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Mauthausen

Voyage de mémoire et d'étude, octobre 2017

Tous droits réservés Céline et Frédéric Pensart

Mauthausen

Melk

Mauthausen

Laakirchen

Ebensee

Sankt Valentin

Gusen

Sankt Georgen

Hartheim

Steyr

Ried in der Riedmark

Linz

Gunskirchen

Cliquez sur l'un des sites visités sur la carte pour ouvrir la page qui lui est consacrée Légende Permet de retourner à cette carte. Informations sur le lieu visité. Précisions sur un point particulier du lieu visité. Lien vers une vidéo. Page consacrée au dépôt d'une gerbe par l'Amicale.

Gusen

Dépôt de gerbe au Mémorial de Gusen L’Amicale de Mauthausen a déposé lors de sa visite une gerbe devant la stèle qui se trouve au sein du Mémorial de Gusen. Cette plaque en granit, comme sa « sœur » polonaise qui se trouve à gauche, est importante, car c’est sa présence devant le crématoire du camp qui a rendu impossible la destruction de ce dernier et la construction peu après d’un mémorial. La gerbe a été déposée par Simone Bonnet, fille de Gustave Bonnet, qui est décédé au camp de Gusen le 1er novembre 1943, ainsi que par Jean-Pierre et Geneviève Midy, beau-fils et belle-fille de Paul Brisoux, qui après être passé par le camp de Gusen, est mort à Mauthausen le 13 avril 1945. Ils étaient accompagnés par Denis Monod (dont le père, Denis, a été détenu à Gusen avant de mourir à Mauthausen le 18 mai 1845) et Claude Caille (dont le père, Jean, a été fusillé à Saint-Martin-le-Gaz en Isère le 8 juillet 1944). Au départ, la stèle de l’Amicale de Mauthausen a été déposée devant les ruines du crématoire, et pouvait donc parfaitement se lire des deux côtés. Désormais placée le long du mur du mémorial, il faut s’appuyer au mur pour lire l’inscription qui se trouve au dos. Les murs du mémorial sont désormais utilisés pour la pose de plaques du souvenir officielles déposées par les États dont des citoyens ont perdu la vie à Gusen. A l’intérieur d’un petit bâtiment se trouve le crématoire auprès duquel des particuliers peuvent déposer des plaques.

GUSEN Dans la commune de Langenstein (à ne pas confondre avec Langenstein-Zwieberge, camp annexe de Buchenwald en 1944-1945), a été érigé le plus important et le plus meurtrier des camps annexes de Mauthausen. Situé à peine à deux kilomètres à vol d'oiseau du camp central, le camp de Gusen (du nom d'une carrière et d'une rivière qui se trouvent à cet endroit) peut être considéré comme le jumeau de ce dernier. La décision de le construire est prise en décembre 1939, dans la perspective d'exploiter les deux carrières qui s'y trouvent, Gusen et Kastenhof, et ainsi rapporter des revenus aux SS. Les pierres que les déportés en extraient sont de meilleure qualité que celles de la Wiener Graben, mais les 4 kilomètres de route qu'ils doivent parcourir à pied quotidiennement depuis le camp central ralentissent la production. 400 déportés de Mauthausen, parmi lesquels on trouve dès le mois de mars 1940 des prisonniers polonais venus du camp de Buchenwald, sont employés à la construction des baraques et de la clôture (au départ en bois avec des barbelés électrifiés puis à l'été 1941, on construit un mur de granit de trois mètres de haut et 5 tours de guet). A gauche, une vue du camp de Gusen pendant sa construction (photo Bundesarchiv), à droite, les tours de guets du camp (photo prise sur un panneau du musée du Mémorial de Gusen) Le 25 mai est officiellement mis en service le "Camp Mauthausen Hébergement Gusen", que l'on appelle ensuite Gusen I. Dès le départ, être affecté à Gusen devient synonyme de souffrance. Entre 1940 et 1942, c'est donc pour l'extraction de granit qu'est utilisé Gusen, et en 1942, le plus grand concasseur d'Europe à l'époque est d'ailleurs construit là. Vue du concasseur de nos jours (photo Wikipedia) Puis, à partir de 1943, le besoin de main d’œuvre pour l'effort d'armement transforme Gusen en centre industriel. On y construit ainsi des ateliers de fabrication pour la firme Steyr-Daimler-Puch, d'où sortent 10.000 fusils par mois, ainsi que des armes automatiques et des moteurs d'avions. A la fin de 1944, 6.000 déportés travaillent dans cette structure. C'est aussi à Gusen que sera en grande partie relocalisée, à l'été 1943, la production de l'avionneur Messerschmitt (surtout des pièces de son principal chasseur, le Me 109) après que ses usines de Regensburg aient été gravement endommagées par des bombardements alliés. Pour certains prisonniers, affectés à ces chaînes d'assemblage, cela correspond à une certaine amélioration de leur situation, car par soucis de productivité, les nazis améliorent sensiblement leurs conditions de vie (avec la construction de trois bâtiments d'hébergement en briques en lieu et place des baraques en bois (bâtiments 6, 7 et 8). Néanmoins, ces productions d'armement doivent elles aussi être mises à l'abri des bombardements, et dès novembre 1943, la colline près de la carrière de Kastenhof est creusée pour donner naissance au réseau de tunnels nommé Kellerbau. Improvisée dans l'urgence, cette construction se fait avec des moyens inadaptés, ce qui provoque la mort de nombreux prisonniers. Ce sont finalement près de 8.500 m² de tunnels qui sont édifiés.Une représentation du camp de Gusen visible à l'entrée du Mémorial. 1. Le Jourhaus (à gauche) et les bâtiments d'administration SS (à droite). 2. La place d'appel et le bordel du camp (flèche). 3. Emplacement du crématoire et de l'actuel mémorial. 4. Ateliers de la Steyr-Daimler-Puch. 5. Les bâtiments en briques (blocs 6 à 8). 6. Le concasseur. 7. Les carrières. 8. Le camp de Gusen II. 9. Les ateliers Messerschmitt. 10.Tunnels Kellerbau.Vue du camp de Gusen dans les jours qui suivent sa libération par les troupes américaines (photographie prise au musée du mémorial de Gusen). On distingue parfaitement à droite, au deuxième plan, les ateliers Steyr-Daimler-Puch avec le concasseur derrière eux. A gauche, la gare de triage et le camp avec la place d'appel. Gusen II est visible à l'arrière plan. Puis pendant la construction de la très secrète B8-Bergkristall de Sankt-Georgen (voir la partie consacrée à ces tunnels), un deuxième camp, Gusen II, est construit. Gusen III, le troisième et plus petit des camps de Gusen (274 détenus maximum), est destiné aux travailleurs de la briqueterie et de la boulangerie, et sert aussi d'entrepôt pour les usines Messerschmitt. On estime à au moins 71.000, de 28 nationalités différentes, le nombre de déportés qui sont passés par le camp de Gusen. Et parmi eux, au moins 35.800 sont morts (les estimations de R. Clin, S. Vitry, sous la direction de P.-S. Choumoff, basées sur les registres allemands, sont de 31.208 morts, dont 909 français, mais ne tiennent pas compte des décès, au moins 2.000, qui suivent la libération du camp), soit presque un tiers des victimes de Mauthausen. Outre les conditions de travail très difficiles, le manque de nourriture et l'absence de soin, les violences étaient permanentes à Gusen. Les SS firent preuve d'une sauvagerie sans limite, et notamment les deux commandants que connut le camp, Karl Chmielewski (jusqu'en 1942. Notons qu'en 1944, il est envoyé, en tant que détenu, au camp de concentration de Dachau pour s'être attribué illégalement des biens de déportés et avoir violé des prisonnières) et Fridz Seidler (de 1942 à la fin de la guerre. Il est sans doute tué lors de combats avec les forces américaines le 6 mai 1945) étaient réputés pour aimer frapper et torturer eux-mêmes les prisonniers. On peut ajouter à cela les expériences menées par les médecins du camp, comme des injections de benzène dans le cœur des malades du typhus ou de la tuberculose, par le Dr. Krebsbach (surnommé "Dr. Spritzbach", Dr. Injection) ou encore celles du Dr. Vetter, qui conduisit, comme il le fit à Auschwitz, des essais de traitements sur la tuberculose sur des détenus. D'autres médecins, les Dr. Kieswietter, Richter, et Heim opéraient souvent sous le seul prétexte de prélever des organes, qui étaient ensuite conservés dans un musée installé dans la baraque 27 (286 spécimen, et notamment des têtes, dont la préparation était devenue une spécialité d'Aribert Heim, le "Boucher de Mauthausen"). Gusen a aussi le triste privilège d'être le premier endroit où fut expérimenté un gazage d'envergure au Zyklon B. L'acide cyanhydrique, dont l'usage se généralise ensuite notamment à Auschwitz, a été utilisé le 2 mars 1942 pour éliminer les 164 prisonniers soviétiques de la baraque 16 atteints du typhus et qui étaient trop malades pour être conduits au camp central. A la fin de la guerre, les 21 et 22 avril 1945, d'autres gazages importants eurent lieu. Afin de libérer de l'espace pour accueillir de nouveaux prisonniers, il fut décider d'éliminer les invalides, ce qui fut fait en deux fois dans la baraque 31, avec un bilan de plus de 800 morts. Enfin, pour terminer ce triste constat, il faut évidemment signaler tous ceux, qui jugés inaptes au travail, furent conduits au château d'Hartheim ou qui furent gazés dans le camion spécial, entre Gusen et Mauthausen, qui était parfois conduit par Franz Ziereis lui même, le commandant du camp de Mauthausen. Quand le camp de Gusen est libéré le 5 mai 1945 par les troupes américaines, il y a encore 20.000 déportés à l'intérieur, beaucoup dans un état de santé effrayant, avec des centaines de cadavres autour d'eux.Comme au camp central, les Américains obligèrent en mai 1945 les civils qui vivaient aux environs du camp à rassembler les très nombreux cadavres qui s'y trouvaient, et à les enterrer. Un cimetière fut créé là où se tenait le camp de Gusen II, et les corps ne furent transférés vers Mauthausen qu'en 1960 (photographie d'un panneau du musée du mémorial de Gusen). Quand nous nous sommes rendus à Gusen, dans l'après-midi du 22 octobre, le car nous a d'abord déposé à proximité de la carrière de Gusen. Après la guerre, la région est sous le contrôle de l'URSS. Cette carrière est donc exploitée jusqu'en 1955 par une entreprise soviétique, puis par l'entreprise Poschacher de Mauthausen, qui avait employé jusqu'en 1945 des concentrationnaires dans sa carrière. Certains bâtiments du camp, et notamment les ateliers de l'entreprise Steyr-Daimler-Puch, sont ainsi réutilisés. Depuis, l'exploitation directe de la carrière s'est beaucoup réduite, et les lieux servent désormais à l'entreposage de pierres venant d'un peu partout dans le monde et vendues par Poschacher. L'entrée n'est évidemment pas possible pour des visiteurs tels que nous, car l'entreprise a cherché, comme nous le verrons, beaucoup d'autres Autrichiens, à effacer les traces pouvant subsister du camp de Gusen. Le concasseur, qui en est un symbole important et se trouve dans cet espace, a d'ailleurs failli faire les frais de cette volonté, puisque l'entreprise envisageait sa destruction avant qu'il ne soit mis sous la protection de l'Office Fédéral des Monuments (BDA). Puis nous nous sommes dirigés à pied vers ce qui était l'entrée du camp où nous avait donné rendez-vous Martha Gammer. Spécialiste de l'histoire de la région, Mme Gammer est une membre importante du comité Mauthausen Autriche de Gusen qui lutte avec force pour que la mémoire de ce qui s'est passé à Gusen soit préservée.Près de l'entrée du Mémorial, Martha Gammer nous présente de nombreux documents qui nous permettent de mieux imaginer ce qu'était le camp pendant la guerre. Elle nous a ainsi expliqué qu'il faut bien chercher pour trouver en ces lieux les traces de la présence antérieure d'un camp de concentration. En effet, les baraques en bois du camp de Gusen I furent brûlées pour raisons sanitaires par les Américains dans les premiers jours qui suivirent la libération, et celles de Gusen II brûlèrent cette fois-ci accidentellement. Seuls les bâtiments en dur (comme les blocks 6 à 8) ont subsisté. Une famille d'entrepreneurs autrichiens en devient ensuite propriétaire, et les transforme en champignonnières. Dans les années 1980, l'entreprise est au bord de la faillite et les héritiers en rachètent les biens immobiliers pour leur usage. Ainsi, le bâtiment qui marquait l'entrée du camp, le Jourhaus, dans lequel se trouvait la prison et les salles où les SS torturaient et tuaient des déportés, avait été cédé par l’État autrichien en 1965 à la commune de Langenstein qui comptait en faire un jardin pour enfants. Vendu peu de temps après il était devenu une usine de matières plastiques avant d'appartenir à l'entreprise Danner. Au début des années 1990, Gerhard Danner entreprend de le transformer en villa d'inspiration italienne. L'espace qui autrefois était la place d'appel, lieu de nombreuses exactions commises par les nazis, est désormais l'emplacement de la piscine et du poolhouse de cette propriété. On ne peut donc observer ce "vestige" que depuis la rue, et cela montre bien l’ambiguïté du rapport des Autrichiens avec leur passé nazi. Le Jourhaus, en haut à gauche, pendant la guerre (photo Bundesarchiv). En haut à droite et ci-dessus, le bâtiment aujourd'hui.Le lotissement qui se trouve aujourd'hui à l'emplacement du camp de Gusen I. Beaucoup souhaiteraient tirer un trait définitif avec ce passé, ou tout du moins concentrer cette mémoire sur le seul camp central de Mauthausen. Après sa destruction, le camp est devenu l'emplacement d'un lotissement (avec réutilisation des canalisations des baraques disparues), le bordel du camp étant quant à lui divisé en deux habitations. A gauche, le bordel du camp de Gusen, avec l'arrière du Jourhaus vus depuis la place d'appel pendant la guerre (photo Bundesarchiv). Comme au camp central, une dizaine de détenues de Ravensbrück furent envoyées là par les SS pour s'assurer de la fidélité des kapos du camp. Aujourd'hui (à droite) le bâtiment, divisé en deux logements, existe toujours.De même, deux bâtiments d'administration SS, utilisés par l'entreprise Poschacher comme logements ouvriers, ont eux aussi failli disparaître, mais le comité Mauthausen Autriche de Gusen est en pourparlers en vue de leur rachat afin d'y installer un musée. Le mémorial de Gusen a lui aussi une histoire singulière. Installé autour du four crématoire du camp, il jouxte désormais un musée. Mais dans les années 1950, la commune voulait aussi s'en débarrasser. C'était sans compter sur l'amicale de Mauthausen et l'ambassade de Pologne à Vienne qui ont placé tout près deux lourdes stèles du souvenir. Une demande officielle de transfert de celles-ci à Mauthausen est alors faite, mais celle-ci s'avère impossible tant la pression des gouvernements français et polonais est forte. Quelques années plus tard, le crématoire est entouré par un mémorial dessiné par un cabinet d'architectes milanais et financé par des souscriptions belge, française et italienne, et le centre des visiteurs, après plusieurs décennies, est construit grâce à un financement en grande partie polonais.A l'intérieur du musée près du mémorial de Gusen, il est possible devoir les restes de canalisations et de fondations des baraques du camp.

Camp central de Mauthausen

Mauthausen est un village de Haute-Autriche, à la confluence du Danube et de l'Enns. Littéralement, on peut traduire Mauthausen par le "village du péage", puisque l'on prélevait dès le Xe siècle un droit sur la traversée du fleuve. C'est là qu'est créé par les autorités nazies, en août 1938, peu de temps après l'Anschluss (mars 1938), un camp de concentration. Situé à une vingtaine de kilomètres à l'est de Linz, ce camp n'est pas placé là par hasard : on y prélève en effet depuis longtemps un granit réputé, dans la carrière Wiener Graben. Conçu au départ comme un camp annexe de celui de Dachau, il devient dès octobre 1938 un camp à part entière (l'immatriculation des déportés devient spécifique à Mauthausen). Les premiers détenus sont des prisonniers de droit commun et des opposants allemands et autrichiens, qui utilisent les pierres de la carrière pour construire le camp. Son apparence massive est voulue, car elle doit montrer que les Nazis sont là pour longtemps, et que le lieu d'internement des opposants est fait pour durer. L'entrée de la cour des garages lors de sa construction La même entrée aujourd'hui Avec la guerre, d'autres nationalités sont déportés à Mauthausen : Polonais, républicains espagnols d'abord, puis Soviétiques, Français, Italiens, Tchèques... Leur sort est déjà prévisible, car Mauthausen est devenu le 8 août 1940 un camp de concentration de catégorie III, réservé aux opposants politiques, aux criminels et asociaux jugés irrécupérables. Entre 1940 et 1942, le complexe Mauthausen-Gusen détenait le plus important taux de décès de tous les camps de concentration du IIIe Reich (24.000 morts). Au total, on estime à 198.000 personnes le nombre de déportés passés par le camp central de Mauthausen, dont 4.900 femmes. 118.000 d'entre eux trouveront la mort. Ce sont 9.394 français (dont 588 femmes) qui ont franchi les portes du camp, 4.778 n'en reviendront jamais (91 femmes).

Dépôt de gerbes aux Monuments français et espagnol du camp central de Mauthausen Lors de sa deuxième visite au camp central de Mauthausen, le lundi 23 octobre 2017, en remontant de la carrière, l’Amicale a déposé des gerbes aux Monuments français et espagnol du camp. Sur l’esplanade faisant face au camp de Mauthausen, où se trouvaient les baraques de l’administration SS, plusieurs nations ont érigés des monuments. Le premier d’entre eux, inauguré à l'automne 1949, le monument français, a été construit à l'initiative de l'Amicale de Mauthausen. Construit en granit de Mauthausen par l'architecte résistant André Bruyère, le monument comporte une colonne de 11 mètres environ, surmontée d’un cœur en bronze contenant les noms de 4.778 victimes françaises du camp. Puis se trouve un mur qui se termine par un arrondi, avec une ouverture triangulaire avec la lettre F, qui figurait sur les tenues des déportés politiques français pour les distinguer des autres nationalités. Sur le mur, sont disposées comme ex-voto de nombreuses plaques placées par des familles ou des communes dont étaient originaires des déportés. La gerbe de l’Amicale a été déposée par Bernard Orès, rescapé de Mauthausen qui passa par Melk, Amstetten avant d’être libéré à Ebensee le 6 mai 1945, ainsi que Lucille Pelle, petite nièce de Charles Duboy, disparu à Mauthausen le 16 avril 1945 après être passé par Natzweiller, Dachau et Melk, et (indéterminée pour le moment). Le monument espagnol est érigé en 1962, et honore la mémoire des 7.000 Républicains espagnols tués dans les camps. Rosette Gouffault-Rigon, petite-fille de Francisco Bravo Sopena, et fille de Roger Gouffault, tous deux déportés à Mauthausen et libérés le 6 mai 1945 tient lors du dépôt de gerbe par (indéterminées pour l’instant) le drapeau de la République espagnole. Bernard Orès près de la plaque qui se trouve sur la colonne du monument français sur laquelle figurent ces quelques vers de Louis Aragon : "Les morts ne dorment pas, ils n'ont que cette pierre impuissante à porter la foule de leurs noms. La mémoire du crime est la seule prière, Passant, que nous te demandons."

La Cour des garages Le matin du 22 octobre, nous avons débuté la visite du camp central en y accédant par l'entrée visible depuis la route venant du Mauthausen. L'apparence du camp depuis l'extérieur, rappelant celle d'une forteresse médiévale, était voulue par les nazis, car il faut rappeler dès le premier regard que le camp, comme le régime national socialiste, doit s'inscrire dans un temps long. L'entrée en elle même a peu changé depuis la libération du camp, où les déportés survivants, après l'arrivée des premières troupes américaines, ont décidé de faire tomber l'aigle nazi (le Reichsadler), dont il ne reste plus que les montants métalliques. Les massives portes en bois, aux ferrures caractéristiques des goûts de la SS, sont quant à elles toujours présentes. L'entrée de la Cour des garages, à gauche avec l'aigle (photo Bundesarchiv), à droite aujourd'hui. Une photographie de la mise à terre du Reichsadler peut être vue ici : Aigle abattu Cette cour était une zone SS du camp, on y trouvait les garages où étaient entretenus les véhicules du camp. En temps normal, les déportés n'avaient pas accès à cette zone, même si en juin 1941, comme le montre l'image ci-dessous (Bundesarchiv), tous les prisonniers y furent parqués pendant la désinfection du camp. La cour était en général utilisée comme place pour les réunions solennelles des SS, et des sortes de prêchoirs avaient même été aménagés pour le commandant du camp puisse être parfaitement entendu des soldats.Les SS assemblés dans la cour des garages en avril 1941 (photographie Bundesarchiv). On peut remarquer que l'emplacement de la Kommandantur, construite entre 1942 et 1943, est occupé par des baraques.La cour des garages aujourd'hui.Franz Ziereis, le commandant du camp entre 1939 et 1945, depuis le "prêchoir" surplombant la cour des garages. On notera que la nouvelle Kommandantur à gauche est terminée et en arrière plan l'escalier menant de la cour à l'entrée du camp, visible elle aussi (photographie Bundesarchiv). A la fin de la guerre, Ziereis fuit avant l'arrivée des troupes américaines. Finalement arrêté quelques semaines plus tard et grièvement blessé, il est interrogé et meurt le 25 mai 1945. Son corps est ensuite suspendu aux barbelés par les anciens détenus du camp.

Camp des Russes et terrain de sport En contrebas du camp, à l'ouest de la cour des garages, se trouvent aujourd'hui deux espaces où il n'y a plus de véritables traces du passé. L'ancien terrain de sport des SS vu depuis le haut de l'escalier qui le relie au camp. C'est là que se trouvaient tout d'abord le terrain de sport des SS. Destiné à permettre l'entretien physique des gardiens de Mauthausen, cette zone accueillait aussi les rencontres de football qu'ils organisaient entre leur équipe et celles de la région, auxquelles assistaient les populations civiles. Et tout cela alors même qu'était visible tout près le "camp des Russes". L'emplacement du "camp des Russes", devenu ensuite le "camp des malades". Ce camp, dont l'édification débute en 1941, a pour fonction d'accueillir les prisonniers de guerre soviétiques qui affluent en très grand nombre après les débuts de l'opération "Barbarossa", l'invasion allemande de l'URSS. L'Union Soviétique n'ayant pas signé la convention de Genève relative aux conditions de détention des prisonniers de guerre (1929), l'Allemagne nazie ne voit pas pourquoi il faudrait respecter ces dispositions à propos de populations qu'elle considère de toute façon comme inférieures. Ce "camp des Russes" est donc un endroit où les prisonniers sont très mal traités, la nourriture très rare, les épidémies courantes et les exécutions plus que fréquentes (les populations des environs se plaignent vite que les cours d'eau sont teintés du sang des prisonniers assassinés). En 1943, les Soviétiques de ce camp sont pratiquement tous morts, et l'endroit devient alors le "camp des malades". Cette prétendue infirmerie est en réalité un mouroir où sont conduits jusqu'à leur fin les prisonniers du camp central qui ne sont plus capables de travailler mais aussi et surtout ceux qui sont rapatriés depuis les autres Kommandos qui dépendent de Mauthausen. Et tout cela, aux yeux des populations locales venues assister aux matchs de football de leurs équipes contre celle des SS...Le camp de Mauthausen (avec la Kommandantur à gauche) vu depuis le "camp des Russes". A la libération du camp, les milliers de cadavres décharnés que trouvent les troupes américaines, notamment dans le "camp des malades", doivent être enterrés. On choisi donc le terrain de sport des SS pour servir de cimetière temporaire, et les Américains obligent les populations civiles autrichiennes à creuser les fosses communes et à y ensevelir les corps des malheureux, pour qu'ils ne puissent plus faire semblant d'avoir ignoré ce qui se passait dans le camp de Mauthausen (Photo). Les corps (3.000) seront un peu plus tard exhumés, identifiés quand cela était possible, puis rendus à leur pays d'origine, ou enterrés dans le cimetière de la zone de quarantaine.Les corps placés dans la fosse commune du terrain de sport des SS, mai 1945 (photo Dokumentationsarchiv des österreichischen Widerstandes)Ici un lien vers une photographie du cimetière au premier plan et du "camp des malades" au deuxième plan : Cimetière

Le dépôt des cendresPanneau placé au niveau du "dépôt des cendres", le long de la clôture nord. Le côté nord du camp n'est pas bâti en pierre comme au sud. Il se "résumait", le long des blocs, à une clôture barbelée électrifiée, le tout sous la surveillance d'une tour et de miradors. Au delà de cette limite, reconstruite en 1947 pour que l'on puisse prendre la mesure de ce qu'étaient les dimensions du camp, se trouve le Aschen Friedhof, le dépôt ou cimetière des cendres. Simple dépotoir avant 1944, il devient ensuite l'endroit où les nazis jetaient les cendres des personnes incinérées dans les crématoires du camp. Il faut donc réaliser que cet endroit, symbolisé par une croix et une plaque, où la nature a repris ses droits, à proximité d'un champ toujours cultivé, est la dernière demeure de milliers de personnes. Au delà de ce lieu est installé à partir de la mi-1944 le "camp des tentes" où furent enfermés dans de terribles conditions des juifs hongrois. Depuis le "dépôt des cendres" il est possible d'observer la partie nord du camp, le mur de la zone de quarantaine ainsi que la "butte des fusillés". On peut aussi voir la clôture où de nombreux meurtres furent commis par le sadisme des gardiens SS du camp. En effet, dans ces barbelés passait un courant électrique de 380 volts, et les nazis s'amusaient parfois à ordonner aux nouveaux arrivants de toucher la clôture. Généralement, les déportés ne mourraient pas immédiatement de l'électrocution, mais agonisaient, parfois de longues heures. Les victimes étaient alors enregistrés avec la mention "suicide" ou "tentative d'évasion".Le camp vu depuis la clôture près du dépôt des cendresLa clôture avec en arrière plan la tour de guet et l'emplacement du bloc 5, le "bloc juif". Le bloc 5, dit "bloc juif", était la baraque où les juifs étaient affectés. Ils étaient mis à l'écart des autres déportés, leur ration encore moins importantes, et beaucoup étaient exécutés peu après leur arrivée (comme ces déportés juifs hollandais précipités depuis le haut de la carrière). Contraints aux travaux les plus difficiles, leur sort était en général scellé en quelques semaines pour les plus faibles. La proximité de la clôture donnait par ailleurs aux gardiens l'occasion de tirer sur les déportés en prétextant une tentative d'évasion. Ainsi, Alfred Ochshorn, un déporté autrichien, de religion juive, qui s'était engagé dans les brigades internationales en Espagne puis dans la résistance en France avant d'être dénoncé et déporté à Mauthausen, est assassiné de cette façon par un gardien SS de 17 ans, Martin Bartesch, le 23 octobre 1943 près du bloc 5. Après la guerre, en 1955, Bartesch émigra aux États-Unis. Il déclara aux services d'immigration avoir servi dans la Wehrmacht, mais cacha son appartenance à la SS et son passage à Mauthausen. En 1987, les autorités américaines finirent par découvrir le passé de celui qui entretemps était devenu concierge à Chicago. Déchu de la nationalité américaine, Bartesch fut expulsé des États-Unis pour l'Autriche (où il meurt en 1989, libre, puisque la loi autrichienne, du fait de sa minorité au moment des faits, ne pouvait le poursuivre).Un déporté abattu près de la clôture à Mauthausen pour "tentative d'évasion". (photo Bundesarchiv).

L'infirmerie Terminée à la fin de 1944, la "nouvelle infirmerie" (en allemand, Krankenrevier) remplaçait un ancien bâtiment en bois. Mais il ne s'agit pas réellement de soigner les déportés, mis à part ceux auxquels les nazis tenaient vraiment, comme les kapos ou encore des détenus les plus qualifiés. Même si les raisons d'être admis à l'infirmerie ne manquaient pas (les privations et les efforts demandés aggravant tour à tour l'état des prisonniers, les maladies provoquées par le manque d'hygiène, les blessures...), la plupart des déportés cherchaient à éviter autant que possible le "revier", qui était vu, à juste titre, davantage comme un mouroir où l'on entrait sans jamais en ressortir qu'un véritable hôpital. Avant 1940, les victimes du camp étaient envoyées aux crématorium de Steyr ou de Linz, mais à partir de 1940, compte tenu du nombre très important de décès, un premier crématoire est mis en service à Mauthausen, suivi d'un deuxième en 1942 et d'un troisième en 1945 au sous-sol de l'infirmerie. Les prisonniers qui étaient chargés de mettre en œuvre ces incinérateurs étaient logés dans le sous-sol de l'infirmerie et placés à l'écart des autres détenus. Le four crématoire au sous-sol de l'infirmerie A ces installations terribles de sens, s'ajoute la chambre à gaz du camp. Construite dès la fin de 1941, cette pièce de 3,80 mètres de long sur 3,50 mètres de large va peu à peu remplacer le camion à gaz qui éliminait les déportés à Mauthausen et Gusen. De 1942 jusqu'à mai 1945, on chiffre (estimation sans doute en dessous de la réalité) à 3.455 le nombre de prisonniers gazés là au Zyklon B . La chambre à gaz avec à droite la lourde porte équipée d'un œilleton permettant de vérifier que les détenus sont bien morts Dans ce sous-sol se trouvait aussi la salle des exécutions, où les déportés étaient tués, d'une balle dans la nuque ou pendu, ainsi qu'une salle de dissection : les médecins SS procédaient en effet, comme dans d'autres camps, à des expériences sur les détenus (vaccins, techniques d'alimentation forcée, mais aussi des opérations arbitraires comme des ablations de parties d'organes sur des personnes bien portantes). Aujourd'hui, l'infirmerie accueille le musée, avec au rez-de-chaussée, une exposition sur l'histoire du camp, et au sous-sol, une autre exposition sur les traces prouvant les crimes commis à Mauthausen. On y trouve aussi la "salle des noms", où sont rassemblés les noms de dizaines de milliers de victimes du camp.Vue d'une des plaques de la "salle des noms"

La zone de quarantaine Au fond du camp, sur la gauche se trouvaient les blocs 16 à 25, aujourd'hui disparus. Ceinte par de hauts murs surmontés de barbelés électrifiés, cet espace était appelé la zone de quarantaine, car c'est là qu'étaient envoyés les nouveaux arrivants au camp.Mur d'enceinte de la zone de quarantaine, surmonté de barbelés électrifiés Cet isolement, qui pouvait durer de deux à quatre semaines, était en principe organisé afin d'éviter que des épidémies se propagent. C'était en réalité le moyen d'habituer les déportés aux terribles conditions de vie à Mauthausen et d'en assimiler les règles. C'est là que furent ensuite conduits des milliers de prisonniers de guerre soviétiques, et les conditions de vie y étaient encore plus rudes que dans le reste du camp, notamment dans le bloc 20, surnommé le "bloc de la mort".Emplacement du bloc 20, le "bloc de la mort A partir de septembre 1944 et surtout au début de 1945, les blocs 16 à 18 ont été destinés aux très nombreuses femmes, parfois accompagnées d'enfants, transférées depuis le camp de Ravensbrück. Les baraques de cette zone étaient surpeuplées, et leurs occupants n'avaient souvent pas de lit et encore moins de couvertures, et la mortalité très élevée. Dans la nuit du 1er au 2 février 1945, 500 déportés soviétiques du bloc 20 ont pris d'assaut la clôture (avec des couvertures mouillées pour neutraliser le système électrique, et ont aveuglé les sentinelles dans les miradors avec des extincteurs) et ont pu fuir le camp (seuls 14 détenus furent tués pendant l'évasion). Pourchassés, ils seront implacablement éliminés dans les jours suivants par les nazis et la population locale (voir la page consacrée à Ried in der Riedmark). Les quelques déportés qui n'avaient pas quitté le bloc 20 furent rapidement exécutés.Le cimetière de la zone de quarantaine Dans les derniers mois de la guerre, Mauthausen et ses annexes vont faire plus de 45.000 morts. Les crématoires ne pouvant traiter un nombre aussi important de cadavres, les morts furent ensevelis lorsque c'était possible dans une fosse commune à l'est du camp. Mais quand les troupes américaines le libèrent en mai 1945, des centaines de corps sont découverts (Photo USHMM). Ils furent enterrés provisoirement sur le terrain de sport des SS, puis, après identification, rapatriés dans leur pays d'origine. Les restes de 14.000 déportés reposent toujours dans la zone de quarantaine désormais cimetière du camp. Signalons enfin que derrière le mur au nord du bloc 20 se trouvait, avant 1942 et la mise en service des salles d'exécution du sous-sol de l'infirmerie, la "butte des fusillés", où les SS exécutaient les détenus.

La place d'appel  Après être entrés dans le camp, nous nous trouvons sur la place d'appel. C'est là que trois fois par jour (deux fois à partir de 1943) les déportés, en rangs parfaitement alignés, devaient répondre à l'appel de leur matricule (énoncé en allemand, et gare à celui qui ne comprenait pas que c'était son numéro qui était appelé). Les listes étaient constamment mises à jour (arrivées et décès), et quand le compte de prisonniers n'était pas exact, il fallait recommencer, parfois des heures, sous tous les temps. Les bâtiments autour de cette place ont été conservés à l'identique, même si certaines des baraques ont été détruites par une tempête en 1989. Sur la gauche se trouvent les blocs (1, 6 et 11) destinés aux déportés, et sur la droite divers bâtiments de "service" (douches, cuisines, infirmerie).  Blocs 6 et 11, au fond le mur des blocs de quarantaine, aujourd'hui le cimetière. Vue de la place d'appel en construction, sans doute en 1940 (Bundesarchiv).L'entrée du camp vue depuis la cour d'appel (Bundesarchiv).

La gare de Mauthausen C'est par la gare de Mauthausen que les personnes déportées dans le camp de concentration arrivaient dans la région. De la gare de l'époque, il ne reste pratiquement rien, si ce n'est un mur, construit par des prisonniers. Les détenus montaient ensuite, après avoir traversé la ville, vers le camp. Mais il y a aussi un autre aspect à noter dans cette gare de Mauthausen. En effet, au dessus des voies peut se voir aujourd'hui un puissant appareillage destiné par placer des morceaux de granit sur des wagons. Sur ce porte-charge est parfaitement visible le nom de Poschacher ("Poschacher Granit", voir la première photographie). Il s'agit du nom d'une entreprise installée à Mauthausen qui demeure encore la plus importante de la ville. Cette société est cependant associée à l'histoire du camp de concentration, car Anton Poschacher, industriel local plus que sympathisant nazi, exploitant une carrière à Mauthausen, réclama au cours de la guerre, et obtint, une main-d’œuvre bon marché constituée de déportés espagnols, que l'on nommait le "Kommando Poschacher". C'est grâce à ces hommes d'ailleurs que ce qui s'est passé dans le camp est particulièrement connu. En effet, la majorité des photos qui témoignent de la vie du camp et des horreurs qui y étaient commises ont pu être sauvées par ces hommes. L'administration nazie, très bureaucratique, a pris des milliers de photographies à Mauthausen. Ces clichés, pris par des photographes de l'Erkennungsdienst, le service d'authentification du camp, étaient développés en plusieurs exemplaires pour être ensuite envoyés aux différents quartiers généraux de la SS. Parmi le personnel de l'Erkennungsdienst, on trouvait plusieurs détenus, polonais ou espagnols, chargés du développement, du tirage et de l'agrandissement éventuel des clichés, ainsi que de leur archivage. Des tirages clandestins des photographies jugées les plus importantes furent réalisés par le Polonais Stefan Grabowski, puis l'Espagnol Antonio Garcia et cachés avec la complicité de Francisco Boix Campo, arrivé dans le camp en 1942. Dans les derniers moments de la guerre, ordre fut donné par le commandant de Mauthausen de procéder à la destruction des photographies. Celles qui avaient été cachées ont survécu, accompagnées de négatifs, car elles furent sorties du camp par des membres du "kommando Poschacher" et confiées à une Autrichienne, Anna Pointner, qui s'était montrée amicale envers eux. Comprenant l'intérêt de ces images, elle les dissimula dans une fissure du mur derrière sa maison et elles purent être récupérées après guerre, et même utilisées lors du Tribunal Militaire International de Nuremberg en janvier 1946.

L'entrée du camp  Il s'agit de la seule entrée menant au camp en tant que tel. C'est donc par là que les détenus le découvrent pour la première fois, avec une longue procédure d'admission où tout est prétexte à recevoir des brimades de la part des gardiens. Près de cette entrée se trouve un monument à la mémoire d'un déporté russe, le lieutenant-général Karbyshev. Fait prisonnier au début de la guerre entre l'Allemagne et l'Union Soviétique, Karbyshev fut envoyé dans plusieurs camps nazis avant de finalement d'arriver à Mauthausen. A la mi-février 1945, sans doute en représailles de l'évasion le 2 février de centaines de détenus soviétiques du bloc 20, il fut avec plusieurs compagnons condamné à une mort atroce. Nu, il est arrosé d'eau près de l'entrée par les SS qui le laissent ensuite, sous des températures nettement inférieures à 0° C., littéralement devenir un bloc de glace. Bernard Ores, qui était alors à Mauthausen, nous a expliqué avoir assisté à cette terrible scène. Notre groupe devant l'entrée du camp. L'entrée du camp vue depuis la place d'appel.

La Carrière Dans l'après-midi du 23 octobre, notre groupe a visité ce qui a été à l'origine de l'installation du camp de concentration à Mauthausen : la carrière de granit Wiener Graben. Cette carrière est, dès 1938, exploitée par une société créée par la SS, la DEST (pour Deutsche Erd-und Steinwerke GmbH, c'est à dire "l'Entreprise des terres et pierres allemandes"), qui va employer les déportés du camp comme main d’œuvre. Vue de la carrière pendant la guerre. Le point rouge montre l'emplacement de "l'escalier de la mort" menant à la route du camp (photographie Bundesarchiv). Les déportés vont donc extraire de là, tout d'abord les pierres nécessaires à la construction du camp central de Mauthausen, puis celles d'autres camps de concentration. Les grandioses projets architecturaux d'Hitler pour la ville de Linz devaient de même se réaliser en grande partie avec du granit prélevé de la Wiener Graben (les nazis considéraient cette roche comme l'équivalent minéral de la supériorité aryenne). Une fois concassées, les pierres pouvaient aussi devenir du gravier pour les routes et les voies ferrées. Le fond de la carrière aujourd'hui. Le long du chemin qui la surplombe ont été érigés des monuments à la mémoire des victimes du camp. Les conditions de travail des déportés y sont épouvantables, et la mortalité très importante. En effet, affaiblis par le manque de nourriture et de soins, ils devaient travailler treize heures par jour la paroi pour en tirer de massifs blocs de granit, les tailler pour ensuite les monter au sommet du tristement célèbre "escalier de la mort". Sur la photographie de gauche (Bundesarchiv), on voit les déportés par colonnes de cinq, grimper les marches de "l'escalier de la mort", chacun portant un bloc de granit sur l'épaule. A droite et ci-dessous, le même escalier aujourd'hui. Ces 186 marches, de hauteurs et largeurs inégales à l'époque, menaient au chemin en pente conduisant au camp central (à la gauche duquel se trouvaient des magasins et des ateliers aujourd'hui disparus). La montée était éprouvante et gare à ceux qui faiblissaient, ils subissaient immédiatement les violences des gardiens SS qui, quelques fois, s'amusaient même à précipiter des déportés du haut des dizaines de mètres de ce qu'ils appelaient ironiquement le "Mur des parachutistes" (Fallschirmspringerwand). Vue de la carrière aujourd'hui depuis le haut des 186 marches, près du "mur des parachutistes" Nous avons eu la chance de pouvoir écouter le témoignage de Bernard Orès à propos de ces lieux. En effet, à son arrivée à Mauthausen, il fut affecté pendant une quinzaine de jours à la compagnie disciplinaire de la carrière, et nous a fait part de l'abominable gâchis humain que fut la Wiener Graben. Bernard Orès et sa famille au pied de l'escalier.

Les douches En entrant dans le camp, immédiatement sur notre droite, un mur est couvert de plaques placées là par les différentes nations souhaitant rendre un hommage aux victimes de la barbarie nazie ayant souffert à Mauthausen. Ce mur, surnommé le "Mur des lamentations" (Klagemauer), était l'une des étapes obligatoires du calvaire des déportés à leur arrivée. Épuisés pour beaucoup par leur long voyage en train jusqu'en Autriche et leur longue marche jusqu'au camp, ils devaient, quelque soit le temps, attendre des heures le long de ce mur d'être enregistrés par l'administration nazie, le tout sous les coups fréquents des gardiens SS et des Kapos qui voulaient montrer là qu'ils étaient désormais les maîtres.Des prisonniers yougoslaves le long du "Mur des lamentations" à leur arrivée au camp (photographie Bundesarchiv). A gauche le "Mur des lamentations" aujourd'hui. La photographie de droite montre les plaques sur le mur ainsi que l'entrée des douches. Après l'enregistrement, les déportés étaient conduits aux douches, au sous-sol du premier bâtiment. En entrant nous aussi là, nous découvrons sur la droite une laverie, qui servait essentiellement à l'entretien des vêtements des Allemands et de leurs familles. Les déportés, nus, étaient "auscultés" par des médecins SS, qui à l'aide d'une spatule ouvraient la bouche des détenus à la recherche de dents en or. Ceux qui ne passaient pas ce premier examen n'étaient jamais revus (on leur avait inscrit un 3 sur la poitrine). Les autres (avec un 1 ou un 2) recevaient un numéro sur le ventre leur désignant un coiffeur. En entrant dans cette salle de douche collective, ils devaient trouver le numéro correspondant inscrit sur le mur et rejoindre "leur coiffeur", qui sur ce trottoir bordant le sol les rasait de la tête aux pieds sans grand ménagement. On les recouvrait ensuite d'un produit contre les parasites avant de les doucher. Ce moment qu'espérait les déportés assoiffés était en fait une nouvelle épreuve car il était impossible de boire, la température de l'eau allant volontairement du brûlant au glacé, afin de créer un choc thermique très douloureux. On leur confiait ensuite leurs vêtements : une chemise et un caleçon rayés, une paire de claquettes en bois avec une lanière.

Les baraques Le camp de Mauthausen possédait 25 baraques (en bois, 50 mètres de long sur 7 de large), similaires aux trois conservées actuellement. Le premier "bloc", près de la porte à gauche, était celui réservé aux kapos. Les kapos étaient des prisonniers choisis par les nazis pour aider à l'administration et la surveillance du camp. Les SS avaient un intérêt double à se servir de ces "fonctionnaires" : tout d'abord, cela permettait de réduire sensiblement le nombre de gardiens allemands. Ensuite, les kapos disposant de certains privilèges en échange de leur travail, ils étaient parfois plus rudes que les SS, craignant de perdre cette reconnaissance qui leur avaient été donnée par les maîtres du camp. En traitant différemment les déportés, les nazis rendaient plus difficiles les fraternisations. Cette première baraque avait donc deux parties. La partie droite abritait les bureaux des kapos qui étaient chargés d'affecter les déportés aux différents Kommandos (leur influence était donc importante car ils pouvaient placer des détenus dans des endroits réputés moins difficiles). La seconde partie, à gauche, abritait après 1942 le bordel du camp. En effet, parmi les privilèges réservés aux fonctionnaires, outre du tabac ou parfois des rations supplémentaires, il y avait l'accès à cette partie du bâtiment occupée par des déportées transférées depuis le camp de Ravensbrück. On avait faussement promis à ces femmes une prochaine libération si elles acceptaient de se prostituer. Une vue de l'entrée, du bloc 1 et d'une partie du bloc 6, en octobre 1941, lors de l'arrivée de nouveaux prisonniers soviétiques.(photographie Bundesarchiv). Les baraques étaient divisées en deux parties, nommées A et B. Tout d'abord un dortoir, avec des rangées de trois lits superposés où chaque lit devait être partagé par deux détenus. Puis une partie commune. La vie dans les baraques était marquée par la monotonie. Le lever avait lieu à 4h45 du printemps à l'automne, 5h45 en hiver, et il fallait vite faire son lit, s'habiller pour ensuite faire rapidement, sous les hurlements et les coups des kapos, un semblant de toilette dans la pièce d'eau se trouvant au milieu avant de prendre une maigre portion de soupe, de thé ou de café. Il fallait ensuite sortir pour l'appel. L'intérieur de l'un des blocs conservé, avec à droite la pièce d'eau et ses grandes vasques. Chaque bloc était prévu pour accueillir 300 déportés, mais, les effectifs ne vont cesser d'augmenter si bien que c'est parfois près de 2.OOO prisonniers qu'accueillent ces baraquements.Bernard Orès nous expliquant la vie dans les baraques, très ému en évoquant la synchronisation étrange que pouvaient avoir les respirations des déportés la nuit dans les dortoirs.

Linz

Dépôt de gerbe au cimetière d'Urfarh, Linz Le matin du lundi 23 octobre 2017, notre groupe de l'Amicale de Mauthausen s'est rendu au cimetière des Urnes d'Urfahr, au nord de Linz, sur la rive gauche du Danube. Ce lieu, un parc boisé de neuf hectares, est lié pour deux raisons au camp de concentration de Mauthausen. Tout d'abord, les SS durent faire face dès les premiers mois d'existence du camp à une importante mortalité de déportés. Ainsi, avant que le camp central ne soit équipé à la mi-1940 d'un crématoire, le problème de l'élimination des corps fut résolu par un appel d'offre aux crématoriums des villes voisines. Le "marché" fut remporté en septembre 1938 par le crématorium municipal de Steyr (ouvert en 1927), pourtant beaucoup plus distant de Mauthausen que celui de Linz (ouvert en 1929). Mais bientôt, Steyr n'est plus capable d'absorber tous les corps qui lui sont envoyés si bien qu'il sous-traite cette tâche avec le crématorium municipal de Linz, qui brûle ainsi 431 corps de déportés entre septembre 1939 et mai 1940.Vue du crématoire muncipal de Linz, qui était en fonction en 1939-40 Mais ce cimetière a aussi un autre intérêt, puisque c'est là que se trouve la sépulture Anna Pointner, a qui l'on doit la sauvegarde de photographies SS sur le camp subtilisées par des déportés. Au péril de sa vie, réalisant quel témoignage extraordinaire des horreurs commises elles étaient, cette femme, qui s'était toujours montrée bienveillante avec les prisonniers, les a cachées dans le mur de son jardin jusqu'à la fin de la guerre. La gerbe de l'Amicale a été déposée par Céline et Frédéric Pensart, enseignants au collège Aristide Bruant de Courtenay, dans le Loiret, et qui participaient à ce séjour dans le cadre du Prix Yvette Choquet de la Fondation de la France libre.

Linz La ville de Linz est intimement liée au camp de Mauthausen. Située à une vingtaine de kilomètres à l'ouest, Linz était d'abord la ville où Hitler avait passé ce qu'il estimait être parmi les meilleurs années de sa jeunesse. Installé avec sa mère dans la ville après la mort de son père, Hitler va y forger un goût certain pour la musique, la peinture et l'architecture. Rien d'étonnant à ce qu'ensuite, devenu chancelier de l'Allemagne en 1933 et ayant réalisé l'Anschluss en 1938, il ait eu des projets particuliers pour cette ville. Hitler devant une maquette représentant la future Linz, et à droite la même maquette de Linz vue sous un autre angle. Elle devait en effet -- après Berlin, capitale du Reich destinée à devenir la Germania capitale du monde et Nuremberg, capitale du parti nazi et lieu des grandes réunions à la gloire du dictateur -- devenir la capitale culturelle du Reich. Des plans d'aménagements furent réalisés et prévoyaient la construction de nombreux bâtiments, comme un "musée du Führer" (führermuseum) où devaient être exposées des œuvres représentatives du "l'art véritable" (par opposition avec l'art dégénéré), dont les plans étaient réalisés par Albert Speer. Hitler et Albert Speer au Berghof devant les plans du nouvel opéra de Linz en 1939 (photo Bundesarchiv). Ces bâtiments devaient être construits en granit, pierre considérée comme le pendant minéral de la supériorité raciale des Aryens, et donc avec des roches venant des carrières de Mauthausen et de Gusen. De ces grands travaux il ne reste aujourd'hui que quelques vestiges, cependant très visibles, comme cet immense pont sur le Danube (Nibelungenbrücke) aboutissant à deux bâtiments d'apparat caractéristiques de l'architecture nationale socialiste. Au cours de notre séjour, c'est en soirée que nous avons pu visiter, avec les explications de Patrice Lafaurie, le centre-ville de Linz. Nous avons notamment vu le balcon depuis lequel Hitler prononça un discours devant une foule en liesse quelques heures après son entrée en Autriche en mars 1938 (voir ci-dessous, le balcon étant entouré en rouge sur la photographie de droite). Mais Linz est aussi l'endroit où se trouvaient des camps annexes de Mauthausen, comme par exemple celui de Linz II. En effet, dès 1943, les avancées des troupes alliées en Afrique du Nord puis en Italie mettent le territoire autrichien à la merci des bombardements, et le besoin de main d’œuvre pour agrandir les abris existants se fait rapidement sentir. Une demande de prisonniers est faite, et ce sont donc quelques centaines de déportés du camp de Mauthausen qui à partir de février 1944, sont affectés au camp de Linz II pour travailler à la construction de tunnels destinés à accueillir les populations civiles. Au total, 380 déportés ont travaillé là, dans des conditions difficiles (ils travaillaient et étaient logés dans les tunnels, faiblement éclairés du fait des nombreuses pannes de courant). Signalons enfin que c'est la guerre qui a fait de Linz une ville industrielle, avec l'installation d'un complexe métallurgique et sidérurgique, la Hermann Goeringswerke, qui en 1943 employait plus de 9.000 étrangers, soit 45% de l'effectif total, la plupart étant des travailleurs forcés (dont plus de 5.600 déportés dans le camp annexe de Linz III).

Sankt-Valentin

Dépôt de gerbe à Sankt-Valentin La première gerbe de l'Amicale de Mauthausen lors de ce séjour a été déposée à Sankt-Valentin, près du site de l'ancienne usine de chars devenue aujourd'hui une usine de tracteurs. Nous avons été accueilli par la maire de Sankt-Valentin, Mme Kerstin Suchan-Mayr et son adjoint responsable du comité Mauthausen local, M. Leopold Feilecker. Ce moment a été particulièrement émouvant, car autour du monument élevé sur la Anna Strasser Platz (du nom d'une habitante de Sankt-Valentin qui aida, au péril de sa vie, les déportés travaillant à la gare de Mauthausen puis les travailleurs forcés de l'usine Nibelungenwerk) par des jeunes de Sankt-Valentin dans les années 1990, nous avons évoqué Gaston Noël, frère de Michel Noël, l'un des participants à ce séjour. Travailleur forcé du STO, Gaston Noël a été affecté avec son beau-frère à l'usine de chars de Sankt-Valentin. Lors des derniers jours du conflit, après d'intenses bombardements dans la zone, il semblerait que Gaston ait été libéré par les troupes soviétiques et son beau-frère par les troupes américaines. Mais si ce dernier est rentré en France, ce ne fut pas le cas de Gaston. Michel Noël est donc toujours à la recherche d'informations sur ce qu'est devenu son frère. La mairie de Sankt-Valentin, contactée par l'Amicale, confirme que si Gaston Noël figure bien sur les listes des travailleurs de la Nibelungenwerk, il n'est pas sur celles des personnes décédées avant ou après la libération. Malheureusement, comme pour beaucoup d'autres familles de déportés ou de travailleurs forcés, ce qui est arrivé à Gaston Noël reste encore inconnu, mais l'adjoint au maire de la ville nous a assuré qu'il ne manquerait pas de prévenir l'Amicale si des recherches historiques permettaient à l'avenir d'en savoir plus à ce sujet. Le monument à la mémoire des déportés et travailleurs forcés de l'usine de chars de Sankt-Valentin. Entourée de panneaux d'information expliquant l'histoire du site, la pierre, qui vient de Mauthausen, porte une plaque avec une citation de William Faulkner (tirée de Requiem pour une nonne de 1951) : Die Vergangenheit ist niemals tot, Sie ist nicht einmal vergangen (Le passé ne meurt jamais, il ne passe même pas).Michel Noël (au centre), très ému, écoutant l'adjoint au maire de Sankt-Valentin, M. Feilecker, à gauche.Michel Noël déposant la gerbe de l'Amicale de Mauthausen.

Sankt-Valentin La première étape de notre voyage après notre arrivée en Autriche est la ville de Sankt-Valentin, à une quinzaine de kilomètres au sud de Mauthausen. C'est là que se trouvait l'une des plus importantes usines de chars du IIIe Reich, la Nibelungenwerk. Propriété de la société Steyr-Daimler-Puch, et en lien direct avec le complexe métallurgique et sidérurgique Reichswerke Hermann Göring installé à Linz, l'usine possède, dans ses presque 80.000 m² d'ateliers, des chaînes d'assemblages très modernes. Le principal char allemand de la guerre, le PanzerKampfWagen IV, dans ses nombreuses versions, fut surtout assemblé à St. Valentin. Un Panzer IV Ausf.J(photographie Wikipedia). En 1941, Hitler demande que soit fabriqué un char lourd équipé du redoutable canon antiaérien de 88, et deux entreprises, Henschel et Porsche, vont concourir pour obtenir le marché de ce qui doit devenir le PKW VI Tiger. Les deux projets sont présentés pour test à Hitler le jour de son anniversaire le 20 avril 1942 à la Tanière du Loup en Prusse Orientale. Le char conçu par Ferdinand Porsche, l'un des ingénieurs préférés d'Hitler, fabriqué à St-Valentin, bien que plus rapide que son concurrent, est très complexe et sujet à de nombreuses pannes. Il n'est donc pas choisi, mais Porsche gardera les châssis (91 exemplaires) déjà fabriqués pour créer à la Nibelungenwerk un chasseur de char lourd, baptisé "Ferdinand" ("Elefant" après refonte, toujours à St-Valentin, en septembre 1943). Seront aussi construit là, à la fin de la guerre, des chasseurs de chars Jagdtiger.A gauche, le "Tigre" Porsche, à droite, les châssis modifiés en chasseur de char "Ferdinand"(photographies wikipedia). Bien que moderne, l'usine va vite souffrir d'un manque d'approvisionnement, puisque essentiellement usine d'assemblage, elle dépend de l'arrivée des pièces fabriquées ailleurs dans le Reich. Les nombreux bombardements alliés vont donc entraîner des retards, et l'usine elle-même est gravement endommagée par un raid le 17 octobre 1944. L'importance de cette usine pour l'effort de guerre nazi va vite amener à un recours massif à des travailleurs étrangers. En 1944, sur les 10.000 ouvriers qui y travaillent, plus de la moitié ne sont ni allemands ni autrichiens. Ce sont généralement des travailleurs forcés, comme les 2.430 français du STO. Le 22 août 1944, c'est finalement un camp annexe de Mauthausen qui va s'ouvrir à St-Valentin, avec 1.500 déportés (82 français, la plupart des résistants, avec seulement 20 survivants à l'issue de la guerre, ce qui est en proportion bien plus élevé que la mortalité des autres groupes nationaux). Au printemps 1945, les bombardements conduisent à transférer l'activité de fabrication de chars dans les tunnels d'Ebensee, et 695 détenus sont alors déplacés vers ce camp. Notons pour conclure que Ferdinand Porsche sera arrêté à Paris en décembre 1945 pour crime de guerre au motif d'avoir fait travailler de force des ouvriers français dans ses usines, notamment Sankt-Valentin. Il sera finalement libéré en juillet 1947 sans qu'ait eu lieu de procès. Aujourd'hui, les anciennes chaînes de montage sont utilisées par le groupe CNH Industrial (qui possède des marques comme Case ou encore New-Holland) pour fabriquer des engins agricoles.Près de l'usine de tracteur actuelle, le bâtiment à l'arrière plan ainsi que la casemate au premier sont des vestiges de la guerre.

Melk

Dépôt de gerbe à Melk C'est à Melk que l'Amicale de Mauthausen a déposé la dernière gerbe de ce voyage de mémoire et d'étude. En effet, le crématoire du camp est devenu un lieu de recueillement ainsi qu'un musée expliquant en détail, à l'aide d'objets retrouvés lors de fouilles, des photographies et des dessins, la vie des déportés contraints de creuser les tunnels du complexe Quarz. Lithographies du déporté français Daniel Piquée-Audrain montrant le travail dans les tunnels.Des objets retrouvés dans les galeries du complexe Quarz Dans la salle où se trouve le four crématoire, tapissée de plaques laissées par les familles, de toutes nationalités, de victimes du camp, nous avons donc passé un moment à nous souvenir. Bernard Orès, qui est passé par le camp de Melk, et Charles Halm, dont l'oncle Charles Duboy est mort à Mauthausen le 16 avril 1945, après être passé par Melk, ont laissé quelques mots sur le livre du souvenir. Bernard Orès et Charles Halm écrivant quelques mots sur le livre du souvenir .Quelques-unes des plaques déposées sur les murs du crématoire par l'Amicale lors de précédentes visites. Après la visite du musée, c'est Charles Halm et sa petite fille, Lucille Pelle, qui ont déposé la gerbe au pied de la plaque de l'amicale, qui se trouve près de l'entrée, fixée à la cheminée du crématoire. Les lauréats du Prix Yvette Choquet de la Fondation de la France Libre près de la plaque de l'Amicale (de gauche à droite, Irina Colas, Madeleine Bathie, Céline et Frédéric Pensart). Après cette cérémonie, notre dernière visite a été un hommage, sur la place qui porte son nom, au Docteur Josef Sora, qui a évité à de nombreux déportés d'être emmurés vivants dans les tunnels. Des récits, témoignant de l'humanité dont fit preuve cet homme vis-à-vis des détenus, ont été lus.La place du Dr. Josef SoraM. et Mme Orès, accompagnés de notre guide du Mauthausen Memorial, Mme Andrea Mühlhaüser, sur la Dr. Sora Plaz (M. Orès a rencontré le Dr. Sora lors de son passage à Melk).

MelkVue de l'abbaye de Melk depuis la Dr. Josef Sora Platz Le matin de notre dernier jour de voyage, le 25 octobre, sur la route de Vienne, nous nous sommes arrêtés à Melk. Cette ville, à 80 kilomètres de la capitale autrichienne, sur le Danube, est surtout connue pour sa magnifique abbaye baroque. Mais cette ville fut aussi le lieu où fut installé, à partir d'avril 1944, l'un des nombreux camps annexes de Mauthausen. Toujours soucieux de pouvoir poursuivre leur effort de production d'armements malgré les bombardements alliés, les nazis élaborèrent un projet de construction d'une usine, le complexe B9 Quarz, à travers le sable d'une colline à Roggendorff, à sept kilomètres à l'est de Melk. Une dizaine de galeries étaient prévues pour environ 60.000-75.000 m² de superficie (7 galeries, et 3.000 mètres de tunnels effectivement réalisés) qui devaient servir, entre autres, à accueillir l'usine de roulements à billes de la société Steyr-Daimler-Puch. Pour un tel projet, il était nécessaire d'avoir une importante main d’œuvre que le camp de Mauthausen était en mesure de fournir. Installé dans la caserne Birago, abandonnée par la Wehrmacht, le camp de Melk fut édifié par les déportés (miradors et clôtures électrifiées) et gardé par 500 soldats de la Luftwaffe, plus tard transférés à la SS. Au total, ce sont un peu moins de 15.000 personnes qui passèrent par le camp de Melk, et 4.801 y perdirent la vie (dont 200 au cours d'un bombardement américain le 8 juillet 1944). Ils étaient affectés aux entreprises locales (charpentes pour les tunnels, etc...) ou sur le chantier de Roggendorff (7.000 détenus en permanence), dans des conditions de travail et de vie épouvantables. Au manque de nourriture et de soins caractéristique des camps de concentration s'ajoutent les nombreux accidents dans les tunnels. La mortalité est donc importante, si bien qu'à partir de novembre 1944, pour éviter d'avoir à transporter les cadavres à Mauthausen, on aménage, en dehors des limites du camp, un crématoire. Les Français sont nombreux au camp de Melk (1.500, dont beaucoup de résistants), et arrivés parmi les premiers, ils occupent, de façon assez inédite, des places importantes dans la hiérarchie interne du camp (ils essaient d'intervenir autant qu'ils le peuvent dans la composition des kommandos). Ils sont 663 à y mourir. Le camp de Melk ne fut pas libéré, mais évacué. En effet, en avril 1945, l'avancée de l'Armée Rouge amène le commandant du camp, Ludolf, à décider l'évacuation vers Mauthausen et Ebensee, qui se fait à pied, par camions et wagons à bestiaux du 7 au 15 avril. Les nazis avaient cependant envisagé de conduire les déportés dans les tunnels, sous le prétexte d'une attaque aérienne, et de les y enterrer vivants à l'aide d'explosifs. Heureusement, grâce à l'intervention du Dr Josef Sora (médecin de la Luftwaffe qui s'était montré, dès son arrivée à Melk, humain avec les déportés et avait refusé de porter l'uniforme SS, il est décédé en 2011 à l'âge de 92 ans), ce funeste projet est abandonné. Sora a en effet averti les résistants français du camp, qui organisent alors le refus d'obéir aux ordres, ainsi que les autorités de Melk, qu'il prévient de ce qui pourrait advenir si ensuite, une fois arrivés, les alliés découvraient un tel massacre. Celles-ci ont donc insisté pour que le drame n'ait pas lieu.L'entrée de la caserne où était le camp de Melk en 1944-1945. Le bâtiment avec l'inscription date de la guerre. Aujourd'hui, l'emplacement du camp est occupé par une caserne du génie autrichien, mais nous avons cependant pu accéder au site sous la conduite d'un militaire, qui nous a montré quelques bâtiments qui étaient déjà présents à l'époque du camp. Ainsi, il nous a été possible de découvrir, sur une poutre à l'intérieur du hangar à bateaux de la caserne, l'inscription en lettres gothiques "Arbeit Macht Frei", "le travail rend libre", apposée cyniquement par les nazis dans tous leurs camps de concentration.L'inscription nazie dans le garage à bateaux de l'ancien camp de Melk Les autorités de Melk cherchent à conserver le souvenir de ce qui s'est passé pendant la guerre. Nous avons donc pu nous rendre ensuite dans le crématoire du camp, devenu lieu de recueillement et de mémoire, avec plusieurs salles présentant le camp et les crimes qui y ont été commis. Le crématoire du camp de MelkDans le musée installé dans le crématoire, Bernard Orès, entre ses deux petites filles, nous explique en détail sa vie au camp de Melk, où il était au bloc 5.

Gunskirchen

Dépôt de gerbe à Gunskirchen A Gunskirchen, seule une stèle accompagnée d'un petit panneau indiquent aux visiteurs le drame qui s'est joué dans la forêt. La stèle comporte une plaque précisant, en anglais et en allemand, que le 4 mai 1945, la 71e Division d'Infanterie de la IIIe Armée américaine a libéré le camp. Le panneau quant à lui, donne succinctement en allemand, le bilan humain de la courte existence du camp de la forêt et appelle à toujours refuser le fascisme. C'est sur ce monument que l'Amicale de Mauthausen a respecté quelques instants de silence, puis, Bernard Orès (qui participe à ce voyage pour rendre hommage à son camarade de déportation, Ernest Vinurel, juif hongrois et roumain, libéré à Gunskirchen, qui est décédé en juin 2017) et sa petite-fille Auriane ont déposé une gerbe. La stèle et le panneau rappelant l'existence du camp de GunskirchenBernard Orès et sa petite-fille Auriane déposant la gerbe de l'Amicale.

Gunskirchen, le "camp de la forêt" Le matin du mardi 24 octobre, nous nous sommes rendus dans une forêt à proximité de Wels, commune à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Mauthausen. Là, au milieu des arbres, nous avons découvert avec émotion le site d'un terrible drame humain. Dès la fin de 1944, l'afflux de prisonniers vers le camp central de Mauthausen est considérable. L'arrivée des juifs hongrois, parqués dans le "camp des tentes", rend la surpopulation difficile. Face à l'avancée des alliés, et notamment de l'Armée Rouge à l'est, d'autres camps sont évacués et leurs populations contraintes à des marches de la mort, vers les zones encore contrôlées par l'Allemagne (le 18 janvier 1945, 56.000 déportés quittent Auschwitz, notamment pour Mauthausen et ses kommandos). C'est dans ce contexte qu'apparaît l'histoire du camp annexe de Gunskirchen. Au mois de décembre 1944, 200 puis 400 déportés de Mauthausen sont conduits dans la forêt de Wels dans le but de construire là, le plus rapidement possible, un camp. Son existence administrative est attestée le 12 mars 1945, quand il est question du ""Außenkommando Notbehelfsbau Gunskirchen" pour le transfert de travailleurs qualifiés. Impossible de dire s'il y avait un projet de production quelconque à Gunskirchen, mais ce camp, pendant sa courte existence, sera exclusivement destiné à l'accueil des déportés. Entre les 7 et 25 avril 1945, entre 17.000 et 20.000 malheureux, juifs hongrois pour la plupart, avec femmes et enfants, sont obligés de quitter Mauthausen pour rejoindre Gunskirchen. L'épuisement et les violences lors de cette marche tuent nombre d'entre eux, et à leur arrivée dans ce "camp de la forêt", la confusion est totale. Il n'y a plus, en cette fin de guerre, d'organisation réelle dans le camp, et surtout, il n'y pas d'approvisionnement en vivres. On sait qu'il y a eu des luttes entre déportés, et finalement, le 3 mai, les gardiens SS fuient dans des habits civils apprenant l'approche des troupes américaines. Le 5 mai, les soldats de la 71st Infantry Division de la Third Army libèrent le camp. Le spectacle qui s'offre à eux est terrible (Photo USHMM) : s'il reste environ 15.000 survivants, épuisés et affamés (plus de 1.000 meurent peu après), 3.000 cadavres au moins gisent là, à même le sol (1.227 corps sont exhumés d'une fosse commune en 1979 et enterrés au cimetière de Mauthausen). La stèle et le panneau expliquant ce qui s'est passé à Gunskirchen au début de 1945. De cette abomination, peu de traces aujourd'hui. Quand nous arrivons dans la forêt, une stèle et un panneau expliquent aux "visiteurs" ce qui s'est passé là il y a 72 ans, et après une petite marche sous la conduite de Ute Bauer et de Stefan Matyus du Mauthausen Memorial de Vienne, nous atteignons le site du camp. A l'exception d'une structure en ciment, les latrines, et à une cinquantaine de mètres plus loin, les fondations d'une baraque, rien n'est visible, les arbres nous entourent. Depuis la guerre, cette partie de la forêt est utilisée au même titre que le reste pour les promenades, le footing... La structure en ciment, avant d'être déblayée assez récemment, servait de décharge sauvage aux habitants du coin. Ce n'est qu'il y a quelques années que des archéologues de l'université de Vienne ont mené des fouilles à la demande du Mauthausen Memorial, révélant une quantité extraordinaire de vestiges (vêtements, chaussures, gamelles...) témoignant de l'existence du camp. Souvent, il suffit de se baisser pour ramasser ces objets. Reste qu'affecter des moyens pour répertorier et conserver les vestiges à Gunskirchen n'est pas actuellement une priorité du Mauthausen Memorial, qui a donc décidé de les laisser où ils sont, même si cela veut dire les mettre à la merci d'amateurs d'antiquités morbides de cette période. A gauche, ce qu'il reste des latrines du camp, à droite, le site du camp tel qu'il apparaît aujourd'hui.Un exemple des vestiges du camp visibles à même le sol de la forêt, des gamelles.

Laakirchen

Laarkirchen Après avoir quitté Ebensee, sur la route pour Steyr, nous nous sommes arrêtés quelques minutes à Laakirchen pour nous recueillir sur la tombe de Josef Poltrum. Cet Autrichien né en 1902, opposé au nazisme, fut arrêté et torturé après l'Anschluss. Enrôlé au cours de la guerre dans la Luftwaffe, il finit comme d'autres par être affecté au camp de concentration de Gusen. Arrêté pour avoir refusé de revêtir l'uniforme SS, il est finalement affecté, sans avoir à porter cette tenue, au camp d’Ebensee. C'est là, en mai 1945, apprenant que les dirigeants du camp souhaitent ensevelir les déportés dans les tunnels, qu'il décide de prévenir les prisonniers. Ceux-ci refusent donc de s'y rendre quand l'ordre leur en est donné. Bernard Orès, qui fut libéré à Ebensee, nous a expliqué qu'il entendait encore dans son esprit le "non" ferme et définitif prononcé alors par ces milliers d'hommes, pendant que tonnaient au loin les canons américains. Depuis la mort de Josef Poltrum en 1952, l'Amicale de Mauthausen vient régulièrement lui rendre hommage et une plaque, qui va être rénovée prochainement, symbolise la reconnaissance des déportés français.

Ebensee

Dépôt de gerbe à EbenseeLa croix du monument érigé par Hilda Lepetit en 1948. Le monument français se trouve au bout de l'allée à gauche, contre le mur. A Ebensee, notre groupe de l'Amicale de Mauthausen s'est dirigé, après la visite des tunnels, vers le lieu où reposent près de 4.000 victimes de la barbarie nazie. C'est en 1948 qu'une milanaise, Hilda Lepetit, fait ériger un monument, avec une croix monumentale, à cet endroit où les SS avaient fait creuser, les 4 et 5 mai 1945, une fosse commune pour y placer environ 1.000 corps, parmi lesquels se trouvait celui de son mari, Roberto, industriel déporté pour le soutien qu'il avait apporté à la résistance. Par la suite, il est décidé de réunir là les restes des victimes du camp d'Ebensee (dispersés sur différents sites, notamment dans un cimetière établi par les Américains à deux kilomètres de là où étaient inhumés près de 900 corps) et de camps voisins (par exemple 235 personnes mortes après la libération du camp de Gunskirchen). Au fil des années, de nombreuses nations ont installé dans ce cimetière des stèles à la mémoire des victimes. C'est sur le monument français qu'une gerbe a été déposée, par Rosette Gouffault-Rigon, dont le père, Roger, a été libéré à Ebensee le 6 mai 1945, ainsi que par Lucienne Charpy, nièce de Lucien Curbillon, décédé à Ebensee le 14 février 1945, accompagnée par sa fille Florence et sa petite fille Sarah. Un moment de recueillement a de même été respecté au monument consacré aux républicains espagnols. Dépôt de la gerbe de l'Amicale par Rosette Gouffault-Rigon, Lucienne Charpy, sa fille Florence et sa petite-fille Sarah. Recueillement au monument des républicains espagnols. Le monument polonais et une vue du cimetière. L'espace délimité par les pierres est celui où les restes ont été ensevelis. Beaucoup de corps reposant dans le cimetière d'Ebensee ont pu être identifiés, leurs noms figurent sur des panneaux ainsi que sur un mur de plaques en face du monument Lepetit.Le groupe de l'Amicale de Mauthausen devant le monument Lepetit.

Ebensee  Le matin du 24 octobre, après notre visite au camp de Gunskirchen, nous nous sommes rendus à Ebensee, à environ cent kilomètres de Mauthausen. L'endroit est très agréable, la petite ville se trouvant au bord du lac Traunsee, entourée de montagnes aux sommets pour certains déjà enneigés. Vues des sommets enneigés autour d'Ebensee et du lac Traunsee C'est là que fut construit, à partir de novembre 1943, dans le cadre du projet "Zement", un camp de concentration. En effet, en août 1943, le site de recherche et de production des missiles V1 et des V2, à Peenemünde sur la Baltique (qui dépendait du camp de Ravensbrück), est bombardé par les alliés. Hitler veut à tout prix s'assurer que la fabrication de ses armes miracles (et notamment du projet A9, un missile intercontinental capable d'atteindre les Etats-Unis) peut se poursuivre à l'abri des bombes anglaises et américaines. On ordonne donc, entre autres, la construction d'un complexe de tunnels dans les montagnes autrichiennes. Le site d'Ebensee est choisi, même si par la suite les tunnels, divisés en deux installations, finissent par être destinés à la production de pétrole synthétique (complexe A) et de machines-outils pour pièces de chars de la Nibelungenwerk de Sankt Valentin (complexe B). En mai 1945, au bout de seize mois,7,6 kilomètres de tunnels ont été creusés, le complexe A est pratiquement terminé et équipé, et le complexe B l'est au deux tiers. L'entrée et l'intérieur du tunnel n°5 du complexe B Le camp, construit par des déportés de Mauthausen, accueille dans ses 15 baraques 9.000 déportés en décembre 1944, qui travaillent au percement des tunnels dans des conditions épouvantables. Comme ailleurs, la mortalité est très élevée, si bien que dès avril 1944, on construit un crématoire qui entre en fonction le 31 juillet suivant. Mais au début de 1945, les effectifs explosent du fait des nombreuses arrivées en provenance des évacuations d'autres camps (Auschwitz en février, Melk en avril), et l'on compte alors jusqu'à 18.509 détenus de 23 nationalités différentes (8% de français). Cette surpopulation amène les SS à réduire de façon drastique les rations alimentaires, et ce sont des centaines de déportés qui meurent donc chaque jour d'épuisement, de faim et sous les coups de leurs gardiens (on dénombre 4.547 morts pour le seul mois d'avril). Début mai, les SS envisagent d'ensevelir les survivants dans les tunnels. Prévenus par Josef Poltrum, ces derniers refusent de s'y rendre quand au matin du 5 mai, l'ordre leur en est donné. Le lendemain, les soldats américains entrent dans un camp abandonné par ses gardiens, et découvrent 16.000 déportés encore en vie (plus de 750 meurent cependant dans les jours et semaines qui suivent). Au total, 8.500 prisonniers perdent la vie à Ebensee. Photographie des rescapés d'Ebensee prise par l'armée américaine le 7 mai 1945 (National Archives) Du camp, aujourd'hui il ne reste rien, à l'exception de son entrée (dont la lourde porte en bois est désormais conservée près de l''accès au tunnel) qui donne désormais sur un lotissement. En effet, de juillet 1945 à janvier 1946, le camp sert à emprisonner les soldats de la Panzerdivision SS Hohenstauffen, puis accueillera des populations déplacées. Le lotissement actuel est construit sur le camp dès 1949. L'entrée du camp, donnant aujourd'hui sur un lotissement, et la lourde porte en bois qui est exposée désormais près de l'accès au tunnel . Des tunnels, il est possible de visiter comme nous l'avons fait sous la conduite du directeur du musée d'Ebensee, Wolfgang Quatember, le tunnel 5 du complexe B, tous les autres étant désormais inaccessibles. On peut dès lors constater ses dimensions et imaginer le calvaire des milliers d'hommes qui sont morts pour sa réalisation et découvrir sur des panneaux l'histoire du camp. Enfin, en mars et avril 1945, la mortalité est telle à Ebensee que les SS ne peuvent brûler tous les cadavres. Ils font donc creuser deux fosses communes afin d'y placer les corps. C'est sur l'une d'elle que la veuve d'un déporté italien, Hilda Lepetit, fait ériger un monument en 1948 et en 1952, les autorités régionales de Haute-Autriche construisent autour de cette stèle un cimetière où reposent aujourd'hui les restes de 4.000 victimes du camp. Bernard Orès, près de l'entrée du tunnel. Libéré à Ebensee le 6 mai 1945, il nous a expliqué que de nombreux rescapés n'ont survécu que quelques jours après l'arrivée des Américains. En effet, affolés par leur état physique, ces derniers ont distribué de la nourriture aux malheureux qui ne pouvaient, après tant de mois de privations, supporter un tel apport.

Ebensee

Dépôt de gerbe à EbenseeLa croix du monument érigé par Hilda Lepetit en 1948. Le monument français se trouve au bout de l'allée à gauche, contre le mur. A Ebensee, notre groupe de l'Amicale de Mauthausen s'est dirigé, après la visite des tunnels, vers le lieu où reposent près de 4.000 victimes de la barbarie nazie. C'est en 1948 qu'une milanaise, Hilda Lepetit, fait ériger un monument, avec une croix monumentale, à cet endroit où les SS avaient fait creuser, les 4 et 5 mai 1945, une fosse commune pour y placer environ 1.000 corps, parmi lesquels se trouvait celui de son mari, Roberto, industriel déporté pour le soutien qu'il avait apporté à la résistance. Par la suite, il est décidé de réunir là les restes des victimes du camp d'Ebensee (dispersés sur différents sites, notamment dans un cimetière établi par les Américains à deux kilomètres de là où étaient inhumés près de 900 corps) et de camps voisins (par exemple 235 personnes mortes après la libération du camp de Gunskirchen). Au fil des années, de nombreuses nations ont installé dans ce cimetière des stèles à la mémoire des victimes. C'est sur le monument français qu'une gerbe a été déposée, par Rosette Gouffault-Rigon, dont le père, Roger, a été libéré à Ebensee le 6 mai 1945, ainsi que par Lucienne Charpy, nièce de Lucien Curbillon, décédé à Ebensee le 14 février 1945, accompagnée par sa fille Florence et sa petite fille Sarah. Un moment de recueillement a de même été respecté au monument consacré aux républicains espagnols. Dépôt de la gerbe de l'Amicale par Rosette Gouffault-Rigon, Lucienne Charpy, sa fille Florence et sa petite-fille Sarah. Recueillement au monument des républicains espagnols. Le monument polonais et une vue du cimetière. L'espace délimité par les pierres est celui où les restes ont été ensevelis. Beaucoup de corps reposant dans le cimetière d'Ebensee ont pu être identifiés, leurs noms figurent sur des panneaux ainsi que sur un mur de plaques en face du monument Lepetit.Le groupe de l'Amicale de Mauthausen devant le monument Lepetit.

Ebensee  Le matin du 24 octobre, après notre visite au camp de Gunskirchen, nous nous sommes rendus à Ebensee, à environ cent kilomètres de Mauthausen. L'endroit est très agréable, la petite ville se trouvant au bord du lac Traunsee, entourée de montagnes aux sommets pour certains déjà enneigés. Vues des sommets enneigés autour d'Ebensee et du lac Traunsee C'est là que fut construit, à partir de novembre 1943, dans le cadre du projet "Zement", un camp de concentration. En effet, en août 1943, le site de recherche et de production des missiles V1 et des V2, à Peenemünde sur la Baltique (qui dépendait du camp de Ravensbrück), est bombardé par les alliés. Hitler veut à tout prix s'assurer que la fabrication de ses armes miracles (et notamment du projet A9, un missile intercontinental capable d'atteindre les Etats-Unis) peut se poursuivre à l'abri des bombes anglaises et américaines. On ordonne donc, entre autres, la construction d'un complexe de tunnels dans les montagnes autrichiennes. Le site d'Ebensee est choisi, même si par la suite les tunnels, divisés en deux installations, finissent par être destinés à la production de pétrole synthétique (complexe A) et de machines-outils pour pièces de chars de la Nibelungenwerk de Sankt Valentin (complexe B). En mai 1945, au bout de seize mois,7,6 kilomètres de tunnels ont été creusés, le complexe A est pratiquement terminé et équipé, et le complexe B l'est au deux tiers. L'entrée et l'intérieur du tunnel n°5 du complexe B Le camp, construit par des déportés de Mauthausen, accueille dans ses 15 baraques 9.000 déportés en décembre 1944, qui travaillent au percement des tunnels dans des conditions épouvantables. Comme ailleurs, la mortalité est très élevée, si bien que dès avril 1944, on construit un crématoire qui entre en fonction le 31 juillet suivant. Mais au début de 1945, les effectifs explosent du fait des nombreuses arrivées en provenance des évacuations d'autres camps (Auschwitz en février, Melk en avril), et l'on compte alors jusqu'à 18.509 détenus de 23 nationalités différentes (8% de français). Cette surpopulation amène les SS à réduire de façon drastique les rations alimentaires, et ce sont des centaines de déportés qui meurent donc chaque jour d'épuisement, de faim et sous les coups de leurs gardiens (on dénombre 4.547 morts pour le seul mois d'avril). Début mai, les SS envisagent d'ensevelir les survivants dans les tunnels. Prévenus par Josef Poltrum, ces derniers refusent de s'y rendre quand au matin du 5 mai, l'ordre leur en est donné. Le lendemain, les soldats américains entrent dans un camp abandonné par ses gardiens, et découvrent 16.000 déportés encore en vie (plus de 750 meurent cependant dans les jours et semaines qui suivent). Au total, 8.500 prisonniers perdent la vie à Ebensee. Photographie des rescapés d'Ebensee prise par l'armée américaine le 7 mai 1945 (National Archives) Du camp, aujourd'hui il ne reste rien, à l'exception de son entrée (dont la lourde porte en bois est désormais conservée près de l''accès au tunnel) qui donne désormais sur un lotissement. En effet, de juillet 1945 à janvier 1946, le camp sert à emprisonner les soldats de la Panzerdivision SS Hohenstauffen, puis accueillera des populations déplacées. Le lotissement actuel est construit sur le camp dès 1949. L'entrée du camp, donnant aujourd'hui sur un lotissement, et la lourde porte en bois qui est exposée désormais près de l'accès au tunnel . Des tunnels, il est possible de visiter comme nous l'avons fait sous la conduite du directeur du musée d'Ebensee, Wolfgang Quatember, le tunnel 5 du complexe B, tous les autres étant désormais inaccessibles. On peut dès lors constater ses dimensions et imaginer le calvaire des milliers d'hommes qui sont morts pour sa réalisation et découvrir sur des panneaux l'histoire du camp. Enfin, en mars et avril 1945, la mortalité est telle à Ebensee que les SS ne peuvent brûler tous les cadavres. Ils font donc creuser deux fosses communes afin d'y placer les corps. C'est sur l'une d'elle que la veuve d'un déporté italien, Hilda Lepetit, fait ériger un monument en 1948 et en 1952, les autorités régionales de Haute-Autriche construisent autour de cette stèle un cimetière où reposent aujourd'hui les restes de 4.000 victimes du camp. Bernard Orès, près de l'entrée du tunnel. Libéré à Ebensee le 6 mai 1945, il nous a expliqué que de nombreux rescapés n'ont survécu que quelques jours après l'arrivée des Américains. En effet, affolés par leur état physique, ces derniers ont distribué de la nourriture aux malheureux qui ne pouvaient, après tant de mois de privations, supporter un tel apport.

Hartheim

Dépôt de gerbe au château d'Hartheim Le château d'Hartheim, comme d'autres endroits marqués par l'entreprise de mort des nazis en Autriche, a très vite fait l'objet d'un devoir de mémoire. Mais comme souvent, c'est à l'initiative d'une association étrangère, l'Amicale de Mauthausen que cette volonté de matérialiser ce souvenir s'est concrétisée. En effet, en 1950, l'Amicale fait ériger un monument en pierre à l'extérieur du château, celui-ci ayant été réquisitionné pour accueillir des populations déplacées originaires des territoires de l'Est. Sur cette pierre, blottie entre des arbres près de la façade nord du château, on peut lire, en français et en allemand : "Honneur aux Français victimes de la barbarie nazie morts à Hartheim pour la France et la liberté du monde". C'est donc au pied de ce monument que notre groupe a déposé une gerbe. Celle-ci était présentée par les lauréats du Concours National de la Résistance et de la Déportation, Madeleine Bathie et Irina Colas (accompagnée de sa sœur Lisa) pour le Loiret, et Dorian Malcoeffe (arrière-arrière petit-fils de Marc Valette, mort à Mauthausen le 19 avril 1945) pour la Corrèze.

Le château d'Hartheim A 17 kilomètres à l'Ouest de Linz, dans la plaine du Danube, nous avons visité le château d'Hartheim. De style renaissance, bâti au XVIIe siècle sur l'emplacement d'un château médiéval, ce bâtiment est devenu un "asile pour faibles d'esprit et demeurés" à la toute fin du XVIIIe siècle, pris en charge par la congrégation religieuse des filles de la Charité de St-Vincent de Paul. C'est ce qu'il était jusqu'à 1938 et l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie. Le château d'Hartheim vu depuis l'ouest Après expulsion des filles de la Charité, les nazis vont le modifier pour en faire un lieu très différent. En effet, le château d'Hartheim n'est pas un camp annexe de Mauthausen, mais un "centre d'euthanasie". L'idéologie présentée par Hitler dans Mein Kampf est, entre autre, une idéologie raciale basée sur l'idée que la "race aryenne", pure, est destinée à dominer le monde. Ainsi, il n'y a pas de place pour ceux qui sont jugés, de par leurs problèmes physiques ou mentaux, indignes d'être considérés comme faisant partie de la "race des seigneurs". Il s'agit alors de stériliser les handicapés, et surtout, à partir de 1939-40, de les éliminer. Ce sont les débuts de ce que l'on a appelé après la guerre "Aktion T4" (qui vient du 4 Tiergartenstrasse à Charlottenburg, un quartier de Berlin, devenu le cœur de cette opération et où devaient aboutir tous les dossiers), c'est à dire "l'opération d'euthanasie" des handicapés. De toute l'Allemagne et l'Autriche, les pensionnaires des asiles pour handicapés, sont rapidement auscultées par des médecins de l'opération, qui décident souvent de leur transfert, en bus, vers six centre de mise à mort. Le château d'Hartheim, sous le nom de code C, est le plus actif, puisqu'y sont gazés en 1940 et 1941, au monoxyde de carbone, 18.269 personnes. En plus de la chambre à gaz, Hartheim est équipé d'un crématoire et d'un moulin à os pour traiter les ossements. Les cendres sont ensuite déversées dans le Danube. La discrétion de cette opération est toute relative, car des passagers de ces nombreux autobus qui arrivent régulièrement au château, il n'y a aucune trace, si ce n'est la fumée noire et l'odeur provenant d'une cheminée invisible de la bâtisse. Ce sont ces rumeurs de plus en plus fréquentes, et l'indignation croissante de la population, en particulier du clergé catholique allemand, qui mènent Hitler à ordonner l'arrêt de "l'opération d'Euthanasie" le 23 août 1941.Mais le château de Hartheim ne cesse pas pour autant ses opérations car s'était mis en place dès avril 1941 "l'Aktion 14f13" (ou Sonderbehandlung 14f13". Sous cette désignation (14 est le code donné pour ce qui relève des camps de concentration, f pour la mort et enfin 13 est le code qui concerne la façon de mourir, en l'occurrence ici le gazage) se cache la volonté des nazis de réaliser "l'euthanasie" des prisonniers des camps malades ou n'étant plus capables de travailler (ce motif médical est très souvent loin d'être avéré, des groupes de même origine ayant été tués en même temps). Ce sont les centres de mise à mort de l'"AktionT4" qui sont chargées de cette opération. Après 1943, quand il s'agit d'utiliser jusqu'au bout la force de travail des déportés, le seul centre encore en opération est celui du château d'Hartheim. Comme précédemment, les malheureux sont désignés par des médecins, cette fois-ci ceux des camps, puis de nouveau auscultés une fois arrivés sur place. Ils sont ensuite gazés au monoxyde de carbone. En plus des détenus de Mauthausen, ont été exécutés là des travailleurs forcés d'Europe de l'Est, des prisonniers soviétiques, ainsi que des juifs hongrois. L'opération s'achève en décembre 1944. 20 déportés de Mauthausen (leurs témoignages après guerre furent essentiels à la reconstitution de la vérité), parmi lesquels des espagnols et des polonais, arrivent à Hartheim avec comme mission d'effacer toute trace de ce qui s'est passé : ils détruisent et maquillent la destination réelle de ce lieu, la chambre à gaz est notamment démontée. En janvier 1945, Hartheim redevient un lieu d'accueil pour les déshérités Aujourd'hui, le château d'Hartheim que nous avons visité est un lieu de mémoire et de recueillement. C'est en effet un endroit où il n'y eut aucun survivant. Il y a quelques années, des fouilles ont permis de retrouver des cendres et des fragments d'ossements dans des cavités creusées dans l'ancien jardin du château, de même que des effets personnels. Les restes ont été placées dans un sarcophage près de la façade est. Vue de la façade est du château. Les lieux d'accueil et de mise à mort se situent au niveau des fenêtres occultées par des plaques métalliques. Le sarcophage contenant les cendres et les ossements retrouvés. A droite, Patrice Lafaurie nous explique comment ces restes ont été retrouvés. Les lieux ayant été nettoyés avant la fin de la guerre des traces des horreurs commises, le seul élément qui les rappelle est le parcours, symbolisé par des plaques de métal rouillées (l'arrivée des autocars à l'ouest, le cheminement, à l'époque matérialisé par une palissade en bois, le long de la cour intérieure jusqu'à la chambre à gaz). Vue au premier plan des plaques métalliques qui remplacent la palissade en bois de l'époque. C'est par là qu'arrivaient au château les handicapés puis les déportés.Dans la cour du château, Chantal Lafaurie nous explique que c'est derrière les plaques de métal que passaient les victimes des lieux.La salle où se trouvait la chambre à gaz. Dans l'ancienne salle d'enregistrement ont été placés de grands panneaux de verre sur lesquels sont notés, de façon aléatoire, les noms des victimes du château, parmi lesquels on peut signaler celui d'un natif de Montargis, Gustave Lefevre (né en 1914), arrêté et déporté en avril 1943, et qui meurt à Hartheim un an plus tard).Les panneaux des noms, dans l'ancienne salle d'enregistrement du château. De nombreux documents sont conservés dans l'ancienne salle de déshabillage.Nous y avons appris que le château d'Hartheim a en quelque sorte servi de lieu de formation pour les personnels des camps de mise à mort immédiate comme Belzek, Sobibor ou encore Treblinka. On estime à environ 30.000 le nombre de personnes tuées à Hartheim. Parmi eux, au moins 5.000 déportés de Mauthausen, dont 400 français (la plupart en 1944).

Steyr

Dépôt de gerbe à Steyr Il ne reste rien aujourd'hui du camp de Steyr-Münichholz, mais à l'endroit où il se trouvait autrefois a été inaugurée en 1953, le long de la haagerstraße, une stèle à la mémoire des victimes françaises (une plaque a été ajoutée sur la stèle honorant les républicains espagnols morts pour la liberté). Après notre visite de la "galerie de la mémoire", le soir du 24 octobre 2017, nous avons donc déposé une gerbe au pied de ce monument, ultime rappel des horreurs perpétrées là par le nazisme.

STEYR Notre dernière visite du mardi 24 octobre a lieu à Steyr, à une trentaine de kilomètres au sud de Mauthausen, où nous devons rencontrer des membres du Comité Mauthausen Autriche de la ville. Steyr est une ville industrielle ancienne, réputée dès le XIVe pour le savoir-faire de ses armuriers. Au XVIIe, c'est elle qui fournit en armes à feu l'armée impériale autrichienne, et en 1865, elle voit apparaître les ateliers d'une entreprise qui finit par porter son nom. Les usines Steyr deviennent le lieu de fabrication d'armes de grande qualité et se développent énormément au cours de la Première Guerre mondiale, étendant leur activité à la construction de moteurs pour l'aéronautique. Convertie dans l'industrie automobile après la guerre, l'entreprise Steyr ne retrouve sa production d'armement qu'au cours des années 1930. Devenue en 1934 la Steyr-Daimler-Puch, elle est finalement intégrée, après l'Anschluss en 1938, au conglomérat industriel Hermann Göring Reich Werke et devient alors un maillon essentiel de l'effort d'armement du Troisième Reich. Dirigée par Georg Meindl, les usines de la Steyr, produisant armes à feu, roulement à billes et moteurs d'avions, emploient pendant la guerre jusqu'à 50.000 ouvriers, dont la moitié sont des travailleurs forcés venus de toute l'Europe. Toujours à la recherche de main d’œuvre, notamment qualifiée, l'entreprise utilise dès 1941 des déportés de Mauthausen, qui font quotidiennement l'aller-retour depuis le camp, d'abord en bus, puis en train. Ce transport ayant un coût important, la SS soutient la demande de Meindl pour que la prison toute proche de Garsten soit vidée de ses occupants pour y loger les déportés, mais essuie un refus de la justice. On décide alors de la création d'un camp annexe de Mauthausen, à Münichholz. Dès janvier 1942, 300 déportés espagnols sont chargés de sa construction. Le camp ouvre officiellement le 14 mars suivant sous le nom de Steyr-Münichholz. Le nombre de déportés qui y sont envoyés reste difficile à évaluer, mais il a sans doute toujours été supérieur à 1.000. Fin 1944 - début 1945, ce chiffre atteint les 2.000 déportés, mais Steyr étant une étape intermédiaire des marches des prisonniers évacués d'autres camps vers Gusen et Mauthausen, on dépasse les 3.000 personnes en avril. Les bombardements fréquents des sites industriels conduisent cependant les nazis à transférer les activités de fabrication vers des endroits moins exposés (Ebensee par exemple). On ignore combien de prisonniers sont libérés par les Américains le 5 mai 1945. On peut néanmoins chiffrer le nombre de victimes de ce camp annexe à au moins 295, dont 5 périrent lors d'un bombardement en avril 1944. Leurs corps furent brûlés dans le crématorium de Steyr, qui servit aussi jusqu'en 1940 à la crémation d'une partie des détenus du camp central. On trouve dans le cimetière aux abords du crématorium, une plaque, apposée par la commune de Steyr, portant la mention nie vergessen ("N'oublions jamais"), qui honore la mémoire de toutes les victimes du nazisme.Stèle à la mémoire des victimes du nazisme (photographie wikipedia) Les déportés du camp de Steyr-Münichholz, des soviétiques, polonais, tchécoslovaques, espagnols et français pour la plupart, étaient donc employés dans les usines de la ville, mais aussi, à partir de 1943-44, pour la construction de galeries souterraines anti-bombardements. C'est dans l'une de ces galeries, que nous avons pu visiter, que le Comité Mauthausen Autriche de Steyr a installé, depuis 2013, une exposition permanente, la "galerie de la mémoire" (Stollen der Erinnerung), longue de 140 mètres, retraçant l'histoire de la ville et du camp au cours de ces sombres années. En effet, il ne reste rien du camp de Steyr-Münichholz, la dernière baraque, qui devait servir initialement de lieu de mémoire, ayant été illégalement détruite en 1993.L'entrée de la "galerie de la mémoire", sous le château Lamberg (photographie wikipedia)

Ried in der Riedmark

Dépôt de gerbe à Ried in der Riedmark L'amicale de Mauthausen, accueillie par le maire de Ried in der Riedmark, M. Ernst Rabl, (Mme Sabine Schatz, du comité Mauthausen Autriche de Ried, récemment élue du parti socialiste autrichien au Parlement à Vienne, n'ayant pu être présente), a déposé une gerbe à la mémoire des déportés soviétiques sauvagement assassinés en février 1945. Bernard Orès et Ernst Rabl, maire de Ried in der Riedmark, devant le monument à la mémoire des prisonniers soviétiques tués lors de la dramatique "chasse aux Lapins de Mühlviertel".

RIED IN DER RIEDMARK Le lundi 23 octobre 2017 en fin d'après-midi, notre groupe s'est rendu à Ried in der Riedmark, une petite commune située à moins de 3 kilomètres à vol d'oiseau au nord-est du camp central de Mauthausen. Cet endroit est connu pour avoir été au cœur de ce que certains habitants appelèrent ironiquement la "chasse aux lapins de Mühlviertel" (Mühlviertler Hasenjagd). Le 2 février 1945, près de 500 prisonniers soviétiques tentent de s'évader de Mauthausen (des explications sont disponibles sur la page consacrée au camp central, Block 20). 419 parviennent effectivement à s'enfuir. Le commandement SS du camp ordonne donc une vaste chasse à l'homme dans les communes et campagnes environnantes, appelant, par des annonces à la radio, l'ensemble de la population (la gendarmerie, les pompiers, la jeunesse hitlérienne mais aussi et surtout les civils) à lui prêter main forte. Pendant les trois semaines qui suivirent, les évadés furent implacablement traqués et pour la plupart massacrés (en effet, ceux qui s'avisaient de ramener des prisonniers vivants étaient raillés par les autres). Leurs cadavres étaient ensuite rassemblés et exposés sur la place et le terrain de sport près de l'école de Ried in der Riedmark. Seuls 11 hommes, sur les 419 fugitifs, ont survécu à cette chasse à l'homme. Ils furent accueillis et cachés par de courageux autrichiens qui, au péril de leur vie, désobéirent aux ordres des SS et ne cédèrent pas au déferlement de haine dont firent preuve tant d'autres. En mai 2001, à l'initiative de la Jeunesse Socialiste autrichienne, a été érigée, au pied de l'église de Ried et tout près de l'école, une stèle de granit. Portant 489 barres (on ignore le nombre exact de morts), elle honore la mémoire des victimes de cette tuerie.La petite place au pied de l'église de Ried in der Riedmark, devant l'école. On peut voir à droite, à l'emplacement de l'actuel parking, avec encore plus loin le terrain de sport, l'endroit où furent placés les cadavres des prisonniers, parfaitement visibles depuis l'école... L'église de Ried in der Riedmark et la stèle à la mémoire des fugitifs tués en 1945

Sankt-Georgen

SANKT-GEORGEN En fin d'après-midi, le 22 octobre, après avoir visité le mémorial de Gusen, nous nous sommes rendus en compagnie de Martha Gammer dans la commune toute proche de Sankt-Georgen. C'est là que fut creusé, dans une colline sablonneuse, l'un des complexes les plus importants de la fin de la guerre, sous le nom de code B8 Bergkristall (B correspond à de nouvelles installations enterrées, 8 est le numéro de l'installation - c'est 1 pour Ebensee et 9 pour Melk - et Bergkristall signifie cristal de roche). Face aux nombreux bombardements alliés qui désorganisaient la production d'armement, il a fallu pour les nazis trouver dès 1943-44 des endroits protégés pour la fabrication d'avions. Et notamment pour la construction devenue primordiale de ce qu'ils appelaient les wunderwaffen, les armes miracles parmi lesquelles on compte le premier avion de chasse à réaction opérationnel de l'histoire, le Messerschmitt 262. Surnommé presque officiellement Schwalbe (hirondelle), propulsé par deux turboréacteurs Jumo et armé de canons de 30 mm et de roquettes, le Me 262, bien que complexe et fragile, était un avion en avance sur son temps, volant à pratiquement 900 km/h. Le Messerschmitt 262, dont la majorité des pièces étaient fabriquée à Sankt-Georgen (photographie Bundesarchiv à gauche, et à droite, photographie de l'exemplaire conservé au musée de la RAF à Hendon près de Londres, avec une coupe du turboréacteur Jumo). Le régime nazi et la firme Messerschmitt choisirent le site de Sankt-Georgen pour devenir le principal centre de production du chasseur. Plusieurs raisons à cela : d'une part, la nature du sol, une carrière de sable exploitée depuis 1939, permettait le creusement relativement rapide des galeries qui devaient servir de chaînes d'assemblage. D'autre part, l'entreprise Messerschmitt avait déjà une usine qui fabriquait des pièces pour ses modèles 109 à Gusen, et qui exploitait la main d’œuvre esclave du camp de concentration. La construction du nouveau complexe, très secret, débute le 2 janvier 1944. 272 déportés de Gusen sont à ce moment là transférer à Sankt-Georgen, et leur nombre ne cessera ensuite de croître. C'est d'ailleurs pour les accueillir et aussi, secret oblige, les séparer des autres déportés du camp annexe de Mauthausen, qu'est construit Gusen II, le trajet de deux kilomètres vers le chantier se faisant dans des trains à wagons ouverts appartenant aux SS. Ces projets de creusement de tunnels, comme Melk ou encore Ebensee, étaient tous réalisés sous le contrôle d'un état-major spécial de la SS, le Sonderstab Kammler, commandé par le général Hans Kammler, qui avait déjà auparavant montré son peu de considération pour la vie des prisonniers qu'il employait. Ainsi, en août 1944, 3.684 déportés œuvrent dans les tunnels de la Bergkristall, et ce chiffre atteindra même les 6.000 prisonniers à certains moments. Le travail y était terriblement difficile, et la mortalité très importante (avec une espérance de vie maximale estimée de 4 mois, cette mortalité a sans doute atteint 70 à 90% des effectifs), et l'on chiffre à au minimum 3.000 le nombre de détenus transférés ensuite au camp central pour y mourir (parmi eux, un français de 23 ans, Marcel Callo, travailleur du STO en Allemagne, membre des Jeunesses Ouvrières Chrétiennes, qui clandestinement, avec ses camarades, continuait à pratiquer malgré l'interdiction des nazis, sa religion. Arrêté pour cela, il est déporté en octobre 1944 à Gusen et travaille sur le chantier de la Bergkristall. En mars 1945, épuisé, il est transféré depuis Gusen vers le revier de Mauthausen pour y mourir le 19 du même mois. Il est béatifié par le pape Jean-Paul II en 1987). En mai 1945, à l'arrivée des troupes américaines, les tunnels de Sankt-Georgen sont achevés à 85%, il y a plus de 45.000 m² d'ateliers d'où sortaient depuis novembre 1944 des fuselages et des ailes de Me 262 qui étaient ensuite transportés dans le sud de l'Allemagne pour l'assemblage final (à terme, l'usine devait produire 1.250 avions par mois, on estime que le rythme était de 90 appareils par mois à la fin de la guerre). Un plan, visible dans le musée bordant le mémorial de Gusen, montrant la progression des travaux des tunnels de l'usine Bergkristall. Comme à Melk et Ebensee, il semble que les SS aient eu un moment l'intention de dynamiter les installations de Sankt-Georgen avec les prisonniers qui s'y trouvaient. Mais là aussi ils finirent par renoncer au projet. L'histoire de ce site ne s'arrête pas là. Les troupes américaines, dans l'immédiate après-guerre, vidèrent ce qu'ils purent de la Bergkristall avant que la zone ne tombe sous le contrôle des Soviétiques, qui s'emparèrent à leur tour de ce qui restait. Puis ils tentèrent, en vain, de faire disparaitre le complexe en le dynamitant. Après leur départ d'Autriche, le site, n'ayant pas d'existence légale, fut utilisé comme carrière de sable et même comme champignonnière. Un lotissement s'est construit au sommet de la colline, l'existence des tunnels étant, volontairement ou non, "oubliée" par beaucoup d'habitants. Dans les années 80 et 90 cependant, l'affaissement de certains tunnels menace ces maisons et en 2001, la République d'Autriche devient la propriétaire des lieux qu'elle confie à la société immobilière fédérale (BIG) qui procède à un remblaiement partiel puis définitif des tunnels pour stabiliser les terrains qui les surplombent. Depuis 2009, des Autrichiens redoublent d'effort pour que la mémoire du drame qui s'est joué là soit conservée. Martha Gammer nous a expliqué toute cette histoire devant ce que l'on peut encore voir de ce complexe, en précisant que les recherches pour mieux connaître ce site sont encore en cours (une partie des archives le concernant sont aux Etats-Unis). Quelques galeries peuvent être visitées certains jours de l'année, mais ce n'était malheureusement pas le cas ce 22 octobre 2017.Notre groupe écoutant Martha Gammer devant les panneaux d'information placés près de l'une des entrées des galeries du complexe Bergkristall.L'entrée de l'une des galeries.Vue de l'une des galeries (photographie wikipedia).

Cette présentation des différents sites que nous avons visité lors du voyage d’étude et de mémoire d’octobre 2017, organisé par l’Amicale de Mauthausen, est notre façon de rendre hommage à tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont souffert et pour beaucoup sont morts à Mauthausen et ses Kommandos. Il est difficile, presque impossible, de rendre compte de l’émotion qui nous a envahi quand sur les lieux, nous tentions de nous représenter ces horreurs, si difficiles à croire et qui pourtant furent vécues. Nous avons donc essayé de rendre ce travail le plus précis et le plus complet, en faisant des parallèles entre photographies de notre séjour et photographies d’époque, et en nous attachant à rappeler l’histoire de chaque lieu. Nous tenions tout d’abord à remercier tous ceux qui œuvrent à la conservation de ce souvenir, qui résistent sans cesse contre l’envie d’oublier. Ce combat, plus que jamais d’actualité en Autriche et ailleurs, est mené par des passionnés. Nous avons eu la chance de rencontrer certains de ces Autrichiens qui luttent pour ce devoir de mémoire et pour approfondir la connaissance de certains lieux, comme Mesdames Andrea Mühlhäuser et Martha Gammer, qui nous ont particulièrement marquées. Mais il convient aussi de rappeler que c’est d’abord grâce au Concours National de la Résistance, travaillé avec nos élèves, avec le soutien de la direction du collège Aristide Bruant de Courtenay, que nous avons eu la chance de rencontrer d’autres passionnés, français cette fois. Nous remercions donc M. Jacheet, pour son engagement dans la Fondation de la France Libre, qui en nous remettant ainsi qu'à deux jeunes lauréates du département le prix Yvette Choquet-Kohler, résistante déportée du Loiret aujourd’hui décédée, nous a permis de réaliser ce voyage. Nous voulions également témoigner notre très grande reconnaissance à M. et Mme Lafaurie, nos organisateurs, nos guides, pour leurs explications éclairées et leur bienveillance tout au long de ce séjour. Nous n’oublions pas non plus M. Bernard Orès, ancien déporté, qui par son témoignage et sa gentillesse, a enrichi notre exploration de ce sinistre passé, tout comme Mme Simone Bonnet, inépuisable source de connaissances sur le sujet, qui rend ainsi hommage à ce papa, mort à Mauthausen, qu’elle n’a pas eu le temps de suffisamment connaître. Enfin, nous adressons de sincères remerciements à tous les autres participants qui ont contribué, par leur gentillesse, à rendre cette découverte humaine, tout simplement.

Bibliographie

Bibliographie De nombreux documents ont été consultés lors de la réalisation de ce travail, mais il convient de mettre en évidence ceux que nous considérons comme des références, tant pour la quantité d’informations que nous avons pu y trouver que pour leur fiabilité. - Site internet de l’Amicale de Mauthausen (France) : http://www.campmauthausen.org/ - Site internet du IIIème Monument de l’Amicale de Mauthausen : http://www.monument-mauthausen.org/Accueil.html - Site internet du Mémorial de Mauthausen (Autriche) : https://www.mauthausen-memorial.org/fr - Le catalogue de l’exposition permanente du camp central est à notre sens un document exceptionnel : The Concentration Camp Mauthausen, 1938-1945 , New Academic Press, Vienne, 2013. - Site internet du Mémorial d’Ebensee (Autriche) : https://memorial-ebensee.at/website/index.php/de/ - Site internet consacré aux tunnels B9 Quarz à Roggendorf (Melk, Autriche) : http://www.quarz-roggendorf.at/index.php?id=28&L=0 - Site internet du United States Holocaust Memorial Museum, qui est une source exceptionnelle de photographies sur ces sujets : https://www.ushmm.org/ - Signalons enfin, qu’à la recherche de photographies libres de droits pour ce travail, nous avons pu avoir accès par l’intermédiaire de Wikipedia à des photographies placées sur Wikimedia Commons par les Archives Fédérales Allemandes en licence Creative Common.

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