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L'ASTRONOMIE À VERSAILLES

Uranie et Melpomène© Château de Versailles, Dist. RMN / © Jean-Marc Manaï

AUTOFORMATION À DISTANCE

Gros plan sur le cadran de la pendule astronomique de Passemant © Château de Versailles / Christian Milet

LE TEMPS

BIENVENUE DANS LE MODULE N°3

Horloge de parquet vers 1785© Château de Versailles, Dist. RMN / © Jean-Marc Manaï

LA MESURE DU TEMPS

BIENVENUE DANS LE MODULE N°3

À la fin de ce module, un test vous permettra d'évaluer vos connaissances

BONNE FORMATION !

Dans ce module, nous aborderons :

Pendule à poids avec bobine, fin XIXe siècle, conservée dans sa boite d’acajou, munie d’un cadran avec 2 aiguilles pour les heures, et une trotteuse.© Observatoire de Paris

  • Les grands cycles astronomiques
  • Les calendriers
  • Le temps au château de Versailles
  • Les liens entre temps et longitude
  • Les instruments de mesure du temps de l'Antiquité à nos jours

Début

QUIZModule 3

RESSOURCESPour aller plus loin

MODULE 3

Séquence 4 La mesure du tempsaujourd'hui

Séquence 3Le temps à Versailles

Séquence 2Du cadran solaireà l'horloge

Séquence 1Les cycles astronomiques

Séquence 1Les cycles astronomiques

Galilée, Newton et Einstein, © Observatoire de Paris

Le temps n'est pas directement mesurable car il est insaisissable à nos sens. Nous pouvons mesurer une longueur que nous voyons, mesurer une masse que nous soupesons, mais aucun de nos sens ne mesure directement le temps. Nous accédons au temps en observant les variations de l'état d'un système et nous l'appréhendons justement en mesurant ces variations.Il faut attendre le XVIIe siècle pour que Galilée fasse du temps un paramètre physique, une variable décrite mathématiquement. Grâce au développement de la mécanique par Galilée, Kepler, Descartes et Huygens, Newton définit un temps absolu, indépendant de l'observateur et de tout système physique particulier. En mécanique classique, ce temps absolu s'écoule de manière identique partout. Cette vision change radicalement au début du XXe siècle avec Einstein. Temps et espace deviennent inséparables en un unique espace-temps. Le temps s'écoule différemment en différents endroits. Temps et espace ne sont plus absolus.

Sur cette allégorie de la vanité, le peintre a symbolisé le temps qui passe par trois instruments de sa mesure, deux à mesure continue - la bougie et le sablier - et le troisième à oscillation - l'horloge.

Antonio de Pereda, Allégorie de la Vanité, 1634, ©KHM-Museumsverband

Le temps peut être mesuré de deux façons différentes. La première façon consiste à analyser un phénomène continu : l'écoulement du sable dans un sablier ou de l'eau dans une clepsydre, la combustion d'une bougie, la rotation de la Terre. Le temps écoulé est alors fonction d'un paramètre mesuré : quantité de sable ou d'eau, longueur de la bougie, orientation de la Terre dans l'espace. Se pose alors la précision de la relation entre le temps écoulé et le paramètre mesuré. Par exemple, sont-ils vraiment proportionnels ?La seconde façon de mesurer le temps consiste à compter les occurrences d'un phénomène périodique : les battements d'un pendule, le nombre de vibrations d'un cristal de quartz, etc. La précision de la mesure sera d'autant plus grande que la fréquence des oscillations sera grande, de même qu'une règle est d'autant plus précise que ses graduations sont petites.

Le calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry représente, pour chaque mois, la position du soleil dans le zodiaque et les travaux des champs.

Octobre : les semailles

Juillet : les moissons

Mars : labour, taille de la vigne, semaille

© RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly) / René-Gabriel Ojéda

La succession de ces périodes de temps, permet de définir les calendriers.Notre calendrier grégorien est de type solaire. Les saisons y reviennent aux mêmes dates tous les ans. Il a été mis au point sous l'instigation du pape Grégoire XIII qui l'a adopté dans la bulle pontificale « Inter gravissimas » du 24 février 1582. Il fait suite au calendrier julien dont la durée de l'année un peu trop longue avait fait dériver la date des solstices et équinoxes d'une dizaine de jours.

Depuis toujours, l'homme cherche à mesurer le temps, ne serait-ce que pour prévoir le retour des saisons. Le mouvement périodique des astres dans la ciel va s'imposer pour lui permettre de se repérer à diverses échelles temporelles :

  • La Terre tourne sur elle-même en un jour
  • La Lune tourne autour de la Terre en un mois
  • La Terre tourne autour du Soleil en une année.

La Terre tourne sur elle-même autour de l'axe des pôles. Le plan perpendicualire à l'axe des pôles et passant par le centre de la Terre est l'équateur.L'équateur et l'écliptique forment un angle d'environ 23,5° appelé obliquité de l'écliptique.

équateur terrestre

ligne des équinoxes

plan de l'écliptique

axe des pôles

Balance

Scorpion

Lion

Capricorne

Verseau

Poissons

Bélier

Taureau

Vierge

Cancer

Gémeaux

La Terre tourne autour du Soleil en un an dans un plan, appelé écliptique.

ligne des équinoxes

écliptique

Sagittaire

L'intersection des deux plans forme la ligne des équinoxes sur laquelle la Terre passe deux fois par an, aux équinoxes de printemps et d'automne. La direction du Soleil à l'équinoxe de printemps est appelée point vernal.La durée que la Terre met pour revenir à la même position par rapport à la ligne des équinoxes s'appelle l'année tropique. Elle vaut 365,2421898 j soit 365 jours 5 h 48 min 45 s.La durée que la Terre met pour revenir à une position fixe dans l'espace est appelée année sidérale. Un peu plus longue que l'année tropique, elle vaut 365,2563556 jours, soit 365 jours 6 h 9 min 10 s.La différence entre ces deux années est due à la précession des équinoxes, connue depuis Hipparque.

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En jaune, le méridien de Paris

Vers le point vernal

La durée du jour, le temps nécessaire à la Terre pour faire un tour, dépend de la direction de référence choisie. Si c'est le soleil, on parlera de jour solaire, si ce sont des étoiles, on parlera de jour sidéral.Plus précisément, le temps sidéral est défini comme l'angle entre le point vernal et le méridien du lieu. La durée séparant deux passages consécutifs du point vernal au méridien s'appelle le jour sidéral et vaut 23 heures, 56 minutes et 4 secondes.

Mouvement apparent des étoiles pendant une heure à l'observatoire de Haute-Provence. Le ciel entier semble tourner autour d'un point, proche de l'étoile polaire, qui correspond au prolongement de l'axe des pôles de la Terre sur le ciel.C'est ce que l'on appelle le mouvement diurne.

© C.-L. Zeller

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En jaune, le méridien de Paris

Vers le point vernal

La durée du jour, le temps nécessaire à la Terre pour faire un tour, dépend de la direction de référence choisie. Si c'est le soleil, on parlera de jour solaire, si ce sont des étoiles, on parlera de jour sidéral.Plus précisément, le temps sidéral est défini comme l'angle entre le point vernal et le méridien du lieu. La durée séparant deux passages consécutifs du point vernal au méridien s'appelle le jour sidéral et vaut 23 heures, 56 mintes et 4 secondes.

Mouvement apparent des étoiles pendant une heure à l'observatoire de Haute-Provence. Le ciel entier semble tourner autour d'un point, proche de l'étoile polaire, qui correspond au prolongement de l'axe des pôles de la Terre sur le ciel. C'est ce que l'on appelle le mouvement diurne.

© C.-L. Zeller

Vers une étoile lointaine

Par rapport au soleil, la Terre tourne sur elle-même en un jour solaire de 24 heures.Le point vernal revient dans la même direction au bout d'un jour sidéral qui vaut environ 23 heures, 56 minutes et 4 secondes. Le jour sidéral est quelque 4 minutes plus court que le jour solaire moyen de 24 heures au bout duquel le soleil revient à la même place.

1 : t = t0.Le soleil et une étoile passent au méridien au même instant.2 : t = t0 + 23 H 56 min 4 sec La Terre a fait un tour sur elle-même par rapport aux étoiles. Au bout de ce jour sidéral, l'étoile repasse au méridien.3 : t = t0 + 24 H4 minutes plus tard environ, la Terre a fait un tour sur elle-même par rapport au soleil. Au bout de ce jour solaire, le soleil repasse au méridien.

© BNF Gallica / Observatoire de Paris

Pour passer de l'heure sidérale à l'heure solaire, il faut connaître la position du soleil par rapport aux étoiles. Cette position est facilement calculable par les astronomes, mais, dès la fin du XVIIe siècle, des ouvrages, comme la Connaissance des temps vont fournir des tables appelées éphémérides pour que quiconque puisse facilement connaître l'heure la nuit.

La table et la figure ci-dessus sont extraites de la toute première édition de la Connaissance des temps de 1679. En regardant en direction de l'Étoile polaire, on prend l'étoile brillante qui passe sous celle-ci. On note la valeur indiquée sur la figure ainsi que l'ascension droite du soleil donnée par la table pour la date du jour. Il suffit d'additionner ces deux valeurs pour avoir l'heure solaire.

Le jour solaire est divisé de manière arbitraire en 24 heures dès les Égyptiens. Jusqu'à la fin du Moyen-Âge, deux systèmes coexistent :

  • Le jour (entre lever et coucher du soleil) est divisé en 12 heures et la nuit également. Les heures de jour et de nuit n'ont pas la même durée (sauf aux équinoxes). On parle d'heures inégales ou temporaires. Ce système est utilisé dans la vie quotidienne, pour les travaux des champs ou pour les heures de prière (sixtes, nones...). Il disparaît avec l'avènement et la généralisation des horloges entre les XVIe et XVIIe siècles.
  • La période jour/nuit, appelée en langage savant le nycthémère, est divisée en 24 heures égales ou heures équinoxiales. Ce système n'est utilisé à l'époque que par les astronomes.

Reconstitution de 1870 d'un scaphé antique gradué en heures inégales. Quel que soit le jour de l'année, il est divisé en douze heures marquées sur le cadran par douze divisions égales.

© Observatoire de Paris

Séquence 2Du cadran solaire à l'horloge

© Observatoire de Paris

© Château de Versailles/Christian Milet

Un cadran solaire est par définition un objet qui indique l'heure à partir de la position du Soleil. Les cadrans les plus courants sont composés d'une tige appelée style parallèle à l'axe des pôles de la Terre dont l'ombre se projette sur une surface appelée table sur laquelle on a tracé des graduations qui marquent les heures. Ces cadrans dont le style est parallèle à l'axe de rotation de la Terre sont appelés cadrans à style polaire. La table est en général plane et son orientation donne son nom au cadran : cadran horizontal, vertical ou équatorial.

Cadran solaire sur le maison de Cuvier au jardin des plantes. © N. Robichon

Mise en évidence de l'équation du temps par l'artiste Raphaël Dallaporta.© Raphaël Dallaporta, Équation du temps (2020). Impression piézographique 70 x 24 cm avec l'aimable autorisation de la galerie Jean-Kenta Gauthier

Dès l'antiquité, les astronomes se rendent compte que la durée entre deux passages du soleil au méridien, le jour solaire vrai, n'a pas toujours la même durée. À cela deux causes : la vitesse variable de la Terre autour du Soleil et l’angle entre l'écliptique et l'équateur.Un cadran solaire indique le temps solaire vrai correspondant au déplacement réel apparent du soleil parallèlement à l'équateur. Le temps solaire moyen qui serait donné par un soleil fictif se déplaçant à vitesse constante sur l'équateur est donné par les horloges qui peuvent mesurer un temps continu. La différence entre ces deux temps s'appelle l'équation du temps et peut atteindre plus ou moins un quart d'heure. La mesure précise de l'équation du temps ne sera rendue possible qu'avec le développement des horloges à balancier grâce aux travaux de Galilée et Huygens. C'est également au XVIIe siècle que l'Anglais John Flamsteed dresse les premières tables modernes de la différence entre l'heure solaire vraie et l'heure solaire moyenne.

© FIRST-TF/CNRS

L'amélioration de la précision sur la mesure du temps a permis, au cours des siècles, de mettre en évidence des nouveaux phénomènes physiques.Les horloges à pendule battant la seconde permettent, à partir du XVIIe siècle, de mesurer les variations de la durée du jour solaire vrai et de calibrer l'équation du temps.Au XVIIIe siècle, le développement des chronomètres de marine donne accès au calcul des longitudes en mer avec une précision de plus en plus grande. Au milieu du XXe siècle, les premières horloges à quartz mettent en évidence les irrégularités de la rotation terrestre dues au déplacement des masses d’air et d’eau. Actuellement, la précision des meilleures horloges atomiques permet de tester la théorie de la relativité générale.

L'horloge hydraulique de Ctébisios. Gravure de Claude Perrault, architecte de l'Observatoire, parue dans sa traduction des dix livres d'architecture de Vitruve en 1673.

La clepsydre est l'un des plus anciens instruments de mesure du temps. La plus ancienne connue est égyptienne et date de -1400. Initialement, il s'agit d'un simple récipient percé utilisé pour mesurer des durées (tours de garde, temps de parole...). La clepsydre va se perfectionner au cours des siècles en améliorant la forme de vase et en lui adjoignant des graduations. Mais c'est Ctésibios d'Alexandrie au IIIe siècle avant J.-C. qui va transformer la clepsydre en véritable horloge hydraulique.Le sablier apparaît seulement au Moyen-Âge. L'écoulement de la poudre est beaucoup plus régulier que celui de l'eau. Il est essentiellement utilisé pour mesurer des durées courtes, mais en retournant à la fin de chaque écoulement un sablier de 30 minutes ou une heure, on peut également mesurer l'heure la nuit, en particulier sur les bateaux.

© Österreichische Nationalbibliothek, domaine public

Sablier du XVIIe siède © RMN-Grand Palais / ©Jean-Gilles Berizzi

Passons maintenant aux instruments qui mesurent le temps sans utiliser de phénomènes astronomiques. Dans la famille des instruments qui mesurent le temps de manière continue, les plus utilisés sont certainement la clepsydre et le sablier.

© N. Robichon

© Observatoire de Paris

Reconstitution moderne (1989) de l'astrarium de Dondi, horloge astronomique du XIVe siècle à sept cadrans entraînés par un mécanisme d'horlogerie et reproduisant le mouvement des planètes dans le système de Ptolémée.

Horloge astronomique de Prague (début XVe). Le cadran du haut indique l'heure, la position du soleil et de la lune dans la zodiaque ; celui du bas est un calendrier

Les premières horloges mécaniques sont inventées en Europe à la fin du XIIIe ou au début du XIVe siècle. Imprécises et rares, elles retardent jusqu'à deux heures par jour. On les trouve en général sur le clocher des églises ou dans les monastères où elles sont associées à un cadran solaire pour les mettre à l'heure. Avec une telle imprécision, il n'est pas question de faire la différence entre heure solaire vraie et moyenne mais plutôt de se répérer, surtout de nuit, pour ne pas rater l'heure des prières... La vie quotidienne de tous reste réglée sur le soleil et l'on utilise encore largement les heures inégales jusqu'à la fin du Moyen-Âge. Avec les améliorations mécaniques, les horloges gagnent en précision et se répandent dans toutes les villes d'Europe. La population prend l'habitude d'entendre sonner les heures ou de consulter les cadrans qui ne se généralisent qu'au début du XVe siècle. Les heures équinoxiales ou égales (qui ne diffèrent que par l'équation du temps, hors de portée de la précision des horloges) vont peu à peu supplanter les heures temporaires.

© Alessandrina Library, Internet archive

© The Board of Trustees of the Science Museum

Ci-dessus, plan d'une horloge à pendule (FIG I) et à joues cycloïdales (FIG II) tiré de l'Horologium oscillatorium. Ci-contre, une des rares horloges de Coster et Huygens encore existante au Science Museum de La Haye.

Dès la fin du XVIe siècle, Galilée observe l'isochronisme du pendule et pressent que cette propriété pourrait être à la base d'horloges de précision. En 1657, Huygens met au point, avec l'horloger Salomon Coster, la première horloge à balancier, appelée "pendule". Associée à un ressort spiral, la précision de ces pendules atteint quelques secondes par jour et les horlogers se mettent à construire des pendules partout en Europe. Huygens publie la somme de ses travaux sur les horloges dans l’Horologium oscillatorium qui présente, en particulier, ses résultats sur l’isochronisme de la cycloïde.

© Observatoire de Paris

À partir de l'invention des horloges à pendule par Huygens, celles-ci ne cessent de gagner en précision, de se miniaturiser et de se complexifier. Les astronomes et les marins cherchent à obtenir des instruments toujours plus précis pour déterminer l'instant exact des phénomènes célestes et en déduire les longitudes.Le remplacement du pendule par un ressort spiral proposé par Huygens en 1675, lance la réalisation d'horloges de petite dimension et des montres.Dans une démarche souvent autotélique, les horlogers multiplient les "complications" des horloges qui ne donnent plus seulement l'heure mais aussi la date, les phases de la lune voire les heures inégales. Ces horloges deviennent des objets de luxe, alliant prouesses techniques et riches décors conçus par les plus habiles artisans et sont prisées des gens fortunés et des puissants qui en font une marque de leur réussite.

Horloge astronomique quadrangulaire en matériaux précieux (écaille incrustée de cuivre, de corne bleue et de bronze doré).Les cadrans indiquent les heures, les jours de la semaine, le quantième du mois, les phases de la lune, et même la durée des jours et des nuits et les heures inégales. Cette horloge astronomique est le fruit d’un travail collectif d’artistes : Pierre Fardoil, maître horloger, Domenico Cucci, ébéniste du Roy, assisté d'Antoine Coypel, de François Girardon et de Philippe Caffieri ; mais aussi Charles Perrault, qui a conçu le mécanisme.

© BNF/Gallica

Cul de lampe clôturant la mesure de la Terre de Jean Picard en 1671. Les instruments d'observation astronomiques et géodésiques entourent une horloge de Huygens, indispensable pour relier entre elles les positions angulaires des astres.

Avant que la précision des horloges ne soit suffisante pour conserver l'heure lors d'un trajet entre deux lieux, c'est vers le ciel qu'il faut se tourner. Les éclipses de lune sont longtemps utilisées. L'instant précis de l'entrée de la lune dans l'ombre de la Terre est le même quel que soit l'observateur. En comparant l'heure locale du phénomène en deux lieux, on obtient directement leur différence de longitudes.

équateurterrestre

axe des pôles

À cause de la rotation de la Terre, le ciel vu depuis deux lieux de même latitude est identique mais décalé dans le temps. Ainsi, si l'on connaît le temps solaire moyen en deux lieux, il est facile de connaître la différence de longitude entre ces deux lieux. La Terre faisant un tour, 360°, en 24 heures, une différence de 15° en longitude correspond à une différence d'heure locale d'une heure, ou encore une différence de 1° correspond à 4 minutes de temps ou 111 km à l'équateur. Par exemple, les étoiles visibles dans le ciel de Brest à un instant donné sont celles qui étaient vues à Strasbourg quelque 50 minutes plus tôt. Les deux villes sont en effet à la même latitude mais à 12° d'écart en longitude.

Journal des Sçavans du 7 décembre 1676 dans lequel Rømer annonce sa découverte de la vitesse finie de la lumière.© Bayerische StaatsBibliothhek, domaine publique

L'utilisation des satellites de Jupiter comme horloge pour calculer les longitudes est proposée par le découvreur des satellites lui-même, à savoir Galilée. Mais un écart de plusieurs minutes entre les éphémérides et l'observation des satellites empêche d'en faire usage. Jean-Dominique Cassini demande au jeune Rømer, fraîchement arrivé à l'Observatoire à l'invitation de Picard, d'étudier le problème. En utilisant ses propres observations et d'autres plus anciennes, Rømer trouve en 1676 une corrélation entre le retard ou l'avance des éphémérides et la distance entre la Terre et Jupiter. Rømer l'attribue, à raison, au fait que la lumière a une vitesse finie et que son temps de trajet entre les deux planètes est d'autant plus long que les planètes sont éloignées.

Les éclipses de lune ne sont pas les seuls phénomènes célestes à être utilisés pour déterminer des longitudes. La distance entre la lune et une étoile est la méthode astronomique la plus couramment employée par les marins pour faire le point en mer. Mais elle nécessite de connaître la position de la lune à un instant donné vue depuis un lieu de latitude donnée, par exemple Paris. Les éphémérides de ces astres sont facilement accessibles depuis 1679 dans la Connaissance des temps. Un autre phénomène céleste va être exploité pour la détermination des longitudes et va faire entrer l'Observatoire de Paris dans l'Histoire des sciences. Il s'agit des éphémérides des satellites de Jupiter. En essayant d'améliorer leur précision, l'astronome danois Ole Christensen Rømer va en effet découvrir un des résultats les plus fondamentaux de la physique moderne : la lumière a une vitesse finie.

© Observatoire de Paris

Chronomètre de marine du milieu XIXe de l'horloger Joseph Thaddeus Winnerl.

© BNF/Gallica

Carte de l'océan Atlantique de 1772 dont une partie des longitudes a été obtenue grâce aux chronomètres de marine de Berthoud.

En Angleterre, le Board of Longitude est créé en 1714 pour récompenser toute personne qui proposerait une méthode de détermination de la longitude en mer. Parmi les savants et artisans qui seront primés, John Harrison est le plus fameux. En 1761, son prototype H4 ne dérive que de 5 secondes après une traversée de l'Atlantique soit une erreur d'environ deux kilomètres. Les horlogers français ne sont pas en reste. Pierre Le Roy ou Ferdinand Berthoud réalisent peu après Harrison des chronomètres de marine opérationnels et publieront leurs travaux permettant à ces horloges de se propager. Malgré cela, ce sont des instruments excessivement chers. À la fin du XVIIIe, le prix d'un chronomètre de marine peut atteindre le tiers de celui du navire et il faut attendre le milieu du XIXe pour que chaque navire soit équipé.

Séquence 3Le temps à Versailles

Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon Viger, 1868-1887 Perrine dit Viger du Vigneau© RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Daniel Arnaudet

Le duc de Saint-Simon, mémorialiste de Louis XIV, écrit : « Avec un almanach et une montre, on pouvait, à trois cents lieues de lui, dire avec justesse ce qu’il faisait ». La journée d’un roi est précisément minutée afin que les officiers au service du monarque et les courtisans puissent planifier leur travail avec la plus grande exactitude et suivre le roi dans ses activités quotidiennes. Du lever au coucher, le roi suit un programme strict tout comme la vie de Cour, réglée comme une horloge.Et à 8h30, le Premier valet de chambre éveille le roi « Sire, voilà l’heure ».

© Château de Versailles

Cliquez sur les oeuvres pour en savoir plus.

À Versailles, on ne compte pas moins de 156 pendules !

Le saviez-vous ?

Toutes plus belles et originales les unes que les autres, ces objets d’art, trésors de l’horlogerie, rythment les salles du château de Versailles et de Trianon.Parmi les plus remarquables, la pendule à automates offerte à Louis XIV par Morand, la pendule astronomique achetée par Louis XV à Passemant et Dauthiau et la pendule astronomique de Louis XVI, par Antide Janvier, achetée par le roi en 1789, malheureusement détruite.

La pendule de Morand, 1706

Texte de Pierre-Xavier Hans, conservateur au château de Versailles

UN AUTOMATE À VERSAILLES

© Château de Versailles, Dist. RMN / © Christophe Fouin

La pendule à automates est livrée par l'horloger Morand à Versailles en 1706. Jusque vers 1763 le socle et la boîte possédaient un décor de marqueterie Boulle de cuivre et d'ébène auquel succéda le décor actuel de bois de rose et de palissandre. Au-dessus du cadran, deux amours frappent des timbres puis les portes centrales s'ouvrent et le Roi apparaît. Des nuages sort la Renommée pour couronner le Roi tandis que le soleil émerge. Cette pendule, exceptionnelle, offerte à Louis XIV par son constructeur Morand, était initialement conservée dans l'appartement de collectionneur de Louis XIV avant de rejoindre le grand Appartement du Roi, le salon de Mercure ou elle est signalée en 1765 et se trouve toujours actuellement.

Louis XV s’intéresse beaucoup aux sciences et en particulier à l’astronomie. On peut voir sur le sol de ce cabinet le tracé du méridien de Versailles, matérialisé par une baguette de cuivre, et qui sert à mettre à l'heure les horloges du château. L’extraordinaire pendule, qui a donné son nom à la pièce, fut présentée à l’Académie des sciences, puis au roi au château de Choisy, avant d’être installée ici en 1754.

Dans le cabinet de la Pendule, un joyau du 18e siècle.

La pendule astronomique de Passemant, 1749-1753

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Dans le globe de cristal, on peut voir les planètes opérer leur révolution autour du Soleil selon le système héliocentrique de Copernic.Conçue par Claude-Siméon Passemant, ingénieur du roi, exécutée par l’horloger Louis Dauthiau et placée dans une caisse de bronze doré due à Jacques et Philippe Caffiéri, père et fils, cette pendule est un monument artistique et scientifique. Elle servit à fixer pour la première fois une heure officielle dans le royaume et

son fonctionnement est réglé jusqu’en 9999 !

© RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Daniel Arnaudet et Christian Milet

Haute de 2,26 m, la pendule de Passemant indique l’heure, les minutes et les secondes, le jour de la semaine, le tantième du mois, le mois, l’année et la phase de la lune.

Cet élément est tout ce qui subsiste d'une grande pendule de 2,27 mètres de haut réalisée par l'horloger Antide Janvier et que Louis XVI acheta et plaça dans sa bibliothèque du premier étage au château de Versailles. La pendule se composait d'un grand socle en acajou offrant quatre cadrans marquant les heures, les signes du zodiaque, les semaines et les mouvements du soleil et de la lune. Elle était surmontée d'un temple à quatre colonnes en marbre blanc et bronze doré contenant un baromètre, seul élément subsistant aujourd'hui à Versailles. Conservée sous la Révolution, la pendule entière figura aux Tuileries pendant une grande partie du XIXe siècle et fut modifiée à la fin de la Restauration. Seule cette partie en marbre blanc semble avoir survécu.

© Mobilier national / Isabelle Bideau

La pendule astronomique d'Antide Janvier, 1788

Louis XVI, féru d'horlogerie et d'astronomie

Mais sa grande oeuvre est la réalisation de l’horloge astronomique de Louis XVI, première horloge astronomique à sphère mouvante intégrant dans la représentation du Système solaire le mouvement d’Uranus, découvert par l’astronome Herschel (1781). Achevée en 1788, soumise en février 1789 à l’Académie des sciences, approuvée par les astronomes, elle est achetée par Louis XVI pour 24 000 livres.

Antide Janvier est aussi lié à la pendule astronomique de Passemant qu’il conserva pendant près de 20 ans, démontée dans son atelier en vue de sa restauration et qu’il finit après de nombreuses péripéties par redonner remise en état en 1829 au Garde Meuble royal.

Antide Janvier, horloger et mécanicien précoce, entreprend à 13 ans la construction d’une sphère mouvante qui est présentée en 1768 à l’Académie de Besançon. En 1784, il s'installe à Paris sous le titre d’Horloger Mécanicien de Monsieur frère du Roi. Il est reçu par l’astronome Jérôme de Lalande, qui l’introduit auprès des Menus Plaisirs du roi dont il devient fourrnisseur. Il a ainsi un accès direct au souverain. Le roi lui achète deux horloges à planétaires, l’une selon le système géocentrique et l’autre selon le mouvement héliocentrique, qu’il installe dans sa bibliothèque.

Séquence 4La mesure du temps aujourd'hui

© BNF/Gallica

Jusqu'à la Restauration, l'heure légale est l'heure solaire vraie locale, mais depuis la révolution, avec le développement des horloges de précision aux XVIIIe et début XIXe siècles, des horlogers demandent à passer à l'heure solaire moyenne comme c'est le cas à Genève depuis 1780 ou à Londres depuis 1792. Il faut attendre 1826 pour que Paris passe le pas par un arrêté du préfet de la Seine, Gilbert-Gaspard Chabrol de Volvic.L'apparition des chemins de fer au milieu du XIXe siècle rend indispensable l'adoption de l'heure solaire moyenne sur l'ensemble du territoire. Impossible de faire varier les horaires des trains au gré des variations de l'équation du temps ! Chaque compagnie de chemin de fer utilise le temps solaire moyen de Paris. Dans les gares les horloges indiquent l'heure de Paris et l'heure locale... ainsi qu'une troisième sur le quai retardée de 5 minutes par rapport à l'heure locale pour permettre aux retardataires d'avoir leur train...Finalement, en 1891, le temps solaire moyen de Paris est adopté comme heure légale sur l'ensemble du territoire.

Le développement des communication internationales - chemin de fer et télégraphe - nécessite également une homogénéisation du système des heures des différents pays dès le milieu du XIXe siècle. L'ingénieur des chemins de fer canadiens Sandford Fleming (1827-1915) propose en 1879 la division du globe en 24 fuseaux horaires de 15° chacun et une uniformisation de l'heure au sein des différents états. Reste à choisir le méridien origine. Au cours de la conférence internationale de Washington en 1884 chargée d'examiner ce problème, plusieurs choix sont proposés : Greenwich, Paris ou un méridien politiquement "neutre", le méridien de l'île de Fer. Avec la domination navale de l'empire britannique, c'est Greenwich qui est choisi par un vote de 22 états pour, 1 contre et 2 abstentions (dont la France).

La France met en application cette résolution par la loi du 9 mars 1911, en vigueur jusqu'en 1978 : l'heure légale est "le temps moyen de Paris retardé de 9min 21s" pour ne pas avoir à inscrire la référence au méridien anglais dans une loi française...En 1968, le méridien de Greenwich est remplacé par le Méridien international de référence, obtenu par comparaison statistique des longitudes de 68 stations. Depuis 1978, le temps légal est égal au Temps universel plus une heure en hiver ou deux en été.

© US Central Intelligence Agency

À la fin du 19ème siècle, la TSF (télégraphie sans fil) a pris son essor et voit ses domaines d’application se multiplier ; la diffusion de signaux horaires bénéficie de ces progrès pour s’effectuer sur des distances de plus en plus grandes.

© Observatoire de Paris

© Observatoire de Paris

Bureau international de l'heure (BIH) : salle d'enregistrement de la tour de l'est avec son antenne de réception des signaux horaires.

Gustave Ferrié (1869-1932) obtient en décembre 1903, l’installation d’une station radiotélégraphique militaire à la Tour Eiffel. Les premiers essais de liaison TSF de portée supérieure à 400 km sont couronnés de succès. À la même époque, Guillaume Bigourdan (1851-1932), astronome à l’Observatoire de Paris, expérimente la transmission de signaux horaires par TSF.À partir de 1910, tous les jours à 11h00 et minuit, un signal horaire commandé par l’Observatoire est envoyé par la Tour Eiffel pour servir à la détermination des longitudes en mer. En 1912, un Bureau international de l'heure (BIH) est créé sous la présidence de Benjamin Baillaud de l'Observatoire.

Mécanisme de la première horloge parlante de 1933 © Observatoire de Paris

Ernest Esclangon © Observatoire de Paris

Esclangon a l'idée d'exploiter la technique d'enregistrement des pistes sonores du cinéma parlant qui vient d'être inventé. 90 bandes sonores (24 pour les heures, 60 pour les minutes...) sont collées sur un cylindre en aluminium et lues par trois cellules photo-électriques asservies par une pendule à balancier rapidement remplacée par une horloge à quartz. La première horloge parlante au monde est inaugurée à l’Observatoire de Paris le 14 février 1933. ODEon 84 00 remporte rapidement un succès immense : les vingt lignes sont immédiatement saturées. Les trois versions de 1965, 1975 et 1991 suivront les évolutions techniques avec l'introduction d'horloges atomiques mais également les évolutions de la société avec l'arrivée d'une voix féminine en 1991 alternant avec la voix masculine. La concurrence d'internet va sonner le glas de l'Horloge parlante qui va bientôt cesser de fonctionner.

Dès 1891 l’heure officielle est diffusée par l’Observatoire de Paris. Un de ses agents lit l’heure sur une pendule et la transmet par téléphone à ceux qui la demandent, monopolisant la seule ligne disponible. Dans l’entre-deux-guerres, Ernest Esclangon, alors directeur de l’Observatoire de Paris, las de voir son téléphone constamment occupé, décide d’automatiser la diffusion de l’heure par téléphone en collaboration avec les P.T.T. et invente l’horloge parlante.

© Observatoire de Paris

Trois générations d'horloges de l'Observatoire de Paris : à gauche un régulateur à balancier de la fin du XIXe siècle, en haut, un quartz d'horloge autour de 1955 et ci-dessous, un étalon au césium des années 1960.

Jusqu’en 1956, la seconde est définie comme la 1/86400e partie du jour solaire moyen, puis de 1956 à 1967 comme une fraction de l'année tropique moyenne qui s'avère plus régulière. Le BIH définit le temps par la synthèse d'observations astronomiques du monde entier.La définition de la seconde change en 1967 pour être basée sur la fréquence d'une transition électronique de l'atome de césium. Le BIH établit alors un Temps atomique international (TAI), en utilisant un réseau d'horloges atomiques réparties partout dans le monde.Le lien entre Temps atomique TAI et Temps universel coordonné UTC lié à la rotation de la Terre est maintenu par le fait que la différence des deux temps ne doit jamais dépasser 0,9 seconde. Une seconde intercalaire est régulièrement ajoutée pour compenser le ralentisement de la Terre ou l'irrégularité de son mouvement.À partir de 1988, le BIH est scindé en un Bureau international des poids et mesures (BIPM) situé au Pavillon de Breteuil, à Sèvres, chargé de l’élaboration du TAI, et un Service international de la rotation terrestre et des systèmes de référence (IERS).

Amélioration de l’exactitude des horloges atomiques, de la première horloge à jet thermique de césium à l’horloge à réseau optique d’atomes de strontium. © FIRS-TF/CNRS

En recherche, la mesure des fréquences d'horloges dans différents référentiels, sur Terre et à bord de satellites, permet de tester les lois fondamentales de la physique comme le principe d'équivalence d'Einstein ou la détection d'ondes gravitationnelles. La stabilité des meilleures horloges actuelles est de l'ordre de 10-18 soit une seconde en un milliard de milliards de secondes. Sachant qu'un milliard de secondes représente une trentaine d'années, cela correspond à une erreur d'une seconde sur un temps supérieur à l'âge de l'Univers !

Le principe de base d'une horloge atomique, utiliser la stabilité de la fréquence des photons issus de la transition entre deux niveaux d'un atome ou d'un ion pour asservir un oscillateur, se décline en plusieurs modèles : maser à hydrogène, fontaine atomique, horloge à atomes froids, horloge à ions, horloge optique, etc, chacune son domaine d'application. La réalisation du Temps atomique international n'est qu'une des nombreuses applications de ces horloges atomiques : mesure de distance de la Lune par télémétrie laser, positionnement par satellite (GPS), télécommunications, ou plus prosaïquement datation des transactions bancaires.

Sitographie :L'Observatoire de Paris est riche de ressources qu'il n'est pas forcément facile de retrouver. Les collections muséales de l'Observatoire sont accessibles via le portail COSMOS (COllections Scientifiques et Muséales de l’Observatoire de PariS) de la bibliothèque. Les documents numérisés (imprimés, manuscrits, iconographie…) et les expositions en ligne sont disponibles à partir du portail web bibnum. L'ensemble des collections de la bibliothèque de l'Observatoire de Paris peut également être consulté à partir du portail unique Télescope.L'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE) propose deux sites très complets, l'un sur sur la méridienne de l'Observatoire de Paris.et l'autre sur la connaissance des temps contenant tous les numéros numérisés en collaboration avec la BNF et l'Observatoire. Le château de Versailles consacre un carnet de Versailles sur l'heure au château et une vidéo sur la pendule astronomique de Passemant.Le site web du laboratoire d’excellence du programme investissements d’avenir FIRST-TF contient plein d'informations et de ressources pour les enseignants sur les horloges atomiques. Rien de mieux que de remonter directement aux sources de tous ces travaux. La Bibliothèque nationale de France, par l'intermédiaire de son site Gallica, met à disposition de nombreux ouvrages écrits par les acteurs de ces trois siècles et demi de mesure du temps. Citons en particulier les ouvrages de Huygens, Claude Perrault, Jean Picard, Ferdinand Berthoud dont les illustrations égayent ces pages. Vous les retrouverez aisément à partir du formulaire de recherche de Gallica.