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Norman Rockwell (1895-1978) N. Rockwell est un peintre et dessinateur américain. Il travailla comme illustrateur durant presque 50 ans au journal « The Saturday Evening Post », puis pendant 10 ans au magazine « Look ». Son style artistique : Son style se doit d’être fidèle à la réalité et le réalisme de ses illustrations est proche de celui de la photographie. À ce respect du sujet s’ajoute le regard de l’artiste, ou plutôt le clin d’oeil teinté d’humour : ses illustrations ont en effet parfois un caractère caricatural, qui apporte de la légèreté aux actualités de l’époque. Ce réalisme teinté d’humour est devenu la représentation emblématique d’une vision de l’Amérique des années 30 à 60. L'art de N. Rockwell est également influencé par la photographie. À partir de 1930 le peintre s’en sert comme point de départ de son travail. Il évite ainsi les poses très longues nécessaires à ses modèles. Peu à peu, sa peinture va s’orienter vers l’hyperréalisme.Photographies préparatoires au dessin

Cette peinture représente un triple autoportrait. On voit l’artiste de dos, assis sur un tabouret. Il est face à une toile et se penche pour regarder son reflet dans un miroir situé sur une chaise à sa gauche. Il y a donc bien la représentation de trois autoportraits: de dos, de face dans un miroir, un dessin sur la toile, auxquels s'ajoute une feuille des 4 croquis préparatoires de l’autoportrait épinglé à gauche de sa toile. )Mais pourquoi autant d'autoportraits? Qu'est ce que l'artiste a voulu dire? Passons le tableau à la loupe...

Ce miroir doré est décoré de l’aigle américain symbole des Etats-Unis. Avec le drapeau, il nous indique la nationalité de l'artiste.

Le chevalet est surmonté d’un casque de pompier. Il y a plusieurs petits détails dans le tableau qui attirent le regard du spectateur : un verre en équilibre sur un livre ouvert, un tissu blanc sortant de la poche arrière du pantalon du peintre, des pinceaux sur le sol. Au pied du peintre se trouve un seau rempli de papiers froissés d’où s’échappe de la fumée. Cette fumée avec le casque au-dessus du chevalet, les allumettes brûlées sur le sol et la pipe évoquent un fait marquant dans la vie du peintre : celui de l’incendie de 1943 dans son studio d’Arlington dans le Vermont, provoqué par une pipe mal éteinte ayant mis le feu à des chiffons dans une corbeille, qui entraîna la perte d’un grand nombre de ses objets personnels et travaux. Détails faisant allusion à l'incendieL'artiste a placé des indices autobiographiques d'un fait marquant de sa vie.

On trouve un peu partout les outils et attributs du peintre, pinceau, chiffon, livre ouvert, verre d'eau, tube de peinture, chevalet... faisant référence au métier, à l'activité du peintre. N. Rockwell se présente ici en train de peindre comme le firent de nombreux artistes avant lui : Poussin en 1650, Manet en 1879, ou Picasso en 1938 se représentent palette à la main. C'est un moyen pour le peintre de s'affirmer en tant que tel. Poussin Manet Picasso

À la droite de la toile du peintre sont accrochées les reproductions de quatre autoportraits : celui de Dürer, de Rembrandt, de Picasso et de Van Gogh.Le recours à la citation permet à l'artiste de rendre hommage à de grands peintres, qu'il admire peut-être, ou de s'inclure dans une lignée de peintres illustres.

De part sa place centrale et sa taille, c’est le portrait posé sur le chevalet qui attire d’abord l’oeil du spectateur. C’est le portrait le plus important, « officiel », celui que le peintre a signé. Il est la façon dont il veut que le spectateur le voie. Stylisé et amélioré, séducteur, (rajeuni, pipe droite), ce portrait semble dédié à la postérité. Mais il est insuffisant car encore inachevé et sans couleur avec un regard visible mais ailleurs. Le spectateur est donc conduit à se diriger vers le peintre lui-même et vers son reflet dans le miroir.

Le portrait proposé dans le miroir est moins flatteur que celui de la toile : l’artiste apparaît plus maigre, la pipe tombante, les épaules basses, le cou exagérément long et portant des lunettes qui cachent son regard, un portrait presque caricatural.On pourrait s'attendre à ce qu'un reflet dans un miroir présente une image assez vraissemblable de lui, même si le reflet est inversé (dans le miroir il devient gaucher.) Il dissimule ses yeux derrière des lunettes vides et n’offre qu’un reflet inverse de lui-même. Une partie de son reflet est cachée derrière son tableau, ce qui apporte l’idée que le peintre cache sa partie la plus intime derrière son travail. Il faudrait pouvoir percer la toile pour pouvoir découvrir le vrai N. Rockwell.

Le portrait du peintre de dos ne donne pas beaucoup d'indications au spectateur. Curieux, un autoportrait qui nous tourne le dos! À califourchon sur le tabouret, le mouvement du peintre en train de se regarder dans le miroir donnent un caractère instantané, éphémère à ce portrait. Le peintre est à cet instant concentré sur son travail et ne remarque pas qu’on le regarde.Le tableau se présente ainsi au spectateur comme si l'artiste était surpris dans un moment intime du peintre, dans les coulisses de ce qui n'est pas montré.

Ce procédé de mise en abîme de ses différents autoportraits offre un regard complexe sur la réalité. L'autoportrait est une quête de vérité et le peintre invite le spectateur à s'interroger sur l'authenticité de ses représentations.Dans l’exécution du dessin de son autoportrait sur la toile du chevalet, il montre au spectateur qu’il ment en arrangeant ses traits. Il propose une vision subjective de lui.Dans le second, il propose un décalage évident entre la représentation du miroir , pathétique mais honnête, et le portrait flatteur mais menteur. Il dévoile son regard emprunt d'humour et d'autodérision de l'artiste qui ne se prend pas au sérieux. En se représentant de dos, en train de peindre, il crée un autoportrait vivant, instantané, que l’on ne peut juger que par ses actions. Ce portrait semble le plus objectif. Mais en réalité c'est la somme de tous ces autoportraits qui en forme un, montrant la difficulté pour un artiste de se représenter en une image unique. Il se raconte, il multiplie les images de lui-même, les indices, ses références, son physique, son identité d’artiste américain, son métier d’illustrateur, son caractère ironique et son aspiration à laisser une trace dans le monde... à nous de reconstituer le puzzle.