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18 ministres

Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, 52 ans Pour diriger cet énorme ministère, Jean-Michel Blanquer, 52 ans, a un double atout. Il est à la fois un homme de la maison, l’un des meilleurs connaisseurs des arcanes et des acteurs de cette administration. Et un défricheur, un esprit libre qui a toujours placé l’expérimentation au cœur de son parcours. Agrégé de droit public, Jean-Michel Blanquer a été recteur de l’académie de Guyane de 2004 à 2006 puis de Créteil de 2007 à 2009. C’est dans ce difficile rectorat que l’homme commence à faire parler de lui en lançant des projets innovants, comme l’internat d’excellence. Jean-Michel blanquer est ensuite à la tête de la puissante direction de l’enseignement scolaire (Desco) sous le ministère de Luc Chatel. Après le retour de la gauche au pouvoir, il devient directeur général du groupe Essec. Réputé proche d’Alain Juppé, Jean-Michel Blanquer a publié l’an dernier un livre programme, L’École de demain, Propositions pour une éducation nationale rénovée (Odile Jacob). Au-delà des éternelles querelles opposant la pédagogie à la transmission, lui plaide pour une possible transformation du système. Une réussite qui s’appuie sur davantage d’autonomie donnée aux établissements, une rénovation du management, une déconcentration administrative. Autant de priorités qui pourraient avoir inspiré le projet éducatif d’Emmanuel Macron. Dans l’immédiat, le nouveau ministre devra s’atteler d’urgence à la réforme de la réduction à 12 élèves par classe en CP et CE1 dans l’éducation prioritaire, promise pour la rentrée.

Élisabeth Borne, ministre des transports, 56 ans Les transports, elle connaît. Depuis mai 2015, Élisabeth Borne était à la tête de la RATP, qui transporte quelque 14 millions de voyageurs chaque jour à travers la planète. Cette femme de 56 ans, la seconde après Anne-Marie Idrac à avoir été aux manettes de l’entreprise publique, est désormais ministre des transports auprès de Nicolas Hulot, lui-même ministre de la transition écologique et solidaire. Un domaine que cette polytechnicienne et ancienne ingénieure des Ponts et Chaussées, connaît aussi. Élisabeth Borne a en effet été la directrice de cabinet de Ségolène Royal au ministère de l’écologie, après avoir été préfète de Poitou-Charentes. Pour les acteurs du transport français, la nomination d’une spécialiste du secteur devrait être source de satisfaction. Cette femme, décrite par ceux qui l’approchent comme une très grande travailleuse, audacieuse et au caractère affirmé, a le plus souvent roulé sur les rails du service public et de la gauche. Après l’Équipement, elle a ainsi été la conseillère technique en charge notamment des transports auprès de Lionel Jospin, alors premier ministre, à partir de 1997, après avoir déjà collaboré avec ce dernier au ministère de l’éducation nationale, tout comme avec Jack Lang. Elle a aussi fait un voyage professionnel de quelques années à la SNCF en tant que directrice de la stratégie ou encore à la mairie de Paris à la direction générale de l’urbanisme. Élisabeth Borne a aussi fait quelques incursions dans le privé, notamment chez Eiffage.

Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, 69 ans Il a été l’un des six ministres socialistes restés en fonction tout au long du mandat de François Hollande, il aura 70 ans le 30 juin, et il rempile. Solide et populaire ministre de la défense sortant, Jean-Yves Le Drian apportera son influence et son expérience du pouvoir au nouveau président, qui lui confie le ministère « de l’Europe et des affaires étrangères », nouvel intitulé du Quai d’Orsay. Objectif : créer « une nouvelle dynamique » comme l’a dit le président à Berlin, pour consolider le projet européen. Calme et carré, Jean-Yves Le Drian se définit comme « une tombe ». Une image qui a collé avec le secret de ses missions, pour lesquelles François Hollande, rencontré en 1979, lui a laissé une large autonomie. « Ministre de la guerre », disait-il, il a été l’homme de la lutte contre le terrorisme, au Mali et dans la coalition en Irak et en Syrie. Vendeur d’armes hors pair aussi à l’export, il est parvenu à signer un contrat historique pour l’avion Rafale. Président de la région Bretagne, de 2004 à 2012 et depuis 2015 – une entorse à la règle de non-cumul tolérée après les attentats du 13 novembre –, Jean-Yves Le Drian semble parler aussi le « Macron », rassemblant en Bretagne au-delà des appareils de partis. Ancien militant de la Jeunesse étudiante chrétienne, entré en 1974 au PS, où il a créé les « transcourants » avec François Hollande, l’ancien maire de Lorient et député du Morbihan a scellé un accord régional avec des socialistes, communistes, régionalistes et écologistes.

Françoise Nyssen, 65 ans, ministre de la culture Ministre de la culture issue de la société civile, éditrice, Françoise Nyssen avait fait savoir le 6 mai qu’elle voterait Macron. La parole de la présidente des Éditions Actes Sud manifeste des nuances bruxelloises, sa patrie d’origine, mais aussi, derrière ses lunettes rondes, des essences scandinaves et provençales issues d’Arles, lieu où elle a fondé Actes sud avec son mari Jean-Paul Capitani, ingénieur agronome. Née en 1951, elle a animé durant quarante ans une maison d’édition aux livres reconnaissables : haute taille, papier sépia, typographie et maquettes sobres… et aux choix exigeants. D’abord chercheuse en biologie moléculaire, à la fin des années 1970, elle s’investit dans les comités de quartier bruxellois et se passionne pour l’urbanisme. Puis son père, Hubert Nyssen, lui transmet le virus de l’édition. « On accompagne des êtres d’exception », dit l’amie de Nancy Huston, Alice Ferney, Jérôme Ferrari, Paul Auster, Pierre Rabhi, Henry Bauchau, Nina Berberova, Laurent Gaudé et tant d’autres. Soucieuse de son indépendance (elle et son mari possèdent 95 % du capital), la tribu Nyssen a construit Actes Sud avec détermination. « On n’est pas des doux rêveurs », dit-elle. « Nous allions plaisir et nécessité. Les chiffres sont toujours au service du projet, et non l’inverse. » Éprouvée par le « drame qu’il ne faut pas vivre » – en février 2012, son fils Antoine, âgé de 18 ans « a décidé d’arrêter de vivre » –, Françoise Nyssen confiait en 2014 à La Croix « Ni croyante, ni baptisée, je pense qu’il est aujourd’hui l’ange qui éclaire notre chemin. »

Bruno Le Maire, ministre de l’économie, 48 ans Énarque et ancien directeur de cabinet du premier ministre Dominique de Villepin, Bruno Le Maire, 48 ans, apporte son expérience gouvernementale puisqu’il fut secrétaire d’État aux affaires européennes (2008-2009), puis ministre de l’agriculture (2009-2012) des gouvernements Fillon. Surtout, il est la première personnalité de droite à avoir formulé une offre de service à Emmanuel Macron. Favorable à un renouvellement des hommes et des pratiques, Bruno Le Maire a pris son autonomie politique fin 2012, lorsqu’il a tenté – sans succès – d’être candidat à la présidence de l’UMP (devenue Les Républicains). Deux ans plus tard, il récolte 29 % des voix derrière Nicolas Sarkozy (64,5 %). Il s’est alors forgé une équipe solide de fidèles (Laure de La Raudière, Thierry Solère, Arnaud Robinet, Sébastien Lecornu, Franck Riester) que l’on retrouve actuellement à la manœuvre, aux côtés de juppéistes et de Christian Estrosi, pour que la droite forme une coalition avec la nouvelle majorité présidentielle. Sonné en 2016 par son faible score à la primaire (2,4 %), il fut le premier à démissionner de l’équipe de campagne de François Fillon à l’annonce de la future mise en examen de celui-ci. Bruno Le Maire ne s’est quasiment jamais démarqué dans ses votes parlementaires de sa famille politique. Comme Édouard Philippe, avec lequel il partage le goût pour la littérature, il fut toutefois l’un des cinq députés LR à s’abstenir sur la loi ouvrant le mariage civil aux couples homosexuels. Il est marié et père de quatre garçons.

Gérard Collomb, ministre de l’intérieur, 69 ans Lors de la cérémonie d’installation du nouveau président de la République, Gérard Collomb était ému aux larmes. La réussite d’Emmanuel Macron, c’est un peu la sienne. Cofondateur du Pôle des réformateurs, l’aile droite du PS, il est l’un des premiers à avoir cru aux chances de l’ancien ministre de l’économie. Nommé ministre de l’intérieur avec rang de ministre d’État et numéro deux du gouvernement, Gérard Collomb, qui aura 70 ans le 20 juin, se trouve ainsi remercié pour son soutien inconditionnel et le bon usage qu’il a su faire de ses réseaux d’élus pour collecter les « 500 parrainages ». Une consécration pour cet élu, né dans un milieu ouvrier, agrégé de lettres classiques, et père de cinq enfants. Sénateur du Rhône depuis 1999, maire de Lyon depuis 2001 et président de la métropole de Lyon depuis le 1er janvier, Gérard Collomb a assumé à plusieurs reprises son opposition au non-cumul des mandats « qui tue la vie politique française », plaidant pour une spécificité du Sénat au nom de son statut de représentant des collectivités locales. Il a assumé aussi d’avoir été sanctionné pour son absentéisme dans la Haute assemblée. En revanche, il s’est déclaré favorable à « une réforme radicale » du Sénat sur le modèle du Bundesrat, la chambre haute allemande où siègent les présidents des Länder et les maires des villes-Etat. En tant que ministre chargé des cultes, Gérard Collomb, qui s’affirme franc-maçon, devrait se montrer favorable à un dialogue avec toutes les religions dans l’esprit d’une laïcité très ouverte qu’il cultive depuis longtemps dans sa ville.

Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, 62 ans Il a finalement rejoint les arcanes du pouvoir, lui qui en connaît bien les chausse-trappes. L’envie d’agir a été plus forte, alors qu’en matière d’environnement, le temps est compté. À 62 ans, Nicolas Hulot prend donc la tête d’un ministère de « la transition écologique et solidaire », poste stratégique pour mener la France vers une économie décarbonée. Ministre d’État, il devient numéro 2 du gouvernement. Une belle prise pour Emmanuel Macron, qui voit l’une des personnalités les plus populaires du pays le rejoindre. Sincère, déterminé, modeste… On reconnaît volontiers ces qualités à l’ancien journaliste, qui, comme il l’admet, n’est pas « né » écologiste mais a forgé ses convictions au fil des années, en particulier à travers « Ushuaia ». Animateur et producteur de l’émission, il y a côtoyé une nature peuplée de « merveilles » mais menacée ; il fut aussi témoin des tensions et des injustices causées par le changement climatique. S’il n’a jamais été ministre, le monde politique lui est familier. Éminence verte de plusieurs chefs de l’État, de Jacques Chirac et François Hollande, il fut l’une des chevilles ouvrières du Grenelle de l’environnement en 2007, puis de la Cop 21, qu’il a contribué à préparer comme envoyé spécial du président Hollande pour la planète. Le souvenir amer de sa défaite lors des primaires d’Europe Écologie les Verts, en 2012, est derrière lui. Il semblait alors vacciné de la politique… Cette fois encore, le chemin promet d’être ardu. D’autant que ses vues sur certains sujets clé, comme le nucléaire, divergent de celles d’Emmanuel Macron.

Laura Flessel, ministre des sports, 45 ans Une double championne olympique au ministère des sports. La nomination de l’ancienne escrimeuse Laura Flessel, surnommée « la Guêpe », dans le gouvernement d’Édouard Philippe constitue une surprise. Âgée de 45 ans, la native de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, a pris sa retraite sportive en 2012, à l’issue des Jeux olympiques de Londres, où elle était porte-drapeau de la délégation française. ­ Un rôle de « grande sœur » qui lui sied bien. L’épéiste a connu la consécration olympique à deux reprises en 1996 aux Jeux olympiques d’Atlanta (États-Unis), en individuel et par équipes. Tout au long de sa carrière, Laura Flessel, tant par ses résultats que son charisme, a été la vedette de sa discipline et l’une des personnalités marquante du sport français. Une fois son épée et son casque rangés, la Guadeloupéenne s’est consacrée à ses nombreux engagements humanitaires. Elle est notamment ambassadrice d’Handicap International et de l’ONG Plan France, spécialisée dans le parrainage d’enfants. L’ancienne épéiste n’a pas coupé le cordon avec le sport pour autant. Elle a intégré le Conseil national du sport en 2013, une instance de concertation qui examine la mise en œuvre de la politique sportive. Lors des derniers Jeux olympiques, elle a accompagné une escrimeuse italo-brésilienne et dirige également un club d’escrime à Clichy (Hauts-de-Seine). Comme la plupart des athlètes français, Laura Flessel s’est engagée avec force derrière la candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024. Ce dossier constituera désormais sa priorité.

Muriel Pénicaud, ministre du travail, 62 ans Depuis janvier 2015, Muriel Pénicaud est chargée, à la tête de l’agence publique Business France, de faire la promotion de l’Hexagone auprès des investisseurs étrangers. Mais ce sont ses expériences précédentes qui lui ont valu sa nomination comme ministre du travail. Un ministère qu’elle a fréquenté au début de sa vie professionnelle, jusqu’à devenir de 1991 à 1993 la conseillère de Martine Aubry sur la formation. L’essentiel de sa carrière s’est néanmoins déroulé dans le secteur privé : en 1993, cette diplômée d’histoire et de sciences de l’éducation entre au groupe Danone. Elle s’y occupe de formation et de ressources humaines avant de rejoindre Dassault systèmes en 2002. Elle revient six ans plus tard chez Danone pour prendre la tête des ressources humaines. Elle va développer à ce poste un système de couverture sociale pour les 100 000 salariés du groupe à travers le monde. C’est aussi sous sa houlette que s’instaure un système de rémunération pour les 1 500 directeurs du groupe intégrant des critères sociaux et environnementaux (nombre d’heures de formation par salarié, sécurité au travail ou la réduction de l’empreinte carbone). Personnalité consensuelle, Muriel Pénicaud est nommée en 2008 membre du Haut Conseil au dialogue social par le gouvernement de François Fillon, à qui elle rendra en février 2010 un rapport sur le « bien-être au travail ». Sa capacité de négociation va être rapidement mise à l’épreuve : elle sera en première ligne pour la réforme du Code du travail promise par Emmanuel Macron.

Jacques Mézard, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, 69 ans Sénateur du Cantal depuis 2008 et président du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) au palais du Luxembourg, Jacques Mézard, 69 ans, figure dans le petit cercle des premiers ralliés à Emmanuel Macron. Lors du congrès du Parti radical de gauche, réuni à La Rochelle, en septembre 2016, il défend une ligne d’indépendance à l’égard du PS et invite à ne pas participer à la primaire de la gauche. C’est ce qui le conduit à ne pas soutenir la candidature de la présidente du PRG, Sylvia Pinel, et à lui préférer le candidat d’En Marche ! « Macron incarne le renouveau. Il est capable de faire le pont entre nos valeurs et la modernité », déclare-t-il au journal La Montagne lors d’une visite d’Emmanuel Macron à Aurillac, sa ville de naissance, et dont il est conseiller municipal depuis 1983. Au Sénat, cet avocat de formation s’est surtout fait remarquer pour ses prises de position détonantes : en 2012, contre la loi réprimant la contestation de l’existence des génocides reconnus – que le Conseil constitutionnel finira par censurer –, en 2013 contre le projet de rénovation de la vie publique voulu par François Hollande. Cet homme de terrain âpre à défendre les valeurs du radicalisme – laïcité, défense de la ruralité, respect des élus – hérite d’un portefeuille où les dossiers sensibles ne manquent pas, alors que le monde paysan vit une crise multiforme depuis plusieurs années. Il lui appartiendra également d’organiser le Grenelle de l’alimentation promis par Emmanuel Macron et de mener pour la France les discussions sur la prochaine réforme de la politique agricole commune.

Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, 53 ans Avec Frédérique Vidal, c’est une professeure des universités en sciences de la vie qui fait son entrée au gouvernement. Native de Monaco, inconnue du grand public, elle devient l’une des ministres issues de la société civile, qu’Emmanuel Macron s’était engagé à mettre en avant. À la tête de l’université de Nice-Sophia-Antipolis depuis cinq ans, elle mettait son énergie au profit de nombreux projets dont le futur campus de Cannes prévu pour la rentrée 2019. Munie d’un DEA en virologie fondamentale et d’un doctorat en sciences de la vie, Frédérique Vidal a rejoint l’établissement niçois en 1995 avant d’en gravir les différents échelons. À ce parcours universitaire s’ajoute une longue expérience auprès de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur pour laquelle elle était experte depuis 2007. Son engagement européen a sans doute suscité également l’intérêt. Coresponsable du projet européen Tempus, visant à moderniser l’enseignement supérieur en Europe centrale, elle était aussi experte pour l’Union européenne dans le cadre de l’université euro-méditerranéenne depuis 2010. Enfin, durant ses années à la présidence de l’université niçoise, Frédérique Vidal a su affirmer quelques positions fortes, comme son attachement à un « enseignement supérieur sans frontières » contre la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers. Celle qui rêvait enfant de devenir pasteure n’imaginait sans doute pas se retrouver à la tête du monde universitaire.

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, 54 ans Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé ! Cette nomination surprise devrait faire enrager quelques mandarins des hôpitaux de Paris qui n’ont jamais digéré de voir une de leurs collègues femme gravir les marches du pouvoir dans le monde de la santé. Hématologue à l’hôpital Necker, Agnès Buzyn a dû sérieusement batailler, au début des années 2000, pour devenir professeur de médecine dans un univers encore largement peuplé d’hommes dans ses plus hautes sphères. « Ce qui prime, c’est surtout quelque chose qui se joue dans l’inconscient de ces hommes de pouvoir. Leur incapacité totale à penser qu’il est possible de nommer une femme à un poste de responsabilités », confiait-elle il y a un an à La Croix. Mise au placard par le chef de service dont elle était l’adjointe, Agnès Buzyn trouvera une planche de salut en 2008 en prenant la tête de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Mais c’est surtout à partir de 2011, au cours des cinq années à la présidence de l’Institut national du cancer, qu’elle va parvenir à s’imposer dans le monde de la santé. Au point d’être nommée, en mars 2016, à la tête de la Haute Autorité de santé par Marisol Touraine, qu’elle remplace aujourd’hui. Le terme de « solidarités » laisse en effet supposer qu’Agnès Buzyn s’occupera aussi des affaires sociales, de la famille et des personnes âgées. Elle est mariée à Yves Lévy, directeur général de l’Inserm, organisme placé sous la tutelle du ministère de la recherche et… de la santé.

Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, 34 ans Un temps proche de Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin, 34 ans, est vice-président LR de Xavier Bertrand au conseil régional des Hauts-de-France. Il n’appartient pas à la droite modérée et libérale, celle qui est la plus spontanément compatible avec Emmanuel Macron sur les questions économiques comme sociétales. Issu d’un milieu populaire avec un père bistrotier et une mère femme de ménage, Gérald Darmanin se rattache à la droite gaulliste. Cette fibre lui vient de son grand-père, tirailleur algérien de la Seconde Guerre mondiale puis harki durant la Guerre d’Algérie, dont il a aussi hérité son second prénom, Moussa. Après les propos d’Emmanuel Macron sur la colonisation « crime contre l’humanité », il avait ainsi fustigé un candidat « incapable de porter le costume de chef de l’État ». Diplômé de Sciences-Po Lille, Gérald Darmanin a été élu député en 2012 puis maire de Tourcoing en 2014. Directeur de campagne de Xavier Bertrand aux élections régionales, il a démissionné en 2016 de l’Assemblée nationale afin de continuer à exercer ses fonctions exécutives locales. Le jeune ministre – chargé du budget, de la sécurité sociale, de la fonction publique et de la réforme de l’État – fait partie des élus qui cessèrent, en mars, de soutenir la candidature de François Fillon en cosignant une tribune rédigée par Édouard Philippe afin de « tirer le signal d’alarme ». Il est plus récemment le premier signataire du communiqué appelant la droite à former une coalition avec la nouvelle majorité présidentielle.

Annick Girardin, ministre des Outre-mer, 52 ans Nommée ministre des outre-mer, Annick Girardin, 52 ans, est, avec Jean-Yves Le Drian, l’autre membre l’équipe sortante de Bernard Cazeneuve qui reste au gouvernement. Ancienne députée de Saint-Pierre-et-Miquelon, archipel français au large du Canada, au sud de l’île de Terre-Neuve, elle prend le relais de la Réunionnaise Ericka Bareigts, qui avait dû monter en première ligne lors de la crise sociale à la Guyane, en avril. Annick Girardin est aussi, avec Jacques Mézard, nouveau ministre de l’agriculture et de l’alimentation, l’autre représentante du Parti radical de gauche à participer au gouvernement Philippe. En 2014, Annick Girardin était entrée dans l’équipe de Manuel Valls, d’abord comme secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie, puis comme ministre de la fonction publique. Dans son premier portefeuille, elle avait notamment parcouru le monde pour motiver les pays vulnérables et insulaires avant la COP21 sur le changement climatique. À la tête des outre-mer, elle devra appliquer la feuille de route du nouveau président. Emmanuel Macron a proposé un milliard d’euros sur 5 ans pour le financement d’investissements collectifs des territoires ultramarins, le développement d’un Erasmus caribéen ainsi que la création d’écoles de formation de gendarmes adjoints et d’adjoints de sécurité. Peut-être remettra-t-elle sur le métier la question de l’évolution du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon enterré par l’exécutif précédent.

18 ministres

Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, 52 ans Pour diriger cet énorme ministère, Jean-Michel Blanquer, 52 ans, a un double atout. Il est à la fois un homme de la maison, l’un des meilleurs connaisseurs des arcanes et des acteurs de cette administration. Et un défricheur, un esprit libre qui a toujours placé l’expérimentation au cœur de son parcours. Agrégé de droit public, Jean-Michel Blanquer a été recteur de l’académie de Guyane de 2004 à 2006 puis de Créteil de 2007 à 2009. C’est dans ce difficile rectorat que l’homme commence à faire parler de lui en lançant des projets innovants, comme l’internat d’excellence. Jean-Michel blanquer est ensuite à la tête de la puissante direction de l’enseignement scolaire (Desco) sous le ministère de Luc Chatel. Après le retour de la gauche au pouvoir, il devient directeur général du groupe Essec. Réputé proche d’Alain Juppé, Jean-Michel Blanquer a publié l’an dernier un livre programme, L’École de demain, Propositions pour une éducation nationale rénovée (Odile Jacob). Au-delà des éternelles querelles opposant la pédagogie à la transmission, lui plaide pour une possible transformation du système. Une réussite qui s’appuie sur davantage d’autonomie donnée aux établissements, une rénovation du management, une déconcentration administrative. Autant de priorités qui pourraient avoir inspiré le projet éducatif d’Emmanuel Macron. Dans l’immédiat, le nouveau ministre devra s’atteler d’urgence à la réforme de la réduction à 12 élèves par classe en CP et CE1 dans l’éducation prioritaire, promise pour la rentrée.

Élisabeth Borne, ministre des transports, 56 ans Les transports, elle connaît. Depuis mai 2015, Élisabeth Borne était à la tête de la RATP, qui transporte quelque 14 millions de voyageurs chaque jour à travers la planète. Cette femme de 56 ans, la seconde après Anne-Marie Idrac à avoir été aux manettes de l’entreprise publique, est désormais ministre des transports auprès de Nicolas Hulot, lui-même ministre de la transition écologique et solidaire. Un domaine que cette polytechnicienne et ancienne ingénieure des Ponts et Chaussées, connaît aussi. Élisabeth Borne a en effet été la directrice de cabinet de Ségolène Royal au ministère de l’écologie, après avoir été préfète de Poitou-Charentes. Pour les acteurs du transport français, la nomination d’une spécialiste du secteur devrait être source de satisfaction. Cette femme, décrite par ceux qui l’approchent comme une très grande travailleuse, audacieuse et au caractère affirmé, a le plus souvent roulé sur les rails du service public et de la gauche. Après l’Équipement, elle a ainsi été la conseillère technique en charge notamment des transports auprès de Lionel Jospin, alors premier ministre, à partir de 1997, après avoir déjà collaboré avec ce dernier au ministère de l’éducation nationale, tout comme avec Jack Lang. Elle a aussi fait un voyage professionnel de quelques années à la SNCF en tant que directrice de la stratégie ou encore à la mairie de Paris à la direction générale de l’urbanisme. Élisabeth Borne a aussi fait quelques incursions dans le privé, notamment chez Eiffage.

Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, 69 ans Il a été l’un des six ministres socialistes restés en fonction tout au long du mandat de François Hollande, il aura 70 ans le 30 juin, et il rempile. Solide et populaire ministre de la défense sortant, Jean-Yves Le Drian apportera son influence et son expérience du pouvoir au nouveau président, qui lui confie le ministère « de l’Europe et des affaires étrangères », nouvel intitulé du Quai d’Orsay. Objectif : créer « une nouvelle dynamique » comme l’a dit le président à Berlin, pour consolider le projet européen. Calme et carré, Jean-Yves Le Drian se définit comme « une tombe ». Une image qui a collé avec le secret de ses missions, pour lesquelles François Hollande, rencontré en 1979, lui a laissé une large autonomie. « Ministre de la guerre », disait-il, il a été l’homme de la lutte contre le terrorisme, au Mali et dans la coalition en Irak et en Syrie. Vendeur d’armes hors pair aussi à l’export, il est parvenu à signer un contrat historique pour l’avion Rafale. Président de la région Bretagne, de 2004 à 2012 et depuis 2015 – une entorse à la règle de non-cumul tolérée après les attentats du 13 novembre –, Jean-Yves Le Drian semble parler aussi le « Macron », rassemblant en Bretagne au-delà des appareils de partis. Ancien militant de la Jeunesse étudiante chrétienne, entré en 1974 au PS, où il a créé les « transcourants » avec François Hollande, l’ancien maire de Lorient et député du Morbihan a scellé un accord régional avec des socialistes, communistes, régionalistes et écologistes.

Françoise Nyssen, 65 ans, ministre de la culture Ministre de la culture issue de la société civile, éditrice, Françoise Nyssen avait fait savoir le 6 mai qu’elle voterait Macron. La parole de la présidente des Éditions Actes Sud manifeste des nuances bruxelloises, sa patrie d’origine, mais aussi, derrière ses lunettes rondes, des essences scandinaves et provençales issues d’Arles, lieu où elle a fondé Actes sud avec son mari Jean-Paul Capitani, ingénieur agronome. Née en 1951, elle a animé durant quarante ans une maison d’édition aux livres reconnaissables : haute taille, papier sépia, typographie et maquettes sobres… et aux choix exigeants. D’abord chercheuse en biologie moléculaire, à la fin des années 1970, elle s’investit dans les comités de quartier bruxellois et se passionne pour l’urbanisme. Puis son père, Hubert Nyssen, lui transmet le virus de l’édition. « On accompagne des êtres d’exception », dit l’amie de Nancy Huston, Alice Ferney, Jérôme Ferrari, Paul Auster, Pierre Rabhi, Henry Bauchau, Nina Berberova, Laurent Gaudé et tant d’autres. Soucieuse de son indépendance (elle et son mari possèdent 95 % du capital), la tribu Nyssen a construit Actes Sud avec détermination. « On n’est pas des doux rêveurs », dit-elle. « Nous allions plaisir et nécessité. Les chiffres sont toujours au service du projet, et non l’inverse. » Éprouvée par le « drame qu’il ne faut pas vivre » – en février 2012, son fils Antoine, âgé de 18 ans « a décidé d’arrêter de vivre » –, Françoise Nyssen confiait en 2014 à La Croix « Ni croyante, ni baptisée, je pense qu’il est aujourd’hui l’ange qui éclaire notre chemin. »

Bruno Le Maire, ministre de l’économie, 48 ans Énarque et ancien directeur de cabinet du premier ministre Dominique de Villepin, Bruno Le Maire, 48 ans, apporte son expérience gouvernementale puisqu’il fut secrétaire d’État aux affaires européennes (2008-2009), puis ministre de l’agriculture (2009-2012) des gouvernements Fillon. Surtout, il est la première personnalité de droite à avoir formulé une offre de service à Emmanuel Macron. Favorable à un renouvellement des hommes et des pratiques, Bruno Le Maire a pris son autonomie politique fin 2012, lorsqu’il a tenté – sans succès – d’être candidat à la présidence de l’UMP (devenue Les Républicains). Deux ans plus tard, il récolte 29 % des voix derrière Nicolas Sarkozy (64,5 %). Il s’est alors forgé une équipe solide de fidèles (Laure de La Raudière, Thierry Solère, Arnaud Robinet, Sébastien Lecornu, Franck Riester) que l’on retrouve actuellement à la manœuvre, aux côtés de juppéistes et de Christian Estrosi, pour que la droite forme une coalition avec la nouvelle majorité présidentielle. Sonné en 2016 par son faible score à la primaire (2,4 %), il fut le premier à démissionner de l’équipe de campagne de François Fillon à l’annonce de la future mise en examen de celui-ci. Bruno Le Maire ne s’est quasiment jamais démarqué dans ses votes parlementaires de sa famille politique. Comme Édouard Philippe, avec lequel il partage le goût pour la littérature, il fut toutefois l’un des cinq députés LR à s’abstenir sur la loi ouvrant le mariage civil aux couples homosexuels. Il est marié et père de quatre garçons.

Gérard Collomb, ministre de l’intérieur, 69 ans Lors de la cérémonie d’installation du nouveau président de la République, Gérard Collomb était ému aux larmes. La réussite d’Emmanuel Macron, c’est un peu la sienne. Cofondateur du Pôle des réformateurs, l’aile droite du PS, il est l’un des premiers à avoir cru aux chances de l’ancien ministre de l’économie. Nommé ministre de l’intérieur avec rang de ministre d’État et numéro deux du gouvernement, Gérard Collomb, qui aura 70 ans le 20 juin, se trouve ainsi remercié pour son soutien inconditionnel et le bon usage qu’il a su faire de ses réseaux d’élus pour collecter les « 500 parrainages ». Une consécration pour cet élu, né dans un milieu ouvrier, agrégé de lettres classiques, et père de cinq enfants. Sénateur du Rhône depuis 1999, maire de Lyon depuis 2001 et président de la métropole de Lyon depuis le 1er janvier, Gérard Collomb a assumé à plusieurs reprises son opposition au non-cumul des mandats « qui tue la vie politique française », plaidant pour une spécificité du Sénat au nom de son statut de représentant des collectivités locales. Il a assumé aussi d’avoir été sanctionné pour son absentéisme dans la Haute assemblée. En revanche, il s’est déclaré favorable à « une réforme radicale » du Sénat sur le modèle du Bundesrat, la chambre haute allemande où siègent les présidents des Länder et les maires des villes-Etat. En tant que ministre chargé des cultes, Gérard Collomb, qui s’affirme franc-maçon, devrait se montrer favorable à un dialogue avec toutes les religions dans l’esprit d’une laïcité très ouverte qu’il cultive depuis longtemps dans sa ville.

Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, 62 ans Il a finalement rejoint les arcanes du pouvoir, lui qui en connaît bien les chausse-trappes. L’envie d’agir a été plus forte, alors qu’en matière d’environnement, le temps est compté. À 62 ans, Nicolas Hulot prend donc la tête d’un ministère de « la transition écologique et solidaire », poste stratégique pour mener la France vers une économie décarbonée. Ministre d’État, il devient numéro 2 du gouvernement. Une belle prise pour Emmanuel Macron, qui voit l’une des personnalités les plus populaires du pays le rejoindre. Sincère, déterminé, modeste… On reconnaît volontiers ces qualités à l’ancien journaliste, qui, comme il l’admet, n’est pas « né » écologiste mais a forgé ses convictions au fil des années, en particulier à travers « Ushuaia ». Animateur et producteur de l’émission, il y a côtoyé une nature peuplée de « merveilles » mais menacée ; il fut aussi témoin des tensions et des injustices causées par le changement climatique. S’il n’a jamais été ministre, le monde politique lui est familier. Éminence verte de plusieurs chefs de l’État, de Jacques Chirac et François Hollande, il fut l’une des chevilles ouvrières du Grenelle de l’environnement en 2007, puis de la Cop 21, qu’il a contribué à préparer comme envoyé spécial du président Hollande pour la planète. Le souvenir amer de sa défaite lors des primaires d’Europe Écologie les Verts, en 2012, est derrière lui. Il semblait alors vacciné de la politique… Cette fois encore, le chemin promet d’être ardu. D’autant que ses vues sur certains sujets clé, comme le nucléaire, divergent de celles d’Emmanuel Macron.

Laura Flessel, ministre des sports, 45 ans Une double championne olympique au ministère des sports. La nomination de l’ancienne escrimeuse Laura Flessel, surnommée « la Guêpe », dans le gouvernement d’Édouard Philippe constitue une surprise. Âgée de 45 ans, la native de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, a pris sa retraite sportive en 2012, à l’issue des Jeux olympiques de Londres, où elle était porte-drapeau de la délégation française. ­ Un rôle de « grande sœur » qui lui sied bien. L’épéiste a connu la consécration olympique à deux reprises en 1996 aux Jeux olympiques d’Atlanta (États-Unis), en individuel et par équipes. Tout au long de sa carrière, Laura Flessel, tant par ses résultats que son charisme, a été la vedette de sa discipline et l’une des personnalités marquante du sport français. Une fois son épée et son casque rangés, la Guadeloupéenne s’est consacrée à ses nombreux engagements humanitaires. Elle est notamment ambassadrice d’Handicap International et de l’ONG Plan France, spécialisée dans le parrainage d’enfants. L’ancienne épéiste n’a pas coupé le cordon avec le sport pour autant. Elle a intégré le Conseil national du sport en 2013, une instance de concertation qui examine la mise en œuvre de la politique sportive. Lors des derniers Jeux olympiques, elle a accompagné une escrimeuse italo-brésilienne et dirige également un club d’escrime à Clichy (Hauts-de-Seine). Comme la plupart des athlètes français, Laura Flessel s’est engagée avec force derrière la candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024. Ce dossier constituera désormais sa priorité.

Muriel Pénicaud, ministre du travail, 62 ans Depuis janvier 2015, Muriel Pénicaud est chargée, à la tête de l’agence publique Business France, de faire la promotion de l’Hexagone auprès des investisseurs étrangers. Mais ce sont ses expériences précédentes qui lui ont valu sa nomination comme ministre du travail. Un ministère qu’elle a fréquenté au début de sa vie professionnelle, jusqu’à devenir de 1991 à 1993 la conseillère de Martine Aubry sur la formation. L’essentiel de sa carrière s’est néanmoins déroulé dans le secteur privé : en 1993, cette diplômée d’histoire et de sciences de l’éducation entre au groupe Danone. Elle s’y occupe de formation et de ressources humaines avant de rejoindre Dassault systèmes en 2002. Elle revient six ans plus tard chez Danone pour prendre la tête des ressources humaines. Elle va développer à ce poste un système de couverture sociale pour les 100 000 salariés du groupe à travers le monde. C’est aussi sous sa houlette que s’instaure un système de rémunération pour les 1 500 directeurs du groupe intégrant des critères sociaux et environnementaux (nombre d’heures de formation par salarié, sécurité au travail ou la réduction de l’empreinte carbone). Personnalité consensuelle, Muriel Pénicaud est nommée en 2008 membre du Haut Conseil au dialogue social par le gouvernement de François Fillon, à qui elle rendra en février 2010 un rapport sur le « bien-être au travail ». Sa capacité de négociation va être rapidement mise à l’épreuve : elle sera en première ligne pour la réforme du Code du travail promise par Emmanuel Macron.

Jacques Mézard, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, 69 ans Sénateur du Cantal depuis 2008 et président du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) au palais du Luxembourg, Jacques Mézard, 69 ans, figure dans le petit cercle des premiers ralliés à Emmanuel Macron. Lors du congrès du Parti radical de gauche, réuni à La Rochelle, en septembre 2016, il défend une ligne d’indépendance à l’égard du PS et invite à ne pas participer à la primaire de la gauche. C’est ce qui le conduit à ne pas soutenir la candidature de la présidente du PRG, Sylvia Pinel, et à lui préférer le candidat d’En Marche ! « Macron incarne le renouveau. Il est capable de faire le pont entre nos valeurs et la modernité », déclare-t-il au journal La Montagne lors d’une visite d’Emmanuel Macron à Aurillac, sa ville de naissance, et dont il est conseiller municipal depuis 1983. Au Sénat, cet avocat de formation s’est surtout fait remarquer pour ses prises de position détonantes : en 2012, contre la loi réprimant la contestation de l’existence des génocides reconnus – que le Conseil constitutionnel finira par censurer –, en 2013 contre le projet de rénovation de la vie publique voulu par François Hollande. Cet homme de terrain âpre à défendre les valeurs du radicalisme – laïcité, défense de la ruralité, respect des élus – hérite d’un portefeuille où les dossiers sensibles ne manquent pas, alors que le monde paysan vit une crise multiforme depuis plusieurs années. Il lui appartiendra également d’organiser le Grenelle de l’alimentation promis par Emmanuel Macron et de mener pour la France les discussions sur la prochaine réforme de la politique agricole commune.

Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, 53 ans Avec Frédérique Vidal, c’est une professeure des universités en sciences de la vie qui fait son entrée au gouvernement. Native de Monaco, inconnue du grand public, elle devient l’une des ministres issues de la société civile, qu’Emmanuel Macron s’était engagé à mettre en avant. À la tête de l’université de Nice-Sophia-Antipolis depuis cinq ans, elle mettait son énergie au profit de nombreux projets dont le futur campus de Cannes prévu pour la rentrée 2019. Munie d’un DEA en virologie fondamentale et d’un doctorat en sciences de la vie, Frédérique Vidal a rejoint l’établissement niçois en 1995 avant d’en gravir les différents échelons. À ce parcours universitaire s’ajoute une longue expérience auprès de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur pour laquelle elle était experte depuis 2007. Son engagement européen a sans doute suscité également l’intérêt. Coresponsable du projet européen Tempus, visant à moderniser l’enseignement supérieur en Europe centrale, elle était aussi experte pour l’Union européenne dans le cadre de l’université euro-méditerranéenne depuis 2010. Enfin, durant ses années à la présidence de l’université niçoise, Frédérique Vidal a su affirmer quelques positions fortes, comme son attachement à un « enseignement supérieur sans frontières » contre la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers. Celle qui rêvait enfant de devenir pasteure n’imaginait sans doute pas se retrouver à la tête du monde universitaire.

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, 54 ans Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé ! Cette nomination surprise devrait faire enrager quelques mandarins des hôpitaux de Paris qui n’ont jamais digéré de voir une de leurs collègues femme gravir les marches du pouvoir dans le monde de la santé. Hématologue à l’hôpital Necker, Agnès Buzyn a dû sérieusement batailler, au début des années 2000, pour devenir professeur de médecine dans un univers encore largement peuplé d’hommes dans ses plus hautes sphères. « Ce qui prime, c’est surtout quelque chose qui se joue dans l’inconscient de ces hommes de pouvoir. Leur incapacité totale à penser qu’il est possible de nommer une femme à un poste de responsabilités », confiait-elle il y a un an à La Croix. Mise au placard par le chef de service dont elle était l’adjointe, Agnès Buzyn trouvera une planche de salut en 2008 en prenant la tête de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Mais c’est surtout à partir de 2011, au cours des cinq années à la présidence de l’Institut national du cancer, qu’elle va parvenir à s’imposer dans le monde de la santé. Au point d’être nommée, en mars 2016, à la tête de la Haute Autorité de santé par Marisol Touraine, qu’elle remplace aujourd’hui. Le terme de « solidarités » laisse en effet supposer qu’Agnès Buzyn s’occupera aussi des affaires sociales, de la famille et des personnes âgées. Elle est mariée à Yves Lévy, directeur général de l’Inserm, organisme placé sous la tutelle du ministère de la recherche et… de la santé.

Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, 34 ans Un temps proche de Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin, 34 ans, est vice-président LR de Xavier Bertrand au conseil régional des Hauts-de-France. Il n’appartient pas à la droite modérée et libérale, celle qui est la plus spontanément compatible avec Emmanuel Macron sur les questions économiques comme sociétales. Issu d’un milieu populaire avec un père bistrotier et une mère femme de ménage, Gérald Darmanin se rattache à la droite gaulliste. Cette fibre lui vient de son grand-père, tirailleur algérien de la Seconde Guerre mondiale puis harki durant la Guerre d’Algérie, dont il a aussi hérité son second prénom, Moussa. Après les propos d’Emmanuel Macron sur la colonisation « crime contre l’humanité », il avait ainsi fustigé un candidat « incapable de porter le costume de chef de l’État ». Diplômé de Sciences-Po Lille, Gérald Darmanin a été élu député en 2012 puis maire de Tourcoing en 2014. Directeur de campagne de Xavier Bertrand aux élections régionales, il a démissionné en 2016 de l’Assemblée nationale afin de continuer à exercer ses fonctions exécutives locales. Le jeune ministre – chargé du budget, de la sécurité sociale, de la fonction publique et de la réforme de l’État – fait partie des élus qui cessèrent, en mars, de soutenir la candidature de François Fillon en cosignant une tribune rédigée par Édouard Philippe afin de « tirer le signal d’alarme ». Il est plus récemment le premier signataire du communiqué appelant la droite à former une coalition avec la nouvelle majorité présidentielle.

Annick Girardin, ministre des Outre-mer, 52 ans Nommée ministre des outre-mer, Annick Girardin, 52 ans, est, avec Jean-Yves Le Drian, l’autre membre l’équipe sortante de Bernard Cazeneuve qui reste au gouvernement. Ancienne députée de Saint-Pierre-et-Miquelon, archipel français au large du Canada, au sud de l’île de Terre-Neuve, elle prend le relais de la Réunionnaise Ericka Bareigts, qui avait dû monter en première ligne lors de la crise sociale à la Guyane, en avril. Annick Girardin est aussi, avec Jacques Mézard, nouveau ministre de l’agriculture et de l’alimentation, l’autre représentante du Parti radical de gauche à participer au gouvernement Philippe. En 2014, Annick Girardin était entrée dans l’équipe de Manuel Valls, d’abord comme secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie, puis comme ministre de la fonction publique. Dans son premier portefeuille, elle avait notamment parcouru le monde pour motiver les pays vulnérables et insulaires avant la COP21 sur le changement climatique. À la tête des outre-mer, elle devra appliquer la feuille de route du nouveau président. Emmanuel Macron a proposé un milliard d’euros sur 5 ans pour le financement d’investissements collectifs des territoires ultramarins, le développement d’un Erasmus caribéen ainsi que la création d’écoles de formation de gendarmes adjoints et d’adjoints de sécurité. Peut-être remettra-t-elle sur le métier la question de l’évolution du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon enterré par l’exécutif précédent.