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Des pouvoirs du Président de la république en cas de crise : Pourquoi le président de la République François Hollande veut-il réviser la constitution de la Ve République ?

P.Mériaux, Académie de Lyon

Lundi 16 novembre, à Versailles devant le congrès, le Président de la République souhaite une révision de la constitution

Pleins Pouvoirs, état de siège et état d'urgence : 3 mesures d'exception en cas de crise

Quelles différences ? Quel équilibre entre les pouvoirs ?

Une mesure constitutionnelle : l'état de siège (Art-36 de la Constitution)

« L'état de siège est décrété en Conseil des ministres. Sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par le Parlement. » — Article 36 de la Constitution du 4 octobre 19581 .

L'état de siège ne peut être déclaré, par décret en conseil des ministres, qu'en cas de péril imminent résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection armée. Le décret désigne le territoire auquel il s'applique et détermine sa durée d'application. Article L2121-1, code de la Défense

Aussitôt l'état de siège décrété, les pouvoirs dont l'autorité civile était investie pour le maintien de l'ordre et la police sont transférés à l'autorité militaire. L'autorité civile continue à exercer ses autres attributions.Article L2121-2, Code de la Défense

NB : l'état de siège n'a jamais été utilisé sous la Ve République

Une mesure constitutionnelle : Les pleins pouvoirs

Le 23 avril 1961 suite au "Putsch des généraux" en Algérie, le président de la République Charles de Gaulle annonce aux français la mise en application de l'article 16 de la Constitution lui conférant les "pleins pouvoirs".

« Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. Il en informe la Nation par un message. Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet. Le Parlement se réunit de plein droit. L'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels. Après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs (modification de 2008),aux fins d'examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. » — Article 16 de la Constitution, version en vigueur depuis le 23 juillet 2008

Article 16 de la Constitution du 4.10.1958

L'article 16 a souvent été dénoncé car il montre le caractère présidentiel de la Ve République et peut s'avérer dangereux. En 1964, François Mitterrand dans son ouvrage "le coup d'Etat permanent" dénonce les pouvoirs du président.

« Qu'est-ce que la Ve République sinon la possession du pouvoir par un seul homme dont la moindre défaillance est guettée avec une égale attention par ses adversaires et par le clan de ses amis ? Magistrature temporaire ? Monarchie personnelle ? Consulat à vie ? pachalik ? Et qui est-il, lui, de Gaulle ? duce, führer, caudillo, conducator, guide ? A quoi bon poser ces questions ? Les spécialistes du Droit constitutionnel eux-mêmes ont perdu pied et ne se livrent que par habitude au petit jeu des définitions. J'appelle le régime gaulliste dictature parce que, tout compte fait, c'est à cela qu'il ressemble le plus, parce que c'est vers un renforcement continu du pouvoir personnel qu'inéluctablement il tend, parce qu'il ne dépend plus de lui de changer de cap.François Mitterrand, Le coup d'Etat permanent, Plon, 1964.

L'état d'urgence : une diposition légisaltive de 1955

Suite aux attentats en Algérie organisé par le FLN (Front de Libération National Algérien) en novembre 1954, le Parlement vote une loi permettant l'instauration de l'Etat d'urgence. Cette loi est utilisé à plusieurs reprises.

  • En 1958 suite aux manifestations du 13 mai 1958 en Algérie
  • En 1961, par le général De Gaulle suite au Putsch des Généraux
  • En 1984 suite aux manifestations indépendantistes en Nouvelle Calédonie par François Mitterrand
  • En 2005 suite aux émeutes urbaines de novembre par Jacques Chirac
  • En novmbre 2015 suite aux attentats du 13.11.2015 par François Hollande

Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relatif à l'état d'urgence Article 1 L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des départements d'outre-mer, des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. Article 2 L'état d'urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres. Ce décret détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur. Dans la limite de ces circonscriptions, les zones où l'état d'urgence recevra application seront fixées par décret. La prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Article 5 La déclaration de l'état d'urgence donne pouvoir au préfet dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2 : 1° D'interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ; 2° D'instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ; 3° D'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics.

.Mais y a-t-il vraiment besoin d'un nouveau dispositif dans la Constitution ? - Ce que propose le président de la République, c'est de faire que l'état d'urgence soit au même niveau d'importance que l'état de siège et l'article 16 qui sont, pour l'instant, les deux seules armes constitutionnelles. L'état d'urgence est une arme législative. Il s'agit donc de le faire passer d'arme législative à arme constitutionnelle afin de lui donner une force aussi importante que les deux autres. Concrètement, quel sera l'intérêt de ce dispositif ? - Il va permettre de solidifier, de consolider l'état d'urgence comme arme constitutionnelle de lutte contre le terrorisme. Jusqu'à présent, c'est une arme fragile puisqu'elle n'est que de rang législatif. Car n'oublions pas que la Constitution est le texte suprême de notre vivre ensemble. Si dans cet acte-là, il y a l'état d'urgence, cela renforce la légitimité de l'utilisation de cette arme en cas de situation dramatique comme celle qu'on a vécu vendredi. Comment cela va-t-il se faire ? - Soit la révision constitutionnelle est ratifiée par le Congrès, à la majorité des trois cinquièmes. Soit elle est ratifiée par le peuple, par la voie du référendum. C'est le président de la République qui choisira la voie qui lui paraîtra le plus appropriée le moment venu. Dans le contexte actuel, quel devrait être le plus logique ? - Le plus logique serait le Congrès. Mais si, au vu des dernières déclarations de la droite qui dit qu'elle ne veut pas de cette révision, à ce moment-là, le président de la République pourrait décider que cela se fasse par référendum. Tout va dépendre de l'attitude de l'opposition. S'il y a référendum, la question peut-elle être ajoutée lors des élections régionales ? - Non, pas du tout. Ce serait un vote particulier, comme il y a eu le référendum pour passer du septennat au quinquennat. S'il y a référendum, il y a des délais à respecter. Si François Hollande choisissait cette voie, le référendum aurait vraisemblablement lieu en janvier. Propos recueillis par Louis Morice http://tempsreel.nouvelobs.com/attentats-terroristes-a-paris/20151116.OBS9617/reviser-la-constitution-tout-va-dependre-de-l-attitude-de-l-opposition.html, 16.11.2015, Nouvel Observateur.

Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, explique pourquoi François Hollande veut faire évoluer le texte. Interview (extraits).

Révision de la Constitution et Pouvoirs présidentiels

Adaptation de la loi fondamentale aux changments politiques et/ou sociaux:

  • 1958 : Une nouvelle constitution pour répondre à une crise politique et coloniale : la Ve République
  • 1962 : élection du Président de la République au suffrage universel direct (à la place du suffrage universel indirect entre 58-62)
  • 1974 : abaissement de la majorité à 18 ans
  • 2000 : Quinquennat (remplace le Septennat)
  • 2008 : renforcement des pouvoirs du parlement sur l'exécutif : ex : art 16 audelà de 30jours contrôle du Parlement.

Un pouvoir exécutif présidentiel fort :

  • Définit par la constitution
  • Chef de l'Etat, garant de l'indépendance nationale et de la justice
  • Assure la continuité de l'Etat
  • Nomme le gouvernement
  • Droit de dissolution de l'Assemblée nationale (sauf pendant l'exercice des plenis pouvoirs)
  • Chef des armées
  • Art 16 Pleins Pouvoirs en cas de crise grave.
  • Organisation de Réferendum

Mais un pouvoir contrôlé par le Parlement

  • Révision de la Constitution à la majorité des 3/5ème du Congrès
  • Contrôle de l'art 16 par saisie du Conseil Constitutionnel après 30 jours d'exercice.
  • Confiance / Censure de l'Assemblée Nationale sur le gouvernement.

La Ve République, un régime semi-présidentiel