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Transcript

Écrire le paysage est-ce s’écrire ?

le paysage état d’âme

Caspar David Friedrich, Le voyageur contemplant une mer de nuages, 1818

Paysage-état d'âme La théorie du paysage-état d'âme est un thème récurrent du romantisme. Il est nécessaire de distinguer le cas des arts picturaux et de la littérature. Il s'agit, pour le héros romantique en littérature, de se réfugier dans la nature, élément central du romantisme, c'est-à-dire loin de la civilisation et de la vie urbaine, considérées comme néfastes au développement de l'individualité. Son lieu de repos sera alors décrit comme correspondant à l'état d'âme du héros, généralement des souffrances dues à l'amour ou au mal du siècle. Dans les beaux-arts picturaux, un paysage, généralement sans personnage ou avec des figurants mythologiques tels que des nymphes, devra évoquer un sentiment chez le spectateur, et ainsi changer son état d'âme. Un des principaux développeurs de cette théorie est Alfred de Musset.

LE mythe

"Le déclin du mensonge", in Intentions

Oscar Wilde

ACTIVITE GRAND ORAL

RIMBAUD

KANT

Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt

"NOCES

"Roman"

« Le sentiment du sublime »

René

Monet

CAMUS

CHATEAUBRIAND

INDEX

CHATEAUBRIAND René

SECTION 1

René

La solitude absolue, le spectacle de la nature, me plongèrent bientôt dans un état presque impossible à décrire. Sans parents, sans amis, pour ainsi dire, sur la terre, n'ayant point encore aimé, j'étais accablé d'une surabondance de vie. Quelquefois je rougissais subitement, et je sentais couler dans mon cœur comme des ruisseaux d'une lave ardente ; quelquefois je poussais des cris involontaires, et la nuit était également troublée de mes songes et de mes veilles. Il me manquait quelque chose pour remplir l'abîme de mon existence : je descendais dans la vallée, je m'élevais sur la montagne, appelant de toute la force de mes désirs l'idéal objet d'une flamme future ; je l'embrassais dans les vents ; je croyais l'entendre dans les gémissements du fleuve ; tout était ce fantôme imaginaire, et les astres dans les cieux, et le principe même de vie dans l'univers.

René

Toutefois cet état de calme et de trouble, d'indigence et de richesse, n'était pas sans quelques charmes : un jour je m'étais amusé à effeuiller une branche de saule sur un ruisseau et à attacher une idée à chaque feuille(12) que le courant entraînait. Un roi qui craint de perdre sa couronne par une révolution subite ne ressent pas des angoisses plus vives que les miennes à chaque accident qui menaçait les débris de mon rameau. O faiblesse des mortels ! ô enfance du cœur humain qui ne vieillit jamais ! voilà donc à quel degré de puérilité notre superbe raison peut descendre ! Et encore est-il vrai que bien des hommes attachent leur destinée à des choses d'aussi peu de valeur que mes feuilles de saule.

René

Mais comment exprimer cette foule de sensations fugitives que j'éprouvais dans mes promenades ? Les sons que rendent les passions dans le vide d'un cœur solitaire ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d'un désert : on en jouit, mais on ne peut les peindre.L'automne me surprit au milieu de ces incertitudes : j'entrai avec ravissement dans les mois des tempêtes. Tantôt j'aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes ; tantôt j'enviais jusqu'au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l'humble feu de broussailles qu'il avait allumé au coin d'un bois. J'écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays le chant naturel de l'homme est triste, lors même qu'il exprime le bonheur. Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs.

VERS LA QUESTION D'INTERPRETATION :- Comment l’évocation du paysage aide-t-elle à traduire l’intensité des sentiments ?

- Quels manques René exprime-t-il ?- Que révèlent les oppositions sur l’état d’esprit du personnage ?- Que pouvez-vous dire sur la phrase finale ? « Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs. »

Questions de compréhension

René

KANT « Le sentiment du sublime »

KANT

KANT

Des rochers audacieusement suspendus au-dessus de nous et faisant peser comme une menace, des nuages orageux s’accumulant dans le ciel et s’avançant dans les éclairs et les coups de tonnerre, des volcans dans toute leur puissance destructrice, des ouragans auxquels succède la dévastation, l’océan immense soulevé de fureur, la cascade gigantesque d’un fleuve puissant, etc., réduisent notre pouvoir de résister à une petitesse insignifiante en comparaison de la force dont ces phénomènes font preuve.

KANT

. Mais, plus leur spectacle est effrayant, plus il ne fait qu’attirer davantage, pourvu que nous nous trouvions en sécurité ; et nous nommons volontiers sublimes ces objets, parce qu’ils élèvent les forces de l’âme au-dessus de leur moyenne habituelle et nous font découvrir en nous un pouvoir de résistance d’une tout autre sorte qui nous donne le courage d’être capables de nous mesurer avec l’apparente toute- puissance de la nature...de même est-il vrai aussi que ce que sa force a d’irrésistible nous fait certes connaître, en tant qu’êtres de la nature, notre faiblesse physique, mais en même temps elle dévoile un pouvoir de nous juger comme indépendants par rapport à elle et une supériorité à l’égard de la nature – sur quoi se fonde une conservation de soi-même d’une tout autre sorte que celle à laquelle la nature extérieure peut porter atteinte et qu’elle peut mettre en danger, tant et si bien que l’humanité en notre personne demeure non abaissée, quand bien même l’homme devrait succomber devant cette puissance.»

- Comment la puissance de la nature est-elle montrée ?- Repérez la définition du sentiment du sublime et reformulez-la.- Selon Kant, comment compensons-nous notre faiblesse face à la nature ?VERS LA QUESTION DE REFLEXION :Dans quelle mesure la nature peut-elle devenir un personnage et nous aider à exprimer notre sensibilité ? VOUS REDIGEREZ CETTE QUESTION DE REFLEXION EN DEVOIR MAISON

Questions de compréhension

KANT

RIMBAUD « Roman »

RIMBAUD

RIMBAUD

IOn n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.- Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !- On va sous les tilleuls verts de la promenade.Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;Le vent chargé de bruits - la ville n'est pas loin –A des parfums de vigne et des parfums de bière...

RIMBAUD

II- Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffonD'azur sombre, encadré d'une petite branche,Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fondAvec de doux frissons, petite et toute blanche...Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.La sève est du champagne et vous monte à la tête...On divague ; on se sent aux lèvres un baiserQui palpite là, comme une petite bête...

RIMBAUD

IIILe coeur fou robinsonne à travers les romans,- Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère,Passe une demoiselle aux petits airs charmants,Sous l'ombre du faux col effrayant de son père...Et, comme elle vous trouve immensément naïf,Tout en faisant trotter ses petites bottines,Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif...- Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...

RIMBAUD

IVVous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.Vous êtes amoureux. - Vos sonnets La font rire.Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût. - Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire !...- Ce soir-là..., - vous rentrez aux cafés éclatants,Vous demandez des bocks ou de la limonade...- On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ansEt qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.

QUESTIONS -Chercher les champs lexicaux de la nature et de l’ivresse. -Comment sont-ils articulés ? -Quels procédés Arthur Rimbaud emploie-t-il pour relier ces deux champs lexicaux ?

Questions de compréhension

RIMBAUD

Albert CAMUS, Noces, 1936 à 1937.

WILDE

CAMUS

Noces à Tipasa Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. À certaines heures, la campagne est noire de soleil. Les yeux tentent vainement de saisir autre chose que des gouttes de lumière et de couleurs qui tremblent au bord des cils. L'odeur volumineuse des plantes aromatiques racle la gorge et suffoque dans la chaleur énorme. À peine, au fond du paysage, puis-je voir la masse noire du Chenoua qui prend racine dans les collines autour du village, et s'ébranle d'un rythme sûr et pesant pour aller s'accroupir dans la mer.

CAMUS

[…] Que d'heures passées à écraser les absinthes , à caresser les ruines, à tenter d'accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du monde ! Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d'insectes somnolents, j'ouvre les yeux et mon cœur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur. Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa mesure profonde. Mais à regarder l'échine solide du Chenoua, mon cœur se calmait d'une étrange certitude. J'apprenais à respirer, je m'intégrais et je m'accomplissais. Je gravissais l'un après l'autre des coteaux dont chacun me réservait une récompense, comme ce temple dont les colonnes mesurent la course du soleil et d'où l'on voit le village entier, ses murs blancs et roses et ses vérandas vertes.

CAMUS

Le vent à Djémila Comme le galet verni par les marées, j'étais poli par le vent, usé jusqu'à l'âme. J'étais un peu de cette force selon laquelle je flottais, puis beaucoup, puis elle enfin, confondant les battements de mon sang et les grands coups sonores de ce cœur partout présent de la nature. Le vent me façonnait à l'image de l'ardente nudité qui m'entourait. Et sa fugitive étreinte me donnait, pierre parmi les pierres, la solitude d'une colonne ou d'un olivier dans le ciel d'été. Ce bain violent de soleil et de vent épuisait toutes mes forces de vie. A peine en moi ce battement d'ailes qui affleure, cette vie qui se plaint, cette faible révolte de l'esprit. Bientôt, répandu aux quatre coins du monde, oublieux, oublié de moi-même, je suis ce vent et dans le vent, ces colonnes et cet arc, ces dalles qui sentent chaud et ces montagnes pâles autour de la ville déserte. Et jamais je n'ai senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde. Oui, je suis présent.

CAMUS

L’été à Alger Sentir ses liens avec une terre, son amour pour quelques hommes, savoir qu'il est toujours un lieu où le cœur trouvera son accord, voici déjà beaucoup de certitudes pour une seule vie d'homme. Et sans doute cela ne peut suffire. Mais à cette patrie de l'âme tout aspire à certaines minutes. « Oui, c'est là-bas qu'il nous faut retourner. »Cette union que souhaitait Plotin , quoi d'étrange à la retrouver sur la terre ? L'Unité s'exprime ici en termes de soleil et de mer. Elle est sensible au cœur par un certain goût de chair qui fait son amertume et sa grandeur. J'apprends qu'il n'est pas de bonheur surhumain, pas d'éternité hors de la courbe des journées. Ces biens dérisoires et essentiels, ces vérités relatives sont les seules qui m'émeuvent. Les autres, les « idéales », je n'ai pas assez d'âme pour les comprendre. […] Il n'est pas toujours facile d'être un homme, moins encore d'être un homme pur. Mais être pur, c'est retrouver cette patrie de l'âme où devient sensible la parenté du monde, où les coups du sang rejoignent les pulsations violentes du soleil de deux heures.

Oscar WILDE, « Le déclin du mensonge », in Intentions, 1928.

WILDE

WILDE

Qu’est-ce donc que la Nature ? Elle n’est pas la Mère qui nous enfanta. Elle est notre création. C’est dans notre cerveau qu’elle s’éveille à la vie. Les choses sont parce que nous les voyons, et ce que nous voyons, et comment nous le voyons, dépend des arts qui nous ont influencés. Regarder une chose et la voir sont deux actes très différents. On ne voit quelque chose que si l’on en voit la beauté. Alors, et alors seulement, elle vient à l’existence.

WILDE

A présent, les gens voient des brouillards, non parce qu’il y en a, mais parce que des poètes et des peintres leur ont enseigné la mystérieuse beauté de ces effets. Des brouillards ont pu exister pendant des siècles à Londres. J’ose même dire qu’il y en eut. Mais personne ne les a vus et, ainsi, nous ne savons rien d’eux. Ils n’existèrent qu’au jour où l’art les inventa. Maintenant, il faut l’avouer, nous en avons à l’excès. Ils sont devenus le pur maniérisme d’une clique, et le réalisme exagéré de leur méthode donne la bronchite aux gens stupides. Là où l’homme cultivé saisit un effet, l’homme d’esprit inculte attrape un rhume.

WILDE

Soyons donc humains et prions l’Art de tourner ailleurs ses admirables yeux. Il l’a déjà fait, du reste. Cette blanche et frissonnante lumière que l’on voit maintenant en France, avec ses étranges granulations mauves et ses mouvantes ombres violettes, est sa dernière fantaisie et la Nature, en somme, la produit d’admirable façon. Là où elle nous donnait des Corot ou des Daubigny, elle nous donne maintenant des Monet exquis et des Pissarro enchanteurs. En vérité, il y a des moments, rares il est vrai, qu’on peut cependant observer de temps à autre, où la Nature devient absolument moderne.

WILDE

Il ne faut pas évidemment s’y fier toujours. Le fait est qu’elle se trouve dans une malheureuse position. L’Art crée un effet incomparable et unique et puis il passe à autre chose. La Nature, elle, oubliant que l’imitation peut devenir la forme la plus sincère de l’inculte, se met à répéter cet effet jusqu’à ce que nous en devenions absolument las. Il n’est personne, aujourd’hui, de vraiment cultivé, pour parler de la beauté d’un coucher de soleil. Les couchers de soleil sont tout à fait passés de mode. Ils appartiennent au temps où Turner était le dernier mot de l’art. Les admirer est un signe marquant de provincialisme.

Comment Wilde parvient-il à affirmer le rôle créateur de l’art, seul capable de rendre la nature existante ?

QUESTION D’INTERPRETATION LITTERAIRE :

WILDE

L’IMPRESSIONNISME : transcription d’une impression, d’une sensibilité plus que d’un paysage

Monet, Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt

Le tableau est composé en miroir. La partie supérieure se reflétant dans la partie inférieure. La ligne de pliage se situe au niveau des barques sur la Seine.

MONET

CONSIGNES DEVOIR MAISON

A VOUS...

A votre tour maintenant de construire une exposition de paysages (urbains ou non) état d’âme. Avec un texte philosophique et un texte littéraire en regard.Vous présenterez cette "exposition" sous forme de genially (ou autre support du même type)

ACTIVITE

  • J'attends de vous
  • 5 illustrations (photographies, tableaux d'artistes ou de vous)
  • 5 textes philosophiques
  • 5 textes littéraires
  • Le tout précisément légendé !

CONSIGNES

Tout au long de l'année, je vous proposerai de vous porter volontaire pour préparer la visite guidée d'un des lieux que nous visiterons à Berlin. Cette visite sera l'occasion d'un "grand oral / suivez le guide". Pour cette séquence, paysage état d'âme oblige, la visite guidée à préparer est le Musée Caspar David Friedrich. (Alte Nationalgalerie).Voici le lien :

SUIVEZ LE GUIDE

Narcisse

Séquence II : le paysage état d’âme

Et pour ma part, je remercie le photographe de talent que vous connaissez un petit peu et qui a illustré l'intégralité de ce que vous venez de lire....Vous le connaissez, il s'agit de

Monsieur Roubertou-Feillel !Merci beaucoup à lui !