Le peigne cassé

Vous avez courageusement travaillé sur votre rédaction, mais bien des aspects du texte de Rousseau vous semblent encore obscurs ?Reprenons-le ensemble pas à pas pour en percer tous les mystères !Relisons d'abord les trois premières phrases :J'étudiais un jour seul ma leçon dans la chambre contiguë à la cuisine. La servante avait mis sécher à la plaque les peignes de Mlle Lambercier. Quand elle revint les prendre, il s'en trouva un dont tout un côté de dents était brisé.Peut-on savoir dès ce début si c'est Rousseau qui a cassé le peigne ? Cliquez sur la bonne réponse pour accéder à la page suivante.Oui Non

Vous avez raison ! Le pacte autobiographique interdit à Rousseau d'écrire des mensonges, mais il a quand même le droit de ne pas tout nous dire, donc il pourrait nous cacher qu'il est allé casser le peigne dans la cuisine...Lisons maintenant la suite :A qui s'en prendre de ce dégât ? Personne autre que moi n'était entré dans la chambre.

Ces deux courtes phrases nous donnent un indice très important... En effet, un verbe nous montre que les adultes cherchent un bouc émissaire, c'est-à-dire quelqu'un sur qui déverser leur colère, au lieu de réfléchir vraiment à la manière dont le peigne a pu se casser. Pour passer à la suite, cliquez sur ce verbe qui prouve que les adultes cherchent une victime, sans se soucier de la vérité.

Bravo ! Le verbe "s'en prendre à" suggère en général que l'on s'attaque à une victime innocente, donc on a l'impression que, dans cette histoire de peigne, les adultes veulent se défouler et régler l'affaire au plus vite sans chercher bien loin.Voyons si la suite confirme notre hypothèse :On m'interroge : je nie d'avoir touché le peigne. M. et Mlle Lambercier se réunissent, m'exhortent, me pressent, me menacent Pour accéder à la page suivante, cliquez sur une gradation montrant que les Lambercier ne règlent pas le problème raisonnablement et ne font preuve ni de dialogue, ni de confiance.

En effet, quand Rousseau dit qu'il n'a pas touché le peigne, les Lambercier s'y mettent à deux pour essayer de faire pression sur lui !Relisons ce passage et les deux propositions qui le suivent :On m'interroge : je nie d'avoir touché le peigne. M. et Mlle Lambercier se réunissent, m'exhortent, me pressent, me menacent ; je persiste avec opiniâtreté ; mais la conviction était trop forte, elle l'emporta sur toutes mes protestationsRousseau "proteste", comme le montre le dernier mot. Or, le nom "protestation" est employé en général de façon méliorative, pour parler de quelqu'un qui se défend à juste titre.Quel nom montre que les Lambercier étaient déjà persuadés de la culpabilité de Rousseau quoi qu'il ait pu dire pour sa défense ?Cliquez sur ce nom pour passer à la suite.

Très bien ! Les lambercier sont "convaincus" dès le début de la culpabilité de Rousseau !Lisons maintenant jusqu'à la fin de la phrase :On m'interroge : je nie d'avoir touché le peigne. M. et Mlle Lambercier se réunissent, m'exhortent, me pressent, me menacent ; je persiste avec opiniâtreté ; mais la conviction était trop forte, elle l'emporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première fois qu'on m'eût trouvé tant d'audace à mentir.Le verbe "mentir" apparaît enfin ! Mais qui prononce ce verbe "mentir" en réalité ? Les adultes ou Rousseau lui-même ?Cliquez sur la bonne réponse pour aller à la page suivante.

Vous avez raison ! Relisez à nouveau le passage suivant :mais la conviction était trop forte, elle l'emporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première fois qu'on m'eût trouvé tant d'audace à mentirQui représente le "on" souligné ? Les adultes, et en particulier les Lambercier ! Dans la partie surlignée en vert, Rousseau nous raconte en réalité les paroles des Lambercier. Quand le petit Jean-Jacques a protesté avec insistance en affirmant qu'il n'avait pas touché au peigne, les Lambercier ont dû dire : "Mais c'est la première fois que Jean-Jacques ment avec tant d'audace !"Même si Rousseau ne le dit pas ouvertement au début, le lecteur acquiert donc peu à peu la certitude qu'il n'a pas cassé le peigne : ce sont les adultes qui l'accusent de mentir.

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Continuons à avancer dans la lecture :La chose fut prise au sérieux ; elle méritait de l'être. La méchanceté, le mensonge, l'obstination, parurent également dignes de punition A qui est-ce que "la méchanceté, le mensonge et l'obstination parurent dignes de punition" ? Aux Lambercier bien sûr !

Dans l'extrait de gauche, qui affirme donc que l'histoire du peigne mérite d'être prise au sérieux et que Rousseau s'est montré méchant, menteur et obstiné ?Les LambercierouRousseau lui-même ?Cliquez sur la bonne réponse pour avancer.

La chose fut prise au sérieux ; elle méritait de l'être. La méchanceté, le mensonge, l'obstination, parurent également dignes de punition Donc, cet extrait comporte deux parties bien différentes, surlignées de deux couleurs distinctes : l'une donne des faits objectifs, l'autre exprime les pensées des Lambercier.Pour passer à la page suivante, cliquez sur la partie qui nous fait partager les pensées des Lambercier.

Terminons le premier paragraphe :La méchanceté, le mensonge, l'obstination, parurent également dignes de punition ; mais pour le coup ce ne fut pas par Mlle Lambercier qu'elle me fut infligée. On écrivit à mon oncle Bernard ; il vint. Mon pauvre cousin était chargé d'un autre délit, non moins grave ; nous fûmes enveloppés dans la même exécution. Elle fut terrible. Quand, cherchant le remède dans le mal même, on eût voulu pour jamais amortir mes sens dépravés, on n'aurait pu mieux s'y prendre. Aussi me laissèrent-ils en repos pour longtemps.Ce passage ne peut être compris que si l'on sait qu'à l'époque de Rousseau, la punition classique était la fessée et que Rousseau appréciait beaucoup les fessées de Mademoiselle Lambercier. Or, Mademoiselle Lambercier s'en était aperçue ! Voilà pourquoi les Lambercier décident de faire appel à l'oncle Bernard, avec qui la fessée sera beaucoup moins agréable... En effet, les Lambercier ont l'intention de se servir de cette punition aussi comme "remède" contre le goût un peu tordu ( c'est ce que signifie "dépravé" dans le texte ) qu'a Rousseau pour les fessées : ils veulent "amortir" pour longtemps toute sensation dans son petit derrière enfantin ! Et visiblement, après la raclée infligée par l'oncle Bernard, le pauvre Jean-Jacques ne sent plus ses fesses pendant un bon moment !

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Le deuxième paragraphe est moins difficile, lisons-le en entier :On ne put m'arracher l'aveu qu'on exigeait. Repris à plusieurs fois et mis dans l'état le plus affreux, je fus inébranlable. J'aurais souffert la mort, et j'y étais résolu. Il fallut que la force même cédât au diabolique entêtement d'un enfant, car on n'appela pas autrement ma constance. Enfin je sortis de cette cruelle épreuve en pièces, mais triomphant.

Un pronom personnel sujet, qui apparaît deux fois dans ce passage, représente les adultes : cliquez sur ce pronom personnel pour accéder à la page suivante.

Bravo ! Pour bien comprendre ce paragraphe, sachez maintenant que la "constance" est une qualité voisine de la persévérance qui consiste à ne pas changer d'avis pour un oui ou pour un non quand on est sûr de bien agir. Rousseau écrit "ma constance", donc, dans cette histoire de peigne, il trouve qu'il a fait preuve de "constance".Mais comment les adultes appellent-ils sa "constance" ? Pour avancer, cliquez sur le groupe nominal par lequel les adultes définissent l'attitude de Jean-Jacques : Il fallut que la force même cédât au diabolique entêtement d'un enfant, car on n'appela pas autrement ma constance. Enfin je sortis de cette cruelle épreuve en pièces, mais triomphant.

Vous avez raison ! Les adultes sont loin d'apprécier la "constance" de Rousseau qui, malgré les coups de l'oncle Bernard, refuse d'avouer un acte qu'il n'a pas commis ! Au contraire, sans doute se sont-ils exclamés : "Même par la force, nous ne pouvons rien tirer de Jean-Jacques ! L'entêtement de cet enfant est diabolique !"C'est le moment pour Rousseau de tirer le bilan de cette triste expérience :Il y a maintenant près de cinquante ans de cette aventure, et je n'ai pas peur d'être aujourd'hui puni derechef pour le même fait. Eh bien, je déclare à la face du Ciel que j'en étais innocent, que je n'avais ni cassé, ni touché le peigne, que je n'avais pas approché de la plaque, et que je n'y avais pas même songé. Qu'on ne me demande pas comment ce dégât se fit : je l'ignore et ne puis le comprendre ; ce que je sais très certainement, c'est que j'en étais innocent.Quelle est la valeur du présent dans ce passage ?Présent de narration Présent d'énonciation Présent de vérité généraleCliquez sur la bonne réponse pour voir l'avant-dernière page.

Bravo ! C'est en effet le présent d'énonciation, car il exprime ce que dit ou pense Rousseau au moment où il écrit, c'est-à-dire cinquante ans après les faits. Vous pouvez le vérifier en observant de nouveau les verbes au présent de l'indicatif, soulignés ci-dessous :Il y a maintenant près de cinquante ans de cette aventure, et je n'ai pas peur d'être aujourd'hui puni derechef pour le même fait. Eh bien, je déclare à la face du Ciel que j'en étais innocent, que je n'avais ni cassé, ni touché le peigne, que je n'avais pas approché de la plaque, et que je n'y avais pas même songé. Qu'on ne me demande pas comment ce dégât se fit : je l'ignore et ne puis le comprendre ; ce que je sais très certainement, c'est que j'en étais innocent.Vous constatez sans peine que Rousseau semble complètement traumatisé par cette histoire...

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... Et vous n'avez pas tort de penser ce pauvre Rousseau profondément choqué par l'épisode du peigne cassé ! S'il prend la peine de raconter cette histoire, c'est parce qu'elle est pour lui la découverte de l'injustice : jusqu'à ce moment, il avait eu l'impression de vivre dans un paradis où les relations humaines étaient fondées sur la confiance et le respect. Or, à l'occasion du peigne cassé, le petit Jean-Jacques découvre que, dans la vie, dire la vérité ne suffit pas toujours : il se rend compte que, malgré son honnêteté et sa franchise, on ne le croira pas forcément...Jamais Rousseau ne se remettra de cette prise de conscience : peu après le passage que nous avons étudié, il écrit qu'en repensant à l'épisode du peigne cassé, son "pouls s'élève encore" ! Et il se sentira toujours persécuté...

Fin !

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