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Résumé de la princesse de clèves. En jouant à cet escape game virtuel gratuit sur la princesse de clèves, découvre les passages clés et l'essentiel à retenir du roman de Madame de La Fayette

Transcript

Escape La princesse de Clèves

Découvre l'histoire du roman a travers des enigmes

MUSIQUE Titre: The Return/ Auteur: Alexander Nakarada/ Source: https://www.serpentsoundstudios.com/ Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/4.0// Téléchargement (4MB): https://auboutdufil.com/?id=527

Elsa Lorillard

scénario et conception

Creativecommons BY-NC-ND-SA pour l'ensemble de l'escape game

Un roman écrit au 17ème siècle mais dont l'action se situe au 16ème siècle

L'histoire se passe sous le règne d'Henri II puis de François II

La Cour est le cadre spatial du roman

On retrouve des faits et des personnages historiques en arrière-plan

Pourtant les jeunes filles de la noblesse doivent souvent renoncer à leurs sentiments comme la princesse de Clèves.

La Cour des Valois sert de décor principal au roman

Diane de Poitiers, le Duc d'Orléans, Marie-Stuart sont des personnalités réelles qui vont croiser le chemin de nos personnages

L'histoire de Mlle de Chartres qui va devenir la Princesse de Clèves est une fiction

D'octobre 1558 à novembre 1559

Les personnages principaux

Le Prince de Clèves

Le Duc de Nemours

Mlle de Chartres

Le Duc de Guise

  • Un coup de foudre pour Mlle de Chartres
  • Un amour non partagé qui le mènera à mourir de chagrin

  • Un homme d'honneur
  • Un amour non partagé qui le mènera à choisir la mort au combat

  • Une jeune fille de 16 ans qui découvre la Cour
  • Elle possède une très grande beauté et une parfaite éducation conforme à la morale et à son rang

  • Le plus bel homme de la Cour, convoité par toutes les femmes
  • Un amour passionnel pour Mlle de Chartres

Prêt(e) à entrer dans le roman?

Tu vas être aspiré(e) dans le roman...à toi de résoudre les énigmes pour trouver le code* et en sortir....

ENTRER

*8 codes à 2 chiffres à découvrir dans des zones cachées pour composer la combinaison à 16 chiffres à la fin de ton enquête

LE PALAIS DU LOUVRE AU TEMPS D'HENRI II source Wikipedia article complet en suivant ce lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Palais_du_Louvre À l'avènement d'Henri II, Pierre Lescot est confirmé dans ses fonctions d'architecte et le chantier de l'aile occidentale reprend. Le nouveau roi joue un rôle déterminant dans l'élévation du palais, en faisant changer à plusieurs reprises les plans initialement prévus par Lescot. (...) Au Louvre, Lescot crée une architecture originale appelée à devenir un symbole de l'architecture de la Renaissance française. (...)Autre invention originale de Lescot, le bâtiment est surmonté d'une toiture brisée. Cette nouveauté pour l'époque devait se généraliser et devenir un trait caractéristique de l'architecture française : la mansarde.

Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, I, 1678 Après une longue description de la Cour des Valois, l'auteur nous présente le portrait de Mlle de Chartres, celle qui va devenir ensuite La Princesse de Clèves. Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l’on doit croire que c’était une beauté parfaite, puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame de Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l’avait laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l’éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté, elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des mères s’imaginent qu’il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner : Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l’amour ; elle lui montrait ce qu’il a d’agréable, pour la persuader plus aisément sur ce qu’elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité ; les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d’un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d’une honnête femme, et combien la vertu donnait d’éclat et d’élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance ; mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s’attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d’une femme, qui est d’aimer son mari et d’en être aimée. Cette héritière était alors un des grands partis qu’il y eût en France ; et, quoiqu’elle fût dans une extrême jeunesse, l’on avait déjà proposé plusieurs mariages. Madame de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille. La voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la cour. Lorsqu’elle arriva, le vidame alla au-devant d’elle ; il fut surpris de la grande beauté de mademoiselle de Chartres, et il en fut surpris avec raison : la blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l’on n’a jamais vu qu’à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personne étaient pleins de grâce et de charmes.

Les personnages historiques dans la Princesse de Clèves Le roman de la Princesse de Clèves commence par une longue description faisant référence à des personnages historiques célèbres qui vont dialoguer avec les personnages fictifs.

  • Maison Royale de France : Famille des Valois
Henri II, Roi de France (1519-1559), fils de François Ier, Catherine de Médicis : épouse de Henri II (1519-1589), mère de 10 enfants qu'elle aura avec Henri II La Duchesse de Valentinois : Diane de Poitiers : Elle est la maîtresse du Roi François Ier puis du Roi Henri II Marguerite de France (1523-1574) : Madame ou Madame, sœur du Roi : Elle est la sœur du Roi Henri II François II : Le Dauphin : Il est le fils héritier du Roi Henri II Marie Stuart : la reine Dauphine (1542-1587) : Elle est Reine d’Ecosse et elle est mariée à François II Claude de France (1547-1575) : Epouse du Cardinal de Lorraine. Elle se fiance avec ce dernier le 15 février 1559
  • La Famille des Guise (4 frères et 1 sœur)
François 2ème Duc de Guise (1519-1533) Charles de Lorraine ou le Cardinal de Lorraine (1524-1574) : Il épouse Claude de France de la Maison Royale de France Claude, le Duc d’Aumale(1526-1573) : Il épouse une fille de Mme de Valentinois François, le Chevalier de Guise (1534-1563) Marie de Lorraine (1515-1560) : Mère de Marie Stuart, ancienne favorite d’Henri II
  • La Maison Royale d’Angleterre
Henri VIII d’Angleterre (1491-1547) : Henri Tudor Anne de Boleyn (1507-1536) Maîtresse du Roi Henri VIII puis Reine Elisabeth Ière d’Angleterre (1533-1603) : Fille d’Henri VIII et d’Anne de Boleyn

Source Site officiel du château de Fontainebleau article complet et découverte de ce lieu incroyable accessible à l'adresse suivante https://www.chateaudefontainebleau.fr/le-chateau-et-les-jardins-de-fontainebleau/histoire-chateau-fontainebleau/renaissance-chateau-fontainebleau/ Le berceau de la Renaissance française - Château de FontainebleauLe château Le château est ouvert tous les jours, sauf le mardi, le 1er janvier, le 1er mai et le 25 décembre. D'octobre à mars : 9h30 à 17h00...Château de Fontainebleau La résidence principale des Valois« Si l’on se préoccupe trop de l’achèvement des choses, on n’entreprendrait jamais rien », avait dit François Ier. Et en effet, à la mort du roi en 1547, Fontainebleau était encore en chantier : l’église de la Trinité était en partie reconstruite, mais la toiture et l’aménagement intérieur manquaient encore, tandis qu’au premier étage de la cour ovale, le projet architectural de grande loggia surmonté d’un toit-terrasse n’en était qu’au couvrement. L’achèvement du chantier incomba donc à son héritier, Henri II. S’appuyant sur son architecte Philibert Delorme, le souverain s’attela à poursuivre le grand œuvre inachevé. En 1551, la couverture de l’église était mise en place, tandis qu’on y installait une clôture de chœur et une tribune des souverains. Quant à la grande loggia, elle fut détournée de son projet initial : transformée en vaste salle susceptible d’offrir un cadre adapté aux fêtes et aux solennités de la cour, le menuisier italien Scibec de Carpi la dota d’un somptueux plafond à caissons, et elle devint la « grande salle de bal » du château, aussitôt décorée à fresques par Niccolo Dell’Abate, sur les dessins de Primatice.Durant son règne, Henri II séjourna à Fontainebleau tout aussi régulièrement que son père, et prolongea l’ambitieux projet d’en faire la résidence principale de la monarchie. À la toute fin de son règne, le roi assista à l’édification, dans « la grande basse cour », d’un premier escalier en fer à cheval ouvrant un nouvel accès aux appartements du premier étage. La vieille cour ovale, irrégulière et resserrée, commença à perdre son statut de cour d’honneur au profit de sa vaste et régulière cadette appelée à devenir, depuis l’installation d’un cheval en plâtre en son centre, « la cour du Cheval blanc ». C’est dans cette « maison de légitimité » que naquirent six des enfants que Catherine de Médicis donna au roi, dont les futur François II (19 janvier 1544) et Henri III (19 septembre 1551).À la mort d’Henri II en 1559, sa veuve Catherine de Médicis laissa éclater au grand jour son goût pour les travaux et les constructions. Disgraciant Philibert Delorme, elle confia le chantier de Fontainebleau à un Primatice de 55 ans, promu grand ordonnateur des bâtiments, des décors et des fêtes du château. L’Italien édifia, sous les cieux troublés des guerres de religion, les dernières scénographies d’une Renaissance française parvenue à sa pleine maturité…

Un dialogue entre deux amoureux en cache un autre à venir dans le roman...

Les bijoux à la Renaissance : usages, prestige et symboles Conférence du 10 mars 2017 Par Julie ROHOU, conservateur du patrimoine au musée national de la Renaissance https//char.hypotheses.org//6622 François BACHELARD La Renaissance constitue un âge d’or de la parure : hommes et femmes couvrent leur corps et leurs vêtements de bagues, de boutons et de colliers d’or, d’émail et de pierreries. Avec le développement des routes commerciales vers l’Orient ou le Nouveau Monde, l’Europe connaît un afflux sans précédent de matières précieuses. Dans le même temps, la circulation des modèles gravés et la mobilité des orfèvres permet la diffusion de formes nouvelles de bijoux. Un marché européen se développe autour de quelques grands centres qui rivalisent de luxe et d’inventivité : Florence, Rome, Paris, Nuremberg… Au-delà de leur simple aspect esthétique ou de leur valeur marchande, les bijoux sont souvent dotés d’une utilité pratique ou d’une dimension symbolique, évidente pour les contemporains mais qu’il nous faut aujourd’hui décrypter. Cure-dent accroché en pendentif, bague tête de mort portée en souvenir d’un défunt, têtes de martres en or et pierreries ne sont que quelques exemples de ces parures étonnantes et uniques. Les bijoux que nous conservons aujourd’hui constituent des témoins précieux d’une production en grande partie disparue. En les confrontant aux portraits, aux estampes, aux inventaires, et aux descriptions des contemporains, on peut tenter de retracer une petite histoire du bijou à la Renaissance, depuis son émergence jusqu’au tournant du XVIIe siècle, quand les progrès dans la taille des pierres précieuses viennent modifier profondément l’aspect des parures.

La Princesse de Clèves, Madame de La Fayette, I, Episode de la rencontre chez le joailler C'est la première fois que le Prince de Clèves rencontre Mlle de Chartres. Il en tombe immédiatement amoureux mais ne connaît pas l'identité de celle pour laquelle il vient d'avoir un véritable coup de foudre. Mlle de Clèves, au contraire, semble très gênée de voir la réaction qu'elle fait naître chez le Prince de Clèves. Le lendemain qu’elle fut arrivée, elle alla pour assortir des pierreries chez un italien qui en trafiquait par tout le monde. Cet homme était venu de Florence avec la reine, et s’était tellement enrichi dans son trafic, que sa maison paraissait plutôt celle d’un grand seigneur que d’un marchand. Comme elle y était, le prince de Clèves y arriva : il fut tellement surpris de sa beauté, qu’il ne put cacher sa surprise ; et mademoiselle de Chartres ne put s’empêcher de rougir en voyant l’étonnement qu’elle lui avait donné ; elle se remit néanmoins, sans témoigner d’autre attention aux actions de ce prince, que celle que la civilité lui devait donner pour un homme tel qu’il paraissait. M. de Clèves la regardait avec admiration, et il ne pouvait comprendre qui était cette belle personne qu’il ne connaissait point. Il voyait bien, par son air et par tout ce qui était à sa suite, qu’elle devait être d’une grande qualité. Sa jeunesse lui faisait croire que c’était une fille ; mais, ne lui voyant point de mère, et l’italien, qui ne la connaissait point, l’appelant madame, il ne savait que penser, et il la regardait toujours avec étonnement. Il s’aperçut que ses regards l’embarrassaient, contre l’ordinaire des jeunes personnes, qui voient toujours avec plaisir l’effet de leur beauté ; il lui parut même qu’il était cause qu’elle avait de l’impatience de s’en aller, et en effet elle sortit assez promptement. M. de Clèves se consola de la perdre de vue, dans l’espérance de savoir qui elle était ; mais il fut bien surpris quand il sut qu’on ne la connaissait point : il demeura si touché de sa beauté et de l’air modeste qu’il avait remarqué dans ses actions, qu’on peut dire qu’il conçut pour elle, dès ce moment, une passion et une estime extraordinaires ; il alla le soir chez Madame, sœur du roi. (...) M. de Clèves y vint à l'ordinaire. Il était si rempli de l’esprit et de la beauté de mademoiselle de Chartres, qu’il ne pouvait parler d’autre chose. Il conta tout haut son aventure, et ne pouvait se lasser de donner des louanges à cette personne qu’il avait vue, qu’il ne connaissait point. Madame lui dit qu’il n’y avait point de personnes comme celle qu’il dépeignait ; et que, s’il y en avait quelqu’une, elle serait connue de tout le monde. Madame de Dampierre, qui était sa dame d’honneur et amie de madame de Chartres, entendant cette conversation, s’approcha de cette princesse, et lui dit tout bas que c’était sans doute mademoiselle de Chartres que M. de Clèves avait vue. Madame se retourna vers lui, et lui dit que, s’il voulait revenir chez elle le lendemain, elle lui ferait voir cette beauté dont il était si touché.

Les danses de la Renaissance De nombreux écrits nous permettent de mieux connaître les danses de la Renaissance. Les danses de la cour demandaient une formation des danseurs. L'« orchésographie » du maître-à-danser Thoinot Arbeau est un traité de danse publié en 1589. Arbeau enseigne à son élève Capriol toutes les danses de l'époque (la basse-danse, la pavane, ou encore la gaillarde). La basse-danse, exécutée surtout entre le Moyen Âge et la Renaissance est une danse lente et majestueuse, correspondant à l'idéal de la noblesse et de la galanterie. Elle se réalise à deux, les danseurs ne sont pas face à face, mais côte à côte, le cavalier place sa cavalière à sa droite et la tient par la main. Les couples évoluent dans cette position, en réalisant des pas dans un ordre précis : la révérence, les simples et les doubles, le branle, la reprise et le congé.

Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, I, 1678 Il y a peu de temps, Mlle de Chartres a épousé le Prince de Clèves aux grands regrets du Duc de Guise. Elle se fait désormais appeler la Princesse de Clèves. Elle assiste alors à un bal pour célébre le mariage de M. de Lorraine lors duquel elle va rencontrer le Duc de Nemours. Cet épisode est le plus célèbre du roman. Il est devenu ce qu'on appelle un TOPOS, c'est-à-dire une scène qui va inspirer de nombreux auteurs dans la littérature. Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir au bal et au festin royal qui se faisaient au Louvre. Lorsqu’elle arriva, l’on admira sa beauté et sa parure. Le bal commença ; et, comme elle dansait avec M. de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la salle, comme de quelqu’un qui entrait et à qui on faisait place. Madame de Clèves acheva de danser ; et, pendant qu’elle cherchait des yeux quelqu’un qu’elle avait dessein de prendre, le roi lui cria de prendre celui qui arrivait. Elle se tourna, et vit un homme qu’elle crut d’abord ne pouvoir être que M. de Nemours, qui passait par-dessus quelque siége pour arriver où l’on dansait. Ce prince était fait d’une sorte qu’il était difficile de n’être pas surprise de le voir, quand on ne l’avait jamais vu ; sur-tout ce soir-là, où le soin qu’il avait pris de se parer augmentait encore l’air brillant qui était dans sa personne : mais il était difficile aussi de voir madame de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement. M. de Nemours fut tellement surpris de sa beauté, que, lorsqu’il fut proche d’elle, et qu’elle lui fit la révérence, il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges. Le roi et les reines se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini, sans leur donner le loisir de parler à personne, et leur demandèrent s’ils n’avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s’ils ne s’en doutaient point. Pour moi, madame, dit M. de Nemours, je n’ai pas d’incertitude ; mais, comme madame de Clèves n’a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j’ai pour la reconnaître, je voudrais bien que votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom. Je crois, dit madame la dauphine, qu’elle le sait aussi bien que vous savez le sien. Je vous assure madame, reprit madame de Clèves, qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez. Vous devinez fort bien, répondit madame la dauphine ; et il y a même quelque chose d’obligeant pour M. de Nemours à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez sans l’avoir jamais vu. La reine les interrompit pour faire continuer le bal : M. de Nemours prit la reine dauphine. Cette princesse était d’une parfaite beauté, et avait paru telle aux yeux de M. de Nemours avant qu’il allât en Flandres ; mais, de tout le soir, il ne put admirer que madame de Clèves.

Tout se joue en un instant

La princesse de Clèves est déjà mariée. Sa condition lui impose de ne pas fréquenter d'autres hommes et d'avoir un comportement conforme à la morale en évitant les marques d'attention que pourrait lui porter le Duc de Nemours.

Le Duc de Nemours est connu pour être un séducteur. On raconte qu'il est déjà engagé auprès d'autres femmes à la Cour d'Angleterre. Pourtant, depuis sa rencontre avec la Princesse de Clèves, le Duc ne pense plus qu'à celle-ci. Voici un extrait du roman qui l'illustre La passion de M. de Nemours pour madame de Clèves, fut d’abord si violente, qu’elle lui ôta le goût et même le souvenir de toutes les personnes qu’il avait aimées, et avec qui il avait conservé des commerces pendant son absence. Il ne prit pas seulement le soin de chercher des prétextes pour rompre avec elles ; il ne put se donner la patience d’écouter leurs plaintes, et de répondre à leurs reproches. Madame la dauphine, pour qui il avait eu des sentiments assez passionnés, ne put tenir dans son cœur contre madame de Clèves. Son impatience pour le voyage d’Angleterre commença même à se ralentir, et il ne pressa plus avec tant d’ardeur les choses qui étaient nécessaires pour son départ. Il allait souvent chez la reine dauphine, parce que madame de Clèves y allait souvent, et il n’était pas fâché de laisser imaginer ce que l’on avait cru de ses sentiments pour cette reine. Madame de Clèves lui paraissait d’un si grand prix, qu’il se résolut de manquer plutôt à lui donner des marques de sa passion, que de hasarder de la faire connaître au public. Il n’en parla pas même au vidame de Chartres, qui était son ami intime, et pour qui il n’avait rien de caché. Le Duc fait tout pour ne pas faire remarquer son attirance pour Mme de Clèves mais cela ne semble pas évident... Il prit une conduite si sage, et s’observa avec tant de soin, que personne ne le soupçonna d’être amoureux de madame de Clèves, que le chevalier de Guise ; et elle aurait eu peine à s’en apercevoir elle-même, si l’inclination qu’elle avait pour lui ne lui eût donné une attention particulière pour ses actions, qui ne lui permit pas d’en douter.

Cet amour grandit aussi chez la Princesse de Clèves ce qui attire l'attention et la jalousie de Madame la Dauphine qui tente de déstabiliser la princesse de Clèves. Madame de Clèves ne laissa pas d’aller l’après-dînée chez madame la dauphine : elle était dans son cabinet avec deux ou trois dames qui étaient le plus avant dans sa familiarité. Nous parlions de M. de Nemours, lui dit cette reine en la voyant, et nous admirions combien il est changé depuis son retour de Bruxelles : devant que d’y aller, il avait un nombre infini de maîtresses, et c’était même un défaut en lui, car il ménageait également celles qui avaient du mérite et celles qui n’en avaient pas ; depuis qu’il est revenu, il ne connaît ni les unes ni les autres : il n’y a jamais eu un si grand changement ; je trouve même qu’il y en a dans son humeur, et qu’il est moins gai que de coutume. Madame de Clèves ne répondit rien, et elle pensait avec honte qu’elle aurait pris tout ce que l’on disait du changement de ce prince pour des marques de sa passion, si elle n’avait point été détrompée. Elle se sentait quelque aigreur contre madame la dauphine, de lui voir chercher des raisons et s’étonner d’une chose dont apparemment elle savait mieux la vérité que personne. Elle ne put s’empêcher de lui en témoigner quelque chose ; et, comme les autres dames s’éloignèrent, elle s’approcha d’elle, et lui dit tout bas : Est-ce aussi pour moi, madame, que vous venez de parler, et voudriez-vous me cacher que vous fussiez celle qui a fait changer de conduite à M. de Nemours ? Vous êtes injuste, lui dit madame la dauphine ; vous savez que je n’ai rien de caché pour vous. Il est vrai que M. de Nemours, devant que d’aller à Bruxelles, a eu, je crois, intention de me laisser entendre qu’il ne me haïssait pas ; mais, depuis qu’il est revenu, il ne m’a pas même paru qu’il se souvînt des choses qu’il avait faites : et j’avoue que j’ai de la curiosité de savoir ce qui l’a fait changer. Il sera bien difficile que je ne le démêle, ajouta-t-elle : le vidame de Chartres, qui est son ami intime, est amoureux d’une personne sur qui j’ai quelque pouvoir, et je saurai par ce moyen ce qui a fait ce changement. Toutefois, les tentatives constantes du Duc de Nemours pour rencontrer la princesse plonge cette dernière dans les tourments de l'amour Elle ne pouvait s’empêcher d’être troublée de sa vue, et d’avoir pourtant du plaisir à le voir ; mais, quand elle ne le voyait plus, et qu’elle pensait que ce charme qu’elle trouvait dans sa vue était le commencement des passions, il s’en fallait peu qu’elle ne crût le haïr, par la douleur que lui donnait cette pensée.

Madame de Chartres appelle sa fille à son chevet avant de mourir et lui donne ces dernières recommandations: Madame de Chartres empira si considérablement, que l’on commença à désespérer de sa vie ; elle reçut ce que les médecins lui dirent du péril où elle était avec un courage digne de sa vertu et de sa piété. Après qu’ils furent sortis, elle fit retirer tout le monde et appeler madame de Clèves. Il faut nous quitter, ma fille, lui dit-elle, en lui tendant la main ; le péril où je vous laisse et le besoin que vous avez de moi augmentent le déplaisir que j’ai de vous quitter. Vous avez de l’inclination pour M. de Nemours : je ne vous demande point de me l’avouer ; je ne suis plus en état de me servir de votre sincérité pour vous conduire. Il y a déjà long-temps que je me suis aperçue de cette inclination ; mais je ne vous en ai pas voulu parler d’abord, de peur de vous en faire apercevoir vous-même. Vous ne la connaissez que trop présentement : vous êtes sur le bord du précipice ; il faut de grands efforts et de grandes violences pour vous retenir. Songez ce que vous devez à votre mari, songez ce que vous vous devez à vous-même, et pensez que vous allez perdre cette réputation que vous vous êtes acquise, et que je vous ai tant souhaitée. Ayez de la force et du courage, ma fille ; retirez-vous de la cour, obligez votre mari de vous emmener, ne craignez point de prendre des partis trop rudes et trop difficiles ; quelque affreux qu’ils vous paraissent d’abord, ils seront plus doux dans les suites que les malheurs d’une galanterie. Si d’autres raisons que celles de la vertu et de votre devoir vous pouvaient obliger à ce que je souhaite, je vous dirais que, si quelque chose était capable de troubler le bonheur que j’espère en sortant de ce monde, ce serait de vous voir tomber comme les autres femmes : mais, si ce malheur vous doit arriver, je reçois la mort avec joie, pour n’en être pas le témoin. Madame de Clèves fondait en larmes sur la main de sa mère, qu’elle tenait serrée entre les siennes ; et madame de Chartres se sentant touchée elle-même : Adieu, ma fille, lui dit-elle, finissons une conversation qui nous attendrit trop l’une et l’autre, et souvenez-vous, si vous pouvez, de tout ce que je viens de vous dire. Elle se tourna de l’autre côté en achevant ces paroles, et commanda à sa fille d’appeler ses femmes, sans vouloir l’écouter ni parler davantage. Madame de Clèves sortit de la chambre de sa mère en l’état que l’on peut s’imaginer, et madame de Chartres ne songea plus qu’à se préparer à la mort. Elle vécut encore deux jours, pendant lesquels elle ne voulut plus revoir sa fille, qui était la seule chose à quoi elle se sentait attachée.

Madame de Chartres se rend compte que sa fille lui cache son amour pour le Duc de Nemours. Elle redoute les conséquences que peut avoir cet amour naissant non conforme aux préceptes de morale très stricts qu'elle lui a transmis. On peut qualifier cette morale de "janséniste" À l'origine, le jansénisme est un courant religieux catholique. Dans l'Augustinus, Jansen met en cause la tradition catholique, qui a été réaffirmée par le concile de Trente. Il professe des idées sur la grâce divine et la prédestination, qui paraissent proches des idées du réformateur protestant Jean Calvin, qui avaient été condamnées par le concile de Trente. Pour Jansen, la grâce de Dieu, qui est nécessaire au salut de l'âme humaine, est accordée ou refusée par avance, sans que les actions du croyant (les œuvres) puissent changer le sort de l'âme. De plus, d'après Jansen, le sacrifice de Jésus sur la croix, n'a été accompli que pour sauver un tout petit nombre d'hommes (les « élus »). Dieu peut même refuser sa grâce à certains « élus ». L'homme doit donc vivre dans la crainte permanente de la décision de Dieu. Ces idées très sévères, qui s'accompagnent d'une morale et d'une vie strictes, sont très difficiles à admettre pour une très grande partie des fidèles catholiques. Seule quelques personnalités fortes et suffisamment éduquées peuvent s'en satisfaire. Source Vikidia et article complet https//fr.vikidia.org/wiki/Jansénisme

Regarde derrière...

La princesse de Clèves, Madame de Lafayette, I, 1678 Voici le premier récit enchâssé du roman : l’histoire de Mme de Valentinois Cette histoire est racontée par Mme de Chartres, à sa fille, juste après sa rencontre avec le Duc de Nemours. La duchesse de Valentinois était de toutes les parties de plaisir, et le roi avait pour elle la même vivacité et les mêmes soins que dans les commencements de sa passion. Madame de Clèves, qui était dans cet âge où l’on ne croit pas qu’une femme puisse être aimée quand elle a passé vingt-cinq ans, regardait avec un extrême étonnement l’attachement que le roi avait pour cette duchesse, qui était grand’mère, et qui venait de marier sa petite-fille. Elle en parlait souvent à madame de Chartres : est-il possible, madame, lui disait-elle, qu’il y ait si long-temps que le roi en soit amoureux ? Comment s’est-il pu attacher à une personne qui était beaucoup plus âgée que lui, qui avait été maîtresse de son père, et qui l’est encore de beaucoup d’autres, à ce que j’ai ouï dire ? Il est vrai, répondit-elle, que ce n’est ni le mérite, ni la fidélité de madame de Valentinois, qui a fait naître la passion du roi, ni qui l’a conservée : et c’est aussi en quoi il n’est pas excusable ; car si cette femme avait eu de la jeunesse et de la beauté jointe à sa naissance, qu’elle eût eu le mérite de n’avoir jamais rien aimé, qu’elle eût aimé le roi avec une fidélité exacte, qu’elle l’eût aimé par rapport à sa seule personne, sans intérêt de grandeur, ni de fortune, et sans se servir de son pouvoir que pour des choses honnêtes ou agréables au roi même, il faut avouer qu’on aurait eu de la peine à s’empêcher de louer ce prince du grand attachement qu’il a pour elle. Si je ne craignais, continua madame de Chartres, que vous disiez de moi ce que l’on dit de toutes les femmes de mon âge, qu’elles aiment à conter les histoires de leur temps, je vous apprendrais le commencement de la passion du roi pour cette duchesse, et plusieurs choses de la cour du feu roi, qui ont même beaucoup de rapport avec celles qui se passent encore présentement. (…)Mais pour revenir à madame de Valentinois, vous savez qu’elle s’appelle Diane de Poitiers (…) Madame d’Estampes avait une jalousie violente contre madame de Valentinois, parce que le roi conservait un commerce avec elle. Ce prince n’avait pas une fidélité exacte pour ses maîtresses : il y en avait toujours une qui avait le titre et les honneurs, mais les dames que l’on appelait de la petite bande le partageaient tour-à-tour. La perte du dauphin son fils, qui mourut à Tournon, et que l’on crut empoisonné, lui donna une sensible affliction. Il n’avait pas la même tendresse, ni le même goût pour son second fils, qui règne présentement ; il ne lui trouvait pas assez de hardiesse, ni assez de vivacité. Il s’en plaignit un jour à madame de Valentinois, et elle lui dit qu’elle voulait le faire devenir amoureux d’elle, pour le rendre plus vif et plus agréable. Elle y réussit comme vous le voyez. Il y a plus de vingt ans que cette passion dure, sans qu’elle ait été altérée, ni par le temps, ni par les obstacles. Le feu roi s’y opposa d’abord ; et, soit qu’il eût encore assez d’amour pour madame de Valentinois pour avoir de la jalousie, ou qu’il fût poussé par la duchesse d’Estampes, qui était au désespoir que M. le dauphin fût attaché à son ennemie, il est certain qu’il vit cette passion avec une colère et un chagrin dont il donnait tous les jours des marques. Son fils ne craignit ni sa colère ni sa haine, et rien ne put l’obliger à diminuer son attachement, ni à le cacher ; il fallut que le roi s’accoutumât à le souffrir. Aussi cette opposition à ses volontés l’éloigna encore de lui, et l’attacha davantage au duc d’Orléans, son troisième fils. (…) Le rang d’aîné qu’avait le dauphin, et la faveur du roi qu’avait le duc d’Orléans, faisaient entre eux une sorte d’émulation, qui allait jusqu’à la haine. Cette émulation avait commencé dès leur enfance, et s’était toujours conservée. Lorsque l’empereur passa en France, il donna une préférence entière au duc d’Orléans sur M. le dauphin(…) La division des deux frères donna la pensée à la duchesse d’Estampes de s’appuyer de M. le duc d’Orléans, pour la soutenir auprès du roi contre madame de Valentinois. Elle y réussit : ce prince, sans être amoureux d’elle, n’entra guère moins dans ses intérêts, que le dauphin était dans ceux de madame de Valentinois. Cela fit deux cabales dans la cour, telles que vous pouvez vous les imaginer ; mais ces intrigues ne se bornèrent pas seulement à des démêlés de femmes. (…) Peu après, M. le duc d’Orléans mourut à Farmoutiers, d’une espèce de maladie contagieuse. (…) Le roi ne survécut guère au prince son fils ; il mourut deux ans après. (…) Madame d’Estampes fut chassée, et reçut tous les mauvais traitements qu’elle pouvait attendre d’une ennemie toute-puissante. La duchesse de Valentinois se vengea alors pleinement, et de cette duchesse, et de tous ceux qui lui avaient déplu. Son pouvoir parut plus absolu sur l’esprit du roi, qu’il ne paraissait encore pendant qu’il était dauphin. Depuis douze ans que ce prince règne, elle est maîtresse absolue de toutes choses : elle dispose des charges et des affaires.

La princesse de Clèves, Madame de Lafayette, II, 1678 Voici le second récit enchâssé du roman : l’histoire de Mme de Tournon Mr de Clèves a accompagné la princesse qui s’est retirée à la campagne, suite au décès de sa mère et pour fuir la vue du Duc de Nemours. Le Prince de Clèves raconte alors l’histoire de Mme de Tournon à son épouse. Vous savez l’amitié qu’il y a entre Sancerre et moi ; néanmoins il devint amoureux de madame de Tournon, il y a environ deux ans, et me le cacha avec beaucoup de soin, aussi-bien qu’à tout le reste du monde : j’étais bien éloigné de le soupçonner. Madame de Tournon paraissait encore inconsolable de la mort de son mari, et vivait dans une retraite austère. La sœur de Sancerre était quasi la seule personne qu’elle vît, et c’était chez elle qu’il en était devenu amoureux. Un soir qu’il devait y avoir une comédie au Louvre, et que l’on n’attendait plus que le roi et madame de Valentinois pour commencer, l’on vint dire qu’elle s’était trouvée mal, et que le roi ne viendrait pas. On jugea aisément que le mal de cette duchesse était quelque démêlé avec le roi : nous savions les jalousies qu’il avait eues du maréchal de Brissac pendant qu’il avait été à la cour, mais il était retourné en Piémont depuis quelques jours, et nous ne pouvions imaginer le sujet de cette brouillerie. Comme j’en parlais avec Sancerre, M. d’Anville arriva dans la salle, et me dit tout bas que le roi était dans une affliction et dans une colère qui faisaient pitié ; qu’en un raccommodement qui s’était fait entre lui et madame de Valentinois, il y avait quelques jours, sur des démêlés qu’ils avaient eus pour le maréchal de Brissac, le roi lui avait donné une bague, et l’avait priée de la porter ; que, pendant qu’elle s’habillait pour venir à la comédie, il avait remarqué qu’elle n’avait point cette bague, et lui en avait demandé la raison ; qu’elle avait paru étonnée de ne la pas avoir ; qu’elle l’avait demandée à ses femmes, lesquelles, par malheur, ou faute d’être bien instruites, avaient répondu qu’il y avait quatre ou cinq jours qu’elles ne l’avaient vue. Ce temps est précisément celui du départ du maréchal de Brissac, continua M. d’Anville : le roi n’a point douté qu’elle ne lui ait donné la bague, en lui disant adieu. Cette pensée a réveillé si vivement toute cette jalousie, qui n’était pas encore bien éteinte, qu’il s’est emporté, contre son ordinaire, et lui a fait mille reproches. Il vient de rentrer chez lui très-affligé ; mais je ne sais s’il l’est davantage de l’opinion que madame de Valentinois a sacrifié sa bague, que de la crainte de lui avoir déplu par sa colère. Sitôt que M. d’Anville eut achevé de me conter cette nouvelle, je me rapprochai de Sancerre pour la lui apprendre ; je la lui dis comme un secret que l’on venait de me confier, et dont je lui défendais de parler. Le lendemain matin, j’allai d’assez bonne heure chez ma belle-sœur : je trouvai madame de Tournon au chevet de son lit ; elle n’aimait pas madame de Valentinois, et elle savait bien que ma belle-sœur n’avait pas sujet de s’en louer. Sancerre avait été chez elle au sortir de la comédie. Il lui avait appris la brouillerie du roi avec cette duchesse ; et madame de Tournon était venue la conter à ma belle-sœur, sans savoir ou sans faire réflexion que c’était moi qui l’avait apprise à son amant. Sitôt que je m’approchai de ma belle-sœur, elle dit à madame de Tournon que l’on pouvait me confier ce qu’elle venait de lui dire ; et, sans attendre la permission de madame de Tournon, elle me conta mot pour mot tout ce que j’avais dit à Sancerre le soir précédent. Vous pouvez juger comme j’en fus étonné. Je regardai madame de Tournon ; elle me parut embarrassée. Son embarras me donna du soupçon : je n’avais dit la chose qu’à Sancerre ; il m’avait quitté au sortir de la comédie, sans m’en dire la raison ; je me souvins de lui avoir ouï extrêmement louer madame de Tournon : toutes ces choses m’ouvrirent les yeux, et je n’eus pas de peine à démêler qu’il avait une galanterie avec elle, et qu’il l’avait vue depuis qu’il m’avait quitté. Je fus si piqué de voir qu’il me cachait cette aventure, que je dis plusieurs choses qui firent connaître à madame de Tournon l’imprudence qu’elle avait faite ; je la remis à son carrosse, et je l’assurai, en la quittant, que j’enviais le bonheur de celui qui lui avait appris la brouillerie du roi et de madame de Valentinois. Je m’en allai à l’heure même trouver Sancerre ; je lui fis des reproches, et je lui dis que je savais sa passion pour madame de Tournon, sans lui dire comment je l’avais découverte : il fut contraint de me l’avouer. Je lui contai ensuite ce qui me l’avait apprise, et il m’apprit aussi le détail de leur aventure : il me dit que, quoiqu’il fût cadet de sa maison, et très-éloigné de pouvoir prétendre un aussi bon parti, néanmoins elle était résolue de l’épouser. L’on ne peut être plus surpris que je le fus. Je dis à Sancerre de presser la conclusion de son mariage, et qu’il n’y avait rien qu’il ne dût craindre d’une femme qui avait l’artifice de soutenir, aux yeux du public, un personnage si éloigné de la vérité. Il me répondit qu’elle avait été véritablement affligée ; mais que l’inclination qu’elle avait eue pour lui avait surmonté cette affliction, et qu’elle n’avait pu laisser paraître tout d’un coup un si grand changement. Il me dit encore plusieurs autres raisons pour l’excuser, qui me firent voir à quel point il en était amoureux : il m’assura qu’il la ferait consentir que je susse la passion qu’il avait pour elle, puisque aussi-bien c’était elle-même qui me l’avait apprise. Il l’y obligea en effet, quoique avec beaucoup de peine, et je fus ensuite très-avant dans leur confidence. Je n’ai jamais vu une femme avoir une conduite si honnête et si agréable à l’égard de son amant ; néanmoins j’étais toujours choqué de son affectation à paraître encore affligée. Sancerre était si amoureux et si content de la manière dont elle en usait pour lui, qu’il n’osait quasi la presser de conclure leur mariage, de peur qu’elle ne crût qu’il le souhaitait plutôt par intérêt que par une véritable passion. Il lui en parla toutefois, et elle lui parut résolue à l’épouser ; elle commença même à quitter cette retraite où elle vivait, et à se remettre dans le monde : elle venait chez ma belle-sœur à des heures où une partie de la cour s’y trouvait. Sancerre n’y venait que rarement, mais ceux qui y étaient tous les soirs et qui l’y voyaient souvent la trouvaient très-aimable. Peu de temps après qu’elle eut commencé à quitter sa solitude, Sancerre crut voir quelque refroidissement dans la passion qu’elle avait pour lui. Il m’en parla plusieurs fois, sans que je fisse aucun fondement sur ses plaintes ; mais à la fin, comme il me dit qu’au lieu d’achever leur mariage, elle semblait l’éloigner, je commençai à croire qu’il n’avait pas de tort d’avoir de l’inquiétude : je lui répondis que, quand la passion de madame de Tournon diminuerait après avoir duré deux ans, il ne faudrait pas s’en étonner ; que quand même, sans être diminuée, elle ne serait pas assez forte pour l’obliger à l’épouser, il ne devrait pas s’en plaindre ; que ce mariage, à l’égard du public, lui ferait un extrême tort, non-seulement parce qu’il n’était pas un assez bon parti pour elle, mais par le préjudice qu’il apporterait à sa réputation : qu’ainsi tout ce qu’il pouvait souhaiter était qu’elle ne le trompât point, et qu’elle ne lui donnât pas de fausses espérances. Je lui dis encore que, si elle n’avait pas la force de l’épouser, ou qu’elle lui avouât qu’elle en aimait quelque autre, il ne fallait point qu’il s’emportât, ni qu’il se plaignît ; mais qu’il devrait conserver pour elle de l’estime et de la reconnaissance. Je vous donne, lui dis-je, le conseil que je prendrais pour moi-même ; car la sincérité me touche d’une telle sorte, que je crois que, si ma maîtresse et même ma femme m’avouait que quelqu’un lui plût, j’en serais affligé sans en être aigri ; je quitterais le personnage d’amant ou de mari, pour la conseiller et pour la plaindre. Ces paroles firent rougir madame de Clèves, et elle y trouva un certain rapport avec l’état où elle était, qui la surprit, et qui lui donna un trouble dont elle fut long-temps à se remettre.

La princesse de Clèves, Madame de Lafayette, II, 1678 Voici le troisième récit enchâssé du roman : Histoire d’Anne de Boulen (ou Boleyn) Revenue à la Cour, Mme de Clèves écoute la Reine dauphine lui raconter l’histoire d’Anne de Boulen. Elle était d’une bonne maison d’Angleterre. Henri VIII avait été amoureux de sa sœur et de sa mère, et l’on a même soupçonné qu’elle était sa fille. Elle vint ici avec la sœur de Henri VII, qui épousa le roi Louis XII. Cette princesse, qui était jeune et galante, eut beaucoup de peine à quitter la cour de France après la mort de son mari ; mais Anne de Boulen, qui avait les mêmes inclinations que sa maîtresse, ne se put résoudre à en partir. Le feu roi en était amoureux, et elle demeura fille d’honneur de la reine Claude. Cette reine mourut, et madame Marguerite, sœur du roi, duchesse d’Alençon, et depuis reine de Navarre, dont vous avez vu les contes, la prit auprès d’elle, et elle prit auprès de cette princesse les teintures de la religion nouvelle. Elle retourna ensuite en Angleterre et y charma tout le monde ; elle avait les manières de France qui plaisent à toutes les nations ; elle chantait bien, elle dansait admirablement : on la mit fille de la reine Catherine d’Arragon, et le roi Henri VIII en devint éperdument amoureux. Le cardinal de Volsey, son favori et son premier ministre, avait prétendu au pontificat ; et, mal satisfait de l’empereur, qui ne l’avait pas soutenu dans cette prétention, il résolut de s’en venger et d’unir le roi son maître à la France. Il mit dans l’esprit de Henri VIII que son mariage avec la tante de l’Empereur était nul, et lui proposa d’épouser la duchesse d’Alençon, dont le mari venait de mourir. Anne de Boulen, qui avait de l’ambition, regarda ce divorce comme un chemin qui la pouvait conduire au trône. Elle commença à donner au roi d’Angleterre des impressions de la religion de Luther, et engagea le feu roi à favoriser à Rome le divorce de Henri, sur l’espérance du mariage de madame d’Alençon. Le cardinal de Volsey se fit députer en France, sur d’autres prétextes, pour traiter cette affaire ; mais son maître ne put se résoudre à souffrir qu’on en fît seulement la proposition, et il lui envoya un ordre à Calais de ne point parler de ce mariage. Au retour de France, le cardinal de Volsey fut reçu avec des honneurs pareils à ceux que l’on rendait au roi même : jamais favori n’a porté l’orgueil et la vanité à un si haut point. Il ménagea une entrevue entre les deux rois, qui se fit à Boulogne. François Ier donna la main à Henri VIII, qui ne la voulait point recevoir : ils se traitèrent tour-à-tour avec une magnificence extraordinaire, et se donnèrent des habits pareils à ceux qu’ils avaient fait faire pour eux-mêmes. Je me souviens d’avoir ouï dire que ceux que le feu roi envoya au roi d’Angleterre étaient de satin cramoisi, chamarré en triangle, avec des perles et des diamants ; et la robe de velours blanc brodé d’or. Après avoir été quelques jours à Boulogne, ils allèrent encore à Calais. Anne de Boulen était logée chez Henri VIII, avec le train d’une reine ; et François Ier lui fit les mêmes présents et lui rendit les mêmes honneurs que si elle l’eût été. Enfin, après une passion de neuf années, Henri l’épousa sans attendre la dissolution de son premier mariage, qu’il demandait à Rome depuis long-temps. Le pape prononça les fulminations contre lui avec précipitation ; et Henri en fut tellement irrité, qu’il se déclara chef de la religion, et entraîna toute l’Angleterre dans le malheureux changement où vous la voyez. Anne de Boulen ne jouit pas long-temps de sa grandeur ; car, lorsqu’elle la croyait plus assurée par la mort de Catherine d’Aragon, un jour qu’elle assistait avec toute la cour à des courses de bagues que faisait le vicomte de Rochefort, son frère, le roi en fut frappé d’une telle jalousie, qu’il quitta brusquement le spectacle, s’en vint à Londres, et laissa ordre d’arrêter la reine, le vicomte de Rochefort et plusieurs autres, qu’il croyait amants ou confidents de cette princesse. Quoique cette jalousie parût née dans ce moment, il y avait déjà quelque temps qu’elle lui avait été inspirée par la vicomtesse de Rochefort, qui, ne pouvant souffrir la liaison étroite de son mari avec la reine, la fit regarder au roi comme une amitié criminelle ; en sorte que ce prince, qui d’ailleurs était amoureux de Jeanne Seimer, ne songea qu’à se défaire d’Anne de Boulen. En moins de trois semaines, il fit faire le procès à cette reine et à son frère, leur fit couper la tête, et épousa Jeanne Seimer. Il eut ensuite plusieurs femmes, qu’il répudia, ou qu’il fit mourir, et entre autres Catherine Havart, dont la comtesse de Rochefort était confidente, et qui eut la tête coupée avec elle. Elle fut ainsi punie des crimes qu’elle avait supposés à Anne de Boulen, et Henri VIII mourut étant devenu d’une grosseur prodigieuse.

La princesse de Clèves, Madame de Lafayette, II, 1678 Voici le quatrième récit enchâssé du roman : Histoire du Vidame de Chartres Cette histoire est racontée par Mr de Nemours à Mme de Clèves. La dauphine, pour rendre jalouse Mme de Clèves, lui raconte qu’elle a vu tomber de la poche du Duc la lettre d’une femme ; la Princesse de Clèves va alors connaître la douleur de la jalousie. La reine dauphine, qui avait une extrême impatience de savoir ce qu’il y avait dans la lettre que Chastelart lui avait donnée, s’approcha de madame de Clèves : Allez lire cette lettre, lui dit-elle ; elle s’adresse à M. de Nemours, et, selon les apparences, elle est de cette maîtresse pour qui il a quitté toutes les autres. Si vous ne la pouvez lire présentement, gardez-là ; venez ce soir à mon coucher pour me la rendre, et pour me dire si vous en connaissez l’écriture. Madame la dauphine quitta madame de Clèves après ces paroles, et la laissa si étonnée, et dans un si grand saisissement, qu’elle fut quelque temps sans pouvoir sortir de sa place. L’impatience et le trouble où elle était ne lui permirent pas de demeurer chez la reine ; elle s’en alla chez elle, quoiqu’il ne fût pas l’heure où elle avait accoutumé de se retirer. Elle tenait cette lettre avec une main tremblante : ses pensées étaient si confuses qu’elle n’en avait aucune distincte ; et elle se trouvait dans une sorte de douleur insupportable, qu’elle ne connaissait point, et qu’elle n’avait jamais sentie. Sitôt qu’elle fut dans son cabinet, elle ouvrit cette lettre, et la trouva telle : « Je vous ai trop aimé pour vous laisser croire que le changement qui vous paraît en moi soit un effet de ma légèreté : je veux vous apprendre que votre infidélité en est la cause. Vous êtes bien surpris que je vous parle de votre infidélité ; vous me l’aviez cachée avec tant d’adresse, et j’ai pris tant de soin de vous cacher que je la savais, que vous avez raison d’être étonné qu’elle me soit connue. Je suis surprise moi-même que j’aie pu ne vous en rien faire paraître. Jamais douleur n’a été pareille à la mienne : je croyais que vous aviez pour moi une passion violente ; je ne vous cachais plus celle que j’avais pour vous ; et, dans le temps que je vous la laissais voir toute entière, j’appris que vous me trompiez, que vous en aimiez une autre, et que, selon toutes les apparences, vous me sacrifiiez à cette nouvelle maîtresse. Je le sus le jour de la course de bague ; c’est ce qui fit que je n’y allai point. Je feignis d’être malade pour cacher le désordre de mon esprit ; mais je le devins en effet, et mon corps ne put supporter une si violente agitation. Le Duc de Nemours va alors expliquer à Mme de Clèves que cette lettre ne lui est pas destinée, il s’agit d’une lettre appartenant au Vidame de Chartres qui montre qu’il a une liaison avec Mme de Thémines. Le Duc de Nemours rapporte fidèlement à la première personne le récit que lui a fait le Vidame. « Je viens vous confier la plus importante affaire de ma vie, lui dit-il. Je sais bien que vous ne m’en devez pas être obligé, puisque c’est dans un temps où j’ai besoin de votre secours ; mais je sais bien aussi que j’aurais perdu de votre estime, si je vous avais appris tout ce que je vais vous dire, sans que la nécessité m’y eût contraint. J’ai laissé tomber cette lettre dont je parlais hier au soir ; il m’est d’une conséquence extrême que personne ne sache qu’elle s’adresse à moi. Elle a été vue de beaucoup de gens qui étaient dans le jeu de paume, où elle tomba hier ; vous y étiez aussi, et je vous demande en grâce de vouloir bien dire que c’est vous qui l’avez perdue. Il faut que vous croyiez que je n’ai point de maîtresse, reprit M. de Nemours en souriant, pour me faire une pareille proposition, et pour vous imaginer qu’il n’y ait personne avec qui je me puisse brouiller en laissant croire que je reçois de pareilles lettres. Je vous prie, dit le vidame, écoutez-moi sérieusement : si vous avez une maîtresse, comme je n’en doute point, quoique je ne sache pas qui elle est, il vous sera aisé de vous justifier, et je vous en donnerai les moyens infaillibles : quand vous ne vous justifieriez pas auprès d’elle, il ne vous en peut coûter que d’être brouillé pour quelques moments ; mais moi, par cette aventure, je déshonore une personne qui m’a passionnément aimé, et qui est une des plus estimables femmes du monde ; et, d’un autre côté, je m’attire une haine implacable, qui me coûtera ma fortune, et peut-être quelque chose de plus. Je ne puis entendre tout ce que vous me dites, répondit M. de Nemours ; mais vous me faites entrevoir que les bruits qui ont couru de l’intérêt qu’une grande princesse prenait à vous ne sont pas entièrement faux. Ils ne le sont pas aussi, repartit le vidame de Chartres ; et plût à Dieu qu’ils le fussent ! je ne me trouverais pas dans l’embarras où je me trouve. (…) Depuis ce jour-là, la reine eut en moi une entière confiance, elle ne fit plus rien sans m’en parler ; et j’ai conservé une liaison qui dure encore.

Un récit enchâssé ou récit mis en abyme est une histoire secondaire à l'intérieur d'une histoire. Son rôle est d'éclairer l'intrigue principale et de permettre au personnage d'entendre les éventuels dangers auxquels il risque de se confronter s'il ne se sert pas de l'expérience racontée dans ces histoires secondaires. Dans le roman, la Princesse de Clèves, les récits enchâssés sont au nombre de 4. Tous ces récits nous informent des dangers de la passion amoureuse, des faux-semblants de la Cour et des dangers de la mauvaise galanterie.

Dans le secret de l'intimité se cache la suite du code...

Les Ménines de Diego Velasquez, Huile sur toile, 3.18m x 2.76m, Musée du Prado,Madrid, Espagne, 1656 Ce tableau représente l'Infante d'Espagne Maguerite-Thérèse, fille de Philippe IV. Mais qui regarde-t-on dans ce tableau? L'infante au centre, le peintre Velasquez à gauche, le couple royal dont l'image se reflète dans le miroir situé entre le peintre et l'infante ou encore cet homme en noir tout au fond du tableau? Dans le roman la princesse de Clèves, les jeux de regards croisés sont déterminants: qui regarde qui? ...et voit-on réellement derrière les apparences ou tout au fond de son âme?

Méfie toi des apparences, un reflet en cache un autre....

La Princesse décide d'avouer à son mari le Prince de Clèves les sentiments qu'elle a ressentis pour le Duc de Nemours mais sans révéler l'identité de ce dernier. Ah ! madame ! s’écria M. de Clèves, votre air et vos paroles me font voir que vous avez des raisons pour souhaiter d’être seule, que je ne sais point, et je vous conjure de me les dire. Il la pressa long-temps de les lui apprendre sans pouvoir l’y obliger ; et, après qu’elle se fut défendue d’une manière qui augmentait toujours la curiosité de son mari, elle demeura dans un profond silence, les yeux baissés ; puis, tout d’un coup, prenant la parole et le regardant : Ne me contraignez point, lui dit-elle, à vous avouer une chose que je n’ai pas la force de vous avouer, quoique j’en aie eu plusieurs fois le dessein. Songez seulement que la prudence ne veut pas qu’une femme de mon âge, et maîtresse de sa conduite, demeure exposée au milieu de la cour. Que me faites-vous envisager, madame, s’écria M. de Clèves ! je n’oserais vous le dire de peur de vous offenser. Madame de Clèves ne répondit point ; et son silence achevant de confirmer son mari dans ce qu’il avait pensé : Vous ne me dites rien, reprit-il, et c’est me dire que je ne me trompe pas. Hé bien ! monsieur, lui répondit-elle en se jetant à ses genoux, je vais vous faire un aveu que l’on n’a jamais fait à son mari ; mais l’innocence de ma conduite et de mes intentions m’en donne la force. Il est vrai que j’ai des raisons de m’éloigner de la cour, et que je veux éviter les périls où se trouvent quelquefois les personnes de mon âge. Je n’ai jamais donné nulle marque de faiblesse, et je ne craindrais pas d’en laisser paraître, si vous me laissiez la liberté de me retirer de la cour, ou si j’avais encore madame de Chartres pour aider à me conduire. Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me conserver digne d’être à vous. Je vous demande mille pardons, si j’ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions. Songez que, pour faire ce que je fais, il faut avoir plus d’amitié et plus d’estime pour un mari que l’on en a jamais eu. Conduisez-moi, ayez pitié de moi, et aimez-moi encore si vous pouvez. M. de Clèves était demeuré, pendant tout ce discours, la tête appuyée sur ses mains, hors de lui-même, et il n’avait pas songé à faire relever sa femme. Quand elle eut cessé de parler, qu’il jeta les yeux sur elle, qu’il la vit à ses genoux, le visage couvert de larmes, et d’une beauté si admirable, il pensa mourir de douleur, et l’embrassant en la relevant : Ayez pitié de moi, vous-même, madame, lui dit-il, j’en suis digne, et pardonnez si, dans les premiers moments d’une affliction aussi violente qu’est la mienne, je ne réponds pas comme je dois à un procédé comme le vôtre. Vous me paraissez plus digne d’estime et d’admiration que tout ce qu’il y a jamais eu de femmes au monde ; mais aussi je me trouve le plus malheureux homme qui ait jamais été. Vous m’avez donné de la passion dès le premier moment que je vous ai vue ; vos rigueurs et votre possession n’ont pu l’éteindre : elle dure encore : je n’ai jamais pu vous donner de l’amour, et je vois que vous craignez d’en avoir pour un autre. Et qui est-il, madame, cet homme heureux qui vous donne cette crainte ? depuis quand vous plaît-il ? qu’a-t-il fait pour vous plaire ? quel chemin a-t-il trouvé pour aller à votre cœur ? Je m’étais consolé en quelque sorte de ne l’avoir pas touché, par la pensée qu’il était incapable de l’être ; cependant un autre fait ce que je n’ai pu faire ; j’ai tout ensemble la jalousie d’un mari et celle d’un amant ; mais il est impossible d’avoir celle d’un mari après un procédé comme le vôtre. Il est trop noble pour ne me pas donner une sûreté entière ; il me console même comme votre amant. La confiance et la sincérité que vous avez pour moi sont d’un prix infini : vous m’estimez assez pour croire que je n’abuserai pas de cet aveu. Vous avez raison, madame, je n’en abuserai pas, et je ne vous en aimerai pas moins. Vous me rendez malheureux par la plus grande marque de fidélité que jamais une femme ait donnée à son mari : mais, madame, achevez, et apprenez-moi qui est celui que vous voulez éviter. Je vous supplie de ne me le point demander, répondit-elle ; je suis résolue de ne vous le pas dire, et je crois que la prudence ne veut pas que je vous le nomme. La princesse de Clèves, Madame de La Fayette, III, 1678

Le Prince de Clèves est mort de chagrin en apprenant que la Princesse de Clèves en aimait un autre que lui. Le Duc de Nemours tente de revenir auprès de la Princesse dans l'espoir de pouvoir vivre son amour pour elle sans aucun obstacle mais la Princesse, craignant d'être un jour délaissée à son tour par le Duc de Nemours qui a toujours multiplié les conquêtes jusqu'à présent, décide de rompre définitivement avec ce dernier. Ah ! madame, lui dit M. de Nemours, quel fantôme de devoir opposez-vous à mon bonheur ! Quoi, madame, une pensée vaine et sans fondement vous empêchera de rendre heureux un homme que vous ne haïssez pas ? Quoi ! j’aurais pu concevoir l’espérance de passer ma vie avec vous ; ma destinée m’aurait conduit à aimer la plus estimable personne du monde ; j’aurais vu en elle tout ce qui peut faire une adorable maîtresse ; elle ne m’aurait pas haï, et je n’aurais trouvé dans sa conduite que tout ce qui peut être à désirer dans une femme ! Car enfin, madame, vous êtes peut-être la seule personne en qui ces deux choses se soient jamais trouvées au degré qu’elles sont en vous : tous ceux qui épousent des maîtresses dont ils sont aimés, tremblent en les épousant, et regardent avec crainte, par rapport aux autres, la conduite qu’elles ont eue avec eux ; mais en vous, madame, rien n’est à craindre, et on ne trouve que des sujets d’admiration. N’aurais-je envisagé, dis-je, une si grande félicité, que pour vous y voir apporter vous-même des obstacles ? Ah ! madame, vous oubliez que vous m’avez distingué du reste des hommes, ou plutôt vous ne m’en avez jamais distingué : vous vous êtes trompée, et je me suis flatté. Vous ne vous êtes point flatté, lui répondit-elle ; les raisons de mon devoir ne me paraîtraient peut-être pas si fortes sans cette distinction dont vous vous doutez, et c’est elle qui me fait envisager des malheurs à m’attacher à vous. Je n’ai rien à répondre, madame, reprit-il, quand vous me faites voir que vous craignez des malheurs ; mais je vous avoue qu’après tout ce que vous avez bien voulu me dire, je ne m’attendais pas à trouver une si cruelle raison. Elle est si peu offensante pour vous, reprit madame de Clèves, que j’ai même beaucoup de peine à vous l’apprendre. Hélas ! madame, répliqua-t-il, que pouvez-vous craindre qui me flatte trop, après ce que vous venez de me dire ? Je veux vous parler encore avec la même sincérité que j’ai déjà commencé, reprit-elle, et je vais passer par-dessus toute la retenue et toutes les délicatesses que je devrais avoir dans une première conversation ; mais je vous conjure de m’écouter sans m’interrompre. Je crois devoir à votre attachement la faible récompense de ne vous cacher aucun de mes sentiments, et de vous les laisser voir tels qu’ils sont. Ce sera apparemment la seule fois de ma vie que je me donnerai la liberté de vous les faire paraître ; néanmoins, je ne saurais vous avouer sans honte que la certitude de n’être plus aimée de vous comme je le suis me paraît un si horrible malheur, que, quand je n’aurais point des raisons de devoir insurmontables, je doute si je pourrais me résoudre à m’exposer à ce malheur. Je sais que vous êtes libre, que je le suis, et que les choses sont d’une sorte que le public n’aurait peut-être pas sujet de vous blâmer, ni moi non plus, quand nous nous engagerions ensemble pour jamais ; mais les hommes conservent-ils de la passion dans ces engagements éternels ? Dois-je espérer un miracle en ma faveur ? et puis-je me mettre en état de voir certainement finir cette passion dont je ferais toute ma félicité ? M. de Clèves était peut-être l’unique homme du monde capable de conserver de l’amour dans le mariage. Ma destinée n’a pas voulu que j’aie pu profiter de ce bonheur ; peut-être aussi que sa passion n’avait subsisté que parce qu’il n’en aurait pas trouvé en moi ; mais je n’aurais pas le même moyen de conserver la vôtre : je crois même que les obstacles ont fait votre constance ; vous en avez assez trouvé pour vous animer à vaincre ; et mes actions involontaires, ou les choses que le hasard vous a apprises, vous ont donné assez d’espérance pour ne vous pas rebuter. Ah ! madame, reprit M. de Nemours, je ne saurais garder le silence que vous m’imposez : vous me faites trop d’injustice, et vous me faites trop voir combien vous êtes éloignée d’être prévenue en ma faveur. J’avoue, répondit-elle, que les passions peuvent me conduire, mais elles ne sauraient m’aveugler ; rien ne me peut empêcher de connaître que vous êtes né avec toutes les dispositions pour la galanterie et toutes les qualités qui sont propres à y donner des succès heureux : vous avez déjà eu plusieurs passions ; vous en auriez encore ; je ne ferais plus votre bonheur ; je vous verrais pour une autre comme vous auriez été pour moi : j’en aurais une douleur mortelle, et je ne serais pas même assurée de n’avoir point le malheur de la jalousie. Je vous en ai trop dit pour vous cacher que vous me l’avez fait connaître, et que je souffris de si cruelles peines le soir que la reine me donna cette lettre de madame de Thémines, que l’on disait qui s’adressait à vous, qu’il m’en est demeuré une idée qui me fait croire que c’est le plus grand de tous les maux. Par vanité ou par goût, toutes les femmes souhaitent de vous attacher ; il y en a peu à qui vous ne plaisiez : mon expérience me ferait croire qu’il n’y en a point à qui vous ne puissiez plaire. Je vous croirais toujours amoureux et aimé, et je ne me tromperais pas souvent. Dans cet état, néanmoins, je n’aurais d’autre parti à prendre que celui de la souffrance ; je ne sais même si j’oserais me plaindre. On fait des reproches à un amant ; mais en fait-on à un mari quand on n’a qu’à lui reprocher que de n’avoir plus d’amour ? La princesse de Clèves, Madame de La Fayette, IV, 1678

Madame de Chartres a élevé sa fille dans un idéal de vertu c'est-à-dire dans l'idée de la fidélité à son mari et selon des principes très stricts. La Princesse n'a que 16 ans en arrivant à la Cour. Elle est inexpérimentée et naïve. Elle tombe donc facilement dans les pièges tendus par d'autres personnes influentes et se fait vite démasquée. Elle s'aperçoit également qu'il est difficile de rester fidèle à la raison car les sentiments prennent le dessus et finissent même par l'aveugler. Dans tout le roman, la raison ( c'est-à-dire morale et vertu) lutte contre la passion. Mme de Chartres a façonné sa fille selon des principes moralistes stricts et toutes les femmes de la cour ont décrit le Duc de Nemours comme un homme infidèle pourtant, la princesse refuse de croire en cette image du Duc. Il est présenté comme un héros chevaleresque athlétique, beau, faisant des tournois, prenant tous les risques pour voler le portrait de Mme de Clèves, allant jusqu'à espionner la princesse de Clèves après avoir franchi des palissades pour se retrouver dans son jardin. Tous ces motifs sont connus de la littérature courtoise médiévale et la princesse de Clèves succombe à l'illusion. La scène de la rêverie dans le pavillon en est un parfait exemple. La princesse s'est retirée à Coulommiers pour fuir le Duc de Nemours. Pourtant, elle ne fait que penser à lui. La princesse de Clèves, Madame de La Fayette, IV, 1678 Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière, pour empêcher qu'on ne pût entrer ; en sorte qu'il était assez difficile de se faire passage. Monsieur de Nemours en vint à bout néanmoins ; sitôt qu'il fut dans ce jardin, il n'eut pas de peine à démêler où était Madame de Clèves. Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet, toutes les fenêtres en étaient ouvertes ; et, en se glissant le long des palissades, il s'en approcha avec un trouble et une émotion qu'il est aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres, qui servait de porte, pour voir ce que faisait Madame de Clèves. Il vit qu'elle était seule ; mais il la vit d'une si admirable beauté, qu'à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue. Il faisait chaud, et elle n'avait rien sur sa tête et sur sa gorge, que ses cheveux confusément rattachés. Elle était sur un lit de repos, avec une table devant elle, où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans ; elle en choisit quelques-uns, et Monsieur de Nemours remarqua que c'étaient des mêmes couleurs qu'il avait portées au tournoi. Il vit qu'elle en faisait des noeuds à une canne des Indes, fort extraordinaire, qu'il avait portée quelque temps, et qu'il avait donnée à sa soeur, à qui madame de Clèves l'avait prise sans faire semblant de la reconnaître pour avoir été à Monsieur de Nemours. Après qu'elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur que répandaient sur son visage les sentiments qu'elle avait dans le coeur, elle prit un flambeau et s'en alla proche d'une grande table, vis-à-vis du tableau du siège de Metz, où était le portrait de Monsieur de Nemours ; elle s'assit, et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner. On ne peut exprimer ce que sentit Monsieur de Nemours dans ce moment. Voir au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu'il adorait ; la voir sans qu'elle sût qu'il la voyait, et la voir tout occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu'elle lui cachait, c'est ce qui n'a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant.

Entre raison et passion... entre la tête et le coeur

carte de tendre

Préciosité

Hyperbole

Langage raffiné

Phrase négative

Amour idéalisé

Salon littéraire

Salon littéraire

Mlle de Scudéry

Sincérité

Tendresse

La huitième et dernière partie du code est sous tes yeux...

Scenario et réalisation: Elsa LORILLARD/ https://www.hugoetbalzac.com- Musique: Titre: The Return/ Auteur: Alexander Nakarada/ Source: https://www.serpentsoundstudios.com/ Licence: https://creativecommons.org/licenses/by/4.0// Téléchargement (4MB): https://auboutdufil.com/?id=527Images:*Pixabay-Free-photos/ thefairypath/ mikegi/ edmondlafoto/ mysticsartdesign/ KHphotography/ skeeze/ bboellinger/ analogicus/ MonikaP/ AlLes/ Wikilmages/ qimono*Les Ménines de Velasquez- wikimedia commons- CanaanContenus:*La Princesse de Clèves, Madame de La Fayette, édition Lepetit, 1820, Wikisourcehttps://fr.wikisource.org/wiki/La_Princesse_de_Cl%C3%A8ves,_%C3%A9dition_Lepetit,_1820*Le palais du Louvre au temps d'Henri II, Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Palais_du_Louvre#Le_Louvre_d'Henri_II*Les bijoux à la Renaissance, usages, prestiges et symboles, Conférence de Julie ROHOU, Ecouen, La Grange à Dîmes, 10 mars 2017, 20H45, proposé par François BACHELARD, 7 mars 2017, https://char.hypothese.org/6622 *Site officiel du château de Fontainebleau " A la cour des Valois" https://www.chateaudefontainebleau.fr/le-chateau-et-les-jardins-de-fontainebleau/histoire-chateau-fontainebleau/renaissance-chateau-fontainebleau/ et https://www.chateaudefontainebleau.fr/*Le jansénisme, Vikidia, https://fr.vikidia.org/wiki/Jans%C3%A9nisme*Autres contenus: Elsa LORILLARDOutils:*Genially*Learningsapp*Lockee

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