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Transcript

lire...

comprendre, interpréter un texte littéraire

Laboratoire des initiatives

toute une histoire

Quelles modalités d’enseignement mettre en place pour permettre à des élèves de cycle 3 de s’initier à la lecture littéraire ?

Schéma des stratégies

Deux pistes didactiques

Les rôles du lecteur

Catherine Tauveron : Qu'est-ce que lire ?

QUELQUES ÉLÉMENTS POUR CONCLURE

L'intérêt de converser avec le texte..................

Une élève "raconteuse"

Différentes modalités de racontage

Réécrire le texte pour se l'approprier...............

Faire résonner le texte avec d'autres œuvres pour comprendre, interpréter ..........................

POUR ALLER PLUS LOIN ·························

Faire des hypothèses interprétatives...............

Se questionner ..................................................

UN EXEMPLE DE MISE EN ŒUVRE

Se questionner à nouveau pour comprendre, interpréter.........................................................

Serge Martin Le racontage comme modalité d'initiation à l'interprétation

QUELQUES ÉLÉMENTS THÉORIQUES··············

sommaire

Quelques éléments théoriques

+ info

+ info

S. Martin propose, quant à lui, d’utiliser le racontage, une forme qui pense la lecture comme l’écoute de voix multiples, celles du texte mais aussi celle de l’énonciateur réel.

C. Tauveron explore les rôles que le lecteur peut, doit endosser pour parvenir à interpréter un texte.

Deux pistes didactiques

lectant interprétant

lectant jouant

lisant

Pour C. Tauveron, la lecture littéraire est « un jeu interactif entre deux partenaires, un texte singulier et un lecteur singulier », un jeu où lecture naïve et mise à distance, compréhension et interprétation sont intimement liées. Ce lecteur singulier peut se faire Mais il sait que le texte est la construction d’un auteur qui exige de lui qu’il se fasse interprète. Et cet auteur, comme le rappelle V. Jouve, est double, à la fois « instance narrative qui préside à la construction de l’oeuvre » et « instance intellectuelle qui, par le canal du texte s’efforce de transmettre un message ». Interpréter c'est donc se faire selon les moments ou

Qu'est-ce que lire ?

esthète

biographe

tisserand

vagabond

archéologue

orpailleur

détective

Pour que l’élève-lecteur puisse jouer, pour qu’il ne soit pas seulement lisant mais aussi lectant jouant ou interprétant, il faut qu’il soit formé à ce jeu, qu’il s’en approprie les stratégies spécifiques. C. Tauveron les aborde par une suite de métaphores où le lecteur endosse un ensemble de rôles.

les rôles du lecteur

S. Martin pense une nouvelle approche de la littérature jeunesse, approche didactique où la voix est centrale. Cette approche questionne la posture de celui qui reçoit l’œuvre : est-il un « écouteur potentiellement raconteur » qui lie avec le texte « une relation trans-subjective » ou un simple « interprète » qui reste à distance ? S. Martin tranche pour la première posture. C'est pourquoi, pour s'approprier l'œuvre, il préconise le "racontage".

Le racontage comme modalité d'initiation à l'interprétation

Ces reformulations, ces racontages, qu’ils soient oraux ou écrits, permettent à l’élève d'entrer en relation avec l’oeuvre.

Ce peut être encore poursuivre sa lecture en écrivant les paroles des « sans voix ».

PRÊTER SA VOIX AUX "SANS VOIX"

Cela peut être une mise en voix d’une courte situation pour mémoriser dans son corps un extrait de l’oeuvre.

MISE EN VOIX PAR L'ÉLÈVE D'UN PASSAGE DU TEXTE

+ info

+ info

+ info

La première de ces réénonciations, pour S. Martin, doit être celle du maître qui doit prêter sa voix à l’écrivain.

LA VOIX DE L'ENSEIGNANT

DIFFÉRENTES FORMES DE RACONTAGE

Savannah réécrit aussi les histoires qu'elle a aimées...

Quand une élève mobilise le racontage spontanément pour s'approprier un texte

Quand Savannah raconte mais aussi quand elle explique pourquoi elle trouve l'histoire drôle, elle s'empare des voix du texte, elle les fait résonner pour nous, telle qu'elle les a ressenties...

Un exemple de mise en œuvre

+ info

Comment lire cet étrange récit ?Se questionner d'abord

Les bêtes d'ombre : racontages

Le questionnement des élèves

LJ : Pourquoi les pères et les mères ne doivent pas voir le jour ? ?

DA : Pourquoi les enfants ont-ils appris à tomber sans faire de bruit ?

CM : Que font-ils dehors la nuit ?

GB : Pourquoi se transforment-ils en monstre ?

Pourquoi ce sont les enfants qui marchent devant ?

DA : Pourquoi ils se cachent ?

BF : Pourquoi les enfants ne pleurent pas ?

EM : D’où viennent-ils ?

EM : Sont-ils des humains ?

TB : Pourquoi il n’y a que les parents qui sont des bêtes d’ombre ?

AA : Pourquoi les enfants n’ont pas le droit de voir leurs parents ?

Après le questionnement, des hypothèses

DA : J’sais pas mais si ils se cachent du soleil c’est bien pour une raison. Ils se cachent pas juste par plaisir.

DA : Peut-être qu’ils se font suivre par un homme ou peut-être que quand le soleil se lève les parents brûlent ?

E : Qu’est-ce qui te fait penser à cela ?

LK : Les adultes ont l’air comme possédés par des forces maléfiques. Seuls les enfants peuvent contrôler ces forces maléfiques, on dirait.

RS : Les parents se transforment-ils en loups-garous ?

TB : Ils sont peut-être habitués au noir.

Pourquoi les enfants ne pleurent-ils pas ? hypothèses

AA : Peut-être que leurs parents ne leur ont jamais montré leurs sentiments et donc les enfants ne savent pas comment faire pour pleurer et tout ça.

MC : Ce ne seraient pas des humains.

FC : Peut-être qu’ils n’ont pas le droit de pleurer. ?

MC : Peut-être qu’ils ne sont pas humains puisqu’ils ne pleurent pas.

BF : Si ça se trouve ils n’ont pas de sentiments, parce que quand on est triste on pleure, si ça se trouve ils ne peuvent pas être tristes.

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Faire résonner l'œuvre avec d'autres oeuvres

comment comprendre ?

LJ : C’est comme si les pères veulent que personne ne vienne sur leur territoire, les arbres se referment derrière eux comme ça on croit qu’il n’y a personne dans cette forêt.

TB : Les épines se referment derrière le prince du coup personne ne peut le suivre. , elles s’ouvrent et se referment derrière eux.

MC : Moi ça m’a fait penser au prince de La belle au bois dormant quand Petit Frère trouve le chemin.

Cet échange montre bien comment les élèves naviguent d’un texte à l’autre pour mieux comprendre le récit.

Comment les fourmis peuvent-elles connaître les noms de ces pères, de ces mères et de ces enfants ? Qu’est-ce que cela signifie ?

BF : Les troncs d’arbre et les épines, elles s’ouvrent et se referment derrière eux.

TB, en faisant le lien entre cette idée, le fait que les fourmis prononcent les noms des villageois et La Belle au bois dormant, propose l’interprétation la plus aboutie...

Le texte n’étant pas explicite à ce sujet, aucune proposition n’est a priori fausse. Et c’est la confrontation entre les différentes interprétations de type 1 qui permet aux élèves de comprendre le récit.

MJ ajoute alors un autre élément...

Après relecture du passage, LJ pense toujours qu’il s’agit de Petit Frère mais il ajoute...

BF n’est pas de cet avis ...

LJ affirme que c’est Petit Frère qui ouvre la forêt...

qui est à l’origine de l’ouverture de la forêt : Petit Frère, la fourmi ou les deux ?

Le texte fait ici écho à une autre oeuvre, Les métamorphoses où Ovide raconte ce qu’il advint à Lycaon après que celui-ci eut servi à Jupiter un plat réalisé à partir de chair humaine.

Comment Interpréter ?

LJ : Peut-être les pères et les mères ont-ils tués des personnes dans leur passé.

BF : Ils se sont transformés en bête comme Lycaon..

Quand les élèves se font tisserand pour interpréter...

E : Pourquoi pense-tu cela ?

LJ : Parce que Lycaon il a tué quelqu’un.

EM : J’ai fait le lien avec Lycaon quand le texte dit « ils n’étaient plus des hommes ».

DA : Lycaon, il avait fait une chose monstrueuse. Les bêtes d’ombre, ils ont pris leur hache et ils ont détruit l’arbre qui changeait les saisons. Donc du coup ça a été compté comme une chose monstrueuse. Ils ont été transformés.

MJ : Il a été puni.

archéologue et tisserand...

AA : Les bêtes d’ombre seraient les Hutus.

FC : La lumière qui sort du tronc ça provoque la transformation comme le génocide qui provoque l’animalisation.

MC : Non c’est le regard des enfants sur leurs parents parce qu’ils découvrent que ce sont des bêtes d’ombre.

LJ : Oui par Jupiter parce qu’il a tué une personne et les bêtes d’ombre se sont fait punir aussi.

EM : J’ai fait le lien avec les machettes... Quand les pères veulent couper l’arbre, cela me fait penser aux machettes qu’ont utilisées les Hutus.

Les hypothèses émises par les élèves sont confirmées par la lecture du paratexte présent au début des Bêtes d’ombre : l’hommage à J. Hatzfeld et la citation issue d’Une saison de machettes :"Il y en a qui changeaient de couleur à force de chasser. Leurs membres étaient boueux, leurs vêtements étaient éclaboussés, même leur visage n’était plus noirâtre de la même façon. Ils devenaient comme gris de tout ce qu'ils avaient fait".

Le génocide rwandais

Dans Une saison de machettes, J. Hatzfeld insiste sur l’animalisation tant des victimes que des bourreaux : Dans Les bêtes d’ombre, la transformation de ces pères et de ces mères en bêtes monstrueuses pourrait donc être interprétée comme une façon de rendre visible ce qu’ils sont en réalité, des monstres, à moins qu’il ne s’agisse de la sanction pour les crimes commis. L’intertextualité a permis aux élèves de comprendre que l’auteure, dans ce conte, évoque la possibilité pour l’homme de perdre son humanité, de devenir un monstre, à l’instar de Lycaon ou des génocidaires rwandais. En produisant une interprétation de type 2, les élèves ont endossé ici le rôle de philosophe.

l'interprétation

E : A votre avis ?

Nouvelles questions, nouvelles interprétations

BF : C’est comme si l’amour était plus fort que l’oubli.

E : Mais alors pourquoi est-il troublé ? MJ peux-tu rappeler ce que tu as dit tout à l’heure ?

MJ : Même si les bêtes d’ombre ont tué des personnes, Petit Frère, il aime quand même ses parents.

MJ : Qu’est-ce qui troublait Petit Frère ?

BF : C’est bizarre parce qu’il ne se souvient plus de rien.

LJ : Et il se dit qu’est-ce qui me manque ? .

Les élèves perçoivent bien que c’est le refus de son sort qui lance Petit Frère dans sa quête mais nulle part le texte ne formule son objet explicitement. Toutefois la discussion permet à LJ de proposer une interprétation intéressante : il serait à la recherche de ce qui lui manque. C’est cette quête qui le conduirait à explorer le pays qui s’étend sous le grand arbre, qui le pousserait à sortir, chaque soir pour retrouver sa bête d’ombre, « Petit Frère ignorant que la bête était son père. La bête ignorant que l’enfant était son fils » et qui l’inciterait à partir avec elle quand il comprend que, bientôt, Grand Clameur lancera sa chasse contre les bêtes d’ombre. Et le moteur de cette quête serait l’amour, un amour tellement fort qu’il existe encore malgré l’oubli. C’est en se faisant tisserand que les élèves font cette découverte, proposant ici une interprétation de type 2.

MJ : Il aime tellement son père qu’il sent qu’il lui manque quelque chose.

FB : Peut-être qu’elle s’est attachée aux enfants et qu’elle veut sauver leurs parents pour pas leur faire de la peine.

EM : Peut-être qu’Apamama trouve que les bêtes d’ombre sont pas si méchantes que ça ; c’est les parents des enfants.

EM : Elle veut aider les bêtes d’ombre pour qu’ils se transforment en humain.

Des hypothèses...

MJ : Peut-être parce que maintenant les enfants sont du côté des bêtes d’ombre.

E : Pourquoi le fait-elle maintenant ? (…)

BF : Elle attendait peut-être que la chasse commence. (…)

MC : Peut-être qu’Apamama voulait que les enfants apprennent à se débrouiller pour sauver leurs parents, pour qu’ils prouvent leur courage, pour qu’ils soient fiers d’eux quand ils seront plus grands.

AP : Comme les enfants des bourreaux, ils aimaient bien leurs parents même si les bourreaux tuaient des personnes.

LJ : Ils aiment bien leurs parents.

AA: Et ils ont retrouvé la mémoire parce que les enfants se sont alliés avec les bêtes d’ombre.

E : Prouvent-ils seulement leur courage ?

...à la compréhension, le tisserand à l'œuvre.

s’interroger sur les intentions de l’auteur - pourquoi utilise-t-il telle ou telle stratégie d’écriture ? quel est son message ? que veut-il nous dire ? - mais aussi sur le lecteur modèle qu’il avait en tête lorsqu’il a écrit.

réfléchir aux actions, aux intentions, aux émotions des personnages et d’en reconstituer ainsi la cohérence

débusquer les questions, les problèmes que pose le texte et de chercher à y répondre, à les résoudre en relevant des indices au long de la lecture

anticiper sur les événements à suivre en proposant des hypothèses puis chercher si elles se vérifient ou non

s’interroger sur le sens d’un mot mais aussi d’une phrase où l’auteur crée une image et d’ouvrir ainsi sur la dimension esthétique du texte

définir les droits du texte à partir du repérage d’erreurs de compréhension ou d’interprétations abusives

converser avec le texte individuellement, collectivement pour

Donner sa voix à l’un des personnages a obligé les élèves às’approprier le texte de l’intérieur. Ils ont dû se questionner- à propos du personnage à qui il prêtait leur voix : « suis-je là à ce moment de l’histoire ? », « qu’est-ce que je fais ? », « pourquoi ? », « qu’est-ce que je ressens ? », … - mais aussi sur ce que le texte ne disait pas, les blancs dont parle C. Tauveron. Ils ont ensuite créé dans ces interstices mais en revenant régulièrement au texte : « puis-je dire cela ? », « le texte m’y autorise-t-il ? ». C’est en comblant ces blancs, cachés derrière leur personnage, que les élèves ont pu se dire.

une autre forme de racontage : la réécriture

Pour écouter l'épisode que Gwendal raconte dans ce texte en endossant le rôle du père de Petit Frère

+ info

Je marché derrière mon fils sans lui parlé. Il avait un grand silence qui régnais et ce froid terrible qui me glacer. Nous fuit l’on comme le bourreaux du roinda qui avait tuer les victimes. Avant que le jour se lève les enfants allaient couper des branches pour nous cacher et après ils s’allaient s’amuser. Dès que betela seconde qui sépar la nuit et le jouer sa crées la brunete je sens la transformation qui arrive a sa fait mal. Je me rapelle que tu maver cris mon nom dans mais oreille je vois tont visage! Oh! NON ! je me retranseforme.

Episode 1

Réécritures de Gwendal

Pour écouter l'épisode que Gwendal raconte dans ce texte en endossant le rôle du père de Petit Frère

C’était un matin. L’enfant avec lequel je jouais me regardait. Il avait peur. Et tout dins cous il saproche et meus saute dessuse je sais pas se qu’il meus retins de luis faire du mal. Il meus dis qu’elle que chaus comme si je le caunnaiser. Pourquoi monte t’il sur mon dos. Je peux pas risiter il faut que je l’emmene la ou il dis. Aller vins dans mon trous.

ÉPISODE 6

réécritures de gwendal

Ces traces du parcours de lecture des Bêtes d’ombre montrent que la modalité d’enseignement mise en place - le racontage comme conversation avec le texte appuyé sur un outil « stratégique » - permet à l’élève de dire sa propre lecture, de chercher la question que lui pose le texte, de le questionner pour y répondre, de le mettre en lien avec d’autres œuvres… C’est cette conversation que, tant C. Tauveron que S. Martin, considèrent comme initiation à la lecture littéraire. Et c’est la discussion entre les élèves qui, à la fois, met en évidence la multiplicité des conversations engagées avec le texte et permet la construction par la confrontation, d’une ou plusieurs interprétations. Il y a cependant plusieurs conditions :

Quelques éléments pour conclure

Quant à l’outil « stratégique », son intérêt est d’accompagner l’élève dans cette conversation, dans cette interprétation tout en lui laissant la liberté de l’engager comme il le souhaite. C’est ainsi qu’il permet la rencontre entre une œuvre singulière et un lecteur singulier. Il y a toutefois une condition Une autre forme de racontage peut aussi les y aider. Il s’agit de la réécriture. En permettant aux élèves de créer dans les interstices du texte, elle les conduit à s’approprier celui-ci en profondeur, à en livrer une interprétation. Et la posture d’auteur qu’ils endossent ici leur donne aussi l’occasion de s’interroger sur ce qu’est écrire. En fait l’élève en devenant auteur, se fait à la fois lisant, lectant jouant, lectant interprétant.

Quelques éléments pour conclure

Pour découvrir le livre augmenté des commentaires des élèves

Pour découvrir tous les documents (littéraires ou historiques) qui ont permis aux élèves de comprendre et interprétez l'œuvre...

Pour découvrir Les bêtes d'ombre, le tapuscrit ou la version sonore ainsi que l'interprétation complète

pour aller plus loin