loger plusieurs officiers de l'État-Major du général Pershing. Cette proximité lui fait s'intéresser aux États-Unis et accepter en 1919 un poste d'enseignement du français au prestigieux collège universitaire de Bryn-Mawr (Pennsylvanie) où elle fait carrière jusqu'en 1929. Elle peut alors profiter d'une liberté exceptionnelle pour une femme de sa génération, se promenant régulièrement à cheval et apprenant à conduire une voiture. Revenue en France pour se rapprocher de sa mère dont la santé décline, elle obtient en 1930 la bourse Albert Kahn pour mener une enquête sur l'état des écoles françaises au Moyen-Orient. Cette mission la conduira en Espagne, en Égypte, en Palestine, en Syrie et en Perse. Elle gagne Bagdad et parcourt la Perse en auto de la Mer Caspienne à l'Océan Indien. Au retour, un grave accès de paludisme la retient plusieurs semaines à Alep. Elle revient par l'Asie Mineure, Constantinople, la Yougoslavie et l'Autriche3. Après une période de convalescence, elle devient directrice du lycée de jeunes filles Edgar-Quinet à Bourg-en-Bresse en 19324 puis directrice du lycée de filles de Dijon en 1935. À la déclaration de guerre, ses amis de Bryn Mawr, inquiets, lui offrent rapidement un poste aux États-Unis, mais elle refuse de quitter sa patrie en danger. Le gouvernement français lui confie une mission délicate de renseignement et de propagande française en Turquie en 1939."

Référence: WIKIPÉDIA 11/06/2021

Suite de la biographie

"Famille Marcelle Pardé est la sœur de Maurice Pardé (1893-1973), éminent potamologue de renommée internationale, et d'Isabelle Pardé (1900-1993), artiste-peintre9. Son petit-neveu Philippe Couillard est Premier ministre de la Province de Québec entre 2014 et 2018."

"Le lycée qu'elle dirigea à Dijon prit son nom à la fin de la guerre, avant que celui-ci ne devînt un collège en 1967. Le lycée professionnel issu de son lycée de Bourg-en-Bresse a également été baptisé à son nom8. La Médaille de la Résistance française fut décernée à Marcelle Pardé en 1945. La même année, le Collège de Bryn Mawr créa une bourse « Marcelle Pardé » en mémoire de leur collègue. Elle reçut le grade de chevalier de la Légion d'honneur et la Croix de guerre avec palme à titre posthume en 1946. En 2002, Marcelle Pardé se voyait également octroyer le titre de « Gardien de la Vie » par L'Association Française pour l'Hommage aux Justes en reconnaissance de son action déterminée pour la sauvegarde de ses élèves juives lors de ses années de résistance à l'occupation. Peu de temps avant son arrestation en août 1944, elle confiait à sa nièce Madeleine Pardé (elle aussi d'ailleurs résistante, en cachette de ses parents): « Quand on a cinquante ans, pas d'enfant, que peut-on faire de mieux que de mourir pour son pays? "