Le voyageur sans bagage par Enora

Le voyageur sans bagage de Jean Anouilh

Les comédiens de la troupe de l'Embellie à Montauban jouant la pièce de Jean Anouilh

"Je suis sans doute le seul homme, [...], auquel le destin a donné la possibilité d'accomplir ce rêve de chacun."Jean Anouilh

CRISE PERSONNELLE

On dit souvent qu'il faut se libérer voire oublier son passé pour construire un futur meilleur. Mais n'est-il pas nécessaire de se baser sur ses expériences passées pour avancer? Ces moments de vie, ces différentes expériences et situations nous font grandir, évoluer, nous font devenir la personne que nous serons ensuite. Bien qu'il puisse être sombre et rempli de mauvais souvenirs , le passé fait parti de chacun de nous et nous a enrichit. Il est fait de leçons.

D'après le site solutionsfortes.fr, pour les individus, il peut survenir des situations tout à fait comparables à une crise : décès d’un proche, accident, maladie, perte d’emploi, divorce, ruine, échec, conflit, arnaque, drogue, délinquance, agression, enlèvement, viol… la liste est longue des causes possibles de drames personnels lourds de conséquences.

Notre personnage principal Gaston a littéralement oublié son passé : son nom, sa famille, le village où il a grandi. Son passé réside dans la mémoire des autres. Certains diraient qu'il a été chanceux et auraient aimé être à sa place, d'autres se demanderaient comment vivre dans le présent et imaginer un futur sans tout ce qu'ils ont appris et bâtit dans le passé. Dans la pièce, nous comprenons qu'avant d'arriver chez les Renaud, Gaston s'était imaginé une vie avec une toute autre famille et un passé sain. Il découvrira au fil de cette recontre une vie antérieure aux antipodes de celle qu'il espérait. Prenons pour exemple la scène où Gaston se réveille avec, devant lui les animaux empaillés qu'il a abattu quelques années auparavant. Il ne croit pas à la description que fait sa famille de lui comme on peut le voir au début du troisième tableau; il est confus, probablement déçu et dans le déni. Il fera ensuite tout ce qui est en son pouvoir pour échaper à cette réalité qui est la sienne. Ce choix de Gaston à la fin de la pièce, de nier son identité pour en assumer une autre, semble indiquer la volonté de l’auteur de démontrer que l’identité, bien qu’elle soit grandement construite par le passé et l’environnement de chaque homme, ne doit jamais être une prison dont on ne peut s’évader. L’identité devrait être un choix, assumé par chacun d’entre nous, et non un rôle imposé par un quelconque héritage culturel, social, religieux ou familial.

Gaston, parlant à voix haute au fond du parc,

Premier tableau, page 54 (édition Folio Théâtre)

MONOLOGUE IMAGINAIRE DE GASTON