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Canabae, revue numérique académique d'histoire-géographie

Transcript

N°1, septembre 2018

Les cités antiques, espaces du politique : quels enjeux pour l'enseignement de l'Antiquité ?

L'édito

Sommaire

c’est le titre choisi pour cette nouvelle revue académique d’histoire-géographie qui décide de faire explicitement référence à l’Antiquité pour évoquer, conformément aux canabae romaines, un lieu d’échanges et un espace de rencontres entre des personnes exerçant des fonctions différentes mais convergeant vers un même but. Espace d’accueil, d’échanges et de convergences, cette revue veut faire le lien entre les savoirs scientifiques et les savoirs enseignés et explorer toutes les pratiques pédagogiques fécondes pour nos élèves. L’Antiquité est à l’honneur pour le premier numéro de Canabae. Sera abordée l’histoire politique au sens large du terme, c’est-à-dire l’histoire des cités antiques (plus précisément celles du monde romain) en tant qu’espaces politiques.

Qu’est-ce qu’une cité dans le monde romain ? En quoi est-elle l’héritière de la polis grecque? Pourquoi peut-on dire que l’empire romain est un empire de cités? Pourquoi la cité comme modèle juridique, territorial et administratif peut-elle être considérée, dans sa diffusion, comme outil de la romanisation ? Que faut-il entendre aujourd’hui par ce mot ? Comment enfin la cité romaine se donne-t-elle à voir et provoque-t-elle des effets de miroir dans sa propre physionomie (notamment en faisant des domus au sein des cités des sortes de miroirs de la cité elle-même) ?Ce sont à ces questions que ce premier numéro de la revue Canabae se propose d’apporter des éléments, des pistes de réponses.Ce sera aussi l’occasion de revenir sur un document extrêmement important dans les programmes d’histoire de seconde et souvent mal connu que sont les Tables Claudiennes.Nous espérons que notre objectif sera atteint à travers ce premier numéro. Longue vie à Canabae, qu’elle soit le reflet de la richesse de nos disciplines, du travail des universitaires, de leur enseignement !

par Virginie Hollard et Gwenaelle Hergott

CANABAE :

Focus

Mise au point

Visite guidée

Un autre regard

Idée pratique

L'Entretien

Lire, écouter, voir

Partage de pratiques

Ressource

Bibliographie, sitographie; filmographie....

Retour sur la table claudienne - Barbara Raynaud et Virginie Hollard

Le paysage antique dans les médiums contemporains : exclusion ou écart ?- Laury-Nuria André

Roma in Tabula : visiter Rome en réalité augmentée et virtuelle

A la découverte de la romanisation (6e) - Perrine Desbos-BoyerLa fondation d'une cité antique : entre Histoire et ficition (6e) - Emmanuel GrangeAthènes : une démocratie directe ? Argumenter en classe de 2nde - Sylvain LancelotReconstituer une domus(6e) - Aline Chopard et Jean-François Simon

Cité et citoyenneté : les enjeux de l'enseignement de l'Antiquité à l'école - Virginie HollardLa Domus : un espace politique de la cité romaine - Virginie Hollard

Le Musée LUGDUNUM - Barbara Raynaud

Voxapolis : Jouer pour désigner, délibérer et décider

8 idées pour utiliser les jeux-vidéo en classe d'histoire-géographie

Mise au point

Par Virginie Hollard, maître de conférences en histoire ancienne, Université Lyon-II, Laboratoire HiSoMA, Maison de l'Orient et de la Méditerranée.

Cité et citoyenneté : enjeux de l'enseignement de l'Antiquité à l'école

La Domus : un espace politique de la cité romaine

Focus

Retour sur la table claudienne

Par Barbara Raynaud, médiatrice culturelle au musée Lugdunum de Lyon.

Présentation de la Table Claudienne

Par Virginie Hollard, maître de conférences en histoire ancienne , Université Lyon-II, Laboratoire HiSoMA, Maison de l'Orient et de la Méditerranée.

Regard critique sur la table claudienne

Pour aller plus loin

La web TV de la cité des sciences propose un reportage de 8 minutes autour de la fabrication mystérieuse de la table.

Visite guidée

Le musée LUGDUNUM

Par Barbara Raynaud, médiatrice culturelle au musée Lugdunum de Lyon.

Infos pratiques

Le musée et les théâtres occupent les pentes de la colline de Fourvière, sur les lieux mêmes de la fondation de la ville romaine de Lugdunum en 43 avant J.-C.L’idée d’un musée rassemblant des objets liés à la ville romaine de Lyon est née dès les années 1930. Mais il faut attendre le début des années 1960 pour que le projet prenne corps et qu’il soit confié à l’architecte Bernard Zehrfuss. .

Exposition à venir, en Juin 2019 Dans l’Antiquité, le jeu est omniprésent au quotidien. Par terre, au forum ou sur les marches d’un temple, tout le monde joue, même les dieux. Aujourd’hui, sur son ordinateur, sa console ou son téléphone portable, tout le monde joue !

Présentation de l'offre culturelle 2018 - 1019

LVDIQVE - Jouer dans l'Antiquité

Un autre regard

Le paysage antique dans les médiums contemporains : exclusion ou écart ?

Par Laury-Nuria André, Université Lyon II, HiSoMa,University of Malta, CaP

L’exclusion ferme de l’époque antique des sociétés dites paysagères [1], a récemment été nuancée par des études croisant les disciplines et les méthodologies de travail [2] . Ce que montrent ces travaux, c’est l’inadéquation d’une notion moderne, celle de paysage, pour décrire une situation antique nécessairement mise à distance. Outre la remise en question de cette exclusion, ces critiques montrent aussi que celle-ci repose sur une définition de l’Antiquité construite et homogénéisée par sa réception moderne. Ces études permettent alors d’enrichir la notion de paysage [3] , en faisant émerger, d’une Antiquité bien plus hétérogène qu’il n’y paraît, des concrétions paysagères singulières. Dans le sillage de ces travaux, nous nous intéresserons ici à la mise en œuvre, dans les médiums visuels contemporains, de représentations paysagères de l’Antiquité.

Il faut souligner la grande vitalité de la représentation de l’Antiquité aujourd’hui, dans les médiums de large audience que sont le cinéma, les jeux vidéo, et la bande dessinée. À ceux qui considèrent notre époque comme celle de la mort programmée de l’Antiquité, on peut opposer l’intérêt accru du public pour le monde antique et ses mythes, auquel les médiums contemporains se font fort de répondre. Un véritable renouveau du péplum a lieu dans la décennie 2000-2010 (de Troy à Percy Jackson en passant par Alexandre, Agora et Le Choc des Titans), tandis que croît le nombre de jeux vidéos antiquisants (CivCity, Rise of the Argonauts, God of War, Rome : Total War II). La bande dessinée (Thermae Romae) concède également une place de choix à l’Antiquité, et rencontre un succès critique et commercial. Si ces trois médiums relèvent de pratiques différentes, et n’engagent de ce fait ni les mêmes caractéristiques visuelles, ni les mêmes techniques de l’image, ils présentent cependant une unité de fonctionnement dans leur processus de réception et de mise en image de l’Antiquité : ce processus passe, dans tous les cas, par une mise en forme paysagère.

Comment comprendre dès lors la coexistence, dans ces productions récentes, d’un paysage fonctionnant comme un « marqueur identitaire » de l’Antique, unifié et homogène, tandis que d’autres approches révèlent des mises en œuvres plurielles, faisant du paysage le lieu d’un dialogue entre des sédimentations culturelles hétérogènes ? C’est qu’il faut ici comprendre le paysage comme un processus de réception et de recréation de la matière antique [4] . À partir de l’étude de ces effets de réception de l’Antiquité, lisibles à même la création paysagère, on peut repérer diverses modalités de représentation de l’Antiquité, qui témoignent de la variabilité du regard que nous portons sur elle.On observe, en premier lieu, un processus de réception que l’on peut qualifier de minimale, qui se caractérise par la sélection puis l’itération d’un nombre réduits d’éléments stéréotypés du paysage antique. La répétition de ces mêmes éléments de film en film et de jeu en jeu a pour effet d’homogénéiser l’image de l’Antiquité qui en émerge.Dès 2006-2010, sous l’effet d’un ensemble de facteurs [5] , un nouveau type de réception de l’Antiquité émerge : celui qui dialectise ses paysages sur le mode de la coprésence.

Ces « nouveaux » paysages de l’Antique mettent en dialogue des éléments de cultures et de temporalités hétérogènesCes représentations renouvellent l’imaginaire de l’Antiquité en la rendant disponible à d’autres lectures, qui permettent, finalement, de mettre au jour un dernier niveau de réception paysagère antique. Il s’agit alors de comprendre la matière antique (telle qu’elle est médiée par son support paysager) comme une proposition à partir de laquelle reporter notre regard sur le présent, et lire, à partir d’elle, l’organisation de nos paysages contemporains, non plus en y fantasmant un ancrage généalogique unifié, mais y relevant la coprésence d’éléments hétérogènes, disjoints, contradictoires, dont la mise en dialogue est alors actualisable. C’est ce mouvement que nous suivrons pour étudier les représentations paysagères antiques dans un corpus contemporain (1995-2010) de films, de jeux vidéo et de bandes dessinées.I. Le paysage comme homogénéisation de la matière antiqueDans notre corpus, la représentation de l’Antiquité passe par un investissement du paysage diégétique : est confié à ce

Un autre regard

dernier le soin de médiatiser une « ambiance à l’antique » qui constitue l’écrin de l’action, et facilite l’identification du spectateur ou l’immersion du joueur. L’observation du choix des éléments « antiques » permet de cerner la nature du regard contemporain porté sur l’Antiquité. Ces paysages se déploient au travers d’une grille de stéréotypes topiques, qui matérialisent une politique de la réception contemporaine de l’Antique selon des critères a minima : la ruine ou la substitution. L’image de l’Antiquité qui en ressort est alors la résultante d’un cadre apposé sur une culture définie par un mouvement chiasmatique : elle est à la fois sans cesse mise à distance (en tant que telle, on la renvoie à son passé), mais, dans le même temps, s’en fonde, à travers des versions différentes, une « actualité » (constituée d’un nombre limité d’éléments topiques). L’Antiquité se saisit alors selon les processus d’homogénéisation qui la travaillent.

Figure imposée du péplum puis du jeu vidéo à l’antique, la ruine innerve la représentation du paysage diégétique des œuvres de notre corpus, jusqu’au tournant des années 2006-2010. Pas d’Antiquité cinématographique ou vidéoludique sans ruines, dont les débris lapidaires parsèment les paysages qui accueillent la geste des héros. Il nous faut en souligner deux caractéristiques principales : d’abord leur nature paradoxale dans des œuvres censées représenter l’Antiquité, puis le statut métonymique dont elles relèvent.

Achille et Patrocle à l'entrapinement dans Troy de W. Petersen

Dans Troy (W. Petersen), c’est au beau milieu de ruines que nous découvrons un Achille (Brad Pitt) en plein entraînement avec Patrocle. De même, dans Alexandre (O. Stone), Aristote prodigue son enseignement au jeune Alexandre au milieu d’un temple en ruines au sol jonché de fûts de colonnes brisées.

La ruine endosse ici le rôle de déictique spatio-temporel qui localise le décor diégétique dans un temps et dans un espace que l’on identifie à l’Antiquité grecque. Or, la présence de ruines dans un temps censé être celui de l’Antiquité relève du paradoxe, puisque, en toute logique, le temps qui a érodé le bâtiment ne s’est pas encore écoulé Autre valeur de la ruine dans les films et jeux vidéo antiquisants, que sa fonction métonymique : celle-ci permet de désigner, par un fragment minime, la culture référente en son ensemble. Dans Warriors : Legends of Troy [6] , se pose le problème épineux de la représentation de la ville de Troie. Comme il n’en existe aucune description précise, les concepteurs du jeu ont emprunté la réalité archéologique du site de Cnossos, le plus proche chronologiquement de la civilisation troyenne. Ils ont, pour ce faire, réduit leur représentation à la répétition d’un même portique ruiné, référant au portique nord-ouest de Cnossos découvert par Evans [7] . Dans ces trois exemples, la ruine désigne un temps et un espace qu’elle agrège comme étant « de l’Antique ». La ruine, stéréotype circulant de film en film et de jeu en jeu, contribue à homogénéiser l’image paysagère de l’Antiquité dans les médias visuels contemporains..

Cette vision a pour corollaire de créer un prisme identitaire qui réduit l’Antiquité à un réservoir de stéréotypes paysagers auxquels sont associés le vague souvenir de quelques mythes. L’Antiquité se trouve ainsi cadrée a minima dans un paysage squelettique et ruiné.II- Le paysage comme décadrage de la matière antique : figures de la coprésenceSi les représentations précédemment étudiées déçoivent le chercheur en quête de singularités, on repère cependant une approche plus développée de la figuration paysagère de l’Antiquité dans les péplums et jeux vidéo de la génération 2010 (2008-2013). Les diverses mises en oeuvre qu’ils proposent ont la particularité de mettre en dialogue des éléments antiques et des éléments empruntés à d’autres époques et à d’autres cultures. Il ne s’agit plus alors d’une répétition psittacique des mêmes éléments topiques, mais d’une vision renouvelée par ce métissage. Le paysage dans ces films ou dans ces jeux, grâce au procédé de la coprésence[8] d’éléments paysagers hétérogènes, vient briser « le ronron du même » du stéréotype paysager et opère une fissure dans la logique de réception précédemment mise au jour. La coprésence, point névralgique du paysage palimpseste, opère un

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décadrage de l’Antiquité à l’écran, qui l’ouvre à d’autres horizons.Les jeux vidéos de notre corpus actualisent diversement le paysage antique selon le schème de la coprésence. Un des exemples les plus marquants se trouve dans les jeux de gestion comme CivCity Rome [9] ou Caesar IV[ 10] , où l’avatar parcourt l’Imperium romanum afin d’y implanter des villes construites, en tout point de l’Empire, sur le modèle générique de la Rome impériale. Cependant, les modèes structurant ces villes « romaines » présentent une hétérogénéité frappante.

Pieter Bruegel, Les Moissoneurs, 1565. Huile sur bois, 118.1 x 160.7 cm. New York, Metropolitan Museum of Art.

Par exemple, le joueur est souvent contraint d’organiser sa ville autour de ronds-points et de palettes de fleurissement qui rappellent nos lotissements contemporains. Ce modèle coexiste dans ces jeux avec d’autres principes d’organisation spatiale : si on reconnaît le cardo et le decumanus, ceux-ci se superposent à la grille jeffersonienne américaine. Ici, la mise en présence d’éléments urbanistiques contemporains et antiques dévoile un feuilletage de modèles et rompt avec l’idée d’une origine unique de l’organisation de notre urbanisme, en faisant tourner le regard culturel dans tous les sens.On retrouve une logique proche dans Grand Ages : Rome[11] , cette fois non plus sur le plan de l’urbanisme mais sur celui des modèles esthétiques paysagers. Le trailer du jeu révèle un paysage formé d’une sédimentation archéologique et culturelle. Il nous offre une autre modalité du palimpseste : le paysage campagnard, qui figure le caractère florissant à l’origine de la prospérité de l’Empire romain, emprunte ses traits plastiques aux célèbres Moissonneurs de Peter Bruegel [12]La singularité de cette figuration coprésentielle est appuyée par les moyens de l’image animée : le mouvement de caméra latéral révèle progressivement une scène qui reprend en symétrique inverse l’organisation spatiale du tableau du maître flamand.

Un dernier exemple de cette coprésence dialogique entre une culture antique stéréotypée et des hétérogènes se trouve emblématisé par le manga Thermae Romae, écrit et dessiné par Mari Yamakazi[13] . Cette série de bandes-dessinées, qui s’annonce comme « un manga d’étude comparée des bains » [14] , a de quoi dépoussiérer définitivement notre vision paysagère de l’Antiquité. Mari Yamakazi y met en scène la rencontre entre monde antique et monde contemporain au travers d’une abolition des fractures temporelles. Le héros, Lucius Modestus, est un architecte spécialisé dans la construction d’établissements thermaux, vivant à Rome sous le règne d’Hadrien. Son art, jugé trop classique, le met au ban de sa profession. Un jour, aux thermes publics, il est happé par une béance au fond du bassin et il en resurgit au Japon, à l’ère contemporaine. D’une première rencontre ahurissante, le héros va peu à peu apprendre à connaître cette civilisation et chacune de ses rencontres, organisée autour de la question des bains et de leur rapport au paysage, est l’occasion d’un dialogue interculturel. De retour à Rome, Lucius met en pratique les innovations découvertes au Japon en les adaptant aux réalités techniques et culturelles de son temps. Très vite, il acquiert, dans la Rome du IIe siècle de notre ère, une renommée importante qui

Les couleurs et les textures très proches assurent la circulation, dans et par le regard, du tableau renaissant à la campagne romaine. Cette représentation peut aussi se comprendre comme un clin d’œil : pour les historiens de l’art, la peinture paysagère qui s’inaugure dans les Flandres au XVIe siècle, procède d’une réception des paysages de l’Antiquité, dont l’image est reportée sur les contours du paysage flamand. On découvre ici, à travers le visuel de Grand Ages : Rome, une concrétion paysagère transhistorique, labile, qui permet au regard de circuler à travers les temps et les lieux en découvrant dans une même image des sédimentations culturelles différentes et pourtant reliées.Les modalités de la coprésence orchestrent donc fréquemment les représentations du paysage antique au tournant des années 2010.

Caesar IV, Sierra Entertainment, 2006

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lui vaut d’être sollicité par Hadrien lui-même afin d’effectuer des travaux d’aménagement sur le site de la Villa Hadriana.La coprésence des cultures japonaise et romaine s’opère essentiellement autour du paysage, à la fois réel et représenté. Ainsi, lors de son premier voyage spatio-temporel au Japon, Lucius découvre des bains dans lesquels trône une peinture paysagère représentant le mont Fuji, qu’il prend, en tout logique, pour le Vésuve. Séduit par cette idée, une fois de retour à Rome, il innove en créant de nouveaux bains dont qu’il orne d’une fresque de la baie de Naples[15) . Il est intéressant de noter que Mari Yamakazi fait de la Rome du IIème siècle une société paysagère, dont il faut toutefois noter le caractère ambigu : on peut en effet supputer que Lucius aurait importé du Japon l’idée même de représentation paysagère. Le paysage réel a aussi une place importante dans cette œuvre : si les bains structurent la vie urbaine à Rome comme au Japon, Lucius innove à nouveau en créant des bains de plein air. Les Romains, toujours par le truchement des Japonais, découvrent alors la sensation d’espace et de liberté du contact avec la nature, à

travers la contemplation du paysage réel.Les deux cultures se retrouvent donc en coprésence précisément par le paysage, tel que la pratique des bains, romaine comme japonaise, permet d’en faire l’expérience.La diversité de ces exemples qui fondent la représentation paysagère de l’Antiquité sur le modèle de la coprésence, permet à une singularité d’émerger. Provenant d’espaces et de temps différents, les hétérogènes mis en présence nourrissent des représentations paysagères qui parviennent à débarrasser l’Antiquité de ses oripeaux homogénéisants et rendent ses matériaux disponibles à une mise en fiction ouverte, à l’infini.Ce que font aussi émerger ces exemples, c’est la nature palimpseste des paysages représentés. Que celle-ci permette, in fine, de mieux comprendre nos paysages contemporains, c’est ce que nous souhaiterions développer dans une dernière partie qui a valeur de conclusion ouverte.III-Le paysage comme recadrage de la matière antique : éléments pour une topoïétiqueNous annoncions, en introduction, la possibilité de mettre au jour un dernier niveau de la réception paysagère de l’Antiquité : celui qui permettrait le retour

processus de singularisation des lieux et des lieux communs (double sens de topos) par l’entremise de la fiction [17] : il s’agit de surenchérir sur le stéréotype, en mêlant ses plans de référence, afin de construire des lieux singuliers. Cette pratique peut donc se comprendre comme une lecture créatrice du paysage qui mène à dialectiser les topoï de notre culture : avec elle, s’ouvre l’espace d’un dialogue entre les lieux communs, lesquels rendent possible l’existence d’une polis, et une singularisation qui fait de ces lieux en partage des lieux qui sont désormais nos propres.

vers notre quotidien, en repérant, dans les mises en œuvres contemporaines du paysage antique, l’émergence de nouveaux modes de lecture mobilisables in situ. Ces modes de lecture, nous les comprenons tout à la fois comme un ressaisissement de la matière antique, mais aussi comme un enrichissement sémantique de notre paysage contemporain.Ce que nous essayons de mettre au jour se joue sur le terrain de l’artialisation, processus qui est au cœur de la construction du paysage. Selon Alain Roger, le père moderne de cette théorie, nous projetterions sur l’espace qui nous entoure (en soi, indéterminé esthétiquement), en les y reconnaissant grandeur nature, des modèles paysagers latents, issus de notre culture, transformant ainsi « du pays » en paysage, dans un processus de construction de la réalité comparable à celui d’une “forgerie artistique” [16] .Cependant, ce processus, selon A. Roger, « œuvre en silence », et serait non conscient la plupart du temps : c’est ici que nous empruntons à Marc Ferniot sa proposition d’une radicalisation de l’artialisation, en une forme particulière de mise en œuvre paysagère, qu’il nomme topoïétique. La démarche est cette fois consciente, voire revendiquée. La topoïétique désigne un

Affiche du film Percy Jackson et le voleur de foudre de Chris Colombus, 2010

Un autre regard

Si certains exemples de notre corpus peuvent être lus selon la dimension topoïète qu’ils incarnent, la démonstration que nous allons en proposer autour de l’exemple de Percy Jackson doit surtout nous permettre de revenir vers le paysage réel, afin de montrer comment cette dimension topoïète génère un modèle autonome applicable, par effet-retour, sur nos environnements quotidiens. Dans Percy Jackson, Le Voleur de foudre (Chris Colombus, 2010), film que l’on pourrait qualifier de fantasy antique, les espaces emblématiques de la ville contemporaine ne sont plus les lieux de la réactualisation de l’Antiquité mais ceux de sa perdurance. Tapie dans les replis de l’urbanité, se cache une Antiquité actuelle, dont les jeunes héros, héritiers de la mythologie grecque, doivent débusquer les signes qu’ils ont le pouvoir de lire. Ils découvrent en effet qu’ils sont les rejetons de dieux d’un Panthéon grec qui n’a jamais cessé d’exister, et qui s’est contenté de se cacher dans les recoins du temps. L’Antiquité n’est plus figurée sous les modalités de sa distanciation spatio-temporelle mais elle colonise notre présent. La ville contemporaine, en

l'occurrence Manhattan, se définit alors comme l’espace de la quête des signes d’une mythologie bien vivante sous la couche du paysage urbain contemporain, à l’image de l’Olympe accessible par ascenseur depuis le sommet de l’Empire State Building.De nombreux éléments fictionnement l’Antiquité mythologique en la remodelant selon les contours de telle ou telle figure contemporaine. Le film va plus loin encore en multipliant les niveaux de lecture et les strates culturelles. Dès le début du film, la séquence du Musée – tournée au Metropolitan Museum of Art – nous permet de découvrir, dans la célèbre galerie J1 de l’aile J (aile Sud), des statues de dieux olympiens. Nous découvrons alors les têtes des statues divines remodelées selon le faciès des acteurs qui incarnent ces mêmes dieux dans le film [18] : nous tenons là un exemple de topoïétique édifiant..

singularisé par sa mise en scène dans le film qui en resémantise le caractère antique. Il s’agit bien de singulariser le lieu commun par l’entremise de la fiction, mais d’une fiction totale, puisque le scénario fusionne ici à la geste de Persée (dont Percy Jackson est l’avatar), les épisodes mythologiques de la geste d’Héraklès (Percy affronte l’Hydre de Lerne) et de celle de Thésée (il la vainc avec la tête de Méduse). Cet entrelacs mythologique, au-delà de son caractère junk-mythologic, est alors relocalisé dans le présent diégétique, puisque l’Hydre pétrifiée devient une statue d’art contemporain dans le Parthénon de Nashville qui est bien, dans le réel, un musée d’art contemporain.Sont donc entretissées sources mythologiques diverses et réalités tout aussi multiples. De cet exemple, émerge pour notre étude la possibilité de reporter sur le présent de nouveaux modèles de lecture, qui découlent de la mise en œuvre cinématographique ou vidéoludique d’une Antiquité décadrée, coprésente et singulière. Le matériau antique se trouve ainsi rendu disponible, par les modalités de la topoïétique, à l’infini des appropriations.

Plus loin dans le film, l’antre de Méduse relève d’un même jeu sur le stéréotype antique : une jardinerie désaffectée, dont la toponymie assure le caractère grec (Emporion Garden), spécialisée en articles statuaires, témoigne de l’activité pétrifiante du monstre, tout en se présentant comme le moyen par lequel Méduse se cache aux yeux du monde contemporain.Enfin, la séquence du Parthénon de Nashville surenchérit sur ce procédé en saturant les sens possibles : faut-il comprendre le Parthénon filmé comme celui de Nashville, qui en possède réellement une réplique exacte à l’échelle 1:1 [19], ou bien est-ce un renvoi à celui d’Athènes au temps de son édification ? Que signifie donc la démultiplication et la relocalisation du bâtiment le plus emblématique de la civilisation grecque, dans la contemporanéité réelle et américaine ? Surnommée l’Athènes du Sud, dès 1850, en raison de ses nombreuses demeures néoclassiques, Nashville parachève cette fiction identitaire en construisant, pour l’Exposition du Centenaire du Tennessee en 1897, ce Parthénon, ainsi que plusieurs autres bâtiments néo-grecs. C’est ici un bel exemple non seulement de topoïétique actualisée dans la réalité du paysage américain, mais encore

scène dans le parthénon de Nashville, Percy Jackson et le voleur de foudre de Chris Colombus, 2010

Un autre regard

De ce travail de refonte du paysage antique, dont témoignent les diverses représentations paysagères étudiées, semble naître un dialogue fertile entre l’Antiquité et nous. Les hétérogénéités que nous avons relevées et qui président à des mises en œuvre singulières de l’Antique, nous invitent à reporter notre regard sur la réalité de nos villes afin d’y questionner la place que nous accordons aux vestiges antiques.Ceux-ci occupent dans nos villes une place souvent problématique, qui oscille entre une patrimonialisation qui tend parfois à la muséification rampante, et un oubli total. Toutefois, forts des apports d’un usage topoïète du matériau antique, ne pourrait-on imaginer à ces deux orientations funestes une voie tierce, qui permettrait de porter sur le réel un regard créatif, ouvrant le paysage à sa dimension palimpseste, et actualisant le dialogue entre les strates mnémoniques dont il est, immanquablement, le lieu ?Ce regard, qui fait tourner le culturel dans tous les sens, ce pourrait être, par exemple, celui que porte le photographe Gabriele Basilico sur les vestiges antiques de la région PACA.Répondant à une commande de l’Agence pour le Patrimoine Antique de Provence-

Alpes-Côte d’Azur, le photographe italien, plutôt connu pour son travail sur les marges urbaines et les lieux dévastés par la guerre, s’intéresse aux possibles dialogues entre ces monuments hors échelle (tant spatialement que temporellement) et la contemporanéité vivante de l’espace urbain.En faisant apparaître dans ses images un feuilletage de références culturelles, Gabriele Basilico révèle l’entrelacs de significations hétérogènes dans lesquelles se trouvent prises les architectures qu’il photographie. Ainsi, en renvoyant tout autant aux multiples représentations historiques de ces vestiges antiques, très largement documentés depuis Louis XIV, jusqu’aux célèbres images de la Mission Héliographique de 1851, mais aussi à leur présence dans l’imaginaire esthétique pictural (Hubert Robert), et littéraire (textes de J.-J. Rousseau ou de Jefferson), qu’à une esthétique photographique paysagère contemporaine (le courant topographique, la photographie documentaire de la Mission DATAR, l’école de Düsseldorf, etc.), Gabriele Basilico témoigne d’un regard qui met en dialogue, à travers ce feuilletage, des espaces que l’on a pourtant l’habitude de cloisonner. En jouant de subtils décadrages, en composant ses images, Basilico y fait figurer de petits détails qui montrent que la vie investit toujours les vestiges.

1 Sur la base des critères paysagers développés par Augustin Berque, Les Raisons du paysage. De la Chine antique aux environnements de synthèse, Paris, Hazan, 1995. 2 Nous renvoyons le lecteur aux travaux d'Agnès Rouveret , Histoire et Imaginaire de la peinture ancienne (Ve s. av. J.-C. - Ier s. ap. J.C.), BEFAR 274, Rome, 1989 et “ Pictos ediscere mundos. Perception et imaginaire du paysage dans la peinture hellenistique et romaine ”, KTEMA, 29, 2004, p.325-344, de Jean Trinquier, Loca Horrida. L'espace des animaux sauvages dans le monde romain entre la fin de la Republique et le Haut Empire, thèse de doctorat sous la direction d'Agnes Rouveret, Paris X Nanterre, 2004 et “le motif du repaire des brigands et le topos du locus horridus : Apulee, Métamorphoses, IV, 6 ”, Rev. de Philologie, LXXIII, 1999, vol.2, p. 257-277 ainsi que ceux de L.-N. André, Formes et fonctions du paysage dans l'épopée hellénistique et tardive, sous la direction de Christophe Cusset, ENS de Lyon, 2012, et “Le palais d’Aiétès et son jardin chez Apollonios de Rhodes (Arg. III, v.194-252). Un exemple de paysage-palimpseste antique ? ”, AITIA, 2, revue en ligne, ENS éditions, 2012. 3 Comme le note Gilbert Lascault, “Chaque fois que nous prenons connaissance d’une nouvelle façon de lire une campagne (celle d’un peintre, d’un paysan, d’un géologue, etc...), nous rendons plus complexes, plus riches les sensations et les sentiments que nous donne un paysage”, in “Vers un dictionnaire partial du paysage”, in François Dagognet (Dir.), Mort du paysage ? Philosophie et esthétique du paysage, Seyssel : Champ Vallon, 1982, p. 236.

Éléments de signalétique routière, lampadaires, spots, câbles, tuyaux d’arrosage, bornes, plots, marquage des sièges dans les amphithéâtres ou les arènes, passages cloutés, assurent la continuité entre les vestiges antiques et les structures contemporaines. Finalement, rien ne partitionne ces espaces dans le réel, si ce n’est le regard que nous portons sur eux.C’est avec cette logique de travail, et au travers de ce type de regard, qu’il nous semble possible de comprendre la singularité du travail de réception que notre société contemporaine opère à partir de l’Antiquité. Débarrassée du mythe sclérosant qui fait d’elle le creuset du fantasme de nos origines, homogénéisant la matière antique autour de sa fonction d’ancrage identitaire, l’Antiquité se dégage de l’idéal épuré et académique qui a présidé à sa représentation durant des siècles, afin de redevenir, par le biais des nouvelles modalités de réception que nous avons mises au jour, un champ labile à parcourir dans toutes les dimensions de notre quotidien.

Notes

Un autre regard

9 CivCity Rome : 2006, Firefly Studios / Firaxis / 2K Games. 10 Caesar IV : 2006, Tilted Mill / Vivendi Universal Games / Sierra. 11 Grand Ages : Rome : 2009, Haemimont Games / Kalypso Media. 12 Peter Bruegel l’Ancien, Les moissonneurs, 1565, Huile sur panneau de bois, 118,1 x 160,7, Cons. Metropolitan Museum of Art, New York, USA. 13 Première publication en 2009. Cinq tomes ont déjà été publiés (en France chez Casterman), le sixième et dernier est prévu pour le 26 juin 2013. 14 Aux dires de son auteur, cf. postface du tome 5.15 Les baigneurs qui découvrent la peinture s’exclament : « La baie de Naples en contrebas du Vésuve… et ces pins… C’est finement trouvé ! », « Riche idée… ça a du charme… », in Mari Yamakazi, Thermae Romae, Volume I, Paris : Casterman, 2012, p. 31. 16 Alain Roger, Court traité du paysage, Paris : Éditions Gallimard, 1997, pp. 15-16. 17 “La Topoïétique, […] néologisme [sous lequel il faut entendre] une discipline (ou une figure) de l’Esthétique dont les attendus et les enjeux seraient la fabrication (poien) du lieu commun (topos) par l’entremise de la fiction”, Marc Ferniot, in Espaces, Tourismes, Esthétiques, Bertrand Westphal et de Lorenzo Flabbi (Dir.), Presses Universitaires de Limoges et du Limousin, Collection Espaces humains, 2010. 18 Il s'agit de l'acteur Sean Bean incarnant Zeus et de Kevin McKid jouant Poséidon. 19 Le Parthénon de Nashville s’enorgueillit également d’une copie, quoique dans une version non chryséléphantine, de la célèbre statue de Phidias.

4 Par « matière antique », nous entendons la somme de tous les objets, usages, concepts et imaginaires qui constituent la civilisation antique. Le terme même de « matière » engage une plasticité de ces objets, qui ouvre à la possibilité de leur « mise en récit » ou de leur « mise en fiction » : nous parlons alors de « fictions archéologiques ». 5 La sophistication croissante des technologies de l’image numérique, conjuguée à la demande accrue d’un public de plus en plus exigeant, provoquent l’essoufflement de ce « premier » de type de représentation que nous avons décelé. 6 Warriors : Legends of Troy : 2011, Koei Canada / Tecmo Koei. 7 Nous voyons ici apparaître la seconde des caractéristiques que nous avons identifiées comme celles d’une réception a minima de l’Antique : la substitution. Les exemples de ce principe sont légion : ainsi, et pour reprendre la même ville que dans notre exemple précédent, Wolfgang Petersen singularise sa Troie par le recours aux traits de la ville babylonienne, notamment en y situant une sorte de porte d’Ishtar. Pour une analyse détaillée de ce second principe de la réception a minima de l’Antique, voir L.-N. André et S. Lécole Solnychkine, “Paysages et topoï dans le péplum grec contemporain : de l’esthétique de la ruine à sa résurrection virtuelle”, Anabases, 18, 2013. 8 Roland Barthes, dans La préparation du roman, comprend la coprésence comme présence d’éléments hétérogènes l’un à l’autre : deux ou plusieurs éléments coprésents dialoguent l’un avec l’autre, sans que cela n’implique de lien causal ou même logique. Nous renvoyons le lecteur à Roland Barthes, La préparation du roman, I et II, Cours et séminaires au Collège de France (1978-1979 et 1979-1980), Paris : Seuil/IMEC, Collection Traces écrites, 2003.

Laury-Nuria ANDRÉ, Formes et fonctions du paysage dans l'épopée hellénistique et tardive, sous la direction de Christophe CUSSET, ENS de Lyon, 2012, à paraître en version remaniée. – Game of Rome. L'Antiquité vidéoludique, éditions Passage(s), Caen, 2016. – La Méditerranée en partage. Paysage et photographie dans l’œuvre de Victor Bérard, éditions Passage(s), Caen, 2017. – Lux obscura. L'Antiquité au cinéma du XXIe siècle, éditions Passage(s), Caen, à paraître, 2018. Roland BARTHES, La préparation du roman, I et II, Cours et séminaires au Collège de France (1978-1979 et 1979-1980), Paris : Seuil/IMEC, Collection Traces écrites, 2003.Augustin BERQUE, Les Raisons du paysage. De la Chine antique aux environnements de synthèse, Paris, Hazan, 1995.Marc FERNIOT, in Espaces, Tourismes, Esthétiques, Bertrand Westphal et de Lorenzo Flabbi (Dir.), Presses Universitaires de Limoges et du Limousin, Collection Espaces humains, 2010.Gilbert LASCAULT, “Vers un dictionnaire partial du paysage”, in François Dagognet (Dir.), Mort du paysage ? Philosophie et esthétique du paysage, Seyssel : Champ Vallon, 1982.Alain ROGER, Court traité du paysage, Paris : Éditions Gallimard, 1997.Agnès ROUVERET , Histoire et Imaginaire de la peinture ancienne (Ve s. av. J.-C. - Ier s. ap. J.C.), BEFAR 274, Rome, 1989 – “ Pictos ediscere mundos. Perception et imaginaire du paysage dans la peinture hellénistique et romaine ”, KTEMA, 29, 2004, p.325-344.Jean TRINQUIER, Loca Horrida. L'espace des animaux sauvages dans le monde romain entre la fin de la République et le Haut Empire, thèse de doctorat sous la direction d'Agnès Rouveret, Paris X Nanterre, 2004. – “le motif du repaire des brigands et le topos du locus horridus : Apulée, Métamorphoses, IV, 6 ”, Rev. de Philologie, LXXIII, 1999, vol.2, p. 257-277.Mari YAMAKAZI, Thermae Romae, Volume I, Paris : Casterman, 2012.

Bibliographie

Lire, écouter, voir,

A réécouter !

Bibliographie (sélective)

A découvrir : "Les rues de Lyon" un journal en BD créé par l'association "L'épicerie séquentielle" !

Rome (Série S1 et 2 , 22 épisodes , 2005-2007 , HBO (Attention : certaines scènes peuvent heurter la sensibilité du public)Brûlez Rome, RobertKéchichian, France, 2005 (docu-fiction)Troie., Wolfgang Petersen., 2004Agora. Alejandro Amenábar. 2009.

- Frédéric Hurlet, Auguste, Les ambiguites du pouvoir, ed A.Colin, 2015- Paul Veyne, La société romaine, Points Histoire 2001- Christian Goudineau, Le Voyage de Marcus : les tribulations d'un jeune garçon en Gaule romaine, Éd. Actes Sud, 2005- Vincent AZOULAY, Périclès. La démocratie athénienne à l'épreuve du grand homme. Paris, Armand Colin, 2016, 2e édition, 352 p- Nicoby, Jean-Louis Brunaux, De Massilia à Jules César, L'Enquête gauloise , La Revue Dessinee. - Jean Dufaux , Murena, Dargaud, 10 tomes, 1997 - 2017- Martin Jacques, Alix, Casterman, 1948 -?.

Ouvrages scientifiques

La Maison de l'Orient et de la Méditerranée propose une bibliographie à partir des ouvrages disponibles dans ses fonds

L'université Jean Moulin Lyon 3, propose une bibliographie

Capes-Agreg 2019 : Histoire ancienne

Bande dessinée

Filmographie (sélective)

Un journal mensuel de douze pages, proposant chaque mois un récit complet en bande dessinée. Que du lyonnais, que des histoires vraies, réalisées par des auteurs locaux et imprimées aussi en local.

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Partage de pratiques

A la découverte de la Romanisation : des élèves de 6e organisent la visite du site antique de Vienne.

Par Perrine DESBOS-BOYER, Enseignante d’Histoire - Géographie – E.M.C. au collège Pierre de Ronsard à Mornant, Membre du GRD (Groupe de Ressources Disciplinaires) de l’Académie de Lyon.

1 La romanisation : place dans la programmationLes élèves de 6ème ont déjà travaillé sur la place de la religion à Rome (notamment : fondation et période républicaine) lors du thème 2 qui s’intitule « Récits fondateurs, croyances et citoyenneté dans la Méditerranée antique au Ier millénaire avant J.-C ». Dans ma programmation, au mois de mai, il s’agit de remobiliser leurs acquis mais aussi de construire de nouvelles connaissances, autour de la notion d’empire puisque le thème 3 nous invite à étudier « l’empire romain dans le monde antique ».Avant de traiter des contextes de la naissance et de la diffusion du christianisme et des modalités des contacts entre des espaces éloignés du monde antique, les élèves découvrent les spécificités de l’empire romain comme construction territoriale et politique ainsi que le rayonnement de la civilisation romaine..

2 L’étude d’un site localJ’utilise la démarche inductive pour traiter de la romanisation. L’étude est conduite à partir des vestiges archéologiques de la cité voisine de Vienne pour observer les lieux et monuments caractéristiques de la culture romaine (forum, thermes, théâtres), les institutions ou pratiques (mode de vie, culte de Rome et de l’empereur…) qui inscrivent la cité et ses habitants dans l’empire romain. Il est très intéressant (et pratique !) de travailler sur un site local, mais beaucoup d’élèves ont déjà visité le musée, sont passés devant le temple d’Auguste et Livie en centre - ville, ont assisté à un spectacle au Théâtre antique. Ces bâtiments leur semblent connus ou du moins familiers, alors qu’en réalité, leurs connaissances restent sporadiques. Lors des sorties sur le site réalisées les années précédentes, les élèves suivaient le guide ou l’enseignant, mais de manière passive en ayant plus envie de s’amuser sous le soleil du mois de juin que d’écouter les explications….

Partage de pratiques

Comment alors intéresser, mobiliser, impliquer davantage les élèves dans la construction des connaissances, mais aussi lors de la sortie sur le terrain ?

Ou bien sur le modèle des cartes de rôles proposées par « Le livre scolaire »:

3 Travail de groupe Des études menées en classe sont réalisées en groupe. Les élèves sont répartis par l’enseignant en 5 groupes de niveaux différents. Chaque groupe a une mission définie autour d’une étude d’un seul aspect de la romanisation de la ville de Vienne. Ces travaux en groupes sont également destinés à mettre en place des connaissances clairement mobilisables lors de la visite de Vienne.4 Rôle individuel Au sein de chaque groupe, chaque élève a un rôle précis sur le modèle de la roue des rôles proposée par Cécile Nicolas, de l’académie de Lyon.

5 Oral et mutualisation des connaissances Une carte mentale de synthèse est réalisée, ce qui permet de mettre en commun les différentes connaissances apportées par chaque groupe. L’élève qui passe à l’oral est celui qui avait choisi le rôle de l’orateur / ambassadeur dans son groupe. Les élèves sont habitués à passer à l’oral en classe. Ils ont une fiche de compétence qu’ils ont établis eux -mêmes en début d’année. A chaque passage, ils s’auto-évaluent et sont évalués de manière formative par les auditeurs (leurs pairs et l’enseignant). Dans la plupart des classes, les critères retenus en priorité par les élèves sont la clarté, la concision et l’intérêt. L’élève doit réussir à intéresser son auditoire !

Partage de pratique

Raconter la fondation de Massalia : distinguer Histoire et fiction en classe de 6e.

Dans ce chapitre, il s'agit notamment de repérer ce que "l'on sait de l'univers culturel commun des Grecs vivant dans des cités rivales ?". Ainsi, j'ai construit ma séquence de la façon suivante avec l'appui de ce support numérique où une Google Maps fait office d'outil de repérage spatial et de plan de travail (http://lewebpedagogique.com/lapasserelle/2017/12/06/6eme-h4-monde-cites-grecques/).

Le récit historique est au cœur des programmes d’enseignement aux cycles 3 et 4. Ayant appris à identifier un récit historique en 6ème, l’élève doit ensuite être en mesure d'en connaître les caractéristiques pour produire des récits simples avec un propos ordonné et des mots justes. Dans le thème 2 du programme de 6ème, les programmes nous demandent d'apprendre aux élèves à distinguer histoire et fiction. Qu'est-ce qu'un mythe ? Qu'est-ce qu’une légende ? Pourquoi Grecs et Romains ont-ils fait circuler des légendes sur la fondation de villes ? Cette réflexion construite sur l'année pose des jalons aidant les élèves dans la confrontation entre faits historiques et croyances qu'on retrouve dans l'étude des monothéismes.

Par Emmanuel Grange. professeur d'histoire-géographie et formateur académique, Collège Waldeck Rousseau, Firminy.

Partage de pratiques

Dans mes deux classes de 6ème, j'ai guidé les élèves dans le travail en revenant avec eux notamment sur l'importance de bien dater le document mais cela n'a pas empêché certains de faire fausse route et de ne pas saisir la part légendaire du récit. L'erreur est formatrice, il est bon de les laisser se tromper sans chercher à tout prix à les orienter vers la solution. Le tableau du 19ème siècle sur le mariage de Gyptis et Prôtis a souvent été un élément de confusion pour les élèves car peindre une légende la matérialise et contribue à l'authentifier. La reprise s'est faite avec un groupe qui a bien repéré le vrai du légendaire dans cette histoire et peut être prolongé par la lecture d'un article d'Arkéo junior sur la question. Lors de la séance suivante, j'ai évalué la capacité des élèves à lire la mythologie grecque. J'ai conté l'origine de la guerre de Troie puis les élèves ont eu à relever les caractéristiques d'un mythe pour construire une définition et arriver à expliquer en quoi l'origine de la guerre de Troie est un mythe grec. Gyptis et Prôtis, Hélène et Pâris, ces couples illustres du monde grec racontent comment l'amour lie ou déchire une communauté en montrant aux élèves la dimension morale de ces récits.

Séance 3 - Comment raconter la fondation de Massalia ? C'est la séance la plus importante de la séquence puisqu'elle intègre les exigences du programme surlignées plus haut. Nous sommes au début du 2ème trimestre et le cours mobilise plusieurs compétences travaillées depuis le début de l'année. Elle prépare l'évaluation de la séance suivante sur "Comment lire la mythologie grecque ?"• s'informer dans le monde numérique• pratiquer différents langages en Histoire• comprendre un document• raisonner, justifier une démarche ou les choix effectués• coopérer, mutualiserLes élèves sont mobilisés en groupe par une enquête sur la véracité du récit de la fondation de Massalia. Lors de la séance, ils doivent aboutir après une étude de documents à choisir parmi trois propositions. L'explication de leur choix et la mise en commun se fait lors de la séance suivante pendant 30 minutes.C'est le choix des documents qui m'a demandé le plus de temps dans cette activité. Elle s'appuie sur le célèbre texte de Justin du IIème siècle après JC avec charge aux élèves d'enquêter pour savoir si tout est vrai, en partie vrai ou complètement faux ! Interroger un texte historique à la lumière d'autres sources est un exercice qui nécessite de ne pas perdre les élèves dans des textes ou questionnement trop longs . Regroupés sur un padlet pour une bonne visibilité (https://padlet.com/lapasserellehgec/43gy8787y8tf), les documents sont de nature différente en montrant la dimension synchronique et diachronique de la fondation de Massalia. Sur le padlet, quelques questions guident les élèves qui, organisés en groupes, réfléchissent ensemble à la réponse à apporter. La confrontation des points de vue dans le groupe est ici importante puisqu'elle permet une verbalisation des arguments avant d'arrêter une décision collective.

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Partage de pratiques

Athènes, une démocratie directe ? Apprendre à argumenter en classe de 2nde.

La formulation de la consigne est la suivante « justifier l’affirmation suivante : La démocratie athénienne est un système dans lequel le citoyen participe de manière directe à la vie politique (3 éléments attendus) ». L’analyse de l’affirmation menée de manière collective doit guider les élèves pour réaliser prélèvement pertinent des informations et rédiger clairement les trois arguments demandés. La reprise de l’exercice s’effectue collectivement. L’enseignant inscrit quelques réponses données par les élèves au tableau sous la consigne qui a été inscrite en haut. Les arguments sont d’abord reportés sous la forme de tirets puis le professeur ajoute un mot de liaison devant chaque proposition faite (« car », « en effet », « parce que »…) afin que les élèves prennent conscience de l’aspect argumentatif de la tâche à réaliser. Il faut ensuite interroger les élèves afin de leur demander si les arguments proposés permettent de répondre de manière satisfaisante à l’affirmation. Si une proposition est jugée incorrecte, les élèves doivent motiver leur propos (prélèvement insuffisant ou incorrect, formulation maladroite) ce qui permet de poser un regard distancié et critique sur l’ensemble des propositions inscrites. Ensuite, l’enseignant incite les élèves à proposer des améliorations éventuelles particulièrement par la reformulation des arguments. Cet exercice apparait certes un peu long mais est très intéressant pour les élèves car il permet de travailler la rédaction de réponses argumentées, tâche souvent difficile pour les élèves sortants de collège. Cependant, il permet de réactiver et approfondir aussi un des points du socle commun, « Comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’écrit et à l’oral ». Ainsi, il est précisé dans ce dernier que « l’élève s’exprime à l’écrit ….. pour argumenter de façon claire et organisée. Lorsque c’est nécessaire, il reprend ses écrits pour rechercher la formation qui convient le mieux et préciser ses intentions et sa pensée » ( Domaine 1 du socle commun). La mise en œuvre de cette tâche en début d’année est intéressante pour construire la progressivité des capacités et méthodes mises en œuvre au lycée car la rédaction d’un texte construit et argumenté est indispensable et centrale dans de nombreux exercices notamment ceux du baccalauréat. La répétition et la complexification progressive de l’exercice à partir d’autres situations doivent permettre aux élèves de s’approprier pleinement cette capacité majeure dans le cursus au lycée. Ainsi, lors de la réalisation d’un plan détaillé pour répondre à un sujet de composition ou de croquis, ce travail peut être réactivé tout comme il sera utile pour la formulation d’idées générales pour l’analyse de documents.

En classe de Seconde, le thème « Citoyenneté et démocratie à Athènes (Vè-IVè siècles) invite à s’interroger sur la question de la démocratie directe qui caractérise la cité de l’Attique. Paul Veyne définit la démocratie athénienne comme « le pouvoir pour chacun des citoyens de débattre, de décider, de juger ». Comme le souligne Vincent Azoulay dans ses différents travaux, la participation à la vie publique caractérise le citoyen athénien que ce soit la vie politique, religieuse ou de loisirs dans la cité. Le citoyen peut certes participer à l’Assemblée réunie sur la Pnyx pour prendre la parole, débattre, voter mais il peut aussi être élu magistrat (stratège) ou tiré au sort pour exercer les autres magistratures, préparer le travail de l’Ecclesia ou être juge. A partir de l’étude de l’organigramme des institutions de la cité, nous proposons d’aller plus loin que le simple relevé d’informations pour travailler la capacité « Rédiger un texte argumenté » indiquée dans le tableau des capacités et méthodes qui ouvre le programme. Cet exercice de début d’année doit aussi permettre de consolider et d’approfondir les acquis de collège dans ce domaine.Le document utilisé, présent dans tous les manuels, est d’une lecture relativement difficile car les élèves ont beaucoup de difficultés à lire ce type de document reconstitué même s’ils ont pu le rencontrer lors de leur cursus au collège, particulièrement celui des institutions de la Vème République. Il faut s’assurer dans un premier temps que les élèves cernent le sens du document et donc de leur donner toutes les clés de lecture afin qu’ils puissent s’approprier les différents éléments (type de document, vocabulaire, explications diverses sur le rôle des magistrats ou des bouleutes en s’appuyant sur d’autres documents…). Afin de travailler la capacité envisagée, l’enseignant propose ensuite aux élèves une tâche qu’ils peuvent réaliser de manière individuelle. Celle-ci consiste en la justification d’une affirmation à partir des éléments présents dans le document.

Par Sylvain Lancelot, professeur d'histoire-géographie, Lycée Aragon, Givors

Partage de pratiques

Reconstituer une domus : antiquité, numérique et ouverture culturelle.

2. Recherches informatiques. Les élèves ont ensuite entrepris des recherches pour découvrir les ornements et les décorations que les archéologues ont retrouvés à Pompéi et Herculanum, dans différentes maisons. Ce travail a permis d'aborder la question des usages du numérique (droit d'utilisation, obligation de citer ses sources…), ainsi qu'une réflexion sur le métier d'archéologue. Il a également été l'occasion d'évoquer des techniques artistiques (mosaïque, fresque, sculpture). Il a enfin permis aux élèves de prendre conscience du double rôle de la maison : espace privé, réservé au cercle familial et espace public, accueillant les invités, les personnes influentes. Ce dernier espace se devait d'être richement décoré afin de montrer le prestige et le goût artistique du maître de la maison.3. Réalisation d'un plan à l'échelle. En mathématiques, les élèves ont abordé la notion des échelles en travaillant sur le plan d'une des célèbres maisons de Pompéi, celle dite du Faune. Puis, par petits groupes, ils ont réfléchi au plan de leur propre maison romaine, en combinant leurs connaissances et leur inspiration.4. Réalisation d'une maison en 3D avec Minetest. A partir du plan réalisé en mathématiques, chaque groupe a conçu sa maison dans un quartier de Minetest.

1. Découverte de différentes maisons romaines. En cours de français, les élèves ont lu des textes d'auteurs antiques, proposés en latin, accompagnés d'une traduction française (Satiricon de Pétrone, Métamorphoses d'Apulée) afin de découvrir les pièces d'une domus et d'en comprendre l'organisation. Ce travail a permis également de mettre en évidence quelques racines latines et d'enrichir le vocabulaire français par le recours à l'étymologie. Ce vocabulaire a été enrichi dans les cours de langues étrangères enseignées au collège (anglais, allemand, espagnol).

Par Aline Chopard et Jean-François Simon, professeurs au collège du Pilat à Bourg Argental

Un EPI qui allie l’Antiquité et le numérique pour une ouverture culturelle et une appropriation des outils numériques.Cet EPI a été réalisé avec les deux classes de 5e du Collège du Pilat de Bourg-Argental, réunissant plusieurs disciplines (LCA, français, anglais, allemand, espagnol, mathématiques, technologie). Il a permis aux élèves de découvrir les caractéristiques de la maison romaine (domus), de s'interroger sur ce lieu qui mêle sphère privée et publique, d'aborder des points d’étymologie, de mobiliser des connaissances techniques (plan à l'échelle) et de faire preuve de créativité (Minetest).

Partage de pratiques

La motivation des élèves est le point fort du projet, il faut bien cadrer le temps passé devant le jeu et rappeler que c’est un travail en faisant des pauses pour analyser ce qui se passe dans le jeu.

Après quelques règles de fonctionnement (respect, collaboration, matériaux …) et une démonstration du jeu, très courte car il faut se servir des joueurs, les élèves se mettent en activité. C’est un projet de classe ou le professeur demande de créer 2 habitations. La collaboration a une place très importante car les élèves doivent s'organiser. On voit souvent l'émergence de leaders dans la classe qui organisent la construction. Pour faciliter la construction : un cube fait 1 m3, et on utilise des feuilles petits carreaux pour passer du plan mathématiques au jeu minecraft.

Minetest est la version open-source de minecraft,le célèbre jeu de construction type “bac à sable” que les jeunes apprécient énormément. On doit réunir des ressources (bois, pierre, métal...), de construire des bâtiments, de développer un univers quasi-infini. Les possibilités pédagogiques sont immenses. Il existe une version Minecraft edu détenu par Microsoft mais payant, et notre budget ne le permettait pas. Framasoft, l’association du libre propose un serveur dedié Framintest edu qui est monde ouvert au classe ou l’enseignant va pouvoir contrôler ce monde (privilèges donnés aux élèves, délimiter des zones…).

Entretien

Voxapolis : jouer pour désigner, délibérer et décider

L’Antiquité interroge les pratiques électives, un des objets du jeu « Voxapolis » aux éditions Canopé et disponible prochainement dans l’ensemble du réseau Canopé. Pour Can@bae, Emmanuel Grange a rencontré Boris Klein et Pascal Mériaux, deux professeurs d’histoire-géographie du Lycée la Martinière Duchère à Lyon et co-concepteurs du jeu avec Fanny Giraudier et Stephan Soulié.

EG : Comment est né le jeu Voxapolis ?PM : Et bien disons que le jeu est le fruit d’une rencontre entre le CEDRE , la bibliothèque municipale de Lyon, et les deux professeurs d’histoire-géographie que nous sommes lors de la préparation du forum « Démocratie » organisé par la Bibliothèque municipale de Lyon de novembre 2016 à mars 2017. Dans ce contexte, le CEDRE cherchait une entrée pour questionner et discuter auprès des lycéens des pratiques électives et notamment de la question complexe des paradoxes du vote. Mais nous souhaitions permettre aux lycéens d’être des acteurs et de vivre « le vote », c’est là que l’idée d’un jeu a émergé. BK : Le CEDRE a fourni une aide déterminante, dès le début de la conception du jeu. Il fallait que nous soyons sûrs de faire écho aux acquis récents de la recherche sur le sujet ; tout au long du processus qui a abouti à la première expérimentation du jeu, le rôle de Stéphan Soulié du CEDRE a été essentiel pour vérifier la pertinence des équilibres et des contraintes que nous fixions pour chaque atelier. Cette expertise associée à celle de Fanny Giraudier de la Bibliothèque municipale habituée à mener des actions auprès de publics divers et notre regard pédagogique ont permis de réaliser Voxapolis.

1 Centre européen des études républicaines dirigé par Olivier Christin, http://cedre.univ-psl.fr/

2 sav oir plus sur le Forum « Démocratie, rêver, penser, agir » : https://www.bm-lyon.fr/nos-blogs/democratie/bilan-du-programme-d-action-culturelle-democratie-rever-penser-agir-ensemble/article/le-forum

EG : En deux mots, quel est le pitch de Voxapolis ?PM : En deux mots, je dirai en 3 : Désigner, délibérer et décider ! Un conseil élu de la métropole « Voxapolis » doit faire un choix et décider d’un aménagement autoroutier important. Il s’agit d’abord d’élire le conseil métropolitain en expérimentant différentes pratiques électives : le scrutin uninominal direct, le vote par approbation, préférentiel, le tirage au sort, ou encore la proportionnelle. Ensuite, chaque conseil élu délibère et enfin décide. Il s’agit donc de montrer que l’enjeu du vote ne se résume pas à glisser un bulletin dans une urne et surtout que le choix du mode de scrutin est fondamental et que ce choix questionne ce qu’est une démocratie : la voix de la majorité, la voix du peuple, la voix de la représentation équitable de toutes les sensibilités politiques ou bien la voix du tirage au sort ?

EG : Explorer les différents modes de scrutin par le jeu, est-ce une façon de laisser imaginer aux élèves leur démocratie idéale ?BK : Peut-être que le jeu peut avoir cet effet chez certains, après coup. Mais le premier objectif est d’inverser chez les élèves le cheminement habituel : au lieu d’apprendre des notions et d’imaginer ce qu’elles impliquent dans la vie réelle, ils sont soumis directement à l’expérimentation, qu’ils relient ensuite aux notions et aux enjeux de la démocratie. L’exploration par le jeu est avant tout une stratégie pédagogique, qui répond à des attentes précises.

Entretien

EG : Les scénarios ont-ils été déjà testés auprès de classes ? Si oui, quels retours avez-vous pu constater ?BK : Nous avons testé une première fois le jeu auprès d’élèves de T°STMG, et nous leur avons ensuite demandé un travail en aval, pour vérifier comment le jeu avait été perçu : les élèves devaient ainsi, par groupes de 3-4, produire une affiche vantant les mérites ou les défauts d’un des modes de scrutin expérimenté. Une des leçons a été qu’ils condamnaient assez fortement la pratique du tirage au sort. .PM : D’ailleurs, suite à cette première expérience, à notre sens très riche, nous avons décidé de renouveler l’expérience au sein du Lycée avec 100 élèves de Terminale. Ce sont ces expériences qui nous ont conduit à chercher un éditeur afin que le jeu puisse être disponible pour tous les enseignants. Le réseau Canopé et la Maif ont été sensibles à notre projet et ont permis son édition aujourd’hui. EG : Voxapolis est -il un jeu dédié aux enseignants d’HGEMC ou a t-il une dimension interdisciplinaire avec une possibilité de co-animation ?BK : Les thèmes et les enjeux qui sont soulevés par le jeu dépassent largement les seuls programmes et compétences de l’HGEMC. D’autres enseignants, de SES, de philosophie ou même de mathématiques peuvent trouver dans le jeu de quoi nourrir leurs enseignements. Et tout le monde peut participer en tant qu’animateur. PM : Je pense même que le jeu a une vocation à être « jouer » en interdisciplinarité. Tout d’abord parce que les questions et les enjeux aborder sont transversaux et touchent au politique », à la vie et à l’engagement dans la cité. Ensuite, parce que la pratique du jeu ne se suffit pas à elle-même et nécessite un retour réflexif des élèves guidés par le professeur et là le regard pluridisciplinaire est crucial. Si le professeur d’histoire peut apporter une profondeur historique sur les pratiques électorales depuis l’Antiquité, le professeur de SES apportera sans doute son regard socio-économique tandis qu’un professeur de Mathématiques donnera les outils pour comprendre par exemple les paradoxes de Condorcet ou de Borga, là où le professeur de philosophie pourra questionner les enjeux politiques et éthiques.

EG : Voxapolis, est-ce une façon de réconcilier les jeunes avec la politique ?Les jeunes se sont massivement abstenus lors des élections législatives de 2017. Voxapolis a t-il pour vocation de les ramener vers les urnes ?BK : C’est un des enjeux, incontestablement. L’objectif est en effet de faire comprendre à des élèves, souvent majeurs ou proches de l’être, qu’ils ne peuvent rester en marge de la vie politique, que les décisions qui sont prises ont des conséquences sur la vie courante de chacun. A travers les rôles qu’ils jouent et les expériences qu’ils font dans les différents ateliers du jeu, ils sont sensés comprendre l’importance de participer à la vie démocratique – par le vote ou autrement. Mais Voxapolis pose aussi la question de l’engagement civique en le détachant du seul vote : le taux de participation à une grande élection n’est pas en effet l’unique moyen de mesurer l’implication politique des citoyens. Se réconcilier avec la politique, cela peut passer par le fait de chercher à comprendre pourquoi un système s’essouffle et comment il pourrait être réformé. EG : Pourquoi aborder les sensibilités politiques sans forcément les rattacher au paysage politique français actuel ?BK : Une telle manière de procéder aurait ajouté de la complexité au jeu et aux explications liminaires ; elle aurait aussi pu créer un malaise ou conduire les élèves à sortir des scénarii de départ pour soulever des débats fondés sur des échos médiatiques. Beaucoup d’élèves ont du mal, lorsqu’on touche aux questions de politique ou de fonctionnement de la démocratie, à s’extraire du contexte immédiat et des clichés. Or, la pratique du jeu de rôle repose justement sur l’idée que les participants doivent commencer par faire un pas de côté, accepter d’entrer dans la fiction, afin ensuite de réfléchir aux véritables enjeux et mécanismes, devenus plus visibles. EG : L’enseignant doit-il être un habitué des jeux de rôle ou de plateau pour se lancer dans une activité Voxapolis avec ses classes ?BK : Absolument pas. En ce qui me concerne, je n’avais guère d’expérience en la matière, ni personnellement ni professionnellement, et j’ai découvert une grande partie des

Entretien

enjeux et du fonctionnement des jeux de rôle en participant à la conception de Voxapolis. Le livret qui accompagne le jeu a été rédigé de façon à ce que n’importe quel enseignant puisse le faire fonctionner. EG : Avec Voxapolis, l’enseignant adopte une posture de maître du jeu. Qu’est-ce que cela implique ? Garde t-il ce rôle tout au long de la séquence ?PM : Oui très clairement, mais comme pour toute pratique du jeu en classe, l’enseignant joue un rôle fondamental dans la mise en œuvre du jeu et dans les finalités qu’il lui assigne. Par exemple, un professeur peut faire le choix de réaliser sur un temps de 3h, les trois modules proposés par Voxapolis et ainsi vouloir vraiment questionner les diverses pratiques électives et leurs enjeux comme nous l’avons fait avec nos élèves de Terminale. Mais, il peut aussi se contenter par exemple d’une partie de 10 minutes dans laquelle les élèves vont expérimenter les alliances politiques et les concessions nécessaires à la formation d’une majorité suite à l’élection du conseil métropolitain au scrutin proportionnel. Ici, il s’intéressera sans doute davantage à utiliser le jeu pour permettre aux élèves de comprendre les intérêts et les limites d’un tel scrutin. EG : Ce jeu permet-il aux jeunes d’acquérir la conscience politique nécessaire à la fabrique du citoyen d’aujourd’hui ?BK : Aucun jeu ni aucune entreprise pédagogique isolée ne peuvent suffire, à eux seuls, à remplir une telle mission. En revanche, ce jeu entend clairement participer à une forme d’éveil des consciences et de sensibilisation : au-delà du seul apprentissage des règles possibles de fonctionnement d’une démocratie, les participants sont invités à appréhender l’importance de l’engagement et de la responsabilité. C’est là, d’ailleurs, que Voxapolis s’inscrit parfaitement dans les préoccupations du CEDRE, qui entend diffuser le savoir universitaire auprès du public et revitaliser le débat sur les valeurs républicaines. Au fond, une des leçons est que la démocratie est fragile, constamment menacée : dès lors qu’on cesse de débattre de son fonctionnement, ou bien que l’on ne s’implique plus suffisamment au moment d’effectuer des choix collectifs, alors on prend le risque de voir la démocratie s’éteindre.

Ressource

L'article de Laurie-Nuria André dans ce numéro interroge les représentations de l'Antique dans les médiums contemporains et notamment les jeux-vidéo. Pascal Mériaux, Interlocuteur au Numérique de l'académie propose, sous forme d'infographie, 8 idées pour utiliser les jeux vidéos en classe d'histoire-géographie.

8 idées pour utiliser les jeux vidéos en classe d'histoire-géographie

Idée pratique

ROMA IN TABULA : visiter Rome en Réalité Augmentée et/ou en Réalité Virtuelle

L’application expérimentale Roma in tabula met à disposition de tous une partie des travaux de l’Université de Caen Normandie sur la restitution virtuelle de Rome au IVe siècle après J.-C. Dans sa version 1.0, elle contient huit monuments, visitables sur tablette ou téléphone Android. Les développements ultérieurs ajouteront d’autres bâtiments et permettront à l’application de fonctionner aussi sur PC.L’entrée dans chaque édifice peut se faire soit en réalité augmentée, soit en réalité virtuelle. En réalité augmentée, il faut disposer du plan de l’édifice (disponible dans un fascicule vendu à l’Université de Caen ou imprimable gratuitement à partir du site web www.unicaen.fr/rome). .

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