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Des résultats du bac sans cris de joie ni larmes mais des bacheliers heureux. On s’achemine même vers un record d’admis

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Privés d’examens par la crise mais bacheliers

« Depuis le collège on nous en parle, et là… »

« Je suis restée concentrée »

« Un bac qui avantage l’élève qui travaille »

«  Je m’en souviendrai toute ma vie »

« J’aurais aimé passer un vrai bac »

Marion Maurel (Alpes du Sud) : « Le plus important, la mention » Le 13 mars, Marion Maurel est rentrée chez elle et n’a plus jamais franchi la porte de son lycée des Hautes-Alpes. Marion Maurel habite à Villard-Saint-Pierre, hameau de la petite commue d’Aubessagne, dans les Hautes-Alpes. Elle a passé ses années lycée à Gap, au lycée professionnel Sévigné.Le 13 mars au soir, date à laquelle tous les établissements scolaires ont été fermés, elle est rentrée chez elle et n’a plus jamais franchi la porte du lycée. Scolarisée en terminale accompagnement, soins et services à la personne, la jeune fille a appris ce mardi qu’elle avait décroché son baccalauréat avec mention bien. « Le fait de l’avoir obtenu n’est pas une surprise. Le plus important c’est la mention. C’est celle que je visais. Si j’avais eu la mention très bien, cela aurait été encore mieux. Je suis contente et je fêterai cela ce soir avec mes parents », se réjouit-elle.Bonne élève, Marion a reçu les félicitations du conseil de classe au premier trimestre. Elle a assuré en contrôle continu et lors des épreuves anticipées. « En bac pro, nous avions déjà une note en maths, en physique et en sport. Nous avions également des notes validées à la suite de nos stages. Et l’assiduité pendant le confinement est aussi entrée en ligne de compte pour l’obtention du bac. » Confinement : « Il a fallu que je m’habitue à cette façon de travailler » Mais Marion avoue facilement avoir eu des difficultés à se mettre au travail en ligne, « c’était complètement différent. Des devoirs sont passés à la trappe et pourtant nous n’avions pas une grosse masse de travail. Les professeurs ont assuré le suivi et nous pouvions les contacter. Il a fallu que je fasse un travail sur moi-même et que je m’habitue à cette façon de travailler. » La bachelière est bien entendu heureuse d’avoir son sésame qui lui ouvrira les portes de la faculté d’Aix-en-Provence dans les Bouches-du-Rhône. Mais tout de même… elle a le sentiment qu’on lui a volé son bac. « Du collège au lycée on nous en parle. C’est notre but et là au bout des trois ans, on ne passe rien. Limite on nous le donne », lâche-t-elle. Avant de relativiser : « Peut-être que finalement, ce système de notation en contrôle continu est bien. Cela reflète plus le niveau de l’élève car on enlève le stress de l’examen. » En septembre, elle attaquera une licence sciences du langage avec pour objectif un master 2, afin de devenir interprète en langue des signes. Marion attend maintenant avec impatience d’aller à Aix-en-Provence. « Je vais découvrir autre chose, sans mes parents. Je suis un peu stressée mais je serai avec une amie », sourit-elle.Marie-Anne BOURGEOIS

Jamila Sbabti (Vaucluse) : « Ce bac avantage l’élève qui travaille » D’un tempérament anxieux, la Vauclusienne Jamila Sbabti n’a pas vu d’un mauvais œil l’absence d’examen. Ce baccalauréat version 2020, Jamila Sbabti ne s’en plaint pas, il lui aura évité l’angoisse qui précède l’examen et les somatisations diverses susceptibles de l’accompagner. Se connaissant, la jeune lapalutienne de 18 ans sait qu’elle n’y aurait pas échappé. Elle arbore le sourire des grands jours ce mardi après-midi. Elle a décroché son bac économique et social au lycée Lucie-Aubrac de Bollène (Vaucluse) avec une mention assez bien. Une performance pas forcément à portée de main selon elle si les épreuves s’étaient déroulées dans des conditions normales. D’une nature stressée, elle est certaine qu’elle aurait perdu ses moyens devant sa copie même dans le cas où son sujet favori était proposé. « Ce baccalauréat avantage l’élève qui travaille, analyse-t-elle. Comme j’ai tendance à être sérieuse, je tournais autour de 16 de moyenne au collège et 12 au lycée, je me dis que le travail accompli tout au long de l’année aura, de cette façon, porté ses fruits. Donc d’un côté, admet la jeune fille, c’est plutôt bien qu’on l’ai pas passé. » « Moi je le saurai » Soulagée pour l’heure Jamila Sbabti mais pas si sereine qu’elle veut bien le dire pour l’avenir. Elle craint en effet qu’on ne confère pas cette année à ce diplôme la même importance que d’habitude et qu’il pâtisse d’une image dont il sera probablement difficile à se défaire, prédit-elle. Au point de lui porter préjudice pour la suite de ses études ? Elle ne va pas jusque-là. « Je pense que les préjugés iront bon train ! Je m’attends à ce que ce baccalauréat soit dévalué mais de toute façon, il perd de sa valeur d’année en année, aujourd’hui, il n’a déjà plus rien à voir avec celui qu’ont passé nos parents. C’est comme ça, ceux qui l’ont eu en 2020 seront toujours associés à un bac donné plus ou moins à tout le monde. Cette année restera une année spéciale, on a pas mal échangé à ce sujet avec les profs. »Ce qui la préoccupe dans l’immédiat, c’est surtout de ne pas avoir suffisamment consolidé d’acquis pour intégrer à la rentrée en toute quiétude sa licence en psychologie à Vauban à Nîmes.Pour la suite en revanche, elle ne nourrit aucune espèce d’inquiétude. Une fois immergée dans le marché du travail, oublié ce bac obtenu l’année du covid-19 ! Sauf pour elle… « Les gens ne vont pas demander quand on l’a eu. Si c’est le cas, je ne serai pas à l’abri d’une remarque si le rapprochement est fait mais après… Mais moi je le saurai. » Elle chasse cette idée de son esprit savourant ses premières heures en tant que bachelière. Elle sait ce qu’elle vaut et a sa conscience pour elle. Son investissement pendant toutes ces semaines de confinement a payé et elle en est heureuse. Ses efforts ont été couronnés de succès. Seul regret en définitive, ne pas avoir quitté son établissement et ses enseignants « correctement ». « Mais cela reste quand même une belle année », lance Jamila Sbabti, décidée à ne laisser aucun nuage assombrir cette belle journée. Virginie SANCHEZ

Justin Joffre (Ardèche) : « Je m’en souviendrai toute ma vie » Quand il a appris que le contrôle continu remplacerait le traditionnel examen, Justin Joffre, élève au lycée Saint-Denis d’Annonay (Nord-Ardèche), a eu un goût amer. « J’avais l’impression d’avoir un Bac dévalorisé, sous-estimé », explique Justin Joffre âgé de 17 ans. Mais, au fil des jours, son avis a changé. « C’est limite plus juste et représentatif puisque cela reflète le travail de l’année. Je ne me considère pas comme un bachelier au rabais. »Subsistent toutefois quelques regrets. Le premier, c’est de n’avoir pas goûté au stress de l’examen sur table. « L’expérience aurait pu nous servir pour la suite, lorsqu’on aura des partiels ou concours », dit-il. Le 2e, c’est de ne pas avoir pu remonter un peu sa moyenne en bachotant. « J’ai eu mon bac S avec la mention assez bien. Beaucoup d’élèves ont les capacités mais ne travaillent pas au max durant l’année. À commencer par moi : si j’avais révisé plus fortement, j’aurais pu, pour l’examen, remonter mes notes dans certaines matières et peut-être avoir une meilleure mention. Mais ma note me convient », tempère-t-il. « J’aurais aimé dire au revoir à mes camarades et enseignants » Le 3e, c’est de n’avoir pas vécu une fin d’année comme les autres. « Le lycée est resté fermé et je le comprends mais j’aurais aimé dire au revoir à mes camarades, enseignants et surveillants. Je regrette aussi le moment tant attendu de la proclamation des résultats dans la cour du lycée », précise Justin, qui entend fêter ça avec les copains et la famille « cet été, tranquillement ».Le jeune homme ajoute : « En tout cas, je m’en souviendrai toute ma vie. Dans l’Histoire, si on enlève les deux guerres mondiales et l’épisode de mai 1968, la situation est inédite. »Il pose un regard mitigé sur les événements : « On n’était pas préparé à ça, on s’est plutôt bien adapté mais il y a encore des choses à améliorer, je pense notamment au niveau des nouvelles technologies. » Cette crise m’a conforté dans mon choix  Le futur étudiant s’inquiète pour ses aînés qui vont se retrouver sur le marché du travail à la rentrée. « Ça va être dur, pour les jeunes sans expérience, d’être embauché. » Lui se demande s’il pourra aller étudier la kinésithérapie en Belgique (il attend les résultats d’un tirage au sort) ou si les pays seront reconfinés prochainement. Le désormais ex-lycéen a formulé d’autres vœux dont il attend les résultats. « J’ai gagné quelques places sur la liste pour médecine à Saint-Etienne et je me suis inscrit pour une première année en Staps (sports) à Valence », énumère-t-il. Deux de ses vœux sont dans le domaine de la santé. « Je m’oriente vers ces carrières-là depuis que j’ai cinq ans mais le travail des soignants durant cette crise m’a conforté dans mon choix », conclut-il.Guy RULLIERE avec A.B.

Louann Gargani (Isère) : « Je suis restée concentrée » L’Iséroise Louann, 16 ans, a passé cette année un bac scientifique en contrôle continu au lycée Champollion à Grenoble. « Louann Gargani a la tête sur les épaules. Posée, réfléchie. Elle sait où elle va. Louann, 16 ans, habite Saint-Égrève (Isère). Elle a passé cette année un bac scientifique en contrôle continu au lycée Champollion à Grenoble. Et ce n’est pas la crise sanitaire qui a démotivé cette jeune femme dynamique à donner le meilleur d’elle-même pour avoir son diplôme. « Je savais que le secret dans la scolarité c’était d’être régulier, du coup je l’ai été depuis le début de l’année.  Pendant le confinement, je suis restée concentrée. » Louann n’a pas eu de difficultés pour travailler, elle avait son propre ordinateur et n’avait pas besoin de le partager avec son frère et sa sœur… Malgré tout, elle avoue avoir été soulagée quand l’annonce du bac en contrôle continu a été faite. Finalement, le plus dur… « c’était de ne pas voir mes amis. On s’appelait tous les soirs au début du confinement. Ça été un soulagement de pouvoir les retrouver en juin. On s’est invités les uns chez les autres dès le déconfinement. » Une mention assez bien Ce mardi, Louann a donc eu officiellement les résultats du bac. Mention assez bien. « Je savais que j’allais avoir mon bac. J’espérais la mention Bien, je suis un peu déçue. Mais j’ai mon bac, alors tout va bien », philosophe-t-elle. Évidemment, elle n’imaginait pas la fin du lycée comme ça. « Je suis nostalgique… J’aurais aimé revoir mes profs, ma classe. C’est un peu bizarre. » L’année prochaine, la jeune femme se destine à des études de médecine. « Faire médecine est quelque chose qui me trotte dans la tête depuis que je suis en troisième. Pour l’instant c’est le métier de chirurgien qui m’attire le plus même si, vu la durée des études, cela peut encore évoluer. » En aucun cas, le confinement n’a modifié ses plans. Au contraire. « Avec tous les reportages que j’ai vus sur les difficultés des médecins dans les hôpitaux, ça me motive encore plus ! Il y a vraiment besoin de médecins. Je sais que les études de médecine sont compliquées. Ça ne me fait pas peur. Ce qui m’inquiète davantage, c’est de ne pas être à la hauteur… Et de manquer de contacts avec mes amis. » Louann va tout de même essayer de garder des loisirs l’année prochaine. La jeune femme est également musicienne et une sportive accomplie. « Cela me tient à cœur de ne pas lâcher complètement. J’aurai besoin de conserver des moments à moi ». Louann a prévu de partir en Corse et en Normandie cet été. « Je veux profiter de ma famille et de mes amis avant de m’engager en médecine ». Elle n’est pas inquiète sur son avenir. « C’est l’avenir du monde qui est inquiétant. Mais la période qu’on vient de vivre montre qu’on s’est adaptés. »Lucie GERMAIN-BROTTES avec K.B.

Anaïs Guigard (Ain) : « J’aurais aimé passer un vrai bac » L’Aindinoise Anaïs Guigard a grandi à la ferme. Son bac pro en poche, elle poursuit ses études pour devenir éleveuse de vaches laitières. Pendant le confinement elle a vu les contacts entre agriculteurs et population augmenter. Anais Guigard aura 18 ans dans deux semaines. Elle a obtenu son bac pro agricole avec une mention Assez Bien. Elle, qui se destine à l’élevage de Montbéliardes, aurait bien aimé passer un « véritable oral devant un jury » et plancher sur les épreuves écrites de français, maths et histoire.Au lieu de cela, ce sont ses notes de septembre à mars et son rapport de stage qui ont compté pour son examen.« Moi ça ne m’a pas dérangé j’avais déjà une bonne moyenne. Mais c’était une période bizarre, je me demande comment sera l’avenir et si on pourra revenir à notre vie d’avant ».Entrée au lycée Reinach de La Motte-Servolex en seconde elle a toujours voulu être éleveuse. « Mon père a une exploitation de vaches laitières, dans l’Ain et j’ai toujours grandi là-dedans. Comme ça me plaît j’ai passé beaucoup de temps avec lui. » Une enfance qui a aiguisé son regard sur le métier d’agriculteur. Les gens n’ont pas une bonne image des agriculteurs, ils croient qu’on pollue « Je vois bien toutes les contraintes du métier. Faut savoir tout faire, comptable, mécanicien parfois même vétérinaire. La vie de famille est compliquée, on ne choisit pas ses horaires ni ses vacances et c’est tout le quotidien qu’il faut organiser autour de ça ».Sur l’exploitation familiale elle a constaté que la crise sanitaire avait un peu rapproché la population et les agriculteurs. « Ça serait bien que ça dure au-delà de la crise. Les gens n’ont pas une bonne image des agriculteurs, ils croient qu’on pollue, etc. Alors qu’autour de moi ce n’est pas ce que je constate et je pense que le grand public devrait chercher à voir comment on travaille vraiment ».Avec ce recul, Anaïs n’entend pas s’installer tout de suite et comme l’école ne la « dérange pas » elle part pour un BTS Analyse et conduite des Systèmes d’Exploitation l’an prochain. « Je pense que j’ai encore beaucoup de choses à apprendre, en plus je vais pouvoir partir 15 jours à l’étranger, voir comment les agriculteurs exercent au Canada. » Quand on lui demande comment elle voit l’avenir c’est encore trop loin mais elle en est convaincue « c’est possible d’élever des vaches, d’avoir des horaires corrects, un revenu correct tout en fondant un foyer ». Élodie FAYARD